La notion d essence chez Spinoza

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Cette partie du forum traite d''ontologie c'est-à-dire des questions fondamentales sur la nature de l'être ou tout ce qui existe. Si votre question ou remarque porte sur un autre sujet merci de poster dans le bon forum. Merci aussi de traiter une question à la fois et d'éviter les digressions.
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ghozzis
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Messagepar ghozzis » 18 sept. 2003, 15:22

Salut Alexandre!
Tu as tout à fait compris que je cherchais les erreurs chez Spinoza, non pas la cohérence; en effet, je lis spinoza comme une démonstration mathématique, et si je vois quelque chose qui n est pas clair, je ne vais pas plus loin, car si un passage est douteux, tout le reste l est d autant plus.
Deuxiemement ton raisonnement sur les essences est un sophisme, mais, je te rassure, tu n es pas le seul à le faire, et la plupart des philosophes, peut etre jusqu a Kant, l ont fait;
comme je l ai dit, je peux parler de "ce livre devant moi" sans croire qu il existe VRAIMENT quelque chose comme le livre en soi, ou essence du livre;
si tu penses le contraire, je peux, si tu veux continuer d argumenter, et si tu es d accord, j arrete là;
pour revenir à Spinoza, je veux bien m inspirer de lui, et trouver ses vues "assez justes" ou "profondes", mais ca ne m empeche pas de chercher les erreurs;
a plus tard peut etre;
Sacha Ghozzi :wink:

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YvesMichaud
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Messagepar YvesMichaud » 19 sept. 2003, 06:21

Cher Henrique,
Plusieurs remarques à propos de votre long message.

1. ««« Je ne vois pas très bien en quoi Spinoza pourrait confondre l'accidentel et le contingent dès lors que rien dans son ontologie ne permet de donner sens au concept d'accident.»»»

Dans la démonstration de la propostion 4 de la première partie de l'Éthique, Spinoza déclare: «tout ce qui est, ou bien est en soi, ou bien en autre chose». Il m'a semblé alors que le concept d'accident trouvait son équivalent chez Spinoza, puisque le thomisme définit l'accident comme l'être à qui il échoit d'exister *en autre chose*, un sujet, à titre de modification.

2. ««« Du point de vue moderne, admettre de la non-nécessité au sein de la nature n'est rien d'autre que renoncer au pouvoir de comprendre de la raison, abusée qu'elle peut être, dans son premier âge, par la diversité empirique. Du point de vue spinoziste, il y a certes contingence, mais simplement pour caractériser les modes dont l'existence ne s'explique pas par leur essence, mais par l'existence d'autres êtres.»»»

Remarque intéressante qui devrait nous permettre de distinguer deux sens dans le concept de nécessité:

a) Est nécessaire ce qui existe de par soi «a se», et ne peut pas n'exister pas. Dieu seul est ainsi nécessaire. Nécessaire est alors opposé à contingent. Les substances et les accidents dans l'ontologie thomiste sont contingents. Ils ne peuvent rendre compte par eux-mêmes de leur existence.

b) Est nécessaire un geste qui n'est pas choisi librement, mais imposé et déterminé strictement. Nécessité est alors opposé à liberté. C'est sur cette nécessité que se fonde le déterminisme.

3. ««« Aristote définit encore l'accident comme 'ce qui fondé en essence dans un objet, n'entre cependant pas dans sa substance' (Métaphysique, Delta) Le pouvoir de raisonner de Socrate relève sans doute de son essence mais est ce qui est affirmé du sujet Socrate, non ce qui affirme. Là nous aurions une idée de nécessité interne, ce qui ne rend pas nécessaire l'utilisation du terme d'accident puisqu'il n'y a pas d'idée spécifique à désigner.»»»

Je n'aime guère les définitions d'Aristote que vous proposez. J'estime qu'elles sont moins claires que la mienne.

En logique, on dit qu'un prédicat peut être attribué un sujet (surtout un individu) de 5 façons différentes. Ces façons, ce sont des prédicables.

a) Le prédicat attribué au sujet révèle entièrement l'essence de celui-ci. C'est l'espèce.

b) le prédicat attribué au sujet révèle l'élément déterminable et général de son essence. C'est le genre.

c) Le prédicat attribué au sujet révèle l'élément déterminant et spécificateur de son essence. C'est la différence spécifique.

d) Le prédicat attribué au sujet est un attribut qui n'est pas inclus dans son essence, mais qui dérive nécessaire de celle-ci. C'est le «propre».

Chez les thomistes, l'étendue ne constitue pas l'essence des corps, mais l'étendue en est une propriété. L'étendue est donc prédiquée du corps à titre de propre.

e) Le prédicat attribué au sujet est un attribut qui n'est pas inclus dans son essence et qui n'en dérive pas nécessairement. Le prédicat est alors simplement compatible avec le sujet. C'est l'accident prédicable. Par exemple: Jacques est assis.

Tout ça pour dire que le pouvoir de raisonner est prédiqué du sujet Socrate, non à titre d'accident, mais à titre de différence spécifique (l'homme étant défini comme un animal raisonnable).

Cependant, il faut distinguer l'accident prédicable d'avec l'accident prédicamental. Le point de vue n'est pas le même. Ce dont je parlais jusqu'ici, c'était de l'accident prédicamental. Quand vous parlez du pouvoir de raisonner qui est prédiqué de Socrate, on change de sujet et on arrive dans les prédicables.

4. «Il faudrait donc admettre entre Dieu et ses affections des êtres en soi intermédiaires, les 'substances contingentes' que nous appellons aussi individus.»

Chez les thomistes, Dieu n'est pas affecté d'accidents. Il n'a pas «d'affections». Cela ne signifie pas qu'il soit une chose inerte, mais plutôt qu'il n'est pas sujet à des transformations.

5. ««« comment ce qui s'explique par autre chose, comme tu l'admets à propos de la 'substance contingente', pourrait en même temps être en soi ? »»»

La substance est «en soi» en ce sens qu'elle n'existe pas en autre chose à titre de modification. Elle n'existe pas en inhérant à un sujet. Ceci n'implique nullement que la substance doive exister nécessairement ou non. On ne dit pas que la substance existe de telle sorte qu'elle se passe de causes.

Une chose peut exister sous la dépendance d'une cause et pourtant exister distinctement de la cause.

6. ««« Si une 'substance' peut être effet d'autre chose, c'est qu'il doit y avoir entre cette chose et cette substance quelque chose de commun qui les enveloppe et donc en lesquelles cette chose et cette 'substance' existent, l'étendue ou la pensée, par exemple. Ou alors, il faut réfuter l'axiome V de l'Ethique : ''Les choses qui n'ont entre elles rien de commun ne peuvent se concevoir l'une par l'autre, ou en d'autres termes, le concept de l'une n'enveloppe pas le concept de l'autre.'' »»»

Tous les êtres ont entre eux une communauté d'analogie. Les substances créées sont des participations de Dieu. Il n'y a donc pas de diversité radicale entre les choses.

7. ««« Sur la notion d'individu maintenant, je pense que le choix d'un terme chez Spinoza, pour exprimer une idée précise, a souvent part liée à l'étymologie. Or 'individuus' signifie non divisé, ce qui n'a pas été séparé. Contrairement à ce que tu dis, Ghozzis, je pense que le sens commun s'accomode très bien de la signification selon laquelle l'individu est surtout l'indivisible et par là, l'organique : un tas de terre séparé fait deux tas de terre, tandis qu'un cheval séparé ne fait qu'un
cheval mort. Dire avec Spinoza que l'individu n'est rien d'autre qu'un agrégat de corps choque l'anthropomorphisme qui va de pair avec l'anthropocentrisme.»»»

L'individu est composé de deux principes, la forme qui fait son unité, et la matière qui fait sa divisibilité. L'individu est un en acte et multiple en puissance.

Certains vivants peuvent être divisés sans mourir. Les vers, par exemple.

8. Ce n'est pas grave si vous me tutoyez. :wink: C'est simplement que j'ai acquis le vouvoiement en fréquentant un autre forum philosophique et que je ne m'en dépars plus.

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Henrique
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Messagepar Henrique » 02 oct. 2003, 16:48

Je voudrais d'abord répondre à Sacha sur la méthode de lecture. Tu dis que tu lis l'Ethique comme un traité de géométrie et tu as raison. Mais dire que pour cette raison, tu es en droit d'arrêter la lecture quand tu perçois quelque chose de douteux, du fait que ce qui s'en suivra sera nécessairement douteux, c'est autre chose. C'est comme si, tel le brave Hastings, tu interrompais Hercule Poirot à chaque moment de sa démonstration pour poser des questions qui t'empêcheront de suivre l'ensemble de la démonstration, alors que la réponse est apportée dans la proposition suivante. Le mieux est d'abord d'essayer de se faire une représentation synthétique de l'ensemble du propos, pour ensuite être capable de répondre à la plupart des objections qu'on pouvait avoir.

Il faut se souvenir ici du conseil de lecture donné par Spinoza lui-même dans la deuxième partie de l'Ethique, scol. de la prop. 11 : '[i]Ici les lecteurs vont, sans aucun doute, être arrêtés, et il leur viendra en la mémoire mille choses qui les empêcheront d'avancer ; c'est pourquoi je les prie de poursuivre lentement avec moi leur chemin, et de suspendre leur jugement jusqu'à ce qu'ils aient tout lu.[/i]'.

Cela dit, je me fais un plaisir de répondre à tes objections parce que cela me permet à moi d'affermir ma compréhension de cette philosophie, en envisageant, une fois cette vision d'ensemble à peu près acquise, des objections auxquelles je n'avais pas forcément pensé, ce qui me donne l'occasion d'exercer cette compréhension. Cela me fait plaisir également de penser que même si tu n'es jamais 'convaincu', tu y trouves l'occasion de penser selon d'autres horizons. Cela me fait plaisir enfin qu'il puisse en être de même avec nos éventuels lecteurs. Et si tu trouves toi même du plaisir à échanger de la sorte, cela suffit amplement. Mais j'ai bien peur que si tu ne suspends pas ton jugement - notamment ce que tu penses savoir avec Kant - pour un moment donné, tu ne comprennes jamais cette philosophie dans son ensemble. Mais si cela te convient ainsi, cela ne me disconvient point. :wink:

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Sur la notion d'essence maintenant, Spinoza dirait que l'essence [i]actuelle[/i] du livre, c'est son effort de persévérer dans son être de livre. C'est son essence la plus fondamentale car si par miracle on parvenait à retirer cet effort, il cesserait aussitôt d'être, l'essence étant ce qu'est la chose, autrement dit ce qui une fois retiré fait que la chose elle-même est retirée. C'est parce qu'il s'efforce de persévérer que le livre se maintient dans l'existence et résiste à la pression des corps qui l'entourent. Retire cet effort et ce qui l'entoure prend aussitôt sa place dans l'étendue. Cette essence constituera l'unité individuelle et actuelle du livre.

Qu'y a-t-il ici de vague ? Même si je ne connais point le rapport exact de mouvement et de repos qui caractérisent l'étendue de ce livre, vais-je confondre pour autant ce livre avec un autre ? Non, car l'intuition de son essence suppose que je fasse attention à la présence même de ce livre dans sa singularité - ce qui n'est pas le cas quand je pense 'ce livre est gros' ou 'ce livre est cher'. L'intuition de son essence corporelle sera intellectuelle, parce que ce que je saisis, ce n'est pas une existence mais bien une essence. Recourir ici aux notions communes de mouvement et de repos ne me permettrait que de percevoir ce livre par des mesures quantitatives, celles-ci nous ramenant à ce que l'on suppose commun mais abstraitement à plusieurs corps. Les nombres sont des auxilaires de l'imagination (cf. lettre sur l'infini). Ils ont donc leur utilité, il ne s'agit pas de jeter les notions communes et les abstractions utiles dans la vie, mais de comprendre qu'ils n'ont pas à se présenter comme connaissance dernière et maximale des phénomènes afin qu'ils ne fassent pas obstacle à la connaissance du singulier.

Maintenant percevoir ainsi l'essence du livre, est-ce poser son existence en soi ? D'abord, tu sais bien qu'un mode ne saurait exister 'en soi', puisqu'il n'est pas substance mais affection de la substance unique. Mais je suppose que tu veux parler ici d'une existence hors de soi ou plus clairement encore, hors de la pensée.

Cela dit cette question n'a guère de sens chez Spinoza : il n'y a pas de connaissance adéquate en dehors de la pensée même. Le Mental ou à la rigueur l'Esprit perçoit son corps comme il existe puisque l'objet de cette pensée singulière qui constitue ce Mental n'est rien d'autre que le corps (que serait-ce d'autre ?). Je ne connais point pour autant l'essence de mon corps, je ne fais que sentir son existence - la sensation étant un mode de la pensée. Aussi, les corps que je perçois comme extérieurs à mon corps sont, du point de vue de la perception sensible que j'en ai, d'abord des affections de l'état de mon corps propre.

Mais comme j'essaye de l'expliquer dans les articles sur l'accessibilité de la vérité et l'intuition de l'étendue, il ne s'agit pas en s'efforçant d'avoir une idée adéquate de ces corps de prétendre sortir de la pensée elle-même. Une idée adéquate est d'abord formellement adéquate à son contenu objectif, non à la chose dont elle est l'idée, ce qui serait le cas d'une idée vraie. Mais par cette adéquation, elle a les caractères de l'idée vraie.

Alors prenons l'idée de ce livre, puis-je sérieusement douter de son existence ? Le sentiment commun ici est que si ce livre n'existait pas hors de moi, il ne m'affecterait pas. Mais pourquoi l'idée en moi du livre ne serait pas une autoaffection de ma pensée ? Alors il faudrait douter de tous les corps à la façon de Descartes, mais comme j'ai l'intuition que mon corps s'efforce de persévérer dans son être, autrement dit qu'il ne saurait se détruire lui-même, je ne comprendrais plus comment il se peut que certains corps m'affectent dans le sens d'une diminution de ma puissance d'exister.

Au contraire, nous percevons l'existence des corps extérieurs et nous ne pouvons douter, autrement que par fiction, qu'ils existent et que nous pouvons en percevoir d'autant plus que notre corps a plus de dispositions (E2p14).

Dès lors, peut-on douter que ces corps - dont nous savons qu'ils existent, même si nous n'en connaissons que l'idée que nous nous en faisons - aient une essence ? Je ne parle plus ici de savoir quelle est cette essence, ce que j'ai évoqué au dessus, mais de savoir s'ils possèdent une essence. Et là, je ne peux que constater que tu n'as pas répondu à ce que je disais : si les corps n'avaient pas d'essence, ils ne seraient rien et donc ils n'existeraient pas. Dès lors que nous savons qu'ils existent, nous savons qu'ils sont quelque chose. Pas besoin ici d'être plus précis, tu as beau jeu de faire le rigoureux à propos d'une question qui n'est pas 'quelle est exactement cette essence ?' mais 'y a-t-il des essences ?'. Ne mélangeons pas les questions, et si tu penses qu'il faudrait un argument plus précis pour répondre, il faudrait que tu poses une question plus précise.

Amicalement :-)
Henrique
[size=50][ Edité par Henrique Le 02 October 2003 ][/size]

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Messagepar ghozzis » 02 oct. 2003, 18:30

Salut Henrique,
Merci pour ta réponse, d'une grande richesse. Je ne vais, dans tout ce que tu as dit, que reprendre quelques points pour l'instant, car je ne me sens pas capable de tout 'absorber' d'un coup.
1/ Concernant la façon de lire Spinoza, je peux te dire que j'ai du lire l'éthique à peu près 200 fois, parfois en ne lisant que les propositions, parfois que tel ou tel scholie etc. Mais c'est justement parce que je prends Spinoza très au sérieux que 'je remonte à la racine' de ses définitions et axiomes, et essaie d'en tester la solidité.
Malheureusement, autant le système est très harmonieux et (parfaitement?) cohérent, autant ce qu'il place en premier, ses axiomes et définitions sont pour moi tellement flous que je ne peux que dire 'soit'. C'est pourquoi je dis que, avant d'avancer dorénavant une nouvelle fois plus avant dans l'éthique, je veux sérieusement tester à fond la solidité de la 'base'.

2/ Concernant ma capacité à me laisser convaincre, crois bien que je considère comme un bénéfice le fait de passer de l'erreur au savoir, donc si je m'aperçois que je me suis trompé, j'en serai heureux. Considère donc que je débats de bonne foi, et lorsque je dis qu'un point est 'obscur', ce n'est pas pour me soustraire à la discussion, mais réellement parce que je ne veux pas me contenter de vraisemblances, mais veux parvenir à quelque chose d' évident.

(A présent le vif du sujet, la discussion sur l'être et l'existence des essences.)
3/ D'abord je ne comprends pas pourquoi Spinoza dit d'une part que 'l'essence est ce sans quoi la chose ne peut etre et ce qui ne peut etre sans la chose' et 'l'essence est l'effort pour persévérer dans l'être'. je ne vois pas que ces deux définitions soient évidemment équivalentes. Spinoza fait il une démonstration du passage de l'une à l'autre?
4/ Spinoza utilise le terme 'effort'. Que veut il dire? Définit-il ce terme? Il est loin d'etre clair! Entend-t-il la 'force'? Et si oui, par force entend-t-il la meme chose que les physiciens, à savoir le produit de la masse et de l'accélération? Je ne pense pas! Quoi alors?
5/Concernant l'existence des essences et non pas leur définition, rien ne me force à croire qu'il existe des essences. Si je dis 'tout coule' , qu'y a-t-il de contradictoire là dedans?

Voila, je n'ai pas épuisé toutes les interrogations qu'a suscité en moi ta réponse (il y en a des dizaines), mais libre à toi de développer les points qui te semblent appropriés <IMG SRC="images/forum/smilies/icon_cool.gif">

Je serais très curieux de voir ce que tu réponds. Mais comme je te l'ai dit au début, je serais content d'etre convaincu , d'autant plus que je préfèrerais croire en l'existence de l'Etre absolument infini, mais pour l'instant je ne peux y croire, ni croire le contraire d'ailleurs, je peux juste dire 'je ne sais pas'.

A plus tard!

Sacha

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Messagepar YvesMichaud » 03 oct. 2003, 02:13

Salut,
Tu déclares:

«««5/Concernant l'existence des essences et non pas leur définition, rien ne me force à croire qu'il existe des essences. Si je dis 'tout coule' , qu'y a-t-il de contradictoire là dedans?»»»

Prétendre qu'une chose n'a pas d'essence, c'est prétendre qu'une chose n'est pas «quelque chose». Comme l'a dit Henrique, sans essence, une chose ne serait rien. La notion d'essence n'est que l'expression philosophique et plus technique d'une évidence du bon sens. Un synonyme de l'essence, c'est la nature ou la quiddité.

L'essence est ce par quoi un être est ce qu'elle est. L'essence d'une chose, c'est ce qui répond à la question: «qu'est-ce que c'est?» L'être n'est pas simple: il est composé d'un élément quidditatif, ce qu'il est, et d'un élément existentiel, ce par quoi il est. Ces éléments, quoiqu'ils soient réellement distincts, sont indissociables.

Quant à dire «tout coule», c'est une assertion qui s'oppose à l'expérience, qui ne nous montre pas que du devenir, mais aussi de la permanence.

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Messagepar ghozzis » 03 oct. 2003, 18:46

Salut Yves,
L'essence est ce qu'une chose est.
J'ai envie de te répondre comme Cicéron à Zénon de Cittium:
"Je le sais bien, cesse de me le répéter!"
Je ne te demande pas ce qu 'est une essence, mais sil existe des essences.
Tu me dis: oui, il existe des essences car il existe des "choses".
Ces choses sont VRAIMENT me dis tu.
Je veux bien t'accorder qu'il existe des choses (meme si je ne pense pas que cela ait de sens, car alors on parle de choses en soi)
En t'accodant donc qu'il existe des choses, penses tu que NOUS (esprit humain), il y ait une quelconque quiddité, essence, ou nature que nous puissions connaitre?
Je ne pense pas, mais je peux me tromper.
Cordialement
Sacha <IMG SRC="images/forum/smilies/icon_razz.gif">

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Messagepar YvesMichaud » 04 oct. 2003, 03:42

Salut Sacha,

Je pense que se demander s'il existe des essences, c'est mal poser la question. On ne peut pas dire des essences qu'elles existent comme un individu existe.

Disons plutôt: les choses ont-elles un principe d'intelligibilité? Si tu réponds négativement, tu vas à l'encontre du bon sens et tu prétends que toute les sciences ont fait erreur, qu'elles n'ont rien compris en croyant comprendre. Mais si les sciences n'ont rien compris aux choses, comment peuvent-elles agir sur elles, les transformer, les adapter à notre convenance? Ce qu'on ne comprend pas, comment le contrôler? Le fait est là: nous contrôlons la nature, et nous ne le pourrions sans doute pas si la nature était incompréhensible ou si elle était une illusion. Bref, si les choses étaient inintelligibles, comment pourrions-nous nous en servir?

Peut-être bien que l'assertion disant que les choses ont un principe d'intelligibilité est un postulat, ou plutôt un axiome que seuls les plus téméraires ont osé révoquer en doute, mais c'est le postulat du bon sens, et c'est à lui que sont dus le succès de l'explication scientifique et notre conquête de la nature.

Cordialement,
Yves M
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Messagepar ghozzis » 04 oct. 2003, 11:34

Salut Yves,
Mon argument était que nous ne connaissons pas la réalité des choses, et toi tu me réponds que si, la preuve c'est que nous pouvons manipuler la nature et la prévoir, grâce à la science.

Je m'étonne que tu cites la 'science' comme domaine d'accès aux essences, puisque c'est justement une façon de penser qui ne se soucie absolument pas de la quiddité des choses, et qui s'est construite contre la quiddité. (je pourrai développer ce point si tu veux)
Maintenant tu élargis le débat, et tu passes de la connaissance des quiddités à la connaissance des lois de la nature, ce qui est légèrement différent.
Mais encore une fois, je te ferai remarquer que ce 'est pas parce qu'on peut prévoir que l'on connait les choses.
Par exemple la théorie de Newton était fausse et a permis de prévoir avec une déconcertante exactitude bien des évènements physiques.
Mais cela est un tout autre problème que celui de l'existence des substances, essences, êtres, natures , quiddités, monades, choses en soi (autant de synonmes). <IMG SRC="images/forum/smilies/icon_rolleyes.gif">
Cordialement,
Sacha

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Messagepar YvesMichaud » 04 oct. 2003, 17:29

Salut Sacha,

1. Les lois de la nature supposent les essences. Affirmant une liaison nécessaire entre phénomènes, la loi révèle qu'un phénomène est d'une nature telle qu'un certain autre en suit (et que d'autres n'en suivent pas). Dire que l'eauë bout à 100 degrés, c'est affirmer quelque chose de la nature de l'eauë. Savoir que la molécule d'eauë est faite de trois atomes, cela ne nous renseigne pas a priori sur ses propriétés. De même, dire que la chaleur produit la dilatation du métal, c'est dire que le métal est d'une nature telle qu'il se dilate à la chaleur. Cela se voit aussi en psychologie, science qui nous décrit la nature de l'homme et de son esprit.

De même, l'induction, si importante en sciences, n'est légitime que si on suppose que les êtres particuliers que nous connaissons ont une certaine nature, et que celle-ci est susceptible de se réaliser dans d'autres êtres particuliers. (je peux développer)

Non, la science ne parle peut-être pas explicitement des essences, mais implicitement, elle les reconnaît.

2. Fausses, les théories de Newton? Le mot est trop fort. Elles n'auraient pas eu autant de succès si elles avaient été aussi fausses que, disons, l'astronomie de Ptolémée. Disons qu'elles ne sont pas aussi complètes et universelles qu'on le croyait. Mais elles ne sont pas dénuées de valeur.

3. Et puis je ne crois pas qu'il faille mettre les monades et les choses en soi dans le même sac que les essences. Les monades ou les choses en soi, c'est l'hypothèse d'un seul philosophe. Les essences, c'est un lieu commun de la philosophie occidentale depuis Socrate.

Mais que fait Henrique?

Cordialement,
Yves M

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Messagepar Henrique » 04 oct. 2003, 18:05

Je réponds en partant de la fin :

1. La théorie de Newton est simplement moins vraie que celle d'Einstein, en ce sens qu'elle explique moins de phénomènes, aussi elle n'a pas foncièrement été réfutée par la relativité générale : l'attraction entre les corps existe toujours.

2. Que certains épistémologues, de la trempe d'un Bachelard, aient bien compris que comprendre un phénomène, c'est le rapporter à un réseau de conditions, qui ne permettent plus d'en faire une substance comme du temps d'Aristote, c'est fort juste. Mais comprendre quelque chose d'un phénomène, cela reste lui attribuer une essence, c'est-à-dire en faire quelque chose, qu'on ne connaît certes pas complètement, mais qui doit être quelque chose pour être connu ! Va donc comprendre un pur non-être ! Je dis que l'essence générale de l'eau (pas de ce verre d'eau), c'est H2o : enlève un atome d'hydrogène et tu n'as plus une molécule d'eau. Cela n'importe quel scientifique - aussi peu soucieux il est vrai de comprendre les fondements métaphysiques de sa démarche que des discours épistémologiques sur son activité - n'importe quel scientifique te dira qu'il le comprend très bien.

3. Tu mets sur le même plan 'substances, essences, êtres, natures , quiddités, monades, choses en soi' et c'est bien là ce qui t'empêches d'y comprendre quoique ce soit. En ce qui concerne la notion d'essence chez Spinoza, ce qui t'empêche de la comprendre, c'est que tu ne suspends pas ton jugement le temps de comprendre : tu demandes à l'essence spinozienne, qu'elle soit aussi la substance spinozienne (en voulant en faire un en soi), qu'elle soit aussi la chose en soi kantienne, l'ousia aristotélicienne, la monade leibnizienne et tu as beau jeu alors de trouver cela bien confus !

4. Que nous ne puissions pas savoir quelles sont les essences des choses dont nous savons qu'elles doivent exister, on peut te l'accorder (je ne le fais pas, mais on peut le faire), mais que de cette inconnaissabilité on tire qu'il n'y a aucune essence, nul ne peut te l'accorder. Car reconnaître qu'une chose est inconnaissable, c'est reconnaître qu'elle est quelque chose même si ce quelque chose, on ne sait ou on ne pense pas savoir ce que c'est.

5. L'héraclitéisme qui dit 'tout coule' ne réfute donc pas les essences : le fleuve qui coule n'est pas rien, il est un quelque chose qui coule, il a donc une essence. De même le 'tout' auquel tu attribues l'écoulement n'est pas rien, puisqu'il coule. Quand bien même ne serait-il que ce qui coule, il sera toujours quelque chose.

D'un point de vue modal, rien ne demeure, tout doit disparaître. Mais que la mort de Paul ne réfute pas que Paul aie été quelque chose et ce quelque chose demeurera le même quelque chose même si Paul ne l'a été que pendant une seconde. L'impermanence des phénomènes, càd des choses conçues de l'extérieur, selon la durée, ne s'oppose pas à l'éternité, càd aux choses conçues en tant qu'elles dérivent nécessairement d'une essence. Tout ce qui est, i.e. toutes les essences, peuvent donc être à la fois impermanentes et éternelles.

6. Qu'est que l'effort ? C'est l'exercice de la force d'exister. La force est une puissance en acte (ce qui correspond au grec [i]energeïa[/i], par opposition à une puissance en puissance, une puissance qui pourrait s'exercer ou pas, ce que récuse Spinoza. Et la puissance est affirmation d'une existence. En d'autres termes, l'effort d'un être est l'affirmation en acte de sa propre existence. En y réflechissant deux secondes, le concept physique de produit de la masse et de l'accélération suppose ce concept plus fondamental. Aucune force au sens physique ne pourrait s'exercer si ce qui s'exerce n'affirmait pas son existence au lieu de la nier, de même qu'aucune force ne s'exercerait si l'être de cette force n'était pas ou que le non être de cette force était : l'ontologie fonde la physique.

7. ''je ne comprends pas pourquoi Spinoza dit d'une part que 'l'essence est ce sans quoi la chose ne peut etre et ce qui ne peut etre sans la chose' et 'l'essence est l'effort pour persévérer dans l'être'.

Soyons précis : l'essence [b]d'un être[/b] est son effort de persévérer dans l'être. Il y a d'abord la définition formelle de ce qu'il y a lieu d'entendre par essence chez Spinoza et ensuite, non plus définition de l'essence en général, mais définition des choses en particulier par l'affirmation de leur existence. Pour voir où Spinoza explique cela : <!-- BBCode auto-link start -->[url=http://www.spinozaetnous.org/ethiq/ethiq3.htm#p7]http://www.spinozaetnous.org/ethiq/ethiq3.htm#p7[/url]<!-- BBCode auto-link end -->

8/ Je ne doute pas de la sincérité de ta démarche, Sacha, et je ne cherche pas à te convaincre. Tu avances un certain nombre de raisons de douter pour toi et je ne doute pas que tu doutes, mais je pense que tu ne te donnes pas la meilleure méthode. Et pour cause, tu persévères autant qu'il est en toi dans ton être de douteur, parce que tu y vois un plus grand bien que dans la conviction, qui serait l'absence de doute. Et avec Spinoza tel que je le comprends, je te répondrais qu'à choisir entre la conviction et le doute, mieux vaut choisir le doute tant qu'on a le loisir de philosopher. Car il y a dans le doute une plus grande puissance de penser, si ce doute ne réduit pas à un définitif et indubitable 'je sais que je ne sais rien', car se poser des questions, c'est se donner la possibilité de réfléchir davantage que ne point s'en poser. Alors qu'avoir simplement cessé de douter, c'est s'enfermer dans une pensée close et limitée.

Mais entre douter systématiquement et être convaincu, il y a une troisième possibilité : la certitude, que tu ne comprendras point tant que tu la confondras avec la conviction (

[url=http://www.spinozaetnous.org/ethiq/ethiq2.htm#p49]E2P49[/url], scolie).

Amitiés,
Henrique


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