Existence de Dieu

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Cette partie du forum traite d''ontologie c'est-à-dire des questions fondamentales sur la nature de l'être ou tout ce qui existe. Si votre question ou remarque porte sur un autre sujet merci de poster dans le bon forum. Merci aussi de traiter une question à la fois et d'éviter les digressions.

Spinoza a-t-il prouvé valablement l'existence de Dieu ?

Oui, ses arguments sont parfaitement valides
14
58%
Non, ses arguments ne sont pas vraiment convaincants
6
25%
Non, ses arguments ne sont pas valides
4
17%
 
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zerioughfe
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Messagepar zerioughfe » 26 nov. 2003, 13:26

sescho a écrit :Mais c'est bien ce qui m'est venu à l'esprit en l'écrivant, mais comme tu t'obstinais - et c'est encore le cas ici - à "réfuter" Spinoza sur des inventions de ton cru, et que tu n'as pas vraiment répondu antérieurement sur le "résumé" que j'en ai fait par deux fois, je ne voyais pas d'autre moyen de te conduire à dire où tu trouves un problème, dans ce que dit Spinoza (pas dans ton imagination). Mais c'est encore raté...
Donc, je t'en prie directement : où, précisément, et de façon argumentée selon la "pure logique", tu trouve dans le texte même de Spinoza pris à la lettre quelque chose de contestable. Sinon on n'en finira jamais...

Le problème, vois-tu, c'est que Spinoza donne plusieurs démonstrations de l'existence de Dieu, et que nous passons sans arrêt de l'une à l'autre.

Mais soit ! Je me concentre directement sur ce que tu cites :

Spinoza, dans son délire, a écrit :PROPOSITION VII

L’existence appartient à la nature de la substance.

Démonstration : La production de la substance est chose impossible (en vertu du Coroll. de la Propos. précéd.). La substance est donc cause de soi, et ainsi (par la Déf. 1) son essence enveloppe l’existence, ou bien l’existence appartient à sa nature. C. Q. F. D.

"La production de la substance est chose impossible" --> OK
"La substance est donc cause de soi" --> Faux. Je m'explique.

Tout le piège est dans l'ambiguité de l'expression "cause de soi". La définition de Spinoza dit : "ce dont l'essence enveloppe l'existence". La substance est-elle cause de soi, autrement dit : son essence enveloppe-t-elle son existence ?

- Si on entend par essence la définition, alors je nie que les substances (ou la substance) soient causes d'elles-mêmes (autrement dit, que leur définition implique leur existence). En effet, le déterminisme n'a pas à s'appliquer au Tout (que constitue pour moi l'Etendue) ; il est donc tout à fait hasardeux de croire que l'Etendue aurait besoin d'une cause, et que cette cause serait dans sa définition. Personne n'a jamais prouvé une chose pareille.
- Si on entend par essence "le fait d'exister et d'être ce qu'on est", alors oui, il existe au moins une substance, une substance particulière : celle qui nous contient, et elle est bien "cause de soi", mais seulement en ce sens.

PROPOSITION XI

Dieu, c’est-à-dire une substance constituée par une infinité d’attributs dont chacun exprime une essence éternelle est infinie, existe nécessairement.

Démonstration : Si vous niez Dieu, concevez, s’il est possible, que Dieu n’existe pas. Son essence n’envelopperait donc pas l’existence (par l’Axiome 7). Mais cela est absurde (par la Propos. 7). Donc Dieu existe nécessairement. C. Q. F. D.

Nous avons vu que la proposition 7, invoquée ici, peut se comprendre de deux façons.

- Si on entend par essence la définition, alors cette démonstration ne tient pas debout, car je viens de nier que la définition d'une substance enveloppe son existence.
- Dans le second cas, l'essence de la substance enveloppe effectivement son existence, mais seulement parce que l'essence n'est pas la définition. Par conséquent, la définition de Dieu ne prouve pas son existence. Pour le dire autrement : la substance (ce qui existe) n'a aucune raison d'avoir les propriétés de Dieu. On dira : puisque Dieu est défini comme substance, et puisque la substance existe, alors Dieu existe. Erreur : j'ai admis l'existence d'une substance (puisque quelque chose existe), mais pas toute substance. Or Spinoza colle à Dieu des propriétés supplémentaires (un être qui a une infinité d'attributs, qui est chose pensante, etc.). Dieu n'est donc pas défini comme "ce qui existe", mais comme "ce qui existe et qui possède une infinité d'attributs". Or comment savoir si "ce qui existe" a une infinité d'attributs ? Revenir à la définition serait vain, puisque nous sommes dans le cas où la substance n'est pas une chose dont la définition implique l'existence.

************************************************************

Voilà le point de "pure logique", surtout visible chez Descartes, bien qu'on trouve aussi ce problème, un peu déguisé, chez Spinoza :

La définition ne prouve pas l'existence car l'existence qu'on met dans la définition n'est pas la même chose que l'existence réelle. Sauf si on veut dire que Dieu est "ce qui existe", auquel cas il existe effectivement, sans qu'on puisse toutefois prouver qu'il est un dieu.

"La montagne est inséparable de la vallée." Ca veut dire que s'il existe une montagne, alors l'existence d'une vallée est vraie.
"Dieu est inséparable de l'existence de Dieu." Ca veut dire que s'il existe un Dieu, alors l'existence de Dieu est vraie.

************************************************************

L'autre démonstration, souvent utilisée par Henrique, est un petit peu plus difficile à réfuter. En fait, j'aimerais que vous me disiez si le résumé que j'en fais est valable ou non :

1°/ Le concept de Dieu n'est pas un bricolage (comme celui de "bidule"), c'est une idée adéquate : il se comprend par lui-même, sans aucune référence à des conditions extérieures, et sans aucune contradiction interne.
2°/ Or toute idée de ce type ne peut comporter aucune erreur (puisque l'erreur n'est qu'une privation de vérité, privation impossible ici) : elle est parfaite, dans le sens de "complète".
3°/ Or toute idée parfaite est vraie.
4°/ Or le concept de Dieu contient l'existence.
5°/ Donc Dieu existe.

Admettons les points 1°/ et 2°/ : rien d'intérieur au concept de Dieu ne l'empêche d'exister (contrairement à un cercle carré, comme dit Spinoza), et rien d'extérieur non plus. L'ambiguité vient à partir du point 3°/. Que l'idée de Dieu soit cohérente (pas de contradiction) et parfaite (dans le sens où son objet ne dépend de rien d'extérieur), c'est une chose. Mais ni l'absence de contradiction, ni l'absence de contraintes extérieures ne prouve que Dieu existe. Quant à l'existence qui est contenue dans le concept de Dieu, ce n'est pas la même que l'existence réelle (ou supposée telle) de Dieu.

bardamu a écrit :Tout existe mais ce que nous avons en pensée n'existe pas forcément en Etendue.
Les 3 dimensions spatiales que nous connaissons par les sens n'interdisent pas une infinité de dimensions spatiales que nous connaissons par la raison et je dis donc aussi qu'il existe une infinité de dimensions spatiales.

Il est possible que je t'aie mal compris sur ce point. Ma question est : existe-t-il une infinité de dimensions spatiales dans l'Etendue ? Mais de toute façon c'est parfaitement secondaire.
Modifié en dernier par zerioughfe le 28 nov. 2003, 14:34, modifié 5 fois.

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Messagepar zerioughfe » 28 nov. 2003, 14:10

Je signale juste que je viens de clarifier mon précédent message (je n'avais pas séparé clairement les définitions de "cause de soi" et de "substance", ce qui pouvait conduire à des malentendus).

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Messagepar YvesMichaud » 28 nov. 2003, 17:26

Pendant qu'on y est, il faudrait aussi s'intéresser aux preuves de Dieu dans le Court Traité.
« Dieu, modifié en Allemands, a tué Dieu, modifié en dix mille Turcs. »
- Bayle

« L'idée, hors de Dieu et hors de nous, est chose; la chose, en nous et en Dieu, est idée. »
- Sertillanges

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Messagepar bardamu » 28 nov. 2003, 21:29

zerioughfe a écrit :- Si on entend par essence "le fait d'exister et d'être ce qu'on est", alors oui, il existe au moins une substance, une substance particulière : celle qui nous contient, et elle est bien "cause de soi", mais seulement en ce sens.

Alleluia ! tu viens de rencontrer Dieu !

Erreur : j'ai admis l'existence d'une substance (puisque quelque chose existe), mais pas toute substance. Or Spinoza colle à Dieu des propriétés supplémentaires (un être qui a une infinité d'attributs, qui est chose pensante, etc.). Dieu n'est donc pas défini comme "ce qui existe", mais comme "ce qui existe et qui possède une infinité d'attributs". Or comment savoir si "ce qui existe" a une infinité d'attributs ?

Spinoza ne fait pas vraiment dans cet ordre.
Il définit Dieu comme étant une substance pourvu d'une infinité d'attributs, définition qui n'a pas vraiment de corps au départ, ensuite il montre que toute substance est cause d'elle-même, ensuite qu'il n'y a qu'une seule substance, qu'elle est indivisible et infini, et que donc cette Substance n'est rien d'autre que Dieu et qu'en tant que Substance il existe.
Donc, il faudrait critiquer les démonstrations menant de la pluralité des substance finies à cette notion d'une seule Substance infini pour critiquer l'identification de Dieu à cette Substance. Si tu le fais, je suppose que tu te rapprocheras de la vision plus classique de la définition des choses en une multiplicité de substance qui a, je crois, la faveur de Yves. A la fin tu diras peut-être que les substances ce sont les "matières", les atomes tels que définit dans le célèbre tableau de Mendeleiev et qu'ils se promènent dans le vide en construisant de magnifiques édifices comme le corps humain et que la pensée peut être identifiée au fonctionnement du cerveau, à une mécanique de billes qui s'entrechoquent et font bouger la glande pinéale dans tous les sens.
Il est possible que je t'aie mal compris sur ce point. Ma question est : existe-t-il une infinité de dimensions spatiales dans l'Etendue ? Mais de toute façon c'est parfaitement secondaire.

Pour ma part, j'en reste à 3 de "solides" c'est-à-dire dont on a conscience directement et une infinité que l'on puisse concevoir surtout lorsqu'on sait ce qu'on appelle "dimension" dans la physique d'aujourd'hui. Mais la question de base est le statut de réalité de ce qu'on conçoit, statut qui se détermine en partie par l'expérience.

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Messagepar zerioughfe » 28 nov. 2003, 22:06

bardamu a écrit :
zerioughfe a écrit :- Si on entend par essence "le fait d'exister et d'être ce qu'on est", alors oui, il existe au moins une substance, une substance particulière : celle qui nous contient, et elle est bien "cause de soi", mais seulement en ce sens.

Alleluia ! tu viens de rencontrer Dieu !

Non, seulement la nature, dont je n'ai jamais contesté l'existence... La nature ne ferait un dieu plausible qu'à la condition d'être chose pensante et toute-puissante (comme le croit Spinoza).

Spinoza ne fait pas vraiment dans cet ordre. Il définit Dieu comme étant une substance pourvu d'une infinité d'attributs, définition qui n'a pas vraiment de corps au départ

Je suis d'accord.

ensuite il montre que toute substance est cause d'elle-même

Oui, mais je ferai deux remarques :

- nous sommes ici dans le cas où l'expression "cause de soi-même" ne signifie pas "ce dont la définition implique l'existence".
- toute substance est cause d'elle-même si elle existe ! Or il n'a pas été démontré que toute substance imaginable existe (puisque nous sommes dans le cas où la définition n'implique pas l'existence).

ensuite qu'il n'y a qu'une seule substance, qu'elle est indivisible et infini, et que donc cette Substance n'est rien d'autre que Dieu et qu'en tant que Substance il existe.

Ici, il y a un problème. Rien ne prouve vraiment que la substance soit infinie (puisque la définition n'implique pas l'existence), et quand bien même ce serait le cas (c'est possible : je manque de connaissances...), elle n'aurait aucune raison d'être absolument infinie. Ainsi, l'Etendue est infinie (enfin peut-être...), mais elle ne pense pas. Donc elle n'est pas absolument infinie. Donc Spinoza n'a pas prouvé Dieu... :wink:

Mais la question de base est le statut de réalité de ce qu'on conçoit, statut qui se détermine en partie par l'expérience.

Je ne te le fais pas dire !

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Messagepar bardamu » 29 nov. 2003, 01:27

zerioughfe a écrit :- toute substance est cause d'elle-même si elle existe ! Or il n'a pas été démontré que toute substance imaginable existe (puisque nous sommes dans le cas où la définition n'implique pas l'existence).

Ce peut être n'importe quelle substance sans qu'on ait défini quoi que ce soit à savoir si elle est imaginée, touché ou ce que tu veux. Il y a un truc, n'importe quel truc, et on dit que ce truc que l'on conçoit seul, qu'on isole par la pensée sera une substance. Le point de départ peut être n'importe quoi pris en lui-même mais forcément, ça existe...
Ici, il y a un problème. Rien ne prouve vraiment que la substance soit infinie (puisque la définition n'implique pas l'existence), et quand bien même ce serait le cas (c'est possible : je manque de connaissances...), elle n'aurait aucune raison d'être absolument infinie. Ainsi, l'Etendue est infinie (enfin peut-être...), mais elle ne pense pas. Donc elle n'est pas absolument infinie. Donc Spinoza n'a pas prouvé Dieu... :wink:

Oui, la définition n'implique pas l'existence correspondant à la définition mais la définition de quelque chose implique l'existence d'un quelque chose qui a été défini et peu importe qu'il l'ait été adéquatement.
Il y a quelque chose et rien qui ne puisse arrêter ce quelque chose dans tous les modes d'existence concevables : pensée, étendue, matière, lumière, fiction, scoubidou...
Mais je crois que je devrais arrêter de le répéter. Allez, juste une dernière fois : il y a quelque chose et rien pour l'arrêter.
Mais la question de base est le statut de réalité de ce qu'on conçoit, statut qui se détermine en partie par l'expérience.

Je ne te le fais pas dire !

Et j'en conclus que dans ton matérialisme la pensée n'a pas une réalité forte, qu'elle n'est qu'un épiphénomène, quelque chose qui s'efface devant une cause première qui s'énonce en termes d'équations ou alors en terme de perception sensible. Qu'est-ce que tu appelles la "matière" ?

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Messagepar zerioughfe » 29 nov. 2003, 14:19

bardamu a écrit :Ce peut être n'importe quelle substance sans qu'on ait défini quoi que ce soit à savoir si elle est imaginée, touché ou ce que tu veux. Il y a un truc, n'importe quel truc, et on dit que ce truc que l'on conçoit seul, qu'on isole par la pensée sera une substance. Le point de départ peut être n'importe quoi pris en lui-même mais forcément, ça existe...

J'ai bien essayé de trouver quelque chose de cohérent là-dedans, mais vraiment... :D

Oui, la définition n'implique pas l'existence correspondant à la définition mais la définition de quelque chose implique l'existence d'un quelque chose qui a été défini et peu importe qu'il l'ait été adéquatement.

8O D'où tu sors ça toi ? 8O Cite-moi une seule proposition de Spinoza (antérieure à celles dont nous débattons) qui prouve une chose pareille. 8O

Il y a quelque chose et rien qui ne puisse arrêter ce quelque chose dans tous les modes d'existence concevables : pensée, étendue, matière, lumière, fiction, scoubidou...
Mais je crois que je devrais arrêter de le répéter. Allez, juste une dernière fois : il y a quelque chose et rien pour l'arrêter.

Moi aussi, je vais arrêter de répéter que ce que tu dis n'a pas de sens ("rien n'empêche l'attribut X d'exister donc il existe")... :roll:

Et j'en conclus que dans ton matérialisme la pensée n'a pas une réalité forte, qu'elle n'est qu'un épiphénomène, quelque chose qui s'efface devant une cause première qui s'énonce en termes d'équations ou alors en terme de perception sensible. Qu'est-ce que tu appelles la "matière" ?

Le matérialisme n'a rien à voir là-dedans. Si je devenais idéaliste brusquement, ça ne changerait rien aux "preuves" de Spinoza.

Dans le matérialisme, la pensée est une chose supérieure qui s'explique par des choses inférieures (mécanismes dans le cerveau, etc.). Quant à la définition du mot "matière", c'est un problème complexe que je n'ai pas trop envie d'aborder ici (ce n'est pas vraiment le sujet).

Amicalement,

Zerioughfe

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Messagepar sescho » 29 nov. 2003, 16:50

zerioughfe a écrit : Tout le piège est dans l'ambiguité de l'expression "cause de soi". La définition de Spinoza dit : "ce dont l'essence enveloppe l'existence". La substance est-elle cause de soi, autrement dit : son essence enveloppe-t-elle son existence ?

- Si on entend par essence la définition, alors je nie que les substances (ou la substance) soient causes d'elles-mêmes (autrement dit, que leur définition implique leur existence). En effet, le déterminisme n'a pas à s'appliquer au Tout (que constitue pour moi l'Etendue) ; il est donc tout à fait hasardeux de croire que l'Etendue aurait besoin d'une cause, et que cette cause serait dans sa définition. Personne n'a jamais prouvé une chose pareille.


Donc, dans ce cas précis, si j'ai bien compris (ce dont je ne suis pas sûr), ton objection porterait simplement directement sur la cohérence de la Définition 1 de Ethique 1, savoir que l'existence ne peut en aucun cas être contenue dans l'essence, mais est d'un autre ordre, de quoi qu'il s'agisse (car Spinoza explique bien dans E1P8S2 qu'il ne saurait s'agir d'une chose singulière, laquelle peut par exemple s'envisager en plus ou moins grand nombre).

J'ai déjà une remarque : comment ferais-tu alors pour définir l'Être, l'Etant, l'existence, et toutes choses du même ordre ? (car il est bien clair que tout tourne autour de cela).

Une bonne définition établit un lien de représentation entre un vocable et un sens, lui-même clairement représenté par d'autres vocables. L'essence représente ce qu'est la chose sans égard à son existence... dans la mesure où l'existence même ne fait pas partie de ce que la chose est, c'est-à-dire que l'existence n'appartient pas à son essence... Mais si la chose ne peut être conçue sans l'existence, alors l'existence appartient à son essence...

Il n'y a donc pas de contradiction logique entre essence et existence (et il me semble que tu l'as admis précédemment). Il faut donc alors nécessairement faire crédit à Spinoza sur cette définition et admettre qu'il peut y avoir au moins une chose dont l'essence contient l'existence même (car E1D1 ne pose en soi l'existence de rien et n'est en fait qu'une déclaration d'identité de sens entre deux formulations différentes usitées à l'époque, rien de plus. Ainsi dans le TRE50 il dit : En effet, si la chose existe en soi, ou, comme on dit ordinairement, si elle est sa propre cause à elle-même, elle ne peut être comprise alors que par sa seule essence ; si au contraire elle n'est pas en soi, mais qu'elle ait besoin d'une cause étrangère pour exister, alors c'est par sa cause immédiate qu'elle doit être comprise.

Pour le reste et autres, 1) Spinoza dit précisément que l'Etendue n'a pas de cause ("autre qu'elle-même", mais ce n'est qu'une façon de parler qui répond à l'idée d'un prolongement des causes à l'infini) et appartient à l'essence de la Substance. 2) La notion de "Tout", qui fait penser à une notion générale qui regrouperait artificiellement des entités séparées en réalité, est plutôt étrangère à Spinoza. 3) A partir du moment où notamment l'Homme, d'une part, pense, d'autre part, est contenu dans Dieu-La Nature, Dieu-La Nature doit nécessairement penser (c'est-à-dire que la Pensée est une dimension de l'existence dans la Nature) au moins à ce seul titre ; c'est une évidence élémentaire. 4) Comme tout ce qui se produit arrive de façon imprescriptible suivant les Lois de Dieu-La Nature, Dieu-La Nature est nécessairement omnipotent. 5) Encore une fois : "un dieu", cela n'a pas cours dans une étude sérieuse de Spinoza. Les préjugés associés au mot "Dieu" - tout mot n'ayant aucun sens en lui-même - sont à proscrire. 6) Encore une fois : l'Homme est incapable de relier de manière claire et distincte Matière (Etendue) et Pensée, ainsi, donc, que de connaître de manière ultime la nature de l'un et de l'autre. Dire qu'il n'y a qu'une Substance qui est l'Etendue est donc se payer de mots, expliquer quelque chose qu'on connaît d'expérience (la Pensée) par un lien extrêmement ténu et peu clair avec quelque autre chose qu'on connaît d'expérience comme parfaitement distinct (l'Etendue). A titre personnel, je crois que la Pensée et la Matière coexistent localement mais je nie qu'on sache jamais ce qu'est vraiment la Matière et je dis, dans ce cadre, qu'il n'y a pas plus d'absurdité à prétendre expliquer la Matière par la Pensée - d'autant que la Physique est un système de pensée - que l'inverse. Je fais remarquer en outre que la définition de Spinoza de l'Attribut fait bien référence à ce que l'entendement perçoit de l'essence de la Substance.
Connais-toi toi-même.

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Messagepar bardamu » 29 nov. 2003, 17:53

zerioughfe a écrit :J'ai bien essayé de trouver quelque chose de cohérent là-dedans, mais vraiment... :D

C'est à croire qu'il n'y ait que les spinozistes qui me comprennent... et encore, peut-être sont-ils trop polis pour dire que je suis incompréhensible.
Oui, la définition n'implique pas l'existence correspondant à la définition mais la définition de quelque chose implique l'existence d'un quelque chose qui a été défini et peu importe qu'il l'ait été adéquatement.

8O D'où tu sors ça toi ? 8O Cite-moi une seule proposition de Spinoza (antérieure à celles dont nous débattons) qui prouve une chose pareille. 8O

E1P7. L'existence appartient à la nature de la substance.
Il n'est pas dit de quelle substance on parle, cela est valable pour n'importe quelle substance quelle que soit sa définition.

Moi aussi, je vais arrêter de répéter que ce que tu dis n'a pas de sens ("rien n'empêche l'attribut X d'exister donc il existe")... :roll:

J'aurais dû écrire il y a Quelque Chose, un Réel, un Truc, un Machin, un Etre, un Existant, un Indéterminé et ce truc est action, production, pure positivité active avec rien pour le limiter.

Le matérialisme n'a rien à voir là-dedans. Si je devenais idéaliste brusquement, ça ne changerait rien aux "preuves" de Spinoza.

Si tu n'étais pas matérialiste tu accepterais que le Réel se dise aussi de la Pensée et tu ne verrais donc pas de problème à dire que ce que l'on conçoit existe forcément. Le réel, tu le mets dans l'Etendue uniquement et forcément, l'existence de l'Absolu Infini tu ne peux y croire puisque tu attends que les physiciens te disent si l'Etendue est infini ou pas; alors que l'Infini n'est pas un concept réellement utilisable en physique.

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Messagepar zerioughfe » 29 nov. 2003, 19:29

Ca y est ! On commence à tourner en rond :roll: A mon avis la discussion touche à sa fin... Merci pour votre sérieux et la qualité de la contradiction apportée (ça nous aura sans doute permis de mieux comprendre la position opposée, même si aucun de nous n'a convaincu l'autre...).

sescho a écrit :Donc, dans ce cas précis, si j'ai bien compris (ce dont je ne suis pas sûr), ton objection porterait simplement directement sur la cohérence de la Définition 1 de Ethique 1, savoir que l'existence ne peut en aucun cas être contenue dans l'essence, mais est d'un autre ordre, de quoi qu'il s'agisse

Si si, l'existence peut tout à fait être contenue dans la définition (au même titre que la couleur ou la taille), mais cette propriété d'existence n'est pas l'existence réelle de l'objet. Cela me paraît incontestable, mais je n'en fais même pas un principe dogmatique : ces existences sont a priori différentes (tu en conviendras), et j'attends que l'on me montre leur identité...!

car Spinoza explique bien dans E1P8S2 qu'il ne saurait s'agir d'une chose singulière, laquelle peut par exemple s'envisager en plus ou moins grand nombre

J'ai bien lu les scolies de Spinoza. Il ne cesse de rappeler qu'il ne faut pas confondre les substances avec leurs modes, ce qui est vrai.

J'ai déjà une remarque : comment ferais-tu alors pour définir l'Être, l'Etant, l'existence, et toutes choses du même ordre ? (car il est bien clair que tout tourne autour de cela).

Comme je le disais : l'être, c'est ce qui existe. Mais la raison de cette existence n'est pas dans la définition (jusqu'à preuve du contraire). L'existence de la substance commence par se constater, puis elle se définit comme étant "ce que l'on constate".

Une bonne définition établit un lien de représentation entre un vocable et un sens, lui-même clairement représenté par d'autres vocables. L'essence représente ce qu'est la chose sans égard à son existence... dans la mesure où l'existence même ne fait pas partie de ce que la chose est, c'est-à-dire que l'existence n'appartient pas à son essence... Mais si la chose ne peut être conçue sans l'existence, alors l'existence appartient à son essence...

Et qu'est-ce qui ne peut pas être conçu sans l'existence ? Dieu ? Alors on retombe dans le piège de la "double existence"... Dieu peut être conçu comme non-existant, en ce sens qu'il peut ne pas exister. Mais il ne peut être conçu comme non-existant, en ce sens que sa définition contient la propriété d'existence.

Il n'y a donc pas de contradiction logique entre essence et existence (et il me semble que tu l'as admis précédemment). Il faut donc alors nécessairement faire crédit à Spinoza sur cette définition et admettre qu'il peut y avoir au moins une chose dont l'essence contient l'existence même (car E1D1 ne pose en soi l'existence de rien et n'est en fait qu'une déclaration d'identité de sens entre deux formulations différentes usitées à l'époque, rien de plus. Ainsi dans le TRE50 il dit : En effet, si la chose existe en soi, ou, comme on dit ordinairement, si elle est sa propre cause à elle-même, elle ne peut être comprise alors que par sa seule essence ; si au contraire elle n'est pas en soi, mais qu'elle ait besoin d'une cause étrangère pour exister, alors c'est par sa cause immédiate qu'elle doit être comprise.

Je ne peux que me répéter... : la substance n'est pas en autre chose, elle est en soi. Mais cela ne veut pas dire que sa définition implique son existence. Ni même qu'elle existe.

3) A partir du moment où notamment l'Homme, d'une part, pense, d'autre part, est contenu dans Dieu-La Nature, Dieu-La Nature doit nécessairement penser (c'est-à-dire que la Pensée est une dimension de l'existence dans la Nature) au moins à ce seul titre ; c'est une évidence élémentaire.

L'homme se gratte le nez. Cela veut-il dire que la Nature se gratte le nez ?... En un sens, oui, mais il s'agit de la Nature en tant qu'elle contient l'homme. Il en va de même pour la pensée (enfin selon moi).

4) Comme tout ce qui se produit arrive de façon imprescriptible suivant les Lois de Dieu-La Nature, Dieu-La Nature est nécessairement omnipotent.

Oui, si elle a une infinité d'attributs. Sinon il lui manque de la puissance, puisqu'il lui manque de la réalité.

5) Encore une fois : "un dieu", cela n'a pas cours dans une étude sérieuse de Spinoza. Les préjugés associés au mot "Dieu" - tout mot n'ayant aucun sens en lui-même - sont à proscrire.

Crois-moi, je sais ce qu'est le Dieu de Spinoza. J'utilise le mot "dieu" pour marquer la différence avec le mot "nature" tel qu'utilisé par les athées.

6) Encore une fois : l'Homme est incapable de relier de manière claire et distincte Matière (Etendue) et Pensée, ainsi, donc, que de connaître de manière ultime la nature de l'un et de l'autre. Dire qu'il n'y a qu'une Substance qui est l'Etendue est donc se payer de mots, expliquer quelque chose qu'on connaît d'expérience (la Pensée) par un lien extrêmement ténu et peu clair avec quelque autre chose qu'on connaît d'expérience comme parfaitement distinct (l'Etendue). A titre personnel, je crois que la Pensée et la Matière coexistent localement mais je nie qu'on sache jamais ce qu'est vraiment la Matière et je dis, dans ce cadre, qu'il n'y a pas plus d'absurdité à prétendre expliquer la Matière par la Pensée - d'autant que la Physique est un système de pensée - que l'inverse. Je fais remarquer en outre que la définition de Spinoza de l'Attribut fait bien référence à ce que l'entendement perçoit de l'essence de la Substance.

Pour moi la pensée n'est qu'une forme de sensation élaborée. Mais on change de sujet : ce n'est pas le matérialisme qui est en question...

bardamu a écrit :C'est à croire qu'il n'y ait que les spinozistes qui me comprennent... et encore, peut-être sont-ils trop polis pour dire que je suis incompréhensible.

:lol:

E1P7. L'existence appartient à la nature de la substance.
Il n'est pas dit de quelle substance on parle, cela est valable pour n'importe quelle substance quelle que soit sa définition.

Tu m'auras lu inattentivement. J'ai nié clairement que la définition implique quelque existence que ce soit (c'est là qu'est l'imposture de l'argument ontologique). De ce fait, tout s'écroule.

J'aurais dû écrire il y a Quelque Chose, un Réel, un Truc, un Machin, un Etre, un Existant, un Indéterminé et ce truc est action, production, pure positivité active avec rien pour le limiter.

J'aime bien ta manière de parler :D Ce "truc avec rien pour le limiter" me fait penser à la grosse boule du "Cinquième élément" !

Si tu n'étais pas matérialiste tu accepterais que le Réel se dise aussi de la Pensée et tu ne verrais donc pas de problème à dire que ce que l'on conçoit existe forcément.

Existe en tant qu'idée, oui. Mais l'idée de X, qui constituerait un être Y, n'impliquerait toujours pas l'existence de ce X.


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