Tecti a écrit :Je crois bien que tu t'obstines Louisa... Cela fait plusieurs messages où tu n'apportes pas de nouveaux arguments... On dirait que les explications de Durtal et de ShBJ ne te touchent pas... Pour ce qui est du conditionnel, ShBJ a répondu, pour ce qui est de la notion commune de Dieu (de la substance) les deux me semblent tout à fait satisfaisants, bien que la réponse globale ne doive se trouver éparpillée dans les trois dernières pages et dans diverses réponses. Je n'ai pas le temps d'essayer de faire un regroupement...
Bonjour Tecti,
merci de ton commentaire.
En effet, j'ai moi-même également l'impression de devoir répéter les arguments déjà donnés. Si je les répète, c'est précisément parce qu'il me semble qu'ils n'ont pas encore été entièrement compris par mes interlocuteurs (ce dont je peux me tromper, bien sûr). Si pour l'instant, je n'aborde pas leurs autres arguments, c'est qu'il me semble que tout dépend de ce point crucial que j'essaie depuis quelques messages de proposer. Mais si quelqu'un peut regrouper l'essentiel de l'argumentation de Durtal et ShBJ, ce serait effectivement intéressant.
Tecti a écrit :Avoir la connaisance du contenu de l'Ethique ou avoir conscience des notions qu'elle apporte (ce qui revient au même), sans l'avoir lue me semble aussi peu probable que toi. Cependant on peut prendre conscience des notions communes à la lecture du livre. Tu peux passer ta vie par exemple sans jamais connaître le Dieu de Spinoza et pour autant le connaître. Le lecteur libre de préjugés reconnaîtra cette notion commune à la lecture du livre. Tandis que le lecteur ayant ses idées déjà faites mésentendera les mots de Spinoza et le lira sous ses propres mots mal appropriés et confus. Il confond. Et du coup n'a pas d'idée claire et distincte. Autrement dit, un lecteur libre de préjugés est un lecteur qui prendra ce qui est pour ce qui est vraiment et pas pour autre chose. L'Ethique servirait alors comme une révélation.
Peu de gens ont pensé comme Spinoza parce que peu de gens sont libres de préjugés. Personne je crois bien. Alors il a beau écrire des livres, s'ils ne sont pas compris... Et on voit là pourquoi Spinoza a employé du conditionnel : ça devrait être une notion commune si les gens étaient libres de préjugés. Les gens ne sont pas libres de préjugés, ils ne reconnaissent pas la notion commune.
c'est en effet ce que dit aussi Durtal. Si tu le répètes, je supposes que ce que j'essaie de dire n'était pas tout à fait clair. Tentative de le formuler autrement.
1. On sait que dans le spinozisme tout est déterminé. Cela implique notamment que cela n'a pas de sens de croire que les choses auraient pu se produire autrement qu'elles ne se sont produites.
2. Nous ne disposons que de deux endroits où Spinoza met en rapport la Substance/Dieu et l'expression "notion commune": E1P8 et E2P47. Dans le premier, Spinoza identifie la notion commune à un axiome (ce qui est l'habitude à l'époque où il écrit; rappelons qu'un axiome est une vérité évidente, vérité que l'on accepte sans démonstration). Dans le deuxième, Spinoza dit que l'idée adéquate de l'essence de Dieu est commun à tous, mais pas de façon aussi clairement connue que ce qui est le cas pour les notions communes.
3. Dans les deux cas, Spinoza dit que de fait, ce qu'il vient de démontrer n'EST pas une notion commune, mais DEVRAIT l'être si le monde n'était pas tel qu'il est. Dans l'E2P47 il y ajoute que les hommes ne peuvent guère éviter le fait qu'ils ne le conçoivent pas comme une notion commune. Il est donc nécessaire que cette idée n'a pas la clarté propre aux notions communes.
4. Ma conclusion: si elle n'a pas la clarté propre aux notions communes, et si elle devrait être une notion commune mais ne l'est pas, le spinozisme dit et prétend qu'elle n'EST pas une notion commune, puisque ce monde idéal où les hommes ne seraient pas affectés par les choses extérieures n'existe tout simplement pas, en vertu du point 1.
5. Votre conclusion: le fait que Spinoza dit qu'elle DEVRAIT être une notion commune suffit pour dire qu'elle l'EST. Vous passez donc du normatif au descriptif. Ma question est depuis quelque temps: qu'est-ce qui vous permet d'opérer ce passage? Sachant que le normatif n'a aucun poids, chez Spinoza?
Plus profondément, il s'agit de se demander si dans le spinozisme on peut parler d'une "notion commune" si un seul homme la possède. Mon avis: non, pas du tout. Dans ce cas il s'agit d'une idée vraie, mais pas d'une notion commune. La communauté d'une idée désigne dans le spinozisme le fait d'avoir comme objet un
ideatum qui est présent chez au moins deux hommes, et de préférence chez tous ces hommes qui se sont prononcés sur la question (les notions communes mentionnées par Euclide par exemple sont réellement communes (ou plutôt, l'étaient longtemps) à tous les mathématiciens).
Ce que tu réponds à cela - apportant ce faisant un nouvel élément, intéressant, dans la discussion, même si je crois qu'il est implicitement présent chez Durtal et ShBJ - c'est qu'une notion commune se caractérise par le fait de pouvoir être "reconnue" ou non. Or jamais Spinoza ne parle de la possibilité/nécessité de "reconnaître" les notions communes. Les notions communes sont chez lui toujours des idées adéquates, donc claires et distinctes, réellement communes. Ce qui n'est pas le cas de l'idée adéquate de l'essence de Dieu, qui quant à elle est "enveloppée" dans toute idée, ce qui signifie qu'elle est commune mais sans être claire et distincte. C'est ce qui a fait que Miam sur ce site a pu conclure de la non identité entre "adéquate" et "claire et distincte". Je n'étais pas encore convaincue de son argumentation (que je n'avais compris qu'à moitié), mais ce passage me semble effectivement très explicitement distinguer les deux: une idée adéquate peut être moins claire qu'une notion commune.
Enfin, je ne crois pas que les notions communes spinozistes flottent quelque part dans un ciel platoniste, attendant d'être "reconnues". Les notions communes sont des idées adéquates, claires, qui se trouvent réellement dans l'Esprit d'au moins deux choses, et nulle part ailleurs. Elles se trouvent certes en Dieu, mais cela seulement en tant que celui-ci s'explique par ces deux choses.
Or tout votre raisonnement (de toi-même, Durtal et ShBJ) semble se baser sur cela: qu'il est possible qu'une idée adéquate ait le statut d'une notion commune tout en n'étant pas du tout clairement commune. Je ne pourrai accepter cette thèse (et tout ce qui selon vous en découle) que si vous trouvez des arguments qui prouvent que cela est réellement le cas dans le spinozisme. En attendant, il me semble que vous identifiez tout simplement "notion commune" et "idée adéquate", et que vous faites des idées adéquates des choses qui existent "en soi", et qui attendant d'etre "reçues" par un Esprit humain. C'est oublier que les idées adéquates n'ont comme cause QUE l'Esprit humain, et donc jamais ne se trouvent ailleurs que dans tel ou tel Esprit singulier. Elles ne désignent pas des vérités "toutes prêtes", que l'homme peut "voir" comme il sait voir des choses extérieures à lui, ou non. Elles constituent l'Esprit humain dans sa singularité. Tandis que voir la vérité d'une chose extérieur, c'est voir son essence singulière, qui n'a rien en commun avec mon essence à moi. Je ne pourrai donc saisir la vérité d'une chose extérieure à moi par le biais d'une notion commune. Pour y parvenir, il me faut une "intuition", c'est-à-dire une idée relevant du troisième genre de connaissance, et non pas du deuxième, comme c'est le cas des notions communes.
Tecti a écrit :Je ne sais pas si je suis claire ou si ça aide...
cela aide certainement, et toute aide est plus que bienvenue!
L.