Statut de l'affect

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Re: Statut de l'affect

Messagepar Vanleers » 26 juin 2015, 10:50

Dans l’Ethique, une image est définie comme une trace corporelle et une imagination comme l’idée d’une image.
S’il n’y a pas d’image, il n’y a pas d’idée de cette image.
Cela ne veut pas dire qu’une image soit la cause d’une imagination puisque image et imagination, c’est la même chose considérée selon deux attributs différents.

A noter que le mot fiction, relativement abondant dans le TRE, est absent de l’Ethique. Grâce à la notion de trace corporelle, qui apparaît dans le postulat 5 de la « Petite physique », Spinoza construit une théorie de l’imagination qui ne fait pas appel à la notion de fiction.
On pourrait sans doute rattacher la notion d’imagination créatrice au scolie d’E II 17, lorsque Spinoza écrit :

« Car si l’Esprit, pendant qu’il imagine avoir en sa présence des choses non existantes, en même temps savait qu’en vérité ces choses n’existent pas, il est sûr qu’il attribuerait cette puissance d’imaginer à une vertu et non à un vice de sa nature ; surtout si cette faculté d’imaginer dépendait de sa seule nature, c’est-à-dire (par la Déf. 1 p. 1) si cette faculté qu’a l’Esprit d’imaginer était libre. »
Modifié en dernier par Vanleers le 26 juin 2015, 11:17, modifié 1 fois.

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Re: Statut de l'affect

Messagepar Vanleers » 26 juin 2015, 11:12

A Miam

A mon humble avis, vous feriez bien de vous interroger aussi sur le niveau de vos propres prestations sur le forum spinozaetnous.
« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement »…
C’est Nicolas Boileau, un français, qui est l’auteur de cette maxime mais elle est universelle et concerne même ceux qui vivent outre-Quiévrain.
Bien à vous

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Re: Statut de l'affect

Messagepar NaOh » 26 juin 2015, 13:24

Vanleers a écrit :
A noter que le mot fiction, relativement abondant dans le TRE, est absent de l’Ethique. Grâce à la notion de trace corporelle, qui apparaît dans le postulat 5 de la « Petite physique », Spinoza construit une théorie de l’imagination qui ne fait pas appel à la notion de fiction.


Je pense que c’est vrai. Mais il y a en outre des raisons puissantes à l’appui d’une thèse qu’on pourrait appeler « l’impossibilité de la fiction ». Je veux dire par là que Spinoza nie que l’âme soit libre de construire à loisir des êtres purement possibles. (cf. scolie de la proposition 49, II qui compte une occurrence du mot « fiction » dans ce contexte). D’autre part les « êtres fictifs » ne sont justement pas des "êtres" qui se soutiendraient dans la notion du possible, concept que le nécessitarisme Spinoziste réduit à une perception inadéquate de la nécessité.

Il n'y a rien de tel qu'un cheval volant comme il n'y a rien de tel qu'un soleil mesurant 200 pieds.

Bien à vous.

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Re: Statut de l'affect

Messagepar Vanleers » 26 juin 2015, 13:42

A NaOh

Pour ma gouverne personnelle, à quel moment Spinoza parle-t-il de « fiction » en E II 49 sc. ?
Est-ce quand il écrit : « Par ex., qui forge un cheval ailé […] ? (Pautrat)
Misrahi traduit « fingit » par imagine.

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Re: Statut de l'affect

Messagepar NaOh » 26 juin 2015, 14:10

Dans la traduction Misrahi nous avons, au deuxième paragraphe du scolie:

"En effet, ceux qui croient que les idées consistent en des images qui se formeraient en nous par la rencontre des corps sont convaincus que les idées de choses dont nous ne pouvons former aucune image semblable, ne sont pas des idées mais seulement des fictions(...)"

Ce qui traduit "figmentum" ( tantum figmenta).

Bien à vous

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Re: Statut de l'affect

Messagepar Vanleers » 26 juin 2015, 16:08

A NaOh

Je vous remercie, ce qui m’a conduit à mieux rechercher des occurrences de « fiction » dans l’Ethique. J’en ai trouvé trois (traduction Pautrat) :

I App. : « Maintenant, pour montrer que la nature n’a pas de fin qui lui soit prescrite et que toutes les causes finales ne sont que des fictions humaines, il n’est pas besoin de beaucoup. »

II 10 sc. : « […] et quand ensuite ils poussèrent leur esprit à contempler la nature divine, il n’y eut rien à quoi ils purent moins penser qu’à leurs premières fictions sur lesquelles ils avaient échafaudé leur connaissance des choses naturelles, vu que ces fictions ne pouvaient en rien les aider à connaître la nature divine […] »

II 49 sc. : « Ceux en effet qui pensent que les idées consistent dans les images qui se forment en nous par suite de la rencontre des corps, se persuadent que les idées des choses à la ressemblance desquelles nous ne pouvons former aucune image ne sont pas des idées, mais seulement des fictions que nous forgeons par le libre arbitre de la volonté […] » (vous avez donné la traduction de Misrahi)

On peut également rechercher les occurrences de forger, inventer (fingo) (Pautrat traduit parfois par « imaginer ») :

I 8 sc. 2 : « […] ils forgent des arbres parlant […] »
I 15 sc. : « Il y en a qui imaginent Dieu […] »
I 15 sc. : « […] une fois qu’ils ont imaginé la ligne composée de points […] »
I 17 sc. : « […] et je ne vois pas qu’on puisse inventer plus absurde, ou plus incompatible avec l’omnipotence de Dieu. »
II 35 sc. : « […] ceux qui prétendent autre chose et inventent à l’âme des sièges et des demeures […] »
II 49 sc. « […] mais seulement des fictions que nous forgeons par le libre arbitre de la volonté […] » (voir plus haut – fiction)
II 49 sc. : « Par ex., qui forge un cheval ailé […] » (cité dans un post précédent)
IV Préf. : « […] des notions que nous forgeons habituellement du fait que nous comparons […] »

Bien à vous

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Re: Statut de l'affect

Messagepar NaOh » 26 juin 2015, 18:41

Alors et si j'ai bien compris, nous n'aurons plus le plaisir de lire les messages de Miam. C'est dommage: j'aurais vraiment voulu savoir où il voulait en venir avec son histoire de cheval volant...

aldo
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Re: Statut de l'affect

Messagepar aldo » 27 juin 2015, 04:18

NaOh a écrit :Alors et si j'ai bien compris, nous n'aurons plus le plaisir de lire les messages de Miam. C'est dommage: j'aurais vraiment voulu savoir où il voulait en venir avec son histoire de cheval volant...

Je tente une interprétation... (on verra bien)
miam a écrit :Une idée vraie est une idée référée à Dieu dans la mesure où en Dieu toutes les idées sont adéquates
(...)
Une idée adéquate est vraie mais l'inverse n'est pas exact.

Le second revient à dire qu'une idée adéquate est vraie mais qu'une idée non adéquate n'est pas fausse.

Ça pourrait partir du principe que le vrai consiste à discerner les idées adéquates des idées inadéquates, quand le faux est l'incapacité de les distinguer.
... ce qui ne nie pas l'existence des idées inadéquates.

Le cheval ailé serait donc une idée inadéquate dans la mesure où elle n'est pas référée à Dieu, mais pourtant existante : elle n'est pas fausse puisqu'elle est vue distinctement (et puisque le faux est de ne pas distinguer les idées adéquates des idées inadéquates).

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Re: Statut de l'affect

Messagepar NaOh » 27 juin 2015, 11:01

Aldo,

aldo a écrit :Le second revient à dire qu'une idée adéquate est vraie mais qu'une idée non adéquate n'est pas fausse.


Cela ne me semble pas vraiment un bon point de départ car:

"La fausseté des idées consiste dans la privation de connaissance qu'enveloppent les idées inadéquates, c'est-à-dire les idées mutilées et confuses." (Proposition 35, II)

Les idées inadéquates sont forcément fausses. Par suite, je ne vois pas vraiment ce que vous voulez dire.

Bien à vous.

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Re: Statut de l'affect

Messagepar NaOh » 27 juin 2015, 12:17

J'ajoute ceci: ce qui est original dans la théorie des idées fausses de Spinoza, est qu'il assimile la fausseté à une pure et simple privation du vrai.

Il y a une dissymétrie entre l'idée vraie et l'idée fausse , la première est plénitude ontologique, puissance de l'intellect, la seconde est "comme le néant à l'être" (E II, 49 scolie). La fausseté n'est pas un caractère ou une propriété des idées mais absence," manque d'être".

Le langage nous donne l'illusion de nous référer à un objet tel que le cheval ailé, mais ce dont il faut tenir compte c'est que cet "objet" n'est imaginable par nous que dans la mesure où nous ignorons la nature véritable du cheval. Si au contraire nous concevions cette nature nous ne pourrions tout simplement pas affirmer d'un cheval qu'il a des ailes. Il en résulterait en effet une contradiction du type de celle qui explique pourquoi un "cercle carré" n'est que la réunion de deux mots et rien de plus.


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