Ethique II Scolie 2 de la proposition 10

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar Pourquoipas » 30 janv. 2006, 10:24

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Messagepar Miam » 13 mars 2006, 18:34

Je précise ma réponse à ce qui était en question dans mon premier message : l’apparence de contradiction entre II 10s et II 11s.

Car alors, selon II 10, 10s1 et 2, 10c, 11c, 12d, etc…, il faudrait conclure que l’être de la substance (ou du moins de Dieu) appartient à l’essence du Mental, puisque Dieu constitue l’essence du Mental (11c, 12d, …).

Cela peut s’expliquer de la façon suivante.

1° La constitution de l’essence de l’homme en II 10 relève de la puissance d’agir. La constitution de l’essence du Mental en II 11 relève de la puissance de penser.
2° La puissance d’agir est infinie dans chaque attribut. A l’inverse, la puissance de penser est absolument infinie dans le seul mode infini du penser, puisque c’est par l’idée de Dieu que Dieu se réfléchit infiniment (mise en abîme) afin de livrer leur être objectif à chaque mode de chaque attribut.

C’est qu’en effet, l’être de la substance, contrairement à son essence, est infiniment (absolument) infini. Pour cela il faut lire II 10s et 11c parallèlement avec I 9 et I 10s.

a) De l’être est exprimé par chaque attribut qui coopère avec chaque autre (competunt) à l’être de la substance (I 9 et 10s), dès lors seul « étant » (I 10s) « absolute infinitum ». L’être de la substance est absolument infini parce qu’il est comme livré cumulativement par les attributs : d’autant plus d’attributs, d’autant plus d’être ou de réalité (I 9).
b) Tel n’est pas le cas de l’essence de la substance qui est « simplement » infinie ou « infinie en son genre », exprimée toute entière par chaque attribut (I D6 etc…manifestation du paradoxe que nous connaissons).
c) Chaque attribut exprime donc « de l’être » (I 10s) et non pas « l’être de la substance », absolument infinie, mais seulement son essence infinie. Ce n’est évidemment pas non plus l’être de la substance qui constitue les attributs (c’est bien plutôt au contraire les attributs qui coopèrent (competunt, I 9) à l’être de la substance).
d) Pourtant, via l’entendement et l’idée de Dieu, l’être de la substance appartient à l’essence de chaque Mental. Autrement dit, selon II 10, c’est la substance, c’est Dieu, qui constitue l’essence du Mental (II 11c). Via l’idée de Dieu, chaque Mental est capable de percevoir l’absolue infinité de la substance, c’est à dire son être, sa mise en abîme dans l’idée de Dieu. Sans quoi il n’y aurait pas même de définition de Dieu comme « ens absolute infinitum ».

On comprend alors pourquoi en 11c, Dieu constitue l’essence du Mental, autrement dit (selon II 10) que l’être de Dieu appartient à l’essence du Mental. Car cela ne veut plus dire alors (comme en II 10s2 quant à l’essence de l’homme) que Dieu appartient à l’essence du Mental (c’est cela qu’interdit II 10s car sinon le Mental serait d’emblée actif), mais seulement qu’il constitue cette essence, derechef, dans la mesure où le Mental est toujours constitué par l’idée de Dieu (il a l’idée de Dieu), et cela bien que, conformément à II 10s2, celle-ci n’appartienne pas à son essence. C’est pourquoi en II 10s2, la distinction « constituer » - « appartenir » n’est pas encore nécessaire, contrairement à ce qu’il en est en II 11 et après.

Parallèlement à cette distinction du « constituer » et de l’ « appartenir », cela permet de distinguer également l’« être » et l’ « essence » de la substance (rappelons-nous : nous en avons parlé déjà quant aux modes). Ce n’est pas sans d’importantes conséquences au sein desquels, je crois, un thomiste perdrait bien vite son latin…
C’était une précision de

Miam

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Messagepar Pourquoipas » 17 mars 2006, 02:52

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Messagepar Miam » 17 mars 2006, 19:33

Salut Pourquoi pas

Je vais essayer d’être court et synthétique car il n’est pas évident d’expliquer tout en une page. Il est bien possible que je sois trop synthétique. Dans ce cas il conviendra de poser des questions ponctuelles afin que je puisse développer sans faire trop long.

Tu écris :

»A propos de « précision », aurais-tu la gentillesse de préciser ce que tu entends par « être » (esse et non ens je suppose) et « essence » de la substance ? Je suppose que tu entends par « être » quelque chose de différent de l'existentia (ou existere) ?
Et que signifie l'allusion au « thomiste qui y perdrait bien vite son latin » ? »

Je traduis tout simplement « esse » par être, « ens » par étant, « existentia » par existence et « essentia » par essence. Quant à ce dernier terme, je l’emploie comme la fait Spinoza et il se définit selon II D2.

Un thomiste y perdrait vite son latin pour plusieurs raisons. La première est que Thomas ne distingue pas l’ « esse » de l’ « existentia ». La seconde est qu’en outre, nous sommes avec Spinoza à mille lieux de la logique aristotélico-thomiste. J’ai voici peu fait un détour par le forum thomiste. Je voulais poser quelques questions de vocabulaire : sur l’indistinction de « esse » et « existentia » mais aussi sur la curieuse traduction française de « ens » par être et « esse » par exister. Cela me paraissait d’une importance capitale puisque l’allégation par Aristote du logos comme signification exige le passage du verbe (einai, esse) en position de sujet puis, via le participe, sa substantification en « to on » (ens, étant) comme sujet signifié par le prédicat. Et puis je suis tombé sur une « réfutation » thomiste du « sophiste Spinoza » (sic). Ce qui m’a contraint de faire remarquer (en vain) aux thomistes qu’on ne saurait comprendre Spinoza en prenant la signification thomiste des termes qu’il emploie. Parce que, apparemment, les thomistes sont incapables de lire autre chose que ce qui convient à la signification thomiste des termes. Donc ils sont incapables de lire autre chose que du Thomas. Pour cette raison et la précédente, j’ai dit qu’un thomiste y perdrait son latin.

Tu écris :

"J'aurais d'autres questions, notamment sur le competere rendu par « coopérer », mais pour aujourd'hui cela suffira... "

Je reste ouvert à toute proposition de traduction. La mienne est provisoire…

Tu écris :

"Encore une ou deux questions cependant :
Fais-tu une différence entre pertinere et competere et, si oui, laquelle ?"

Je distingue « Pertinere », mais aussi « constituere » de « competere ». Ou plutôt : je les distingue avec Spinoza, dans la mesure où il use de l’un de ces trois termes et non pas des deux autres. C’est qu’il n’y a aucune synonymie complète entre deux termes qu’emploie Spinoza. Ni entre « constituer » et « appartenir », ni entre ces deux et « competere », ni entre l’être et l’existence, ni entre la Substance et Dieu, ni non plus entre la nature et l’essence. Chacun des termes spinozien possède son champs sémantique propre, même s’il recoupe ceux d’autres termes voisins.

D’une part, Spinoza ne dit jamais que l’attribut appartient à l’essence de la substance, mais seulement que ce qu’exprime l’attribut appartient à l’essence de la substance (ou plutôt à la « nature de Dieu » I 20) : à savoir l’essence, l’existence, la nécessité, l’éternité, etc... Et aussi, mais de manière cumulative « de l’être » ou « de la réalité », de sorte qu’en 10s, l’attribut exprime « de l’être » ou « de la réalité », ou alors l’ « être » « entier », mais alors « de » la substance. On ne peut donc lier les attributs et la substance selon la définition de ce qui « appartient à l’essence d’une chose » (II D2). Pourtant l’attribut est ce qu’un entendement perçoit d’une substance (de substantia) comme constituant son essence (I D4). Constituer doit donc ici être distingué d’appartenir.

Par contre, Spinoza dit aussi que les attributs constituent la substance elle-même, et pas seulement son essence (I D6). Et dans ce cas, il dit aussi que l’attribut appartient à la substance. C’est l’attribut « de » la substance. Ici, constituer est synonyme d’appartenir. Mais cela ne relève toujours pas de II D2 qui définit ce qui appartient à l’essence d’une chose, et non simplement à la chose. Par ailleurs, « competere ad » la substance ne veut pas dire « constituere » la substance ou « pertinere » à la substance, sans quoi Spinoza aurait employé l’un ou l’autre en I 9. Spinoza ne dit pas que l’attribut « constitue » l’être de la substance, mais seulement la substance elle-même ou son essence.

Cela signifie que l’attribut n’exprime pas l’être de la substance parce qu’il constitue la substance. Au niveau du « constituer », nous en demeurons à une exigence épistémique puisque c’est pour un entendement qu’il y a constitution (I D4 : c’est pourquoi « constituer » est partout couplé à « expliquer »). C’est pour l’entendement qu’il y a nécessité discursive qu’un attribut soit l’attribut d’un « sujet ». Or, cette nécessité discursive n’exige pas qu’il y ait une substance infiniment infinie, mais seulement, comme le dit les définitions 4 et 6, qu’une substance et son essence soit constituée par des (ou un) attribut(s), c’est à dire qu’il y ait un sujet aux attributs (et pas nécessairement le même sujet, car la définition 6 est encore à démontrer jusqu’en I 11 où l’on use pour la première fois du terme de « Dieu »). Du reste, dans la définition 4, « d’une substance » traduit « de substantia », « au sujet de la substance » (kata tinos) et non « substantiae », « de la substance » (ti ou tinos), ce qui témoigne de l’aspect discursif du « constituere » que l’on retrouve d’ailleurs, au niveau modal, dans la nécessité épistémique d’une constitution de l’essence du Mental par Dieu (qui est alors « expliqué » par ce mental).

Il n’en va pas de même de l’être de la substance. En I 9 et I 10s, Spinoza ne nous dit pas que les attributs expriment l’être de la substance parce qu’ils la constituent. Cela supposerait que l’être exprimé par chaque attribut soit l’être de la substance, de même que l’essence exprimée par chaque attribut est l’essence de la substance. Or, ce n’est pas le cas, puisque l’être, contrairement à l’essence, est cumulatif. L’attribut est infini alors que la substance est infiniment infinie quant à son être, mais simplement infinie quant à son essence. De la sorte, on ne peut confondre « competere » avec « constituere » ou « pertinere ».

La constitution d’une/de l’ essence de la substance par chaque attribut formule le « paradoxe » de la distinction substance-attribut. Ce que je veux dire, c’est que ce paradoxe est l’ effet d’une nécessité épistémo-discursive qui relève de l’entendement, fût-il celui de Dieu, c’est à dire de la nature naturée, puisque l’entendement de Dieu, contre tout aristotélisme, est un mode infini.. Il n’en va pas de même pour le « competere » de I 9 expliqué par I 10s. Tous les attributs expriment de l’être ou de la réalité et « competunt » à la substance « avant même » (ontologiquement, non chronologiquement) de constituer la substance ou son essence. Ce sont les attributs qui, cumulativement, « posent » la substance dans l’être, pour reprendre une expression thomiste, par leur concours parce qu’un « étant » (ens) ne peut être qu’un étant absolument infini. Cela, c’est une nécessité ontologique. Il ne doit pas y avoir une substance absolument infinie parce qu’il doit y avoir un seul « sujet » aux attributs (cela vaut seulement pour l’essence qui, chez Aristote, est « signifiée » par les attributs et relève aussi bien des substances finies), mais parce que chaque attribut exprime, ou pose, ou est affecté (dans) l’être et parce que, d’autre part un être immanent doit être absolument infini. Aussi bien : les attributs compètent par cela seul qu’ils expriment tous de l’être et qu’il y a un seul être parce qu’infiniment infini. Cela suffit à leur « parallélisme ontologique ». Comme ils expriment tous de l’être, ils sont par cela même « un même être ». Mais cela ne pose pas encore un « sujet » des attributs. Cela pose le « to on » (l’étant) mais pas encore comme « sujet » des attributs, sans quoi les attributs signifieraient très aristotéliciennement l’être de la substance et ne l’exprimeraient pas. On aurait alors une infinité de mondes parallèles comme chez Leibniz (et du reste, en quelques manières, chez Aristote). Mais chez Spinoza, ce sont les attributs qui constituent leur propre sujet et l’essence de ce sujet, parce que l’entendement l’exige (I D4). Ce qui est tout autre chose qu’avec l’être. Les attributs n’expriment pas l’être de la substance comme ils expriment son essence.

Dans cette mesure, il faut distinguer « constituer » et « expliquer » d’ « exprimer » et « envelopper ». Il n’y a que les affections qui soient réelles. Mais nous ne disposons que des idées de ces affections (qui bien sûr peuvent être elles-mêmes des idées, comme affections du mental qui se nomment alors affects). Voilà où je distingue l’ontologique de l’épistémique. Les attributs expriment l’être, l’existence, l’éternité, l’essence, la nécessité etc… C’est à dire ils sont affectés dans ceux-ci. Ils sont réels dans la mesure où tout prédicat est réel (est « posé dans l’être) avant même de posséder un sujet. « Voler » est une affection réelle, une réalité, une expression, une aptitude, de l’être enfin, avant même que l’on sache ce qui vole. Mais l’autoréflexivité de Dieu dans son idée (entendement toujours modal) nécessaire aux êtres objectifs, c’est à dire aux idées relevant de la puissance de penser, exige que ces attributs aient un sujet, autrement dit que la substance et son essence soient constituées par les attributs, de sorte, comme le montre I 20, que les attributs « expliquent » (selon l’entendement) ce qui appartient à l’essence de la substance et qu’ils « expriment » par ailleurs.

Ce qui fait le lien entre la nécessité ontologique de l’ »exprimer » et la nécessité épistémique du « constituer » et de l’ « expliquer », c’est alors l’ « envelopper ». Il faut que l’essence de la substance « enveloppe » ce qui est exprimé par les attributs pour que cela (qui est exprimé par les attributs) lui appartienne. Ce sont les attributs qui sont le « commun » permettant de concevoir la substance par ce qu’ils expriment, de sorte que l’on puisse dire : l’éternité, l’essence, la nécessité etc… appartiennent à la substance ou à son essence. De la sorte seulement, il est possible d’alléguer cette substance-sujet qu’ils constituent. Et pour cela ; évidemment, il faut qu’il y ait une essence de la substance. Mais, comme je l’ai dit, c’est seulement pour un entendement que l’attribut constitue l’essence d’une substance. C’est pour l’entendement que les attributs doivent posséder un « sujet ». Ontologiquement, ce n’est nullement nécessaire. Il suffit que chaque attribut exprime « de l’être » pour qu’il y ait un « étant absolument infini » auquel ils concourent (ou coopèrent, peu importe) mais qui n’est toujours pas posé comme sujet, dans la mesure où « competere ad» n’est pas « constituere » et encore moins « pertinere ad ».

Tu écris :

« J'ai quand même du mal à comprendre l'expression : « Via l’idée de Dieu, chaque Mental est capable de percevoir l’absolue infinité de la substance, c’est à dire son être, sa mise en abîme dans l’idée de Dieu. » Une idée de Dieu (version objective de l'être formel que serait l'entendement infini, pour toi, si j'ai bien compris...), version « boucles d'oreille de la Vache Qui Rit » ? »

Oui. C’est cela. C’est pour nous la seule possibilité de saisir l’être absolument infini bien que nous ne percevions que deux attributs. C’est pourquoi également la composition des formes est infinitaire. Comme, dans la mesure où les idées (êtres objectifs) sont les parties de l’idée de Dieu (mode infini divisible), la discursivité découpe l’indivisible de la nature naturante en parties, elle doit retrouver cette indivisibilité par l’allégation d’une composition infinitaire des parties ou modes, sans quoi on en reste aux images communes du premier genre de connaissance. C’est là également le témoignage de la réflexivité nécessaire à tout langage au sens large, c’est à dire à toute logique, comme l’a bien vu Pascal avant Spinoza. Il n’est pas nécessaire pour cela de régresser à l’infini (le TRE l’atteste) mais simplement de comprendre que toute réflexivité, y compris dans l’idée de l’idée, suppose cette mise en abîme. Et cette compréhension conduit à définir l’essence comme le fait, de façon très originale, Spinoza en II D2. A savoir : une essence qui est la production de la chose et non sa signification.

C’est pourquoi je distingue également :

1° La « signification » au sens aristotélicien que Spinoza appelle par son nom (« significatio »). Cette signification-là relève de la production de notions générales à partir (ex) des images communes qui sont également les significations des mots (voces, nomines, verba). Toutefois, comme le dit Spinoza, il faut distinguer les images et les mots, bien que ceux-ci soient produits par une simultanéité conventionnelle d’images. Bref, les mots se distinguent des images, mais ils demeurent, comme simultanéité associant deux images, dépendants des associations imaginaires. C’est fort important puisque cela confère aux signifiants (image simultanée concentionnelle) une indépendance par rapport aux significations (images communes relevant également de la seule imagination sans mot).

2° La signification au sens cartésien. Elle ne relève plus du genre et de la différence spécifique. Elle fait appel à la composition de la « nature » des choses par les « natures simples ». Mais elle demeure toutefois dépendante de l’exigence épistémico-logique d’un sujet qui est expliqué par sa définition : expliqué comme « déroulé » : au sens où ces natures sont « contenues » dans la nature du definiens. C’est ici qu’il faut distinguer « nature » et « essence » (et ici Spinoza suit Thomas et Boèce contre Descartes) parallèlement aux idées adéquates et aux idées claires et distinctes qui les « suivent ». Toutefois, si Spinoza a besoin de cette inclusion logique au niveau discursif (inclusion de toute idée dans l’idée de Dieu) de sorte qu’une définition contienne ce qu’enveloppe la nature d’une chose ou l’explique, la définition spinozienne est fort( différente de celle de Descartes (ou de Thomas). La définition de l’essence selon Descartes et Thomas n’allègue qu’une moitié de la définition spinoziste de II D2. C’est du reste également ici que Spinoza distingue « constituer » - qui chez Thomas est synonyme d’appartenir – et relève d’une moitié de II D2 (sans vice versa) d’appartenir (selon le même II D2 mais complet cette fois.

3° Le sens, qui n’est rien d’autre que m’exprimé et qui, chez Spinoza, contre toute logique aristotélicienne, s’assimile à la référence (refertur ad Deum), sauf que, précisément, la référence suppose le sujet que ne nécessite pas l’expression. IL est à remarquer que, contrairement à ce que dit Deleuze, on n’exprime pas toujours une essence, et que l’ »exprimer » n’exige pas toujours une structure triadique (ainsi en I 10s, 20d et 23d). C’est que, justement, selon moi Deleuze rabat le sens spinozien sur la signification aristotélicienne (dire x de y).

4° Enfin, le non-sens nous est livré par l’indépendance des signifiants. Tout signifiant, même sans sens, peut avoir un effet affectif (et donc est une cause réelle) en vertu de la production du mot selon II 18s et II 40s2. Je dis bien sans sens et non seulement sans signification. Je ne parle pas ici du « bouc-cerf » (sens ou signification sans référence ou sans essence selon Aristote, mais non selon Spinoza), ni même du cercle-carré ou de « …de Dieu », ce dernier ayant un sens et non une signification, mais bien de « Jaberwock » ou « treza ». Ceux-ci sont proprement « sans sens ». Pourtant ils ont quelqu’effet affectif. Et par conséquent ils relèvent de l’expression, donc du sens. Il y a donc un sens au non-sens. Ou plutôt : du non-sens est toujours reversé dans le sens. Si bien que la substance ou Dieu, à savoir le sens exprimé (et la référence expliquée), demeure un ensemble ouvert : un sens digérant toujours du non sens. Ce qui s’appelle « exprimer ». Et c’est pourquoi la substance peut demeurer infiniment infinie : par ce retour de la signification d’un non-sens qui ouvre le sens comme horizon et non comme ensemble. En fin de compte, toute cette complexité de la structure de la nature naturante n’a qu’un but : que la substance, puisqu’elle est infiniment infinie, soit sans reste. Qu’elle soit le réel, le possible et aussi l’impossible. Ce qu’elle n’est pas dans la métaphysique aristotélicienne, ou alors sous la forme d’une déréliction absente de l’immanentisme spinozien.

C’est pourquoi je pense qu’il faut assumer le paradoxe logique de la distinction substance-attribut comme constitutif du sens et de la possibilité d’exprimer ce sens AUSSI de façon discursive (réflexivité logique impossible à contrecarrer et exigé par tout langage). Et c’est pourquoi également, la substance en tant que sujet est exigée. Mais elle est exigée toujours à la limite du non-sens via le retour des signifiants sans sens. Car la substance n’est pas le sujet d’une signification, mais l’objet de l’expression d’un sens. Mais pour que ce sens soit celui de la substance (l’essence de la substance) et de celle-là seule, il faut que cette substance soit absolument infinie, qu’elle soit sans reste, et donc qu’elle intègre même le non-sens dans son horizon de sens.

On aura compris que je m’étonne de l’absence de Spinoza (et curieusement l’importante présence de Leibniz) dans la « Logique du sens » de Deleuze. Je pense au contraire que la « logique du sens » convient bien mieux» occidental, ce que ne fait pas Leibniz, pas plus que la phénoménologie ou la philosophie analytique. D'où l'importance actuelle de l'alternative spinoziste...

Mon facteur te remercie. Je ne m’en fais pas trop pour lui. Il a toujours la bonne idée de se faire remplacer quand le climat est trop rude.
A+
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Messagepar Miam » 17 mars 2006, 21:37

Erratum : au lieu de lire "le sens, c'est (...) m'exprimé", il faut lire "le sens, c'est (...) l'exprimé". Mes mains de prolo me jouent des tours...

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Messagepar Miam » 17 mars 2006, 21:45

:oops:
Et tant que tu y es, lecteur, tu me passeras d'horribles fautes d'orthographe comme "lieux" au lieu de "lieues" etc...
Je m'excuse: j'ai dû faire vite et je ne me suis pas relu convenablement.

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Messagepar hokousai » 17 mars 2006, 23:41

'''''J’ai voici peu fait un détour par le forum thomiste. '''''

ah bon?
Un détour ou un petit tour ? J'y ai lu en effet certaines choses .. qui auraient méritées d'être discutées ..mais bref ce ne semble pas être le lieu .

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Messagepar Pourquoipas » 18 mars 2006, 09:25

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Messagepar Miam » 18 mars 2006, 12:08

Pourquoi le sens aurait-il besoin d'un homme ou d'un animal ? D'une part, out individu est "animé" chez Spinoza, puisque tout corps a son mental, son conatus, etc... D'autre part, le sens, c'est ce qui est exprimé, et toute chose singulière est expressive. Le sens n'est pas nécessairement signifié, mais il peut l'être, et dans ce cas, évidemment, il s'agit d'un sens humain:de ce qui est exprimé par le discours. Mais le sens ne naît pas du discours, sans quoi seul le discours serait expressif.

J'ai été très synthétique. J'ai même fait des racourcis, car ce que j'attribue à Aristote quant à l'être et l'étant est en vérité réalisé dès Parménide. Toutefois, on peut dire que cette scène primitive de la philosophie est reproduite de paricide en paricide, avec de grandes différences bien sûr, y compris avec Aristote. Nietzsche disait qu'il y a une névrose à l'origine de la philosophie, dans la mesure où elle naît, comme le dit Heidegger, avec le "matin parménidien". Parménide l'empailleur.

Si j'étais ni court, ni synthétique, je devrais développer en 350 pages (environ). L'enjeu de la pensée spinoziste ne peut se comprendre que si l'on saisit la constitution du logos parménidien et les différentes régulations du langage qui s'ensuivent, par exemple chez Aristote ou Port Royal, ou encore les tentatives pour dépasser ces régulations par toutes sortes de théologies négatives, de Denys à de Cues en passant par Maïmonide (dont Spinoza, malgré nombre d'oppositions, reprend l'assimilation de la référence et du sens, par delà la signification). Ceci dit, on trouve aussi une théologie négative chez Aristote, mais elle n'a pas grand chose à voir avec sa théorie de la signification.

Il n'y a plus de fonction "éditer" une fois que l'on quitte le site. Quand j'y reviens pour relire mon texte, elle a disparu.

Miam

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Messagepar Pourquoipas » 18 mars 2006, 12:43

Réponse rapide (puisque je suis là, l'entraînement de rugby n'ayant pas lieu aujourd'hui) :

Cela revient à dire qu'il faut connaître (et bien) toute l'histoire de la philosophie, au moins occidentale... Est-ce possible et même souhaitable ? Nietzche connaissait-il vraiment Spinoza ? Spinoza connaissait-il vraiment Aristote, Platon ou même le Talmud ? Tant qu'à faire, vu la culture dont nous sommes sûrs qu'il la possédait, peut-être serait-il beaucoup plus profitable de lire et d'étudier le texte biblique qu'il a étudié dans son enfance et bien sûr dans sa langue originale - sans oublier bien sûr Maïmonide , Descartes, Hobbes et consorts ?

Mais j'aimerais quand tu parles de quelqu'un que tu prennes la peine de résumer ou de présenter succinctement la pensée de celui ou ceux dont tu parles (tout le monde ici n'a pas la même culture ni les mêmes références ni la même manière de réfléchir...).

Pour les 350 pages, bien, écris donc un ouvrage et fais-le publier. La simple allusion ne me semble pas de mise sur un Forum (même si cela a déjà été dit auparavant, je ne vois aucun inconvénient à relire une chose exacte ou au moins intéressante).

Exemple : tu fais souvent allusion à une pensée "augustino-cartésienne" et à Port-Royal (mes souvenirs à ce sujet sont lointains). Pourrais-tu nous présenter au moins succinctement de quoi il s'agit ?

Je relis ton message : je ne suis pas sûr du tout que nous donnions le même sens (!) au mot « expression ». C'est un mot travaillé par Deleuze d'après certaines expressions de Spinoza (mais là aussi mes souvenirs sont lointains). Bon, ne me reste qu'une solution : re(puissance n)-lire l'Ethique, crayon à la main, dans sa continuité, en faisant semblant de croire qu'il n'existe aucun commentaire à son sujet.

Porte-toi bien

PS - La fonction "Editer" existe : je viens de le prouver dans mon message précédent.

JF


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