Existence de Dieu

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Cette partie du forum traite d''ontologie c'est-à-dire des questions fondamentales sur la nature de l'être ou tout ce qui existe. Si votre question ou remarque porte sur un autre sujet merci de poster dans le bon forum. Merci aussi de traiter une question à la fois et d'éviter les digressions.

Spinoza a-t-il prouvé valablement l'existence de Dieu ?

Oui, ses arguments sont parfaitement valides
14
58%
Non, ses arguments ne sont pas vraiment convaincants
6
25%
Non, ses arguments ne sont pas valides
4
17%
 
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zerioughfe
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Existence de Dieu

Messagepar zerioughfe » 18 nov. 2003, 12:52

Bonjour à tous,

Je viens de lire le fil "Pour en revenir au Dieu de Spinoza", et je voudrais aborder la discussion sur un plan purement logique. Les preuves de l'existence de Dieu sont à mon avis le seul point faible de la philosophie de Spinoza (que j'admire plus que tout autre philosophe, soit dit en passant :wink: ) : elles ne sont pas valides sur le plan de la simple logique. J'ai lu les arguments de Henrique, qui m'ont impressionné, mais pas convaincu :wink: J'aimerais néanmoins mieux comprendre sa position.

I) Critique de l'argument ontologique

Henrique a écrit :La vallée appartient nécessairement à la montagne parce que c'est une propriété de sa nature, mais l'existence ne saurait appartenir à la montagne nécessairement, car son concept est celui d'un être fini, dépendant de l'existence d'autre chose, ne pouvant donc être cause de soi : son essence ne saurait envelopper l'existence.

Tout le piège est de croire qu'une définition peut suffire à impliquer l'existence de quoi que ce soit. Une définition, en effet, ne peut impliquer qu'une existence conditionnelle (conditionnée par l'existence de l'objet qu'elle définit), ce qui conduit à la pétition de principe de l'argument ontologique... Je m'explique. Revenons à l'exemple de la vallée :

Dans le monde des concepts, la vallée appartient à la montagne. Donc si une montagne existe, alors la vallée existe aussi. (existence conditionnelle).

La logique étant universelle, il en va de même pour la définition de Dieu :

Dans le monde des concepts, l'existence appartient à Dieu. Donc si Dieu existe, alors Dieu existe aussi :wink: . C'est là aussi une existence conditionnelle : les deux "Dieu existe" n'ont pas, sur le plan logique, le même statut. Oublier le premier est objectivement une erreur.

Pour le dire autrement :

il est bien clair que le concept de Dieu ou de substance enveloppe le concept d'existence, mais pas l'existence elle-même !

Henrique a écrit :Or un être qui peut ne pas exister est un être qui comporte une part de négativité, on n'accède donc pas à son concept tant qu'on imagine qu'il pourrait ne pas exister, tant qu'on se situe à vrai dire dans la fiction plutôt que dans le concept.

Le seul problème, c'est que le concept et la chose conçue sont a priori distincts. S'ils étaient identiques, il faudrait le prouver avant, et Spinoza n'a pu le faire qu'après coup, ce qui invalide sa démonstration (pétition de principe). Le concept de Dieu peut parfaitement exister sans que Dieu existe pour autant.
Alors doit-on dire que Dieu comporte une part de négativité ? Cela dépend : parle-t-on de Dieu, ou du concept de Dieu ? Dieu lui-même n'existe pas (du moins rien ne prouve qu'il existe), mais son concept existe néanmoins dans mon cerveau.

Quelqu'un a pris, dans le fil cité ci-dessus, l'exemple d'un "triangle existant". Henrique l'a réfuté en disant que le triangle est une chose finie, dont le concept dépend d'autres concepts. Cela ne change pourtant rien à la logique : le même raisonnement s'applique à n'importe quel concept (fini ou infini). Si je forge le concept de "yéti jaune existant", il est clair que la définition contient la propriété d'existence. Mais cela ne prouve pas que ce yéti existe. Cela prouve seulement que s'il existe, alors par définition il existe (et il est jaune). Pour pouvoir dire "par définition", il faut d'abord vérifier l'existence. Sinon on n'a affaire qu'à un concept de l'esprit, et rien ne prouve que Dieu soit autre chose, même si ce concept n'a besoin d'aucun autre (ce qui est d'ailleurs douteux).

II) Réponse aux réfutations de ces critiques

Le contre-argument de Henrique consiste à dire que le concept de Dieu n'a besoin d'aucun autre pour exister.

Pour exister... en tant que concept ! Rien ne prouve que ce concept décrive une réalité, même s'il n'a besoin d'aucun autre concept pour exister.
Il y a un autre détail (mais il sort de la stricte logique) : si l'homme n'existait pas (ce qui peut parfaitement se concevoir), le concept de Dieu n'existerait pas non plus, à moins de revenir à Platon qui est tout aussi indémontrable. :roll:

Si je conçois clairement l'étendue, je ne puis rien trouver qui la limite : un corps étendu peut en limiter un autre, mais l'étendue elle-même ne peut être limitée par rien. Or, pour pouvoir ne pas exister, il faudrait qu'il existe quelque chose d'extérieur à l'étendue pouvant en limiter l'existence.

Ici, nous sortons totalement de la logique.

Il est vrai que nous ne pouvons pas imaginer que l'étendue n'existe pas (encore que !... Il faudrait savoir ce qu'est l'étendue, et franchement nous l'ignorons tous), mais nous pouvons parfaitement le concevoir. Le concept d'étendue n'implique nullement son existence. Si ne pouvons pas imaginer l'étendue comme non existante, ce n'est pas parce que son essence envelopperait son existence. L'étendue, nous ne faisons que la constater, ou plutôt l'imaginer (voire l'hypostasier : indépendamment de la matière, ce n'est jamais que du vide...).
Nous pouvons donc concevoir que l'étendue n'existe pas, même si nous avons du mal à l'imaginer. Quant à Dieu, c'est encore plus simple : non seulement nous pouvons concevoir qu'il n'existe pas (il n'y a aucune aberration logique), mais en plus nous pouvons très bien l'imaginer. Je peux parfaitement imaginer une nature cohérente bien que non divine.
Par conséquent, l'inexistence de Dieu est parfaitement possible. Donc son existence n'est pas certaine.

Si pour parvenir au concept de Dieu, je procède de la même façon que lorsque je me forge l'idée d'un extra-terrestre, c'est bel et bien que je n'ai pas encore procédé à une 'emendatio' de l'intellect suffisante pour faire le départ requis ici entre le conceptuel et l'imaginaire.

Quand on pense à un être absolument infini, on ne fait jamais qu'appliquer la notion d'infini à la notion d'être. C'est du bricolage autant que le reste... Mais ce n'est pas important : dans le cas contraire, cela ne changerait rien. Bricolage ou pas, un concept reste un concept, imaginaire ou non. Ou alors il faudrait prouver le contraire, qui me semble impensable (et d'ailleurs on retombe dans la même pétition de principe).

Je termine en rappelant que si l'argument ontologique était valable, nous serions tous soit intégralement spinozistes, soit idiots... :D

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Messagepar YvesMichaud » 18 nov. 2003, 15:12

Voilà la troisième critique de la preuve ontologique sur ce forum... celle-ci, dans la mesure où elle ne convainc pas, manque à son office de preuve.

Mais le plus grand problème des preuves de Dieu, c'est qu'elles concernent Dieu, et que ce nom soulève des passions et des préjugés qui font obstacle à la compréhension et au jugement objectif des preuves.
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Messagepar zerioughfe » 18 nov. 2003, 17:32

Salut Yves ! :mrgreen:

Oui, cet argument ontologique ne convainc pas (ce qui montre que l'évidence selon Spinoza n'est pas l'évidence selon un autre, donc qu'elle n'est pas indubitable :D ), et je soutiens toujours qu'il n'est pas valable.

Mais je me suis très mal exprimé dans le texte précédent. :? :?
Je vais essayer d'expliquer l'erreur de Spinoza d'une tout autre manière, que j'espère plus convaincante, en partant de ses propres mots et même de ses axiomes :wink: .


1) Les axiomes

Je pense que tout le monde sera d'accord pour dire que sans les axiomes de la partie I de l'Ethique, les preuves de Spinoza s'écroulent (en tant que preuves). En effet, il s'appuie dessus. Voyons cela.

Spinoza, malgré son immense génie, a écrit :Axiome II. Une chose qui ne peut se concevoir par une autre doit être conçue par soi.

Considérons le Tout (la totalité de ce qui existe). Assurément, le Tout ne peut pas avoir de cause en dehors du Tout (puisque il n'y a rien en dehors du Tout). Donc : soit sa cause est en lui, soit il n'a pas de cause.
- Première possibilité : la cause du Tout fait partie du Tout. Cela me semble parfaitement absurde : la cause, c'est ce qui explique. Si elle est comprise dans le Tout, elle ne saurait l'expliquer, puisqu'elle le suppose ! Quand bien même on ne m'accorderait pas ce point, je réponds qu'il y a une deuxième possibilité :
- Le Tout n'a pas de cause, il existe, voilà tout. Spinoza n'a pas envisagé cette possibilité, qui est pour moi la seule pensable.

Ses preuves, malheureusement, ne valent donc que dans la mesure où il refuse l'absence de cause du Tout et accepte une causalité interne. Et encore ! Car même si la substance était cause d'elle-même, cela ne prouverait toujours pas qu'elle soit Dieu.

2) La proposition VII

Baruch a écrit :PROPOSITION VII

L'existence appartient à la nature de la substance.

Démonstration : La production de la substance est chose impossible (en vertu du Coroll. de la Propos. précéd.). La substance est donc cause de soi, et ainsi (par la Déf. 1) son essence enveloppe l'existence, ou bien l'existence appartient à sa nature. C. Q. F. D.

Cette démonstration n'en est pas une. Je suis évidemment d'accord que la substance ne peut être produite, mais cela n'implique pas qu'elle soit cause de soi. Elle existe, point. Comme je l'ai indiqué plus haut, le principe de causalité n'est plus pertinent quand on parle du Tout, ou de la substance. Tout ce que peut faire Spinoza, c'est replier la cause sur l'effet, et cela le conduit à cette abîme (supercherie intellectuelle, si vous voulez mon avis :wink: ) qu'est la "cause de soi".

3) La proposition XI

Je viens de la relire ("Dieu, c'est-à-dire une substance constituée par une infinité d'attributs dont chacun exprime une essence éternelle est infinie, existe nécessairement."), et voici précisément ce qu'il écrit dans la démonstration :

Spinoza a écrit :Pour toute chose, on doit pouvoir assigner une cause ou raison qui explique pourquoi elle existe ou pourquoi elle n'existe pas. Par exemple, si un triangle existe, il faut qu'il y ait une raison, une cause de son existence. S'il n'existe pas, il faut encore qu'il y ait une raison, une cause qui s'oppose à son existence, ou qui la détruise. Or, cette cause ou raison doit se trouver dans la nature de la chose, ou hors d'elle. Par exemple, la raison pour laquelle un cercle carré n'existe pas est contenue dans la nature même d'une telle chose, puisqu'elle implique contradiction. Et de même, si la substance existe, c'est que cela résulte de sa seule nature, laquelle enveloppe l'existence (voyez la Propos. 7). Au contraire, la raison de l'existence ou de la non-existence d'un cercle ou d'un triangle n'est pas dans la nature de ces objets, mais dans l'ordre de la nature corporelle tout entière ; car il doit résulter de cet ordre, ou bien que déjà le triangle existe nécessairement, ou bien qu'il est impossible qu'il existe encore. Ces principes sont évidents d'eux-mêmes. Or, voici ce qu'on en peut conclure : c'est qu'une chose existe nécessairement quand il n'y a aucune cause ou raison qui l'empêche d'exister. Si donc il est impossible d'assigner une cause ou raison qui s'oppose à l'existence de Dieu ou qui la détruise, il faut dire que Dieu existe nécessairement. Or, pour qu'une telle cause ou raison fût possible, il faudrait qu'elle se rencontrât soit dans la nature divine, soit hors d'elle, c'est-à-dire dans une autre substance de nature différente ; car l'imaginer dans une substance de même nature, ce serait accorder l'existence de Dieu. Maintenant, si vous supposez une substance d'une autre nature que Dieu, n'ayant rien de commun avec lui, elle ne pourra (par la Propos. 2) être cause de son existence ni la détruire. Puis donc qu'on ne peut trouver hors de la nature divine une cause ou raison qui l'empêche d'exister, cette cause ou raison doit donc être cherchée dans la nature divine elle-même, laquelle, dans cette hypothèse, devrait impliquer contradiction. Mais il est absurde d'imaginer une contradiction dans l'être absolument infini et souverainement parfait. Concluons donc qu'en Dieu ni hors de Dieu il n'y a aucune cause ou raison qui détruise son existence, et partant que Dieu existe nécessairement.


Quel génie ! 8O Cette démonstration est incroyablement habile, mais pourtant elle n'est pas valable, pour les raisons que j'ai dites et pour d'autres.

Il dit en somme :

- Le concept de Dieu n'a pas de contradiction puisqu'il est parfait (ce qui déjà est une paralogisme : pour parfait que Dieu soit dans la définition, cette perfection n'est pas celle de la définition elle-même ; elle pourrait donc très bien contenir une contradiction).
- Que rien n'empêche Dieu d'exister. C'est là qu'est l'os ! :wink: Dieu, ou le Tout, n'a pas nécessairement besoin de cause pour exister (comme je l'ai dit plus haut), ni pour ne pas exister. Il peut exister comme il peut ne pas exister.

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Messagepar YvesMichaud » 18 nov. 2003, 20:08

C'est ce grand Tout qui pose problème. Ce concept de Tout n'a pas de consistance hors de l'entendement. Le grand Tout, quand on dit «la somme de tout ce qui existe», n'a pas plus de réalité que ses parties prises ensemble. Si Dieu est exclu de ce grand Tout, les autres parties n'auront leur raison d'être ni en elles-mêmes ni en Dieu et le grand Tout n'aura pas de raison d'être.

De toute façon, ta perspective du grand Tout est une mauvaise façon d'aborder le problème de Dieu. Que Dieu existe ou non, on pourra toujours dire du Tout ce que tu en dis. L'esprit peut toujours réunir en un seul concept artificiel tout ce qui existe, mais on ne saura pas de cette façon si Dieu est dans ce Tout comme existant, ou s'il en est exclu comme inexistant.
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Messagepar YvesMichaud » 18 nov. 2003, 20:29

zerioughfe a écrit :
- Le concept de Dieu n'a pas de contradiction puisqu'il est parfait (ce qui déjà est une paralogisme : pour parfait que Dieu soit dans la définition, cette perfection n'est pas celle de la définition elle-même ; elle pourrait donc très bien contenir une contradiction).
- Que rien n'empêche Dieu d'exister. C'est là qu'est l'os ! :wink: Dieu, ou le Tout, n'a pas nécessairement besoin de cause pour exister (comme je l'ai dit plus haut), ni pour ne pas exister. Il peut exister comme il peut ne pas exister.


Oui et toi tu dis en somme: la définition de Dieu contient peut-être une contradiction que nous ne voyons pas, donc c'est un paralogisme. Et tu ne sens pas le besoin de chercher cette fameuse contradiction.

«««Dieu ou le Tout»»»

Spinoza je ne sais pas, mais la théologie traditionnelle évite de définir Dieu comme «le Tout».

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Messagepar bardamu » 18 nov. 2003, 22:19

zerioughfe a écrit :- Que rien n'empêche Dieu d'exister. C'est là qu'est l'os ! :wink: Dieu, ou le Tout, n'a pas nécessairement besoin de cause pour exister (comme je l'ai dit plus haut), ni pour ne pas exister. Il peut exister comme il peut ne pas exister.


Salut,
il me semble que le mouvement démonstratif est plutôt celui-ci :
substance = ce qui est en soi et est conçu par soi
donc entre 2 substances il n'y a rien de commun
donc l'une ne peut être cause de l'autre
donc l'existence d'une substance n'est pas causée par une autre
donc une substance existe par elle-même, l'existence appartient à la nature de la substance
donc Dieu, une substance constituée d'une infinité d'attributs, existe nécessairement.

Mais le plus important est plus loin, E2,20 : L'existence de Dieu et son essence sont une seule et même chose.
L'essence divine est l'existence, c'est-à-dire que Dieu = le réel.
Et comment dire que ce qui existe, le réel, n'existe pas ?

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Messagepar YvesMichaud » 18 nov. 2003, 22:51

Salut Fabien,
Dans la théologie thomiste, l'essence de Dieu est aussi l'existence (influence de S. Thomas sur Spinoza?), mais pour autant, on n'identifie pas Dieu à toute la réalité, comme dans le panthéisme. Dieu est distinct du cosmos. 8)
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Messagepar zerioughfe » 19 nov. 2003, 20:40

C'est ce grand Tout qui pose problème. Ce concept de Tout n'a pas de consistance hors de l'entendement. Le grand Tout, quand on dit «la somme de tout ce qui existe», n'a pas plus de réalité que ses parties prises ensemble. Si Dieu est exclu de ce grand Tout, les autres parties n'auront leur raison d'être ni en elles-mêmes ni en Dieu et le grand Tout n'aura pas de raison d'être.

:?: :!:
Je ne suis pas sûr de comprendre, mais si tu veux dire que le Tout n'a aucune raison d'exister, et aucune raison de ne pas exister, alors je suis d'accord et c'est précisément pourquoi l'argument de Spinoza, qui consiste à dire que "rien n'empêche Dieu d'exister" n'en est pas un.

Que Dieu existe ou non, on pourra toujours dire du Tout ce que tu en dis.

Bien sûr ! Et alors ?

L'esprit peut toujours réunir en un seul concept artificiel tout ce qui existe, mais on ne saura pas de cette façon si Dieu est dans ce Tout comme existant, ou s'il en est exclu comme inexistant.

- Si Dieu n'est pas dans le Tout, alors il n'existe pas.
- Si Dieu est le Tout, alors rien ne pose son existence, ni son inexistence, donc la démonstration de Spinoza s'effondre.
- Si Dieu est inclus dans le Tout, alors de deux choses l'une :
--- Soit il est une substance à part, auquel cas il ne peut rien avoir de commun avec les autres substance : ça revient à dire qu'il forme un Tout indépendant, donc on revient au point précédent
--- Soit il est pris dans la même substance que le reste, auquel cas il peut être déterminé par le reste (comme le yéti jaune dont je parlais), et alors Spinoza lui-même admettrait que des choses extérieures peuvent empêcher son existence.

Oui et toi tu dis en somme: la définition de Dieu contient peut-être une contradiction que nous ne voyons pas, donc c'est un paralogisme. Et tu ne sens pas le besoin de chercher cette fameuse contradiction.

D'abord ce n'était qu'une remarque : l'essentiel était dans mon deuxième point. Ensuite, ça reste un paralogisme, puisque Spinoza affirme qu'il est certain que Dieu ne comporte aucune contradiction. Moi, je ne fais qu'établir qu'on n'en sait rien, donc qu'il se trompe quand il pense le savoir de manière certaine. :wink:

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Messagepar zerioughfe » 19 nov. 2003, 20:48

En fait le plus simple est de revenir à la toute première définition de l'Ethique : J'entends par cause de soi ce dont l'essence enveloppe l'existence, ou ce dont la nature ne peut être conçue que comme existante.

Spinoza a bien sûr le droit de poser la définition qu'il veut, mais il se trompe radicalement (tous les logiciens en conviendraient) quand il croit que cette définition prouve quoi que ce soit.

Par définition, l'essence d'une substance enveloppe son existence, et sa nature ne peut être conçue que comme existante. Soit. Mais ce n'est jamais qu'une définition. Rien ne prouve, en effet, qu'une telle substance existe, donc que son essence enveloppe son existence dans la réalité (et non dans le monde des définitions). On en revient à mon exemple de yéti jaune, qui est universel. Et peu importe que la nature du yéti puisse être conçue autrement que comme existante ou non. Une définition, jusqu'à preuve du contraire, reste une définition. :wink:

Si cela ne te convainc pas, je tente un argument plus pragmatique : si Spinoza (comme Descartes d'ailleurs) n'avait pas commis d'erreur de logique, il serait mathématiquement établi que le spinozisme est la seule vérité, ce qui voudrait dire que la quasi totalité des intellectuels et des scientifiques sont aveugles (trois siècles et demi après Spinoza)... :?

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Messagepar ghozzis » 19 nov. 2003, 21:06

Mais qui croit en la vérité du spinozisme, sinon peut etre Henrique?
Par exemple qui croit vraiment qu'il existe une infinité d'attributs mais que nous ne les connaissons pas?
Franchement!


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