Existence de Dieu

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Cette partie du forum traite d''ontologie c'est-à-dire des questions fondamentales sur la nature de l'être ou tout ce qui existe. Si votre question ou remarque porte sur un autre sujet merci de poster dans le bon forum. Merci aussi de traiter une question à la fois et d'éviter les digressions.

Spinoza a-t-il prouvé valablement l'existence de Dieu ?

Oui, ses arguments sont parfaitement valides
14
58%
Non, ses arguments ne sont pas vraiment convaincants
6
25%
Non, ses arguments ne sont pas valides
4
17%
 
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zerioughfe
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Messagepar zerioughfe » 02 déc. 2003, 13:58

Encore une petite digression (qui n'a rien à voir avec les preuves de Spinoza, mais bon)...

Pour le matérialiste, "l'âme et le corps sont une seule et même chose" : le corps. C'est la simple application du rasoir d'Occam à la philosophie de Spinoza.
Expliquer la pensée par la matière, cela peut paraître difficile (et ça l'est assurément). Mais le "monisme dualiste" de Spinoza n'explique pas la pensée aussi bien qu'on le croit. L'attribut Pensée contient des idées, mais toutes ne pensent pas. L'idée de l'homme pense, l'idée de porte-drapeaux ne pense pas. Pendant des milliards d'années, aucun objet ne pensait dans l'Univers (sauf si l'on croit que Dieu pense indépendamment de l'homme, idée qui me paraît absurde). Il n'y avait que des idées d'objets. Puis la vie est apparue peu à peu. Des atomes se sont assemblés en molécules, les molécules se sont organisées d'une manière de plus en plus complexe... Mais aucun des atomes qui constituent notre corps ne pense, ni leurs idées. Pourtant, l'idée de l'ensemble de ces atomes, elle, pense, car elle est modifiée en permanence, parallèlement à notre corps. Pour ma part, je ne vois pas comment la modification d'une idée peut devenir une sensation... C'est une théorie un peu folle, qui ne fait que déplacer le problème et qui ne correspond en rien à notre expérience (en tout cas à la mienne). Comme on appelle "Pensée" l'attribut des idées, on a l'illusion que la pensée est expliquée, et que le problème est résolu. En fait, il n'en est rien (sauf, éventuellement, à considérer que Dieu pense, indépendamment de l'homme). Alors bien sûr, on peut toujours essayer de trouver telle ou telle explication, mais ça reste pure spéculation selon moi.

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Messagepar ghozzis » 02 déc. 2003, 18:24

Salut!
Juste pour dire que j'adhère à ton point de vue: je ne vois pas comment des idées qui ne pensent rien (comme chez Spinoza) pourraient, ensemble, avoir des sensations (!)
D'où mon "tout sensation"...au moins comme ca le problème est réglé!

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Messagepar zerioughfe » 02 déc. 2003, 19:33

ghozzis a écrit :Salut!
Juste pour dire que j'adhère à ton point de vue: je ne vois pas comment des idées qui ne pensent rien (comme chez Spinoza) pourraient, ensemble, avoir des sensations (!)
D'où mon "tout sensation"...au moins comme ca le problème est réglé!

Alors pour toi, un porte-drapeaux, ça ressent quelque chose ?

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Messagepar bardamu » 02 déc. 2003, 20:33

zerioughfe a écrit :(..)Pendant des milliards d'années,

Et l'éternité ?

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Messagepar zerioughfe » 03 déc. 2003, 13:17

Pour en finir avec la preuve ontologique (les arguments de Sescho ne sont pas vraiment ceux de Spinoza : j'y ai répondu dans la page précédente), et avec le point de "pure logique", je vais exposer le plus clairement possible ma réfutation. Je ne sais pas s'il sera possible d'en discuter, car cela me paraît trivialement évident. Mais peu importe, je n'ai pas l'intention de continuer cette discussion. Nous ne pouvons en fait que nous scinder en deux camps : ceux qui acceptent ma réfutation pour une évidence, et ceux qui acceptent la preuve ontologique comme une évidence. Il est impossible d'expliquer vraiment une évidence.

Les deux phrases suivantes ne sont absolument pas équivalentes :

- Je ne peux pas concevoir un Dieu qui n'existe pas.
- Je ne peux pas concevoir que Dieu n'existe pas.

Voici le raisonnement de Spinoza.

On part de l'idée de Dieu. Cette idée n'est pas contradictoire, ne fait appel à rien d'extérieur. De plus, elle contient l'existence. Or une idée n'est pas un "tableau muet" : c'est une affirmation (comme l'idée de cercle obtenue en faisant tourner un segment). Par conséquent, cette idée est vraie (aussi vraie que celle de cercle). Donc Dieu existe.

Tout est vrai, dans ce raisonnement, hormis la dernière phrase. L'idée est vraie : le concept de Dieu contient celui d'existence, de même que le concept de montagne contient celui de vallée. Je ne peux donc pas concevoir un Dieu qui n'existerait pas (ce serait comme concevoir une montagne sans vallée) ! L'erreur (facile à commettre) consiste à dire : je ne peux pas concevoir que Dieu n'existe pas. La nuance est si subtile qu'il est facile de passer d'une proposition à l'autre, et de prendre sa conclusion pour une certitude (puisque l'idée de cercle en est effectivement une).

L'idée de Dieu est vraie, mais ne correspond pas forcément à un Dieu extérieur. Si j'ai une idée vraie de la montagne, je ne pourrai pas nier que le concept de montagne contienne celui de vallée. Cela prouve que s'il existe une montagne, alors l'inexistence de la vallée est inconcevable (donc la vallée existera). Le concept de Dieu prouve que s'il existe un Dieu, alors son inexistence est inconcevable (donc Dieu existera). Mais cela ne prouve pas que Dieu existe !

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Messagepar bardamu » 03 déc. 2003, 20:04

zerioughfe a écrit :L'idée de Dieu est vraie, mais ne correspond pas forcément à un Dieu extérieur. Si j'ai une idée vraie de la montagne, je ne pourrai pas nier que le concept de montagne contienne celui de vallée. Cela prouve que s'il existe une montagne, alors l'inexistence de la vallée est inconcevable (donc la vallée existera). Le concept de Dieu prouve que s'il existe un Dieu, alors son inexistence est inconcevable (donc Dieu existera). Mais cela ne prouve pas que Dieu existe !


Spinoza ne part pas de l'idée de Dieu mais d'une substance. Et il répond à ton objection ci-dessous.
Es-tu certain d'avoir une idée claire de ce qu'est une substance ?

E1P8 scholie2 :
Par substance, en effet, on entendrait ce qui est en soi et est conçu par soi, c'est-à-dire ce dont l'idée n'a besoin de l'idée d'aucune autre chose ; par modification, au contraire, ce qui est dans une autre chose, et dont le concept se forme par le concept de cette chose. Et de là vient que nous pouvons nous former des idées vraies de certaines modifications qui n'existent pas ; car, bien qu'elles n'aient pas d'existence actuelle hors de l'entendement, leur essence est contenue dans une autre nature de telle façon qu'on les peut concevoir par elle. Au lieu que la substance, étant conçue par soi, n'a, hors de l'entendement, de vérité qu'en soi.

Si donc quelqu'un venait nous dire qu'il a une idée claire et distincte, et partant une idée vraie d'une certaine substance, et toutefois qu'il doute de l'existence de cette substance, ce serait en vérité (un peu d'attention rendra ceci évident) comme s'il disait qu'il a une idée vraie, et toutefois qu'il ne sait si elle est vraie. Ou bien, si l'on soutient qu'une substance est créée, on soutient par la même raison qu'une idée fausse est devenue une idée vraie, ce qui est le comble de l'absurdité. Et par conséquent il faut nécessairement avouer que l'existence d'une substance est, comme son essence, une vérité éternelle.

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Messagepar zerioughfe » 04 déc. 2003, 10:53

Vous jouez toujours (quoique involontairement) sur le flou des concepts comme essence, substance, cause de soi, en soi, conçu en soi, conçu par soi, etc. Ce qui fait que la discussion dérive sans cesse, que mes réfutations sont à leur tour réfutées, etc. Si on définissait précisément tous ces termes, toute preuve de l'existence de Dieu deviendrait clairement impossible. Je réponds à Bardamu en essayant d'éliminer certaines imprécisions.

Je ne parle pas de substance mais de Dieu. Car si la substance est "ce qui existe (quelle que soit sa nature)", alors il serait en effet absurde d'affirmer qu'elle n'existe pas (puisque quelque chose existe) !!
Elle existe, elle est en soi, mais c'est parce qu'elle existe qu'elle est substance, et non parce qu'elle est définie comme substance qu'elle existe. Nous savons, a posteriori, qu'elle existe.

Si tu n'acceptes pas cela, c'est que tu pars de l'idée de substance, quoi que tu en dises ("Spinoza ne part pas de l'idée de Dieu mais d'une substance"). D'ailleurs tu te trahis toi-même en demandant : "Es-tu certain d'avoir une idée claire de ce qu'est une substance ?".
Si tu dis que Spinoza ne part pas de l'idée mais de la substance, cela te force à définir la substance comme je l'ai fait.
Mais alors il s'agit d'une simple substance, pas de Dieu.

Dieu, "une substance qui contient une infinité d'attributs infinis", est une substance précise. Mais contrairement à la substance dont on ne peut contester l'existence si elle est définie comme ci-dessus (car nous savons que quelque chose existe), nous ne savons rien de l'infinité d'attributs, donc de l'existence de Dieu.
En tant que substance, il est en soi, mais seulement si on accorde qu'il existe (sinon il n'est pas).

Reste le problème du "conçu en soi". Ce concept est flou. Dieu est forcément en soi, mais il peut être conçu en autre chose. Ou plutôt, ça dépend de ce qu'on entend par là : on retrouve le même piège que je révèle dans mon précédent message. Ainsi n'as-tu fait que déplacer la confusion.

- "Dieu est conçu en soi" peut signifier "il ne peut être conçu que comme ne faisant partie de rien d'autre" (je n'ai pas besoin du concept d'autre chose dont Dieu serait un mode, par exemple). Certes, mais cela ne prouve pas qu'il existe ! Qu'il ne fasse partie de rien d'autre, qu'est-ce que cela change ?

- "Dieu est conçu en soi" peut signifier "il ne peut être conçu qu'à l'intérieur de lui-même". Cela implique que si je le conçois, je prouve par là même son existence. Cela revient à dire : "je ne peux pas concevoir que Dieu n'existe pas". C'est évidemment absurde : Dieu peut-être conçu même s'il n'existe pas. La substance existe. Je peux me forger une idée de l'infini (même dans un monde fini) et généraliser cette idée pour avoir une idée de Dieu. Mon idée ne correspondra à rien de réel, et sauf à considérer que cela forcerait l'existant à avoir des frontières (!), il n'y a là aucune aberration.

Enfin, je voudrais savoir si quelqu'un accepte cette preuve de Spinoza :

Pouvoir ne pas exister, c'est évidemment une impuissance ; et c'est une puissance, au contraire, que de pouvoir exister. Si donc l'ensemble des choses qui ont déjà nécessairement l'existence ne comprend que des êtres finis, il s'ensuit que des êtres finis sont plus puissants que l'être absolument infini, ce qui est de soi parfaitement absurde. Il faut donc, de deux choses l'une, ou qu'il n'existe rien, ou, s'il existe quelque chose, que l'être absolument infini existe aussi. Or nous existons, nous, ou bien en nous-mêmes, ou bien en un autre être qui existe nécessairement (voir l'Axiome 4 et la Propos. 7). Donc l'être absolument infini, en d'autres termes (par la Déf. 6) Dieu existe nécessairement. C. Q. F. D.


Si oui, alors ça m'explique beaucoup de choses...
Si non, alors vous êtes forcés d'admettre que les évidences de Spinoza n'en sont pas (ce que fait implicitement Sescho, puisqu'il admet que l'infinité d'attributs n'a pas été prouvée)...

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Messagepar bardamu » 04 déc. 2003, 22:16

zerioughfe a écrit :Elle existe, elle est en soi, mais c'est parce qu'elle existe qu'elle est substance, et non parce qu'elle est définie comme substance qu'elle existe.

Exact.
Mais alors il s'agit d'une simple substance, pas de Dieu.

Exact au départ.
Dieu, "une substance qui contient une infinité d'attributs infinis", est une substance précise.

Non, justement.
Lecture intéressante à ce propos : http://perso.club-internet.fr/glouise/VES.htm

Dieu est forcément en soi, mais il peut être conçu en autre chose.

Quelque chose en dehors de l'absolu infini qui serait capable de le concevoir ? Tout est en Dieu.
"Mais Dieu n'existe pas !" me diras-tu, "il n'y a donc rien en lui !"
Enfin, je voudrais savoir si quelqu'un accepte cette preuve de Spinoza :

Oui, moi.
Si oui, alors ça m'explique beaucoup de choses...

Très bien !
Si non, alors vous êtes forcés d'admettre que les évidences de Spinoza n'en sont pas (ce que fait implicitement Sescho, puisqu'il admet que l'infinité d'attributs n'a pas été prouvée)...

Bis repetita : http://perso.club-internet.fr/glouise/VES.htm

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Messagepar zerioughfe » 05 déc. 2003, 14:48

bardamu a écrit :
zerioughfe a écrit :Elle existe, elle est en soi, mais c'est parce qu'elle existe qu'elle est substance, et non parce qu'elle est définie comme substance qu'elle existe.

Exact.
Mais alors il s'agit d'une simple substance, pas de Dieu.

Exact au départ.

8O Incroyable ! :lol:

Dieu, "une substance qui contient une infinité d'attributs infinis", est une substance précise.

Non, justement.
Lecture intéressante à ce propos : http://perso.club-internet.fr/glouise/VES.htm

Je ne vois pas le rapport ! Je n'ai pas voulu dire que Dieu était une substance parmi d'autres : je sais bien que c'est la seule et l'unique.

Tu me disais : "Spinoza ne part pas de l'idée de Dieu mais d'une substance." J'ai répondu que la substance existe évidemment, (à condition bien sûr de la définir comme je l'ai fait). Mais là il s'agit de prouver que cette substance a les propriétés de Dieu (qu'elle est "constituée par une infinité d'attributs dont chacun exprime une essence éternelle et infinie", dixit Spinoza lui-même, E1D6).
Autant on ne peut pas contester l'existence de la substance (si elle est définie comme dans mon message précédent), puisque quelque chose existe, autant l'existence de Dieu pose problème, puisque cette chose qui existe n'a aucune raison d'avoir une infinité d'attributs infinis. Comment prouves-tu cette infinité absolue (sans revenir à la définition, puisque nous nous sommes enfin mis d'accord pour affirmer que ce n'est pas la définition qui fait exister la substance, que c'est au contraire l'existence de "quelque chose" qui permet de définir cette chose comme substance) ?

Dieu est forcément en soi, mais il peut être conçu en autre chose.

Quelque chose en dehors de l'absolu infini qui serait capable de le concevoir ? Tout est en Dieu.
"Mais Dieu n'existe pas !" me diras-tu, "il n'y a donc rien en lui !"

Tu peux m'expliquer ?

Enfin, je voudrais savoir si quelqu'un accepte cette preuve de Spinoza :

Oui, moi.
Si oui, alors ça m'explique beaucoup de choses...

Très bien !

:lol:

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Messagepar sescho » 05 déc. 2003, 22:29

zerioughfe a écrit :La substance, "cause de soi", c'est ce qui existe sans raison extérieure. Je dis qu'il y a deux manières de comprendre ce truc : ou bien la cause de l'existence de la substance est contenue dans sa définition, ou bien cette cause n'existe pas.
Je n'accepte que la deuxième possibilité, et apparemment c'est aussi celle que tu choisis, contrairement à d'autres sur ce forum (et, selon toute logique, à Spinoza lui-même)... Mais dans ce cas, on ne peut plus rien prouver du tout (ni l'infinité d'attributs, ni, partant, l'existence de l'attribut Pensée, ni le fait que la nature pense en dehors de l'homme, ni rien du tout) puisque la définition n'implique plus l'existence.


L’existence (hypothétique) d’une substance, laquelle est en soi, n’a pas de cause, donc sa cause n’existe pas… dans la mesure où on ne pose pas avant que tout doit avoir une cause pour exister. Sinon, on dit qu’elle est « cause de soi », ce qui est exactement la même chose.

E1D1. J’entends par cause de soi ce dont l’essence enveloppe l’existence, ou ce dont la nature ne peut être conçue que comme existante.

E1D3. J’entends par substance ce qui est en soi et est conçu par soi, c’est-à-dire ce dont le concept peut être formé sans avoir besoin du concept d’une autre chose.

Ces définitions, pour moi, ne définissent pas des choses mais des « êtres de Raison », c’est-à-dire des auxiliaires du raisonnement. La première dit qu’il n’y a pas de contradiction à dire que la nature d’une chose puisse contenir son existence même, la seconde qu’il n’y a pas contradiction à ce qu’une chose soit conçue par elle-même, sans avoir besoin du concept d’une autre chose. Par exemple, concernant cette dernière, le terme « substance » étant pris en général, elle ne saurait en poser l’existence, puisque (nous le saurons plus tard) il n’y a en fait qu’une seule substance.

Donc tu dis – si j’ai bien compris – que si la définition ne pose pas l’existence, on ne peut rien prouver à ce sujet. Donc, pour faire court, tu dis simplement qu’une existence ne peut pas se démontrer.

zerioughfe a écrit :Il n'y a pas de contradiction si l'on veut dire que les substances qui existent existent nécessairement. Si l'on prétend que les substances existent seulement parce qu'elles ont été définies comme substances, alors je ne sais pas si c'est contradictoire mais je conteste les preuves de leur existence.


Donc, là, tu dis en fait que tu ne sais pas si une existence peut se démontrer, mais que tu contestes les preuves. Ou quoi ?

Si c’est bien le cas, et si tu admets que E1D1 et E1D3 ne définissent bien que des êtres de Raison (et il n’y a donc aucune raison de poser le problème de l’existence à ce stade), alors il faut trouver la faille plus loin. Je veux bien croire que tu as une idée assez précise de ce que tu n’acceptes pas, mais je ne vois encore et toujours pas ce que tu contestes précisément dans le développement de Spinoza. Ou alors tu dis : « une existence ne peut pas se démontrer » et tu le justifies.

zerioughfe a écrit :
La question peut être alors : pourquoi ne pas définir directement la substance comme étant l’Être, à qui on ne saurait enlever l’existence.

Oui, je suis à peu près d'accord, mais c'est une définition a posteriori. On ne prouve pas que la substance existe : on constate qu'il y a de l'Etre, on admet que cet Etre est nécessaire (de toute façon, à ce niveau, les mots "nécessaire" et "contingent" deviennent synonymes) et on appelle "substance" cet être. On n'a donc pas prouvé son existence : on l'a seulement constatée. Exit la preuve ontologique. Par où tu me sembles à milles lieu de Spinoza, et encore plus loin de Descartes.


Concernant la « preuve ontologique » il faudrait déjà bien la reproduire ; en général, elle part comme prémisse de l’idée claire et distincte (donc vraie) de l’Être parfait. Donc, dans ces conditions, ce n’est pas la preuve que l’on conteste mais la prémisse : on n’a pas soi-même l’idée claire et distincte de l’Être parfait. Rien ne peut être ajouté dans ces conditions.

« On constate », « on constate »… On constate qu’il y a quelque chose et non pas rien, c’est tout. La Substance c’est autre chose… J’ai peur que tu la confondes un peu avec une notion générale… quoique, d’un autre côté, tu retiens « La Matière » comme une réalité en soi.

Quant aux « mille lieues », j’attends de voir ce que tu contestes précisément dans la démarche même de Spinoza.

zerioughfe a écrit :Et, soit dit en passant, rien ne prouve plus que l'Etendue soit infinie (bien qu'elle soit nécessaire : sa nécessité n'étant pas due à sa définition mais au fait qu'elle n'a pas de cause, elle peut être "nécessairement" finie), ni que la "Pensée" existe indépendamment de l'Etendue, ni qu'elle soit un attribut.


Heu… l’Étendue, en tant que dimension de l’Être, est infinie (il ne s’agit pas de l’occupation de l’espace, je crois) …

zerioughfe a écrit :L'Etre existe nécessairement, mais cet Etre n'a pas nécessairement une infinité d'attributs. Or Spinoza définit Dieu comme une substance composée d'une infinité d'attributs. Puisque tu admets que cette infinité n'est pas démontrée, tu admets ipso facto que Spinoza n'a pas démontré l'existence de Dieu, donc que ses démonstrations contiennent un problème.


Ce n’est pas parce que je ne vois pas la démonstration d’un point (ce sur quoi je peux d’ailleurs très bien être repris par Henrique, par exemple) que je conteste l’ensemble sans discernement, et je trouve, moi, que tu n’es pas ici très loin de Spinoza.

zerioughfe a écrit :Où est la faille ?
Tout simplement dans le double-sens des mots "substance", "cause de soi"... En conviens-tu ?


Je ne vois tout simplement pas de quoi tu parles…

zerioughfe a écrit :Pour ma part la dualité des attributs me semble encore plus difficile à penser et beaucoup moins économique. Nous savons bien peu de choses sur la matière, et encore moins sur ce dont elle est capable quand elle est bien organisée. Mais un tronc d'arbre, ça ne pense pas, et je n'ai aucune raison d'aller imaginer que son idée pourrait exister indépendamment de mon cerveau ! Et c'est encore pire si tu crois que la nature pense (!), indépendamment de l'homme bien sûr.


D’abord, l’Homme est un animal qui n’est donc pas seul à penser (et, en passant, on concède volontiers que les autres animaux sont limités dans ce cadre,… ce qui s’étend naturellement à l’Homme…). Ensuite, quand on prétend expliquer la pensée par des phénomènes électriques, je ne vois pas pourquoi on n’appellerait pas « pensée », aussi rudimentaire soit-elle, tout phénomène électrique, en particulier au sein des atomes, ceux des pierres ou d’autre chose. Ensuite, « la Nature indépendamment de l’Homme » (et des autres animaux), cela n’a pas de sens.

Je ne crois pas au parallélisme des attributs, mais je répète que prétendre expliquer la Pensée par la Matière est se gonfler de vide, car il est (non pas temporairement mais absolument) impossible à l’Homme de savoir exactement ce qu’est la Matière ; expliquer la Pensée par la Matière, quand on ne sait pas ce qu’est la Matière, c’est une escroquerie qu’on se fait à soi-même (et ce faisant, on risque la banalisation psychologique la plus totale : le rabais du sublime au petit savoir : l’Enfer sur terre… le vrai…).

Mais sinon, je suis assez d’accord avec toi pour dire que grossièrement la Pensée et la Matière coexistent intimement « localement », mais c’est une connaissance rapportée qui n’est absolument pas intuitive et donc pas claire et distincte (absolument rien, à la réflexion, à part le souvenir des rapports d’expériences faites en physiologie, ne m’indique que les pensées se tiennent dans le cerveau ; ce n’est que de la connaissance par ouï-dire fortement imprégnée ; ceci même si j’admets aussi sans beaucoup de doute qu’il y a quelque chose de juste là-dedans, comme j’admets par ailleurs que le bleu du ciel est dû à la réfraction par l’atmosphère de certaines longueurs d’ondes).

Mais Spinoza ne considère pas la connaissance par ouï-dire comme adéquate… ; ceci vaut aussi, par exemple, pour l’idée que je vais mourir : c’est du ouï-dire ; absolument rien dans mon esprit ne le pose par soi.

zerioughfe a écrit :Si tu rejettes l'absolue infinité de Dieu, tu n'as plus aucun moyen de prouver que la Pensée est un attribut. Tu ne peux que l'admettre, et c'est ce que je ne fais pas (quoique j'en perçoive toute la beauté). Peut-être serons-nous d'accord sur nos désaccords ?


Les spiritualistes pourraient dire que l’Étendue passe par nos sens, et donc notre pensée, et donc n’est rien qu’une production de l’Esprit, et donc qu’il n’y a que l’attribut « Pensée » et que l’attribut « Étendue » n’est rien ou presque… Le problème c’est que Spiritualisme et Matérialisme ne sont que les deux revers d’une même médaille (fausse). La Pensée est un mode d’existence dans la Nature parce que mon entendement n’est absolument pas capable de le réduire à autre chose, quoiqu’affirment les imaginations et croyances de certains.

E1D4. J’entends par attribut ce que la raison conçoit dans la substance comme constituant son essence.
Connais-toi toi-même.


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