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Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar hokousai » 17 janv. 2013, 23:53

à Vanleers

La question est difficile car, comme l’écrit Charles Ramond « Spinoza ne définit jamais l’étendue attribut » (op. cit. dans le post précédent p. 34)
J' ai lu chez Peirce quelque chose en rapport avec cela

Un livre récent et admiré sur la « Mécanique analytique » déclare qu'on saisit avec précision l'effet d'une force, mais que ce qu'est la force en elle-même, on ne le comprend pas. Ceci est simplement contradictoire ; l’idée que le mot force fait naître dans l'esprit ne peut faire autre chose que d'affecter nos actions, et ces actions ne peuvent avoir de rapports avec la force que par l'intermédiaire de ses effets. Par conséquent, connaissant les effets de la force, on connaît tous les faits impliqués dans l'affirmation de l'existence d'une force, et il n'y a rien de plus à savoir. La vérité est qu'il circule la notion vague qu'une question peut renfermer quelque chose que l'esprit ne peut concevoir. Lorsqu'on a mis en face de l'absurdité d'une telle vue certains philosophes, ils ont imaginé une vaine distinction entre des conceptions positives et des conceptions négatives, dans un effort pour donner à leur idée vide une forme moins manifestement saugrenue. Le néant de cette tentative ressort suffisamment des considérations exposées quelques pages plus haut. A défaut de cela, le caractère captieux de la distinction imaginée doit avoir frappé tout esprit accoutumé à examiner des réalités.

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Messagepar hokousai » 18 janv. 2013, 00:54

à NaOH
NaOH a écrit :Seconde remarque: vous imputez à Spinoza de ne pas avoir prouvé que l'étendue était une substance. Mais le débat n'est pas tout à fait ici.
Vous avez entièrement raison. Il est pour le moins bizarre de reprocher à Spinoza de ne pas démonter l'existence de plusieurs substances.

zzz dit
Il me semble plutôt qu'il part du principe que c'est une substance (donc un attribut de la substance), sans le prouver (voir prop. 15). C'est donc normal qu'il déduise que l'étendue est indivisible, puisqu'il a prouvé qu'une substance est indivisible.
Spinoza parle comme Descartes de la " substance étendue " ce qui ne signifie pas qu'il conçoive l'existence de deux substances. Quant à l'étendue Spinoza ne déduit rien de la nature de la substance. C 'est l'inverse. De ce que l'étendue ne peut se concevoir qu'infinie unique et indivisible alors ... "je ne sais pas pourquoi la matière serait indigne de la nature divine "

NaOH a écrit :Que l'étendue soit une substance (ou un conglomérat de substances) est une chose qui depuis Descartes au moins va de soi, ce qui ne va pas de soi c'est que ce soit une substance incréée ( ou infinie) et c'est la seule chose dont discute Spinoza.
Certes , sur le sujet qui nous occupe . Mais par ailleurs ,Spinoza conteste Descartes sur l' immobilité de l'étendue (masse au repos ) et Boyle sur le vide dans la nature .
Modifié en dernier par hokousai le 18 janv. 2013, 23:00, modifié 1 fois.

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Messagepar Vanleers » 18 janv. 2013, 07:56

A zzzz
Quelques mots ajoutés à mon précédent post.
Avec Spinoza, nous concevons Dieu-Nature comme une autoproduction, un autodéploiement ou, si cette notion vous est plus familière, comme une autocréation continuée.
Cet autodéploiement s’effectue selon toutes les dimensions concevables, ce que Spinoza appelle les attributs. Mais c’est la même essence qui s’autodéploie, une essence « actueuse » ou agissante (essentia actuosa - cf. E II 3 sc.) car :
« La puissance de Dieu est son essence même » (E I 34)
Nous avons l’expérience de deux aspects de la réalité, traditionnellement appelés la pensée et la matière. Concevons-nous que la pensée et la matière relèvent de deux dimensions réellement distinctes selon lesquelles Dieu-Nature s’autoproduit ? Oui, car nous nous pouvons concevoir de façon claire et distincte la pensée sans penser à la matière, et, inversement, nous pouvons concevoir de façon claire et distincte la matière sans penser à la pensée.
Spinoza n’a donc pas besoin de démontrer que l’étendue ou la pensée sont des attributs car ce sont nécessairement des dimensions de l’autodéploiement de Dieu.
Dans le système de Spinoza :
1) Dieu est unique car c’est la même essence actueuse qui s’autoproduit selon plusieurs dimensions.
2) Nous devons concevoir l’attribut Étendue, comme tous les attributs, comme un dynamisme autoproducteur.

Bien à vous

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Messagepar zzzz » 19 janv. 2013, 20:32

à Shub-Niggurath

Vous écrivez :
"Mais précisément, vous partez du postulat que l'existence ne peut être que simple, ce qui est tout à fait arbitraire, ..."

Non justement, je le prouve. Revoici :
Une pure existence ne peut être composée. En effet, si elle avait plusieurs parties, toutes ces parties auraient en commun une chose au moins : l'existence. Mais il faudrait aussi qu'en chacune de ces parties il y ait quelque chose d'autre que l'existence, qui la distingue des autres parties. Ainsi, une pure existence serait composée d'existence plus d'autre chose, ce qui est absurde. Une existence ne peut donc être qu'absolument simple.

à NaOh

Dans votre première remarque vous me dites que ma preuve est défaillante car une existence est de toute façon simple. C'est à dire que l'existence d'une pierre est aussi simple que celle de Dieu. Mais ce qui fait tout l'intérêt de ma preuve, c'est que je prouve, non seulement qu'une existence est simple, mais aussi que Dieu est pure existence. Il ne peut donc être que simple. Les autres êtres ne sont pas des existences. Ils "ont" seulement l'existence. La preuve c'est qu'ils sont composés. Ainsi, il y a l'Existence (=Dieu), et les autres êtres qui sont des essences n'enveloppant pas l'existence, et qui existent uniquement parce qu'ils sont d'une certaine manière unis à l'Existence unique. La preuve qu'il ne peut y avoir qu'une seule Existence se tire de sa simplicité. En effet, s'il y avait plusieurs existences (plusieurs dieux), chacune devrait être composée d'au moins deux éléments : un qui fasse qu'elle est existence, et l'autre qui la distingue des autres existences. Ce qui est impossible, puisqu'une existence est simple. Il n'y a donc qu'un Dieu unique, qui ne peut être composé.

Dans la seconde remarque vous écrivez:

"Vous me direz sans doute qu'il présuppose que l'étendue est une substance. Ce à quoi je vous répondrai: qu'est-elle donc d'autre selon vous? Un mode? ce n'est pas satisfaisant car un mode présuppose une substance dont il est le mode. Une créature? oui mais à condition de considérer cette créature comme une substance finie. Or c'est là tout le point du débat."

Spinoza en effet s'attache à démontrer que l'étendue est infinie, et non que c'est un attribut de la substance. Le problème c'est qu'il démontre qu'elle est infinie en partant du présupposé que c'est un attribut.

vous me direz peut-être :
"Que l'étendue soit une substance (ou un conglomérat de substances) est une chose qui depuis Descartes au moins va de soi,..."

Mais non, car Descartes n'entendez ni le mot substance, ni le mot étendue comme Spinoza. Spinoza est le premier à dire que l'étendue est un attribut de "ce qui est par soi et se conçoit par soi", mais ne le prouve pas.
Cependant, si Spinoza entendait l'étendue attribut, comme le dit Vanleers, comme " Dieu en tant que l’entendement le conçoit comme produisant les choses matérielles", alors je suis d'accord. Mais il est inutile de séparer Dieu en "l'attribut qui produit la matière (ou étendue)" et "l'attribut qui produit la pensée", car Dieu étant simple, c'est le même être qui produit les deux, la matière et la pensée humaine.

à Vanleers

"entre la substance et ses attributs il n’y a qu’une distinction de raison"

D'accord

"entre les attributs il y a des distinctions réelles puisque nous pouvons concevoir clairement et distinctement chacun d’eux sans penser à aucun autre"

Puisque Dieu est absolument simple, si nous concevons chacun des attributs sans penser à aucun autre, c'est que nous les concevons mal. Car Dieu étant simple, tous ses attributs ne peuvent être qu'un seul et même être, et si nous en distinguons plusieurs, ils ne peuvent être distincts que dans notre pensée.

"l’Étendue, c’est Dieu en tant que l’entendement le conçoit comme produisant les choses matérielles."

D'accord, mais alors le mot étendue est très impropre car, à part dans le langage spinoziste, il signifie l'étendue des géomètres, qui est infiniment divisible (en effet, on peut toujours concevoir, d'une portion d'étendue donnée, une portion plus petite), ce qui ne convient pas à Dieu, qui est simple.

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Messagepar hokousai » 20 janv. 2013, 00:40

à zzz
zzz a écrit :]Spinoza en effet s'attache à démontrer que l'étendue est infinie, et non que c'est un attribut de la substance. Le problème c'est qu'il démontre qu'elle est infinie en partant du présupposé que c'est un attribut.


Mais non il part de la substance corporelle.
Plus exactement il part de la substance.
Et encore plus exactement il part d'une substance absolument infinie et elle elle est indivisible.(prop 13 partie 1)

de là il suit qu' aucune substance et par conséquent aucune substance corporelle n'est divisible.(corollaire de la prop 13 partie 1)

il suit que la chose étendue et la chose pensate sont ou bien des attributs de Dieu ou bien des affections des attributs de Dieu.(corrol 2 prop 19/1)

Vous inversez le raisonnement .

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Messagepar Vanleers » 20 janv. 2013, 11:08

A zzzz
1) Vous écrivez :
« Puisque Dieu est absolument simple, si nous concevons chacun des attributs sans penser à aucun autre, c'est que nous les concevons mal. Car Dieu étant simple, tous ses attributs ne peuvent être qu'un seul et même être, et si nous en distinguons plusieurs, ils ne peuvent être distincts que dans notre pensée. »

Spinoza démontre en E I 10 que :
« Chaque attribut d’une même substance doit se concevoir par soi »
Les attributs sont réellement distincts et je vous invite à relire le scolie de cette proposition : « chaque attribut exprime la réalité ou être de la substance »

2) Vous écrivez :
« D’accord mais alors le mot étendue est très impropre car, à part dans le langage spinoziste, il signifie l'étendue des géomètres »

J’ai déjà évoqué cette question avec vous à de multiples reprises. Je me bornerai à citer le début de la lette 83 à Tschirnhaus :
« Pour ce que vous demandez, à savoir si la variété des choses peut être établie a priori en partant de la seule idée de l’étendue, je crois avoir déjà assez clairement montré que c’est impossible. C’est pourquoi je pense que la définition donnée par Descartes de la matière qu’il ramène à l’étendue, est mauvaise, et que l’explication doit être nécessairement cherchée dans un attribut qui exprime une essence éternelle et infinie ».

Bien à vous

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Messagepar Vanleers » 20 janv. 2013, 13:31

A Hokousai (et zzzz aussi)
Vous citez le corollaire 2 d’E I 14 (et non 19) que Pierre Macherey commente comme suit :
« Le second corollaire de la proposition 14 a manifestement une valeur d’attente par rapport aux deux premières propositions de la deuxième partie de l’Éthique qui démontreront que Dieu est « chose pensante » et « chose étendue.
[…]
Dans le scolie de la proposition 15, le second corollaire de la proposition 14 est indiqué en référence [implicitement] dans des termes qui permettent d’en mieux cerner la signification. En s’appuyant sur le rappel de ce corollaire, Spinoza affirme que la substance étendue est l’un des infinis attributs de Dieu, ce qui revient à transformer ce qui apparaissait au premier abord comme une hypothèse en une thèse. La formule « soit…, soit… » (vel… vel…) à partir de laquelle est rédigé le second corollaire de la proposition 14 est donc à comprendre non au sens d’une alternative, mais à celui de la simultanéité entre deux possibilités qui se complètent sans s’exclure : l’étendue se présente à la fois comme attribut de substance et comme ensemble d’affections se rapportant à cet attribut et constituant les effets de son action dans l’ordre qu’il définit. L’étendue,c’est donc, non seulement l’ensemble factuel de toutes les choses corporelles, mais c’est aussi et d’abord le principe qui fait d’elles des choses corporelles, principe qui ne peut être que substantiel, et comme tel doit faire partie intégrante de la nature divine » (Introduction à l’Éthique de Spinoza La première partie PUF 1998 pp.120-121)

A mon point de vue, nous devons concéder à zzzz qu’au niveau du scolie d’E I 15, Spinoza n’a pas encore explicitement démontré que l’Étendue est un attribut de Dieu, ce qu’il fera en E II 2.
La démonstration de cette proposition est laconique puisque Spinoza se borne à dire :
« Elle procède de la même manière que la démonstration de la Proposition précédente »
La démonstration de E II 1 est très simple et il est facile d’en faire le décalque pour la proposition 2 : il suffit de remplacer « pensées singulières » par « choses singulières étendues »
Cette démonstration fait appel au corollaire de E I 25 et à E I déf 5 et 6
La démonstration du corollaire de E I 25 fait elle-même appel à E I 15 et à E I déf 5.
Nous pouvons en conclure que lorsque Spinoza en est au scolie de E I 15, il a déjà implicitement démontré que l’Étendue est un attribut de Dieu puisque la démonstration explicite s’appuie sur la proposition 15 elle-même et sur des définitions de la partie I.

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Messagepar Vanleers » 20 janv. 2013, 16:22

A zzzz
Je voudrais commenter une partie de votre réponse à NaOh. Vous écrivez :
« Cependant, si Spinoza entendait l'étendue attribut, comme le dit Vanleers, comme " Dieu en tant que l’entendement le conçoit comme produisant les choses matérielles", alors je suis d'accord. Mais il est inutile de séparer Dieu en "l'attribut qui produit la matière (ou étendue)" et "l'attribut qui produit la pensée", car Dieu étant simple, c'est le même être qui produit les deux, la matière et la pensée humaine. »

Spinoza démontre explicitement en E I 10 que les attributs sont réellement distincts. Et pourtant, cela n’entraîne pas que la substance soit divisée, comme il le démontre en E I 12.
Il le dit encore plus clairement dans le scolie d’E II 7 où il écrit, notamment :
« […] substance pensante et substance étendue sont une seule et même substance, comprise tantôt sous un attribut, tantôt sous un autre. De même, un mode de l’étendue et l’idée de ce mode sont une seule et même chose mais exprimée de deux manières. »
Je ne vois donc pas d’objection à dire, comme vous le faites :
« Dieu étant simple, c'est le même être qui produit les deux, la matière et la pensée humaine. »

Quelles sont les conséquences (l’« utilité », pour reprendre votre expression) de cette distinction réelle des attributs ?
Nous en avons déjà une idée en lisant une autre partie du scolie :
« Ainsi, tant que nous considérons les choses comme des modes du penser, nous devons expliquer l’ordre entier de la Nature, autrement dit l’enchaînement des causes, par le seul attribut de la Pensée ; mais en tant que nous considérons ces choses comme des modes de l’Étendue, l’ordre entier de la Nature doit également être expliqué par le seul attribut de l’Étendue, et je l’entends de même pour les autres attributs. »
Spinoza n’aura pas besoin de recourir, comme Descartes à une hypothèse du genre « glande pinéale » pour comprendre la relation entre l’esprit et le corps d’un être humain puisque l’esprit et le corps, c’est la même chose vue sous deux aspects différents.
Plus généralement, cette distinction réelle entre les deux attributs que nous, les êtres humains, nous connaissons, va conduire Spinoza à une analyse très claire et cohérente de l’homme et des conséquences éthiques à en tirer.

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Messagepar zzzz » 20 janv. 2013, 19:51

à Vanleers

vous écrivez :
"Spinoza démontre en E I 10 que :
« Chaque attribut d’une même substance doit se concevoir par soi » "

Mais cela n'implique pas que chacun peut se concevoir sans les autres. En effet, tous les attributs étant le même être, il est impossible que chacun se conçoive correctement sans les autres. Mais certes, puisqu'ils sont la substance, ils doivent se concevoir par soi. Ce n'est pas contradictoire car chacun étant en fait le même être, dire que l'un se conçoit par soi à l'aide des autres est vrai, mais c'est comme dire que Dieu se conçoit par soi à l'aide de Dieu.
Il faut donc bien admettre (puisque Dieu est simple et que donc les attributs ne sont pas plusieurs êtres mais un seul être) que si nous concevons chacun des attributs sans penser à aucun autre (même s'ils se conçoivent par soi ensemble), c'est que nous les concevons mal. D'ailleurs, comment concevoir correctement la perfection, l'infini, alors que nous sommes finis?

Dans votre autre message vous écrivez :
"au niveau du scolie d’E I 15, Spinoza n’a pas encore explicitement démontré que l’Étendue est un attribut de Dieu, ce qu’il fera en E II 2.
La démonstration de cette proposition est laconique puisque Spinoza se borne à dire :
« Elle procède de la même manière que la démonstration de la Proposition précédente »
La démonstration de E II 1 est très simple et il est facile d’en faire le décalque pour la proposition 2 : il suffit de remplacer « pensées singulières » par « choses singulières étendues »
Cette démonstration fait appel au corollaire de E I 25 et à E I déf 5 et 6
La démonstration du corollaire de E I 25 fait elle-même appel à E I 15 et à E I déf 5.
Nous pouvons en conclure que lorsque Spinoza en est au scolie de E I 15, il a déjà implicitement démontré que l’Étendue est un attribut de Dieu puisque la démonstration explicite s’appuie sur la proposition 15 elle-même et sur des définitions de la partie I"

J'avoue que là, les choses deviennent plus claires pour moi. Cependant, à E II 2, Spinoza, après avoir démontré que l'étendue est un des attributs de Dieu, conclut que Dieu est une chose étendue (il fait la même chose pour la pensée). Mais si l'attribut étendue est, comme vous me l'avez dit "Dieu conçu en tant qu'il produit l'étendue", et qu'il ne s'agit pas de l'étendue géométrique, on ne peut conclure que Dieu est étendu (géométriquement). En effet, concevoir Dieu produisant l'étendue n'implique pas qu'il est lui même étendu. C'est comme dire que parce que vous produisez un objet carré vous êtes vous-même carré. C'est absurde. D'autre part, comme Dieu est simple, il est impossible qu'il soit étendu (dans le sens courant et géométrique du terme). Tout ce qu'on peut conclure d'une production de Dieu, c'est qu'elle ressemble d'une certaine manière à Dieu. Mais pas plus (plutôt moins d'ailleurs) que l'objet carré ne vous ressemble à vous qui le produisez.
Modifié en dernier par zzzz le 20 janv. 2013, 22:44, modifié 1 fois.

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Messagepar zzzz » 20 janv. 2013, 20:19

à Vanleers

Je voudrais ajouter que, certes, Spinoza a apporté une solution plus réfléchi sur le lien entre l'âme et le corps que Descartes, mais il y a quelque chose qu'il faut bien souligner : Avant Descartes, il n'y avait pas de problème quant à cela. Aristote avait définitivement résolu le problème. En effet, le problème du dualisme vient de Platon. C'est lui qui avait clairement séparé la pensée et la matière. On ne voyait pas comment unir les deux, jusqu'à Aristote, qui a réussi à résoudre cela grâce à l'hylémorphisme. Descartes, en voulant faire table rase du passé, a fait une régression, il est revenu à Platon, avec son problème. Malheureusement, il n'y a pas eu un nouvel Aristote pour sauver le bateau de la philosophie, qui a sombré vers l'idéalisme, et plus bas encore. Spinoza n'est qu'un stade dans cette histoire. Il tente de "sauver le bateau" en revenant plus loin en arrière que Platon, en renouvelant Parménide. C'est Parménide en effet qui prônait la totale unité du réel, en refusant même les données sensibles. Spinoza est certes plus souple, car il admet tout de même qu'il y a plusieurs êtres (les "modes"), mais "fourrer tout en Dieu" ne résout pas convenablement la chose. Il est à mon avis urgent de revenir à Aristote.


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