Existence de Dieu

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Cette partie du forum traite d''ontologie c'est-à-dire des questions fondamentales sur la nature de l'être ou tout ce qui existe. Si votre question ou remarque porte sur un autre sujet merci de poster dans le bon forum. Merci aussi de traiter une question à la fois et d'éviter les digressions.

Spinoza a-t-il prouvé valablement l'existence de Dieu ?

Oui, ses arguments sont parfaitement valides
14
58%
Non, ses arguments ne sont pas vraiment convaincants
6
25%
Non, ses arguments ne sont pas valides
4
17%
 
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zerioughfe
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Messagepar zerioughfe » 16 mars 2004, 18:42

Salut à tous,

Il y a quelques jours, je suis revenu faire un petit tour par ici. En relisant mon dernier message, j'ai trouvé qu'une petite explication ne serait pas forcément malvenue : il ne s'agit évidemment pas de relancer le débat :wink: , mais seulement de préciser certains points, au cas où certains seraient intéressés.

Je crois maintenant comprendre parfaitement les arguments de Henrique (ou de Spinoza), à tel point que j'ai du mal à les réfuter sans entendre par avance les objections qu'on pourrait me lancer. Je vais quand même essayer de dépasser les cercles vicieux, car si l'erreur de Spinoza est difficile à mettre clairement en évidence (il faudrait réfuter toutes les objections en même temps), elle n'en est pas moins réelle.


La preuve de l'existence de Dieu part du pur concept de Dieu, et prétend prouver grâce à ce concept que Dieu existe. Mais qu'est-ce qui prouve qu'un pur concept peut démontrer l'existence de quoi que ce soit ? Voilà un présupposé sans aucun fondement. Spinoza a confondu le concept et la logique : il a traité l'existence comme une propriété banale, alors que rien ne prouve qu'il ait le droit de le faire. Dire que le chat est jaune (propriété banale), ça ne de sens que si on suppose, au moins virtuellement, que le chat existe (condition sine qua non). Dire que Dieu existe, ça ne de sens que si on suppose, au moins virtuellement, que Dieu existe. Certes, une montagne étant donnée, le concept de montagne suffit à prouver l'existence d'une vallée, mais cela n'est valable que parce qu'on a déjà supposé l'existence de la montagne.

Remarque : j'écarte volontairement les définitions du genre : "j'appelle bidule ce qui existe", car :
- elles prouvent seulement l'existence de "quelque chose" et ne sauraient prouver celle de Dieu
- il ne s'agit pas là d'une preuve purement logique car sa valeur démonstrative ne vaut qu'a posteriori : si rien n'existait, cette définition serait certes sans objet et impossible à prononcer, mais certainement pas absurde. En elle-même, cette définition ne prouve rien.

Sans vouloir partir du présupposé contraire, je ne vois pas par quel miracle un pur concept pourrait impliquer une existence. Comment passer du concept de Dieu à son existence ? L'existence contenue dans la définition de Dieu n'est pas, a priori, l'existence en acte de Dieu. Je crois donc que Spinoza a été victime d'un aveuglement très puissant qui consiste à accorder une confiance absolue au pur concept et à le confondre avec la logique. Bien sûr, il n'est pas assez stupide pour croire que la "licorne existante" existe, mais il donne une mauvaise raison à son inexistence, à savoir : l'incompatibilité entre le concept de "licorne" (qui dépend d'autre chose) et celui de nécessité. Ayant évité cette incompatibilité avec le concept de "Dieu", il croit donc, à tort, avoir éliminé tout obstacle à la démonstration de son existence.

Amicalement,

-Zerioughfe- :wink:

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bardamu
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Messagepar bardamu » 16 mars 2004, 19:22

zerioughfe a écrit :Dire que Dieu existe, ça ne de sens que si on suppose, au moins virtuellement, que Dieu existe.


Dieu est cause de soi, Dieu est l'existant.

E1D1. J'entends par cause de soi ce dont l'essence enveloppe l'existence, ou ce dont la nature ne peut être conçue que comme existante.

L'être parfait est l'être réel. Le réel est appelé Dieu ou Dieu est l'être réel par excellence.
EIIDéf. VI : Réalité et perfection, c'est pour moi la même chose.

Pourquoi dire "Dieu" plutôt que "Nature" ou "Réel" ?
Peut-être pour ne pas se retrouver avec les matérialistes de son époque, peut-être pour pouvoir parler des affects, de l'amour de Dieu-Nature-Réel.
E3 Définition des passions 20, explication :
Je sais que l'usage donne à ces mots un autre sens. Mais mon dessein est d'expliquer, non la signification des mots, mais la nature des choses,

Je crois que cette remarque qu'il applique à la définition des passions vaut pour toute l'Ethique.

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YvesMichaud
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Messagepar YvesMichaud » 17 mars 2004, 03:30

bardamu a écrit :
E1D1. J'entends par cause de soi ce dont l'essence enveloppe l'existence, ou ce dont la nature ne peut être conçue que comme existante.


Cette définition fait problème. Saint-Thomas montre que, quoique Dieu soit nécessairement existant, il peut très bien être conçu comme inexistant. La proposition «Dieu n'existe pas» n'est pas, de prime abord, une absurdité. Ce n'est pas comme si j'essayais de penser un cercle carré. C'est parce que l'objet propre de notre intelligence n'est pas Dieu que nous pouvons le nier.

La preuve ontologique serait valable si on connaissait Dieu de la même manière qu'on connaît les choses sensibles. Mais alors, on n'aurait vraiment pas besoin d'une preuve ontologique pour s'assurer de l'existence de Dieu...
Modifié en dernier par YvesMichaud le 17 mars 2004, 05:28, modifié 1 fois.
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Messagepar YvesMichaud » 17 mars 2004, 05:10

Zerioughfe, je lis ton message, et j'ai l'impression que tu dis la même chose qu'au début... ce débat aura-t-il servi à quelque chose? A-t-on fait le moindre progrès?

Je pense que le truc de la montagne et de la vallée doit être entendu comme une analogie:

La montagne est à la vallée ce que Dieu est à l'existence.

Descartes demandait: pourquoi dirait-on: Dieu existe nécessairement s'il existe, alors qu'on ne dit pas: l'homme est raisonnable s'il est raisonnable?
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Messagepar zerioughfe » 17 mars 2004, 12:10

YvesMichaud a écrit :Zerioughfe, je lis ton message, et j'ai l'impression que tu dis la même chose qu'au début... ce débat aura-t-il servi à quelque chose? A-t-on fait le moindre progrès?

Oui, en tout cas de mon côté : si je n'ai pas changé d'avis, la réflexion m'aura été très profitable quand même.

Je pense que le truc de la montagne et de la vallée doit être entendu comme une analogie

...bien sûr, donc l'analogie ne marche pas.

La montagne est à la vallée ce que Dieu est à l'existence.

...dans le monde des concepts, oui.

Descartes demandait: pourquoi dirait-on: Dieu existe nécessairement s'il existe, alors qu'on ne dit pas: l'homme est raisonnable s'il est raisonnable?

Parce que ce n'est pas du tout pareil : l'existence est la condition sine qua non pour qu'un objet ait telle ou telle propriété.

Le fait d'être raisonnable n'est possible que pour un objet qui existe. Tu soulignes qu'on ne dit pas "l'homme est raisonnable s'il est raisonnable". Bien sûr ! Mais quand on dit "l'homme est raisonnable", on sous-entend d'abord que l'homme existe. L'homme est raisonnable s'il existe ; comme Dieu existe nécessairement s'il existe.

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Messagepar YvesMichaud » 17 mars 2004, 18:19

Eh bien, je me demande ce que les spinozistes répondront à cela.
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Messagepar zerioughfe » 17 mars 2004, 18:38

Ca, je peux te le dire d'avance :

Tu n'as pas une idée claire de la substance.
Tu ne pars pas de la preuve de Spinoza, tu la déformes.
Tu pars du présupposé selon lequel Kant a raison.
A partir du moment où, dans la pensée, l'existence de Dieu découle nécessairement et adéquatement de son concept, il doit en être de même dans la réalité.
Tu réduis le concept à une simple abstraction alors que c'est l'affirmation même de la réalité.

etc. :wink:

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Messagepar bardamu » 17 mars 2004, 19:16

YvesMichaud a écrit :Eh bien, je me demande ce que les spinozistes répondront à cela.


J'inverse pour voir :
EIIDéf. VI : Réalité et perfection, c'est pour moi la même chose.

L'être parfait est l'être réel.
Nous appelons Dieu l'être parfait. L'être parfait est donc réel c'est-à-dire existant.
Là, je crois que je ne peux pas faire plus simple.

Et je serais curieux de savoir ce qu'on appelle "perfection" si celle-ci n'est pas la réalité. Des Idées platoniciennes ? Un en-soi insaississable ? Un arrière-monde réservé aux morts ?

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Messagepar zerioughfe » 17 mars 2004, 19:48

EIIDéf. VI : Réalité et perfection, c'est pour moi la même chose.

L'être parfait est l'être réel.
Nous appelons Dieu l'être parfait.

Donc Dieu existe, puisque quelque chose existe (et d'ailleurs ce n'est pas une preuve mais une constatation !). Mais du coup, comme la définition que tu as donné au mot "parfait" correspond seulement à une réalité, tu ne peux rien déduire de plus. Dieu existe, mais Dieu n'est que "ce qui existe". Rien ne prouve que Dieu soit un être pensant et absolument infini, comme le prétend Spinoza.

Tu vas me répondre que si Dieu n'était ni pensant ni absolument infini, il ne serait pas parfait. Sauf que dans ce cas, tu rajoutes des propriétés au concept de perfection : la perfection n'est plus la seule réalité. Tu me diras : "mais si, puisque c'est justement la réalité de l'infinité des attributs !". D'accord, mais ce n'est jamais qu'une variante de la preuve par les montagnes et les vallées : le concept de "réel" contient celui d'existence comme celui de Dieu, mais, de même que rien ne prouve l'existence de Dieu, rien ne prouve non plus que tout le réel imaginable existe. Te voilà donc condamné à ressortir ta fameuse (et fumeuse :wink: ) théorie selon laquelle "rien n'empêche le réel de s'étendre à l'infini dans une infinité d'attributs", ce que tu fais implicitement dans ton raisonnement. Nous en avons amplement débattu plus haut. :wink:

Amicalement,

-Zerioughfe-

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Messagepar bardamu » 17 mars 2004, 22:32

zerioughfe a écrit : le concept de "réel" contient celui d'existence comme celui de Dieu, mais, de même que rien ne prouve l'existence de Dieu, rien ne prouve non plus que tout le réel imaginable existe.

Pour moi, réel et existant sont la même chose.
Du réel qui n'existerait pas ne serait pas du réel.
Croire qu'on imagine quelque chose de réel ne signifie pas qu'on le fait vraiment. Tout le réel imaginable existe mais encore faut-il être certain que c'est du réel qu'on imagine et pas une chimère.
Si tu imagines que tu es sur un cheval ailé volant dans le ciel, tu ne peux pas dire que tu es dans un réel imaginable puisque tu sais que ce que tu imagines n'est pas réel.
Mais, en tout état de cause, à toute imagination correspond un réel même si ce n'est pas celui représenté par l'imaginé. Ce sera au minimum, la réalité d'un être imaginant ce "réel" imaginable.

C'est le réel qui est premier, pas l'imagination du réel.
Et le réel n'est pas un objet ayant des propriétés puisque, comme tu le dis, il est causalement avant tout objet : une chose doit exister, être réelle, avant d'exister en tant que ceci ou cela. L'existence précède l'essence sauf pour la Substance-Nature-Réel-Dieu dont l'essence est l'existence.
Te voilà donc condamné à ressortir ta fameuse (et fumeuse :wink: ) théorie selon laquelle "rien n'empêche le réel de s'étendre à l'infini dans une infinité d'attributs", ce que tu fais implicitement dans ton raisonnement. Nous en avons amplement débattu plus haut. :wink:

Amicalement,

-Zerioughfe-


Trouvons les alternatives à la théorie fumeuse.
Qu'est-ce qui empêchera le réel de s'étendre à l'infini ?

Je vois au moins 4 possibilités :
- le réel est fini = il est apparu par magie sans cause, il disparaitra par magie sans cause
- le réel est fini = il est limité par un au-delà infini, un "supra-réel" transcendant
- le réel est ce que je peux ressentir, il est l'ensemble des objets sensibles et se limite donc à ma capacité à "toucher"
- le réel est ma conscience

Quoi d'autre et que choisir ?


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