Pour en revenir au Dieu de Spinoza.

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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YvesMichaud
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Messagepar YvesMichaud » 21 sept. 2003, 02:55

Salut Ghozzis,
Oui, tu penses ainsi probablement parce que tu te fies à Kant, qui prétend que la preuve cosmologique et la preuve téléologique sont fondées sur la preuve ontologique, qu'il critique. Mais Kant a tort de faire dépendre la preuve cosmologique de la preuve ontologique.

D'ailleurs je n'aime guère la façon dont il comprend la preuve cosmologique. Je préfère les preuves comme les formulent les thomistes.

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Messagepar YvesMichaud » 26 sept. 2003, 22:49

Vous connaissez la boutade que Bayle adresse à Spinoza? «Dieu, modifié en cent Turcs, a tué Dieu, modifié en cent chrétiens».

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Messagepar ghozzis » 27 sept. 2003, 11:10

Salut Yves
Je suis allé sur ton site, mais ai je bien cherché? car je n ai pas trouvé la summa theologiae au complet, mais j ai peut etre mal regardé.
Pour en revenir à Kant, j avoue que je n ai pas regardé dans le détail ses preuves de la réfutation de la démonstration de l existence divine. De toute facon, chez kant, une fois qu on a compris qu on se trompe en tenant un discours sur autre chose que des représentations finies, on tient, à mon avis, l essentiel!
Donc je reviens à mon point de vue sur l etre infini: je n en ai aucune intuition, par conséquent, je pense que tout ce qu on dit a son propos est non-sens!
Maintenant tu peux me demander pourquoi je suis Kant avec un tel "asservissement"? C 'est que ses raisonnements dans la CRP m'ont , 'en gros', convaincu. Et je suis prêt à argumenter si tu veux! <IMG SRC="images/forum/smilies/icon_rolleyes.gif">

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Messagepar YvesMichaud » 01 oct. 2003, 05:29

Voici le lien.

En français, en plus:

<!-- BBCode auto-link start -->[url=http://bibliotheque.editionsducerf.fr/html/Corpus/Frame_thomas.htm]http://bibliotheque.editionsducerf.fr/html/Corpus/Frame_thomas.htm[/url]<!-- BBCode auto-link end -->

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Messagepar ghozzis » 01 oct. 2003, 19:02

Merci Yves,
en réalité je connaissais déjà ce site! <IMG SRC="images/forum/smilies/icon_rolleyes.gif">
Mais juste une question, qui n'a rien de polémique, et qui est vraiment sincère: quel est l'intérêt que tu trouves à St Thomas d'Aquin? Est-ce que "je manque quelque chose" en ne l'étudiant pas vraiment? <IMG SRC="images/forum/smilies/icon_redface.gif">
A plus tard!
PS: j'ai essayé de lire des démonstrations de St Thomas, mais j'y ai trouvé tellement de raisonnements naïfs de métaphysiques que j'avoue avoir laissé tomber. Est ce que cela vaut le coup de se replonger? Je me doute que tu vas me dire que oui, mais en quoi précisément?

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Messagepar YvesMichaud » 02 oct. 2003, 05:39

Moi j'étudie le thomisme... sans S. Thomas d'Aquin. Je ne m'intéresse guère à S. Thomas, préférant ses disciples du 20ème siècle. Je trouve qu'ils sont plus proches de notre réalité et plus conscients de nos problèmes philosophiques. Et puis, si on cherche une critique des modernes, il est inutile de consulter S. Thomas.

Également, ils font un exposé didactique et systématique de philosophie, chose que n'a jamais fait S. Thomas.

Si tu veux t'initier au thomisme, je te conseille l'Introduction à la philosophie de Jacques Maritain, le traité de philosophie en quatre tomes de Régis Jolivet ainsi que l'Ontologie du Cardinal Mercier. Les manuels de Gardeil sont aussi intéressants. J'y ai trouvé autre chose que des «raisonnements naïfs de métaphysique».

Pour étudier le thomisme, toutefois, il faut avoir une maîtrise décente du latin. Souvent, les auteurs citent des passages en latin sans se donner la peine de traduire.
[addsig]

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Messagepar ghozzis » 02 oct. 2003, 19:05

Salut Yves,
J'avoue que l'on en apprend tous les jours! Je ne savais pas qu'il existait des 'penseurs thomistes' au XXème siècle!
S'agit-il de théologie, ou bien leur pensée est elle affranchie des dogmes chrétiens? (ce qui n'est pas le cas chez St Thomas)
Merci,
à plus tard! <IMG SRC="images/forum/smilies/icon_biggrin.gif">
Sacha

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Messagepar YvesMichaud » 03 oct. 2003, 01:54

Salut Ghozzis,
Oui, il y a une multitude de penseurs thomistes au 20ème siècle.

<!-- BBCode auto-link start -->[url=http://www.trincoll.edu/depts/phil/philo/phils/maritain.html]http://www.trincoll.edu/depts/phil/philo/phils/maritain.html[/url]<!-- BBCode auto-link end -->

Les thomistes que j'ai nommés (et plusieurs autres) distinguent soigneusement la philosophie d'avec la théologie surnaturelle. Lorsqu'ils parlent de Dieu ou des miracles, par exemple, leur discours est strictement philosophique. On peut même souscrire à toute leur philosophie sans être catholique.

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Messagepar ghozzis » 03 oct. 2003, 18:49

Merci,
je vais essayer de regarder un peu! :-)

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Messagepar Henrique » 10 oct. 2003, 15:23

Salut, les problèmes rencontrés sur le site ont été réparés.
Je reposte aussi ce message qui avait disparu et reprends donc ce débat où je l'avais laissé.
Sacha, tu dis que tu ne comprends pas ce que c'est qu'un être infini, il est donc naturel que tu ne voies pas la contradiction à affirmer qu'un être absolument infini n'existe pas.

L'exemple de la droite que tu prends est symptomatique : tu ne te représentes qu'une droite indéfinie et non infinie. Et pour cause, au lieu de comprendre par son essence actuelle cette idée de droite infinie, tu essayes de l'imaginer, ce qui ne saurait effectivement tenir lieu d'infinité.

Par être infini, il faut qu'un être soit entièrement positif, càd qu'il soit de nature à ce qu'on ne puisse rien nier de positif le concernant, i.e. qu'on puisse en affirmer tout ce qui est positif : l'infini, c'est l'affirmation pure de l'être.

Je te propose une expérience de pensée. Conçois une sphère : si tu l'imagines, tu te représentes la sphère et ce qui permet d'en délimiter les contours, l'espace environnant : une telle sphère n'est pas cet espace, elle est donc bornée, finie par ce dernier. Mais maintenant, essaye de concevoir qu'il n'y a absolument rien en dehors de cette sphère, que tout ce qui existe, n'existe qu'à l'intérieur de cette sphère : alors cette sphère est infinie.

Mais comme on peut concevoir autre chose que la sphère, et qui n'est pas la sphère (l'idée de la sphère ou encore un cube, un oeuf etc.) la sphère ne pourra être dite absolument infinie.

Si maintenant nous concevons un étant absolument infini au lieu de l'imaginer, nous avons l'idée d'un être dont l'essence est d'être en soi et de se concevoir par soi, càd ce que Spinoza appelle une substance. En effet, s'il se concevait par autre chose, cet étant ne serait plus infini, puisque se rapportant à cette autre chose, il ne la serait pas et serait donc fini ; de même s'il était en autre chose, il en serait une partie et ne serait donc pas la totalité, ce qui impliquerait une négation.

A partir de là, peut-on envisager que cette substance ne soit qu'une idée dans notre esprit ? Si c'était le cas, elle se comprendrait donc à partir de notre esprit et non d'elle-même ce qui signifierait simplement que nous n'avons pas pensé une essence absolument infinie mais limitée.

Une substance, précisément définie comme ce qui est en soi et se conçoit par soi ne saurait se comprendre à partir d'autre chose (substance et donc affection de cette substance également) : elle existe donc nécessairement par elle-même, elle est cause de soi, son essence enveloppe son existence.

Mais ne puis-je pas envisager que la substance infinie ne soit absolument rien ? Ce faisant, elle ne serait effectivement produite par rien, mais cela ne suffirait bien sûr pas à en faire un être existant. Je réponds qu'envisager cela, c'est cesser de comprendre ce qu'on a compris auparavant, passer de la raison au rêve qui consisterait à poser qu'un être absolument infini peut en même temps être absolument fini, càd rien. Que tu puisses passer de l'acte de comprendre à l'acte de rêver, je n'en doute point. Je doute simplement que tu puisses comprendre rationnellement qu'un être qui est affirmation pure de soi (absolument infini) puisse ne pas être tout en demeurant dans la compréhension rationnelle. Le rêver, oui tu le peux : je peux rêver que ce clavier sous mes doigts disparaisse 'par soi', mais je ne puis le comprendre.

J'en viens alors à la réfutation de la preuve a posteriori. Yves, tu dis qu'en posant que 'l'être infini est plus puissant que les êtres finis', soit Spinoza pose par là l'existence de cet être, ce qui est une pétition de principe, soit le mot 'est' dans 'l'être infini est plus puissant que les finis' n'est qu'une copule et alors on ne sait pas si les êtres finis existent ou pas et a fortiori un être infini.

Je réponds que le mot 'est' est effectivement ici une simple copule : ce qui joint le prédicat (plutôt qu'attribut chez Spinoza pour ne pas se mélanger les pinceaux) avec un prédicable. Et il en est de même pour les êtres finis.

Mais la preuve a posteriori n'a pas à prouver l'existence des êtres finis, puisque justement elle est a posteriori.
La preuve ne dit pas seulement 'si des êtres finis existent, alors il existe un être infini', elle dit aussi 'or il existe des êtres finis dont nous constatons l'existence a posteriori, donc etc.'

Maintenant, pour bien comprendre la majeure de ce raisonnement, je propose l'explication suivante :

S'il existe des êtres finis, on doit nécessairement admettre l'existence d'un être infini qui les contient tous. En effet, un être fini est à la fois affirmation de soi et négation de ce qui l'entoure. Il est négation en tant qu'il nie et est nié par ce qui l'entoure en ne l'étant pas. Mais en même temps il ne saurait être question de l'existence d'un être absolument fini, càd qui serait entièrement nié. Un tel être ne saurait exister. Les êtres finis sont donc en partie négations (niés, niant), et en partie affirmations (affirmées, affimant).

Or soit je suppose que l'ensemble des êtres finis est lui-même un être fini, soit je suppose qu'il est infini. Mais dans la première hypothèse, trois nouvelles suppositions sont encore possibles. 1) ou bien il n'existe rien en dehors de cette totalité des êtres finis et alors il s'agit finalement d'un être infini, puisque rien n'en borne l'affirmation. 2) ou bien il existe en dehors de ce tout d'autres êtres finis, mais alors on n'a simplement pas pensé la [b]totalité[/b] à proprement parler des êtres finis. 3) Ou encore il n'existe absolument rien en dehors de la totalité des êtres finis et cette totalité ne contient aucune affirmation : à ce moment là, il s'agit d'un être absolument fini, càd d'une pure négation, d'un pur néant. Ces trois suppositions se réfutant elles-mêmes, il ne reste plus que l'affirmation d'un être absolument infini.

Donc si on conçoit, non de purs non êtres mais des étants qui contiennent une part d'affirmation de leur existence i.e. de puissance, et que par ailleurs on suppose que l'être absolument infini n'existe pas, on pose que l'affirmation pure est moins affirmative que l'affirmation partielle des êtres finis, ce qui est évidemment absurde. Il faut donc ou bien que rien n'existe, ou bien que les êtres finis existent [b]ni plus ni moins[/b] que l'EAI.

Ensuite, si on peut prouver que rien n'existe, la preuve a posteriori sera réfutée. Mais si l'on ne peut sérieusement douter qu'il y a des êtres finis, on ne peut douter non plus qu'il existe un être absolument infini.

Amitiés,
Henrique


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