un exercice philosophique

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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vieordinaire
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Messagepar vieordinaire » 22 juil. 2008, 01:53

Louisa a écrit :Mais si tu veux que ta propre interprétation ne soit pas purement subjective et soit plus vraie que la mienne, ne faudrait-il pas pouvoir un peu fonder ce genre de prétentions ... ?


Non. Je ne vois pas en quoi les necessites qui sont inherentes a et determinent la realite devraient satisfaire les caprices de votre imagination. Pourquoi croyez-vous que cela soit si simple? Est-ce que Spinoza a reussi 'a fonder' ses pretentions? Pas si l'on juge sur l'histoire de l'etude de ses oeuvres. Car apres tout:

Spinoza a écrit :Et certes, j'avoue qu'un but si rarement atteint doit être bien difficile à poursuivre ; car autrement, comment se pourrait-il faire, si le salut était si près de nous, s'il pouvait être atteint sans un grand labeur, qu'il fût ainsi négligé de tout le monde ? Mais tout ce qui est beau est aussi difficile que rare.


Je ne peux qu'imaginer votre reaction si quelqu'un sur ce forum vous repondrait:

Spinoza a écrit :"Vous semblez pourtant vouloir user encore de votre raison, et vous me demandez comment je sais que ma philosophie est la meilleure entre celles qu’on a autrefois professées dans le monde, qu’on y professe encore, et qu’on y professera un jour. C’est une question que je puis vous faire à mon tour et avec beaucoup plus de raison ; car je ne me flatte point d’avoir trouvé la meilleure philosophie, je sais seulement que je comprends la vraie. Vous me demanderez comment je sais cela. Je réponds que je le sais de la même façon que vous savez vous-même que les trois angles d’un triangle sont égaux à deux droits. Et tout le monde reconnaîtra le droit que j’ai de répondre de la sorte, excepté les cerveaux malades qui rêvent de certains esprits immondes dont la fonction consiste à nous donner des idées fausses qui ressemblent tout à fait aux vraies. Ce sont là des visions, et le vrai est à soi-même sa propre marque et la marque du faux." Lettre XXXVII


Peut-etre qu'un jour allez vous realiser que la 'vraie' interpretation de la philosophie de Spinoza et ce qu'il a compris ne peuvent etre differents. Par ces citations, je ne cherche pas a etablir quoi que ce soit en rapport a mon interpretation personelle mais simplement que vos caprices quant a ce qu'un interlocuteur doit/peut sont les votres. Vous avez votre ideal intellectuel. Nous n'avons pas a le partager--non parce que nous sommes de mauvaises personnes; simplement peut etre parce la necessite, ou l'ordre, de l'Intellect n'est pas celui de l'imagination; peut-etre que la connaissance qui correspond a l'Intellect (ce que Spinoza entend par cette idee) ne peut se 'fonder' au travers d'intellectualites ...

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Louisa
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Messagepar Louisa » 22 juil. 2008, 14:39

Louisa a écrit:
Mais si tu veux que ta propre interprétation ne soit pas purement subjective et soit plus vraie que la mienne, ne faudrait-il pas pouvoir un peu fonder ce genre de prétentions ... ?

Vieordinaire:
Non. Je ne vois pas en quoi les necessites qui sont inherentes a et determinent la realite devraient satisfaire les caprices de votre imagination. Pourquoi croyez-vous que cela soit si simple? Est-ce que Spinoza a reussi 'a fonder' ses pretentions? Pas si l'on juge sur l'histoire de l'etude de ses oeuvres.


Bonjour Vieordinaire,

à mon avis il y a un malentendu. Je ne suis pas en train de dire que quelqu'un doit pouvoir démontrer parfaitement la vérité de son interprétation avant d'avoir le droit d'y croire ou avant d'avoir une bonne "excuse" pour ne pas adopter la mienne.

J'essaie plutôt de demander l'inverse: qu'on accepte que SANS cette démonstration, on ne peut pas imposer ses propres vérités aux autres, on ne peut pas faire comme si chacun devrait reconnaître la vérité de sa propre interprétation (ce qu'implique l'argument "il suffit de lire").

Ensuite, la question de savoir si Spinoza a "réussi" à fonder ses prétentions est une toute autre question que celle dont il s'agit ici, quand je vous demande de fonder votre interprétation à vous. La question est de savoir si pour Spinoza la vérité se démontre, et se démontre rationnellement, ou non. Alors il me semble difficile de négliger le fait que Spinoza est le SEUL philosophe à avoir écrit un livre qui s'intitule Ethica ORDINE GEOMETRICO DEMONSTRATA. Au cas où cela permettrait encore un doute concernant l'importance que Spinoza accorde à la démonstration rationnelle, il suffit d'ouvrir le livre pour constater qu'il n'y a pas une seule page qui ne comporte pas de démonstration.

On peut aussi référer au fait que Spinoza prétend avoir trouvé un bien suprême "qui se communique". On est loin de l'idée d'une vérité qui serait de l'ordre de l'indicible.

Puis n'oublions pas non plus que Spinoza recuse, en philosophie, tout usage de la "lumière divine". Comme il le dit dans le TTP, seule la lumière naturelle, c'est-à-dire la raison, est admise lorsqu'il s'agit d'évoluer vers la vérité via la philosophie. Et même le troisième genre de connaissance, qui certes est intuitif, se base entièrement sur le deuxième, donc sur la raison. On ne peut donc négliger celle-ci pour revendiquer un accès privilégié au Réel ou à La Vérité, comme le faisaient la majorité des théologiens auquel Spinoza a voulu s'opposer.

Car c'est bien cela le problème: en matière de vérité, la seule alternative à la raison, d'un point de vue spinoziste, c'est l'obéissance et l'ignorance. Tandis que si l'on veut imposer une interprétation vraie comme étant la seule vraie d'un texte, on se heurte inévitablement au fait que les candidats pour ce genre de prétentions ne manquent pas: chaque secte croit avoir trouvé la seule interprétation vraie, ou plutôt prétend être le seul à ne pas interpréter, mais à avoir immédiatement accès aux pensées de l'auteur du texte. Du coup, on se retrouve très vite avec une myriade de sectes, qui n'ont qu'un seul moyen pour "fonder" leurs prétentions absolues: essayer de faire taire tous ceux qui pensent différemment. Or comme le dit Spinoza (TTP XIV.1):

Spinoza a écrit :Nous ne voulons pas pour autant accuser d'impiété ces membres des sectes parce qu'ils adaptent les paroles de l'Ecriture à leurs opinions (...) nous les accusons parce qu'ils ne veulent pas reconnaître cette même liberté aux autres, qu'ils persécutent comme des ennemis de Dieu tous ceux qui ne pensent pas comme eux, fussent-ils tout à fait honnêtes et dévoués à la vertue vraie (...). On ne peut concevoir d'attitude plus scélérate et plus dommageable à l'Etat.


En effet, c'est bien cela le problème avec cette idée qu'un texte ne serait pas un ensemble de "signes" mais capable de transmettre immédiatement des idées: comme le dit Spinoza, le langage humain n'est pas sans équivocité, et tout texte (sauf les manuels de mathématiques, et encore) est écrit dans un tel langage. Du coup, un texte est d'office lu différemment par des personnes différentes. Le fait de ressentir lors de la lecture un sentiment d'absence de doute n'est aucunement une garantie d'avoir accès à la vérité du texte, à la pensée qu'il essaie toujours imparfaitement d'exprimer.

C'est ce que souligne à mon sens Spinoza quand il dit: "pas d'hérétique sans lettre". Chacun se base toujours sur la lettre du texte pour essayer de comprendre ce qu'il veut dire. C'est la lettre elle-même qui donne facilement lieu à des interprétations divergeantes. C'est pourquoi il ne suffit pas de "juste lire", et qu'il faut appliquer à tout texte la méthode de lecture rationnelle et critique que Spinoza a lui-même inventée puis appliquée à la Bible.

Vieordinaire a écrit :Je ne peux qu'imaginer votre reaction si quelqu'un sur ce forum vous repondrait:

Spinoza a écrit:

"Vous semblez pourtant vouloir user encore de votre raison, et vous me demandez comment je sais que ma philosophie est la meilleure entre celles qu’on a autrefois professées dans le monde, qu’on y professe encore, et qu’on y professera un jour. C’est une question que je puis vous faire à mon tour et avec beaucoup plus de raison ; car je ne me flatte point d’avoir trouvé la meilleure philosophie, je sais seulement que je comprends la vraie. Vous me demanderez comment je sais cela. Je réponds que je le sais de la même façon que vous savez vous-même que les trois angles d’un triangle sont égaux à deux droits. Et tout le monde reconnaîtra le droit que j’ai de répondre de la sorte, excepté les cerveaux malades qui rêvent de certains esprits immondes dont la fonction consiste à nous donner des idées fausses qui ressemblent tout à fait aux vraies. Ce sont là des visions, et le vrai est à soi-même sa propre marque et la marque du faux." Lettre XXXVII

Peut-etre qu'un jour allez vous realiser que la 'vraie' interpretation de la philosophie de Spinoza et ce qu'il a compris ne peuvent etre differents. Par ces citations, je ne cherche pas a etablir quoi que ce soit en rapport a mon interpretation personelle mais simplement que vos caprices quant a ce qu'un interlocuteur doit/peut sont les votres. Vous avez votre ideal intellectuel. Nous n'avons pas a le partager--non parce que nous sommes de mauvaises personnes; simplement peut etre parce la necessite, ou l'ordre, de l'Intellect n'est pas celui de l'imagination; peut-etre que la connaissance qui correspond a l'Intellect (ce que Spinoza entend par cette idee) ne peut se 'fonder' au travers d'intellectualites ...


Comme vous le savez, l'imagination est source d'erreur.

D'abord, la citation ne vient pas de la lettre XXXVII. Dans la lettre XXXVII, il dit plutôt ce qu'il répète souvent dans sa correspondance: "Je pense (...) avoir démontré et expliqué ce qu'est ... .". Toute la correspondance témoigne de la volonté de Spinoza de répondre le plus précisément et le plus rationnellement possible aux objections, de les réfuter quand il croit qu'elles sont non fondées, de s'expliquer et de démontrer maximalement ses propres thèses etc.

Croire que l'idée spinoziste de la vérité comme norme d'elle-même signifie qu'on peut se permettre d'abandonner toute tentative de démonstration rationnelle, est l'un des plus grands contre-sens possibles. Spinoza fait exactement l'inverse. Comme il le dit dans la lettre XLIII (mais on peut facilement trouver d'autres passages semblables): "Tout cela, je ne l'ai pas seulement affirmé expressément, je l'ai aussi démontré par les plus solides raisons".

C'est pourquoi, le jour où sur un forum comme celui-ci quelqu'un arrive et dit ce que vous citez ci-dessus, je lui posera la seule question qui me semble être digne à poser d'un point de vue spinoziste: vous pouvez affirmer cela, mais l'avez-vous également démontré par les plus solides raisons?

S'il s'avère que la personne en question a écrit l'un ou l'autre livre more geometrico, je le lirai avec plaisir. Si ce n'est pas le cas mais la personne est prête à expliquer ses thèses et à les démontrer, je me lancerai avec plaisir dans la discussion, certaine de pouvoir apprendre quelque chose. Toutefois, dans tous les autres cas, je lui demanderai simplement de ne pas mépriser ceux qui pensent différemment qu'elle et de reconnaître le fait qu'il n'est pas le seul à ne pas douter de ses opinions aussi longtemps que celles-ci ne sont pas réfutées.
Bien à vous,
L.

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Messagepar Faun » 22 juil. 2008, 18:34

Louisa, je vais tenter de répondre à ta question concernant les idées inadéquates.

Une idée est dite adéquate lorsqu'elle exprime clairement et distinctement sa cause. De là deux possibilités :

1, soit l'idée est celle d'une chose existant réellement dans la Nature, autrement dit elle a sa cause dans le fait qu'il existe une essence substancielle, si tu me permet de m'exprimer ainsi, quelque part en dehors de l'esprit humain.

2, soit l'idée n'a pas d'objet réellement existant dans la Nature, et sa cause est seulement la puissance de penser de tel ou tel esprit humain.

Cette deuxième catégorie d'idées est dite adéquate uniquement si l'esprit qui la pense sait en même temps qu'il est la cause de cette idée, et que rien dans la nature n'y correspond réellement. Autrement on dit cette idée inadéquate, et on peut dire que l'esprit qui a cette idée délire, s'il croit qu'à cette idée correspond réellement quelque chose dans la Nature, en dehors de son esprit, et qu'elle ne dépend pas de sa puissance de penser.

Par suite une idée imaginaire peut tout à fait être adéquate, de même qu'une idée de chose réelle peut tout à fait être inadéquate si cette chose est conçue abstraitement ou partiellement, ou bien si nous lui attribuons une cause fictive.

C'est ce qui explique aussi que nous puissions être affectés par des idées imaginaires, et au contraire que des idées de choses réellement existantes n'affectent pas tous les esprits nécessairement. Car une idée imaginaire tire sa force d'exister de celui qui la pense, et par là elle possède une puissance d'action sur d'autres esprits, même si l'esprit qui l'a imaginé a disparu. Elle continue à vivre dans les esprits et à les affecter indépendamment de sa cause, qui est un esprit humain singulier.

Ainsi elle sera dite inadéquate tant que n'aura pas été identifié l'esprit qui l'a imaginé en premier, et tant qu'on la considèrera comme une chose réelle existant dans la Nature, alors qu'elle n'existe que dans l'esprit (et non dans l'intellect).

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Messagepar bardamu » 22 juil. 2008, 19:46

Louisa a écrit :On peut aussi référer au fait que Spinoza prétend avoir trouvé un bien suprême "qui se communique". On est loin de l'idée d'une vérité qui serait de l'ordre de l'indicible.

Bonjour Louisa,
comme je crains que Faun ait manqué l'objet de ta pensée, je me permets de tenter de la retraduire (avec quelques commentaires) :

Dans E2p11, l'inadéquation d'une idée est liée au fait qu'elle renvoie à 2 choses au lieu d'une ; au lieu d'avoir {a},{b}, 2 idées pour 2 choses, on a {ab} une seule idée pour 2 choses. Si a est l'idée de mon esprit et b celle d'une chose extérieure, ab est inadéquate parce qu'elle n'opère pas la distinction entre a et b.

Mais {ab} n'est pas moins efficiente que {a},{b}, et si c'est une fiction selon une catégorisation du vrai (idée convenant à son objet), c'est cependant une idée en acte. Les idées inadéquates s'enchaînent comme les adéquates et la réalité montre assez que la plupart des gens sont plus mûs par l'inadéquat que l'adéquat. Si on renvoie l'inadéquat au statut d'illusion, alors les parties 3 et surtout la 4 de l'Ethique n'ont guère d'objet puisqu'il s'agit d'y étudier les effets concret de ces effets "idéels-affectif".

Ceci étant (là c'est mon avis), ce système de confusion n'est peut-être pas à prendre comme une définition de l'inadéquation. Si {ab} est une idée inadéquate, il n'est pas évident que toute idée inadéquate se construise sur ce modèle.
Il faudrait aussi voir du côté des notions communes, où là aussi il y a un "mélange" mais pouvant se révéler adéquat à partir de propriétés communes entre la chose et moi.

Autre point : lorsque l'entendement devient infini, ce système de confusion disparaît puisqu'il n'y a plus d'extériorité où prendre des idées pour construire de l'inadéquat. L'entendement infini ne conçoit que de l'adéquat parce qu'il ne conçoit que ses propres idées. Quand de l'entendement infini découle l'idée d'un homme ayant des idées inadéquates, cette idée de l'"ignorant" est adéquate.
Le {ab} est une partie d'un ignorant A = {{ab}, a', a'', {a'''c}...}. Dans l'entendement infini, on aurait {a, b, c, A}, avec une infini multiplication des idées de chose pour constituer d'autres choses. Note : a et ses dérivées a', a'' etc. valent pour des idées adéquates en A. Pas évident de traduire tout ça, mais l'opération de distribution de parties pour constituer d'autres parties doit avoir un nom en math (un type d'endomorphisme ?).

Et sur ce système, il n'y a pas de raison particulière d'identifier {ab} dans A à {a,b} dans l'entendement infini. {ab} dans A n'est pas une illusion, elle constitue réellement A comme autant d'effets à moitié subis par A.
Mais je ne te suivrais pas trop sur ta séparation de l'inadéquation/adéquation du couple passif/actif. Le vocabulaire de Spinoza semble assez clair pour lier les effets des idées inadéquates à de la passivité et ceux des idées adéquates à de l'activité du point de vue des modes finis (cf E3p3). Il y a affectus en général, passio pour l'inactif/inadéquat, actio pour l'actif/adéquat.
Si la constitution d'un esprit aux idées inadéquates est un acte de l'entendement infini, c'est un acte adéquat.

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Messagepar vieordinaire » 22 juil. 2008, 22:40

Chere Louisa,

Votre dernier post est bien indigne de votre demande de rationalite. Je le juge simplement comme une serie, comme certains de vos posts, de reponses qui n'addressent pas directement la validite des idees soulevees, ou les citations introduites. Comme souvent, il s'ecarte rapidement du sujet pose par votre interlocuteur. Vos points/arguments/reponses ne sont que des citations en bout de ficelles, lesquelles vous utilisez afin d'etablir des allusions confuses, ou des inferences bidons, dont les poids demonstratifs sont tres legers ou inexistants. Vous arguments ne sont qu'en realite des courts extraits, lesquels vous permettent, sans contexte, ou liens precis, ou relations bien etablies, ou discussions additionelles, d'etablir vos conclusions! Comme Durtal a si bien dit il n'y a pas si longtemps, "franchement" ... Vous avez critique ceux qui citent Spinoza comme evidence; vous faites ici bien pire. Votre strategie est de lancer a votre interlocuteur les morceaux du lavabo sans beaucoup de coherence. Tres belles demonstrations!

Ou bien vous creez des hommes de pailles afin de caracteriser les positions contraires a la votre.

Je ne vais que donner quelques exemples:
Louisa a écrit :"On peut aussi référer au fait que Spinoza prétend avoir trouvé un bien suprême "qui se communique". On est loin de l'idée d'une vérité qui serait de l'ordre de l'indicible."

"qui se communique" peut vouloir dire bien des choses c'est loin d'etre une evidence qui supporte quelque chose de precis sans un contexte ... "On est loin de l'idée d'une vérité qui serait de l'ordre de l'indicible" une caracterisation extreme d'une position que je n'ai jamais suggeree.

Louisa a écrit :"J'essaie plutôt de demander l'inverse: qu'on accepte que SANS cette démonstration, on ne peut pas imposer ses propres vérités aux autres, on ne peut pas faire comme si chacun devrait reconnaître la vérité de sa propre interprétation (ce qu'implique l'argument "il suffit de lire")."

Encore un fois, vous simplifiez beaucoup trop et laissez tres peu de marge pour des perspectives qui sont differentes de la votre ou de son absurde 'contraire' que vous nous imposer.

Louisa a écrit :Croire que l'idée spinoziste de la vérité comme norme d'elle-même signifie qu'on peut se permettre d'abandonner toute tentative de démonstration rationnelle, est l'un des plus grands contre-sens possibles. Spinoza fait exactement l'inverse. Comme il le dit dans la lettre XLIII (mais on peut facilement trouver d'autres passages semblables): "Tout cela, je ne l'ai pas seulement affirmé expressément, je l'ai aussi démontré par les plus solides raisons".

Encore une fois des inferences bidons provenant de bouts de ficelle de citations et une dramatisation a l'absurde de la position que vous presentez comme contraire a la votre ("qu'on peut se permettre d'abandonner toute tentative de démonstration rationnelle"). Vous vous debatez avec vos propres hommes de pailles.
"Croire que l'idée spinoziste de la vérité comme norme d'elle-même signifie qu'on peut se permettre d'abandonner toute tentative de démonstration rationnelle, est l'un des plus grands contre-sens possibles." Votre affirmation est ambigue car c'est pas clair ce qui doit etre demontre rationnallement (La verite? Mais il y a eu des idees 'vraies' qui etaient vraie bien avant l'apparition des hommes et de leurs 'demonstration rationelles' 2p32) ... Dans tous les cas, personne n'a jamais avance une telle chose recemment dans cette entree ...

Et quand vous n'avancez pas une idee, encore une fois, de facon subtile, vous essayez de creer une certaine distinction, ou dynamique, illusoire et inutile entre bonnes et mauvaises personnes (ma caracterisation) et vous vous incluez dans la premiere.
Louisa a écrit :"Si ce n'est pas le cas mais la personne est prête à expliquer ses thèses et à les démontrer, je me lancerai avec plaisir dans la discussion, certaine de pouvoir apprendre quelque chose. Toutefois, dans tous les autres cas, je lui demanderai simplement de ne pas mépriser ceux qui pensent différemment qu'elle et de reconnaître le fait qu'il n'est pas le seul à ne pas douter de ses opinions aussi longtemps que celles-ci ne sont pas réfutées.


Vous l'avez deja etablit a plusieurs reprises, votre soif de savoir guide l'ecriture de vos posts. Combien de fois avez-vous besoin de le repeter, comme une badge que l'on porte?

Mais laissons de cote vos allusions de pacotilles et revenons a l'extrait que j'ai reproduit auparavant. Mais cette fois, considerons la question posee par son correspondant (je n'ai trouve qu'une version anglaise):
Albert Burgh a écrit :"How do you know that your philosophy is the best of all that ever have been taught in the world, are now being taught, or ever shall be taught? Passing over what may be devised in the future, have you examined all the philosophies, ancient as well as modern, which are taught here, and in India, and everywhere throughout the whole world? Even if you have duly examined them, how do you know that you have chosen the best ? You will say: "My philosophy is in harmony with right reason; other philosophies are not." But all other philosophers except your own followers disagree with you, and with equal right say of their philosophy what you say of yours, accusing you, as you do them, of falsity and error. It is, therefore, plain, that before the truth of your philosophy can come to light, reasons must be advanced, which are not common to other philosophies, but apply solely to your own; or else you mustadmit that your philosophy is as uncertain and nugatory as the rest."

Simple question, essentielle, et pertinente a notre echange. Qu'elle est la reponse de Spinoza? Certainement des demonstrations bien fondees rationellement selon vous! Il ne peut y avoir de doute ... :)

Encore une fois je reproduit la reponse de Spinoza:
Spinoza a écrit :"Vous semblez pourtant vouloir user encore de votre raison, et vous me demandez comment je sais que ma philosophie est la meilleure entre celles qu’on a autrefois professées dans le monde, qu’on y professe encore, et qu’on y professera un jour. C’est une question que je puis vous faire à mon tour et avec beaucoup plus de raison ; car je ne me flatte point d’avoir trouvé la meilleure philosophie, je sais seulement que je comprends la vraie. Vous me demanderez comment je sais cela. Je réponds que je le sais de la même façon que vous savez vous-même que les trois angles d’un triangle sont égaux à deux droits. Et tout le monde reconnaîtra le droit que j’ai de répondre de la sorte, excepté les cerveaux malades qui rêvent de certains esprits immondes dont la fonction consiste à nous donner des idées fausses qui ressemblent tout à fait aux vraies. Ce sont là des visions, et le vrai est à soi-même sa propre marque et la marque du faux." Lettre XXXVIII"

Oups! Il y aucune demonstration ... Ou peut bien se trouver cette
Louisa a écrit : "volonté de Spinoza de répondre le plus précisément et le plus rationnellement possible aux objections, de les réfuter quand il croit qu'elles sont non fondées, de s'expliquer et de démontrer maximalement ses propres thèses"???

Pauvre Spinoza, il est doit etre indigne de l'imagination de Louisa. :)

Au lieu il etablit une distinction (sans la fonder ou demontrer dois-je preciser) essentielle entre 'vrai' et 'meilleur' laquelle est tres revelatrice sur ce que Spinoza peut bien concevoir par 'connaissance'.

Finalement,
Louisa a écrit :"Tandis que si l'on veut imposer une interprétation vraie comme étant la seule vraie d'un texte, on se heurte inévitablement au fait que les candidats pour ce genre de prétentions ne manquent pas"

Je vous renvoie a la question posee par Albert Burgh et la reponse de Spinoza a ce sujet.
Mais plus important, je ne cherche pas a imposer quoi que soit; j'exprime mon opinion selon laquelle vous avez tort avec certaines de vos interpretations. Vous etes bienvenue de consider cette possibilite ou bien de continuer avec vos opinions. Si elles sont correctes, vous n'aurez pas a souffrir (passivite) de les avoir. Par contre, si vous avez tort vous serez eventuellement decues par elles et souffrirez (passivite) en consequence. Car pour moi 'comprendre Spinoza' veut dire repondre a son invitation et atteindre pour nous-meme la beatitude ou connaissance de Dieu--ce qui lui permet d'affirmer "je comprends la vraie". Autrement, nous nous condamnons a des debats sans fin (afin d'etablir la 'meilleure' philosophie ou interpretation). Donc lorsque je dis que certaines de vos opinions sont fausses, je n'ai pas besoin de justifier quoi que ce soit, ou convaincre qui que soit; la Vie, avec ses resistances, fait elle meme ce travail. La seule chose qui nous est demandee c'est d'etre honnete avec nous-memes. Et Salomon et Spinoza avez bien compris cela lorsqu'ils disent
Salomon, Spinoza a écrit :"et le supplice des esprits aveugles est dans leur aveuglement même" TTP4 ou bien "J’avais d’abord résolu de ne rien répondre à tout cela, convaincu que le temps, mieux que la raison , vous ramènerait à vous-même et à vos amis" Lettre XXXVIII

Et exactement les memes principes s'appliquent a ma comprehension et mes opinions a propos de la philosophie de Spinoza.
Modifié en dernier par vieordinaire le 23 juil. 2008, 14:43, modifié 1 fois.

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Messagepar Faun » 23 juil. 2008, 09:01

bardamu a écrit :comme je crains que Faun ait manqué l'objet de ta pensée, je me permets de tenter de la retraduire (avec quelques commentaires)


Oui mais c'est fait pour, je tente de reposer le débat sur des fondations saines.

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Messagepar Durtal » 23 juil. 2008, 19:05

Louisa,


Tout d’abord Vieordinaire a raison, je pense, quand elle dit que le rapport entre idée adéquate et idée inadéquate n’est pas de l’ordre « A »/« non A ». Car c’est une relation de partie à totalité, donc pas une relation de contrariété qui opposerait une chose à une autre chose. En effet les idées inadéquates sont des idées adéquates « tronquées » ou perçues partiellement.

Ensuite tu dis :

Louisa a écrit :Car encore une fois, c'est bel et bien EN DIEU qu'une idée qui est adéquate en l'Esprit humain a un AUTRE statut qu'une idée qui est inadéquate en l'Esprit humain (là où Durtal semble supposer qu'en Dieu, une idée inadéquate en l'Esprit humain est elle-même adéquate, tout comme n'importe qu'elle autre idée adéquate en l'Esprit humain). .


Je ne comprends pas vraiment ce que tu cherches à expliquer ici. Qu’ « en Dieu » les idées adéquates d’un esprit humain et les idées inadéquates d’un esprit humain soit différentes… très bien. Les unes sont vraies, les autres fausses. Mais que je sache personne n’a dit le contraire. Est-ce que cette différence est annulée parce que je soutiens que Dieu conçoit adéquatement les idées qui dans l’esprit humain sont inadéquates ? (c’est du moins, pour autant que j’en puisse juger, le sens de l’objection que tu me fais) Bien sûr que non. Car Dieu qui conçoit adéquatement une idée qui dans l’esprit de l’homme est inadéquate, ne la conçoit pas bien sûr en tant qu’il constitue la nature de cet esprit, et donc cela n’annule pas la différence entre idées inadéquates et idées adéquates dans l’esprit humain ! En d’autres termes, pour ce qui concerne la nature et l’origine des perceptions de l’esprit humain il y a deux cas et seulement deux :

a) Dieu a des idées adéquates en tant qu’il constitue la nature de l’esprit humain : dans ce cas les idées de l’esprit humain sont adéquates.
b) Dieu a des idées adéquates en tant qu’il constitue la nature de l’esprit humain en partie seulement : dans ce cas l’esprit humain a des idées inadéquates.

Dans (a) comme dans (b) Dieu a toujours des idées adéquates, mais pas l’esprit humain. Tu vois donc que cela n’annule pas la différence entre idées inadéquates et idées adéquates au point de vue de l’esprit humain ou même si tu y tiens (ça ne change rien puisque l’esprit humain est forcément « en dieu ») au point de vue de l’esprit humain « en Dieu ».

Louisa a écrit :EN DIEU (donc en réalité), une idée qui est inadéquate dans l'Esprit humain ne peut se concevoir adéquatement QUE parce Dieu a aussi une deuxième idée d'une autre chose, là où Dieu lui-même n'a PAS besoin d'une deuxième idée lorsqu'il s'agit d'une idée qui dans l'Esprit humain est adéquate.


Tu nous demandais d’avoir l’obligeance de bien vouloir t’indiquer en quoi les prémisses de ton raisonnement étaient confuses. Et bien je vais « t’obliger » car en voilà un parfait exemple. Ce que je veux dire est qu’il est absurde, au sens où tu l’entends et j’aimerais vraiment que tu finisses par t’en rendre compte, de dire que « Dieu peut concevoir adéquatement une idée inadéquate ». Cela revient à dire en effet « Dieu peut concevoir une idée fausse comme étant une idée vraie » et il n’est même pas besoin d’aller jusqu'à la fin de cette phrase pour la rejeter, car la première partie suffit, à savoir ; « Dieu peut concevoir une idée fausse… ». Lorsqu’on dit « Dieu a une idée adéquate d’une idée qui dans l’esprit humain est inadéquate », cela ne signifie pas comme tu le penses que Dieu a l’idée de cette idée inadéquate « en particulier » et la conçoit adéquatement, parce que tout de même, n’est ce pas, c’est Dieu (ou parce qu’il a l’esprit « les autres morceaux » mais j’y reviendrai). Cela signifie que 1) Dieu a une idée adéquate, 2) laquelle idée est comprise « en partie seulement » par l’esprit humain dans le cas où cet être humain est dit avoir une « idée inadéquate ».
En d’autre termes : Dieu ne conçoit pas d’idées inadéquates, c’est impossible et cela n’a aucun sens. Pas même en allant « regarder à l’intérieur de l’esprit des hommes » comme s’il était au spectacle, contemplant les « idées inadéquates en soi ». Dieu ne conçoit pas les idées inadéquates parce que Dieu n’est pas un esprit fini comme l’est celui d’un être humain et que parler d’idée inadéquate n’a de sens que relativement à un esprit fini, c’est à dire représentable lui même ( je ne parle plus seulement de ses idées mais de son essence même) comme un « segment » ou comme une «troncature » ( disait sescho) d’un esprit infini.

Et cette façon de t’exprimer n’est qu’une enième déclinaison, de cette proposition « spinoziste » que tu as purement et simplement inventé à savoir, le fameux : « Aucune idée inadéquate considérée en elle même n’est fausse. ». C’est un cas littéral de « confusion » puisqu’il est apparu en cours de discussion (même si c’était évident avant cela) que cette phrase était un mixte de la proposition énonçant que « l’imagination considérée en elle même ne contient aucune fausseté », et de cette autre expliquant que « le caractère de fausseté des idées inadéquates s’explique par une privation de connaissance ». Ces deux dernières propositions se trouvent bel et bien dans l’Ethique mais pas la première qui je le répète est une production de ton cru. Alors tu pourrais me dire, et je ne doute pas que c’est bien ce que tu vas faire, qu’en fait « si on lit bien », ces deux phrases on obtient la troisième. Outre qu’avant que j’admette que Spinoza énonce tranquillement des contradictions il risque de se passer pas mal de temps, la première des choses à faire si l’on veut éviter de se perdre tout à fait dans les confusions est, il me semble, de ne pas ajouter au texte des propositions qui n’y sont pas. Car si elles n’y sont pas c’est après tout qu’il y a peut être de bonnes raisons à cela. Et tu ne peux pas du moins demander à tes interlocuteurs d’argumenter ou de réfuter des choses que tu dis en fonction de propositions qui n’existent pas dans le corpus auquel nous nous référons, car cela rend en effet toute discussion ridicule et sans intérêt.

Mais pour te complaire tout à fait, parce que tu vas encore m’accuser de faire de l’ad hominem ( ce qui, je ne sais pas si tu l’as remarqué, est déjà en soi un argument ad hominem !) je reprendrai ce point de ton argumentation.

Si je te comprends bien, tu dis que Dieu conçoit les idées inadéquates dans l’esprit des hommes, « en tant qu’inadéquates » mais comme il a en même temps les idées des autres parties il les conçoit adéquatement. Le problème est que ta métaphore des « parties » ou plutôt ( parce qu’il est vrai que Spinoza s’exprime aussi de cette façon) ta façon de l’utiliser est inadaptée et maladroite. On peut le montrer je crois de la façon suivante : Si l’idée « x » est inadéquate parce qu’il lui manque la partie « y », qui fait qu’elles « composent ensemble » l’idée adéquate « z » alors la partie « y » considérée à elle seule est tout autant inadéquate que « x ». Dans ces conditions tu ne peux pas traiter « z » comme la simple somme ou simple réunion de « x » et de « y ». Car si « x » et « y » doivent encore être conçues dans « z » comme des « parties » alors elles seront chacune conçues inadéquatement, ce qui ne nous donnera pas l’idée adéquate « z », mais la collection des idées inadéquates x et y. En d’autres termes au point de vue de Dieu, qui n’a que des idées adéquates, n’existe que la relation entre x et y, c’est à dire l’idée adéquate z et cette idée n’apparaît pas comme composé de « deux parties ». A la rigueur ( et je ne suis même pas sur que ce soit une bonne description) c’est à l’esprit humain que z apparaît comme composé de « deux parties », il a commencé par penser x, puis y, pour enfin former l’idée z… Et tout cela provient uniquement de ce qu’une idée adéquate donnée est produite en Dieu qui est morcelée par l’esprit humain. C’est l’inadéquation, la finitude de l’esprit, qui introduit des parties là ou en réalité il n’y en a pas.

Nous terminerons par ce que tu présentes toi même comme « la pierre angulaire » de ta conception, à savoir, ta lecture du corollaire E2p11. A toutes fins utiles je le reproduis ici, dans la traduction Saisset, qui est malheureusement la seule dont je dispose actuellement.

Spinoza a écrit : Corollaire : Il suit de là que l'âme humaine est une partie de l'entendement infini de Dieu ; et par conséquent, lorsque nous disons que l'âme humaine perçoit ceci ou cela, nous ne disons pas autre chose sinon que Dieu, non pas en tant qu'infini, mais en tant qu'il s'exprime par la nature de l'âme humaine, ou bien en tant qu'il en constitue l'essence, a telle ou telle idée ; et lorsque nous disons que Dieu a telle ou telle idée, non plus seulement en tant qu'il constitue la nature de l'âme humaine, mais en tant qu'il a en même temps l'idée d'une autre chose, nous disons alors que l'âme humaine perçoit une chose d'une façon partielle ou inadéquate.


Et tu écris :

Louisa a écrit : "S'expliquer par l'Esprit humain seul" ou NE PAS "s'expliquer par l'Esprit humain seul", c'est cela la différence entre l'adéquation et l'inadéquation chez Spinoza (toujours 2p11). C'est-à-dire: A ou ne pas A ... non?
Une seule et même idée ne peut pas aussi bien s'expliquer par l'Esprit humain seul ET avoir besoin d'une deuxième idée hors de cet Esprit avant de pouvoir s'expliquer. C'est pourquoi on ne peut pas dire qu'une idée partielle serait d'un certain point de vue non partielle. Dieu lui-même a besoin de l'autre partie avant de pouvoir en avoir une idée adéquate, besoin que Dieu n'éprouve pas quand l'idée est adéquate dans l'Esprit humain. C'est pourquoi il est impossible qu'une seule et même idée serait adéquate ou inadéquate.


Je vais tenter de reformuler ta position telle que je crois la comprendre, parce que j’avoue encore une fois que la signification exacte de ce que tu veux dire m’échappe un peu et m’échappe plus encore le rapport que cela a avec le corollaire cité plus haut.
Alors : la différence entre adéquation et inadéquation s’explique par le fait que dans un cas l’esprit humain est conçu seul et dans l’autre en même temps qu’autre chose. Donc ce qui fait, d’après toi, qu’une seule et même idée ne peut pas être conçue adéquatement en Dieu et inadéquatement dans l’esprit humain, c’est que pour que Dieu conçoive adéquatement l’idée qui est inadéquate dans l’esprit humain, il faudrait qu’il conçoive cette idée en tant qu’il constitue l’esprit humain seul, ce qui est contre l’hypothèse. Donc quand Dieu conçoit une idée inadéquate dans l’esprit humain, il n’en a pas, de cette idée, une idée adéquate, sinon elle serait adéquate dans l’esprit humain.

Si c’est bien cela que tu veux dire, je ne vois absolument pas comment tu tires ces considérations du corollaire en question.

Je ne répète pas tout ce que j’ai dit avant sur « l’idée adéquate de l’idée inadéquate », sur l’utilisation de la métaphore « des parties » etc. Je te demande simplement où tu vois dans ce texte qu’il est dit que Dieu a des idées de nos idées inadéquates ? Spinoza explique que lorsque Dieu a des idées par lesquelles il constitue la nature de l’esprit humain en même temps que la nature de l’esprit d’une autre chose, cet esprit humain ( de même on peut le supposer l’esprit de l’autre chose) a des idées inadéquates ou perçoit les choses partiellement. Il écrit que Dieu a des idées qui sont conçues partiellement par les deux esprits constituant l’objet de l’idée qu’il forme à ce moment là, dans le cas où l’on dit que ces deux esprits se conçoivent inadéquatement l’un l’autre, mais il ne peut avoir lui même ces idées partielles puisqu’il forme d’emblée l’idée de leur unité ou de leur totalité, car il est pour ainsi dire « des deux cotés à la fois ». Il n’est donc pas dit là dedans que Dieu « a des idées complètes des idées partielles des esprits qui conçoivent ainsi partiellement les choses », parce que ça, ça ne veut littéralement rien dire. Ou alors c’est simplement une façon très alambiquée de dire que Dieu a une idée adéquate de ce qui au point de vue des esprits concernés apparaît comme étant des conceptions inadéquates.

D.
Modifié en dernier par Durtal le 24 juil. 2008, 01:31, modifié 1 fois.

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Messagepar vieordinaire » 23 juil. 2008, 19:50

Durtal a écrit :
En d’autre termes : Dieu ne conçoit pas d’idées inadéquates, c’est impossible et cela n’a aucun sens.



Spinoza a écrit :"Mais parce que Dieu ne connaît pas les choses abstraitement, et ne forme pas de définitions générales de ce genre, et ne demande pas aux choses plus de réalité que l’entendement divin ne leur a effectivement attribuée, et que la puissance divine y a mise, la conséquence claire en est qu’on ne peut parler de cette privation qu’à l’égard de notre entendement, mais pas à celui de Dieu." Lettre 19

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Messagepar sescho » 23 juil. 2008, 21:27

Traduction Pautrat :


E2P11C : De là suit que l'Esprit humain est une partie de l'intellect infini de Dieu ; et partant, quand nous disons que l'Esprit humain perçoit telle ou telle chose, nous ne disons rien d'autre sinon que Dieu, non en tant qu'il est infini, mais en tant qu'il s'explique par la nature de l'Esprit humain, autrement dit en tant qu'il constitue l'essence de l'Esprit humain, a telle ou telle idée ; et quand nous disons que Dieu a telle ou telle idée, non seulement en tant qu'il constitue la nature de l'Esprit humain, mais en tant qu'il a en même temps que l'Esprit humain également l'idée d'une autre chose, alors nous disons que l'Esprit humain perçoit une chose en partie, autrement dit de manière inadéquate.


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Messagepar Louisa » 23 juil. 2008, 21:40

Bonjour à tous,
merci de vos réflexions. Comme le dernier message de Durtal touche à pas mal d'aspects qu'ont soulevés les messages des autres intervenants, je me limite pour l'instant à une réponse détaillée à celui-ci, quitte à revenir par après sur les autres messages.

Au préalable, pour répondre au dernier message de Vieordinaire et/ou pour éviter tout malentendu: je ne me suis jamais lancée dans cette discussion en pensant que j'avais trouvé la théorie ultime des idées inadéquates chez Spinoza et qu'il ne me restait qu'à vous l'exposer. Au contraire, beaucoup de ce que j'ai écrit ici ne m'était venu à l'esprit qu'en réfléchissant à ce que quelqu'un d'autre avait écrit. Pour moi, nous sommes en train de faire une recherche collective dans laquelle chacun essaie de fonder maximalement l'hypothèse de travail qui lui semble pour l'instant être la plus plausible, dans l'espoir de pouvoir trouver un endroit précis qui permet davantage de trancher parmi les différentes interprétations. Ce que je vais écrire ici a à mes yeux le même statut.

Durtal a écrit :Tout d’abord Vieordinaire a raison, je pense, quand elle dit que le rapport entre idée adéquate et idée inadéquate n’est pas de l’ordre « A »/« non A ». Car c’est une relation de partie à totalité, donc pas une relation de contrariété qui opposerait une chose à une autre chose. En effet les idées inadéquates sont des idées adéquates « tronquées » ou perçues partiellement.


En effet, une relation de partie à la totalité n'est certainement pas, en tant que telle, une relation de contradiction ou de contrarieté.

Or je crois que nous sommes tous ici d'accord pour admettre que l'idée inadéquate est partielle, l'idée adéquate non. Et justement ... il suffit de dire cela pour avoir une contradiction logique (P étant l'équivalent de "est partiel", nous avons bel et bien un rapport de P à non P).

En soulignant cela, je ne veux nullement "ergoter", mais mettre en évidence l'un des problèmes que j'ai avec ton interprétation, telle que je l'ai compris pour l'instant. On va peut-être pouvoir avancer en essayant d'expliciter chacun ce qu'on comprend plus précisément par "être partiel", quand il s'agit des idées inadéquates.

Première question: de QUELLES idées s'agit-il, quand nous disons qu'une idée inadéquate est partielle et en tant que telle ne s'oppose pas au tout auquel elle appartient comme si elle était le contraire de ce tout?

Reprenons l'exemple du soleil. Il y a l'idée adéquate du soleil (l'idée que le soleil est), et l'idée de l'affection de mon Corps par les rayons de soleil. Cette idée, dit Spinoza, indique plus l'étât de mon Corps que la nature du soleil. Elle ne me donne pas vraiment accès à l'idée qu'est le soleil, elle ne m'en fait voir qu'une partie (je n'en perçois que ce qui est capable de frapper mon oeil à moi). L'idée X qui est dans mon esprit est donc partielle au sens où elle ne me dit qu'une partie de la vérité du soleil, elle n'est qu'une partie de l'idée qu'est le soleil (= idée Y).

En quel sens X est-elle une partie d'Y, plus précisément encore? X est en réalité un EFFET de Y. Et c'est précisément cela la raison pour laquelle X est condamnée à ne nous donner qu'une info partielle sur ce qu'est Y, car comme le dit Spinoza dans le TIE, une connaissance des causes par les effets est toujours partielle. Elle ne nous dit de la cause que ce que celle-ci produit sur moi comme effet, elle ne nous donne pas une idée adéquate de la cause même. Tandis que pour avoir une connaissance adéquate il faut d'abord une connaissance de la cause, ou une définition de la cause, de telle sorte que toutes ses propriétés et effets peuvent être compris correctement en les déduisant d'elle (raison pour laquelle le TIE nous dit qu'il faut le plus vite possible trouver une idée adéquate de Dieu, puis déduire tout le reste de cette idée, comme il le fait effectivement dans l'Ethique).

L'idée X fait donc partie de l'idée Y en tant qu'elle se trouve parmi les effets que Y est capable de produire. X n'est pas égale à Y. L'idée dans mon Esprit est une AUTRE idée que l'idée qu'est le soleil. Il s'agit de deux idées différentes, mais l'une étant un effet de l'autre, on peut dire que X est une partie de Y, tenant compte du fait que dans le spinozisme, la cause enveloppe toujours ses effets. Inversement, l'Esprit qui a l'idée X ne possède qu'une information ou connaissance (ou idée) partielle de Y.

Nous avons donc deux idées différentes: l'idée Y qu'est le soleil, et l'idée X dans mon Esprit. Sont-elles contraires l'une à l'autre. Pas du tout! Une idée d'un effet n'est jamais contraire à une idée de sa cause.

Pourquoi est-ce que dès lors j'ai dit ci-dessus qu'une seule et même idée ne peut pas être à la fois adéquate et inadéquate, comme nous propose Durtal, en donnant l'argument que deux choses contraires ne peuvent pas se trouver dans un seul et même sujet (E3P5)?

A mon sens Spinoza utilise ici le mot "sujet" ("subiectum"] dans le sens scolastique de "substrat". Si l'on prend donc une seule et même idée, et on la considère comme le substrat de ses propriétés, cela implique qu'une seule et même idée ne peut pas être à la fois A et non A. Elle ne peut donc être à la fois partielle et non partielle. Parce qu'ou bien une idée est l'idée qu'EST la chose (idée que le soleil est, Y), ou bien une idée est une idée qu'A la chose, et si l'idée X qu'a mon Esprit est inadéquate, cette idée est forcément partielle. La même idée ne peut donc être aussi non partielle. L'idée non partielle, dont l'idée X fait partie, c'est une deuxième idée, l'idée Y, c'est-à-dire l'idée que le soleil est. Mais cette idée X est adéquate et par là même jamais inadéquate ou partielle. Dès que l'on passe à l'idée qu'une chose est, on a une idée adéquate.

Ce n'est donc pas l'idée du soleil elle-même (l'idée Y) qui devient inadéquate quand c'est mon oeil qui la contemple. C'est uniquement mon idée X, idée ayant l'affection de mon Corps comme objet, qui est inadéquate.

Inversement, si je veux avoir une idée adéquate du soleil, je vais devoir AJOUTER d'autres idées, dans mon Esprit, à cette première idée, d'autres idées qui peuvent compléter l'info ou la connaissance que me donne cette première idée. Mais ces autres idées, si elles relèvent du deuxième genre de connaissance, seront toujours des idées qui n'existent que dans mon Esprit à moi (et donc en Dieu, bien sûr), ce n'est jamais l'idée que le soleil est qui du coup va rentrer dans ma tête (puisque cette idée que le soleil est, c'est l'essence objective du soleil, et seul le troisième genre donne accès aux essences).

Donc oui, les idées inadéquates sont des idées tronquées. Mais (passage retravaillé deux fois après la première édition; dernière fois 23h23) ce ne sont pas des idées adéquates perçues partiellement, comme tu le dis, ce sont des perceptions (= idées) partielles d'AUTRES choses. Quand nous percevons inadéquatement, l'objet de notre perception n'est pas une idée, et encore moins une idée inadéquate. Percevoir, pour l'Esprit, c'est avant tout produire une idée lui-même. Dans le cas de l'idée inadéquate, l'objet de cette idée/perception, c'est l'affection de mon Corps. Et il faudra bel et bien y ajouter une AUTRE idée avant que cette idée partielle puisse trouver des infos capables de rendre ma connaissance un peu plus complète.

Autrement dit: ce qui est perçu inadéquatement, c'est l'objet de l'idée inadéquate, et donc l'affection du Corps. Ce qui est perçu inadéquatement, c'est l'EFFET du soleil, cet effet étant une affection de MON Corps. Cette perception est, en tant qu'idée, inadéquate, parce qu'on ne sait percevoir adéquatement un effet sans d'abord percevoir adéquatement la cause. C'est donc parce qu'on n'a PAS encore une idée adéquate du soleil, mais seulement une idée de l'effet produit par le soleil sur mon Corps, que l'idée de mon affection reste nécessairement inadéquate. Tandis que tu sembles plutôt dire qu'on aurait déjà d'emblée perçu l'idée adéquate du soleil, mais cela seulement de façon imparfaite. Or pour ce faire, il faudrait d'abord réellement avoir cette idée adéquate du soleil, puis ne la sentir que partiellement (ce que tu expliques par l'état passif de l'Esprit, l'état actif étant la cause de la perception adéquate de l'idée adéquate que nous aurions déjà dès que nous voyons le soleil). Tout cela suppose que l'effet lui-même comporte déjà une idée adéquate de la cause, ce qui n'est pas du tout le cas (sinon on pouvait étudier les effets pour connaître les causes, ce que Spinoza récuse dans le TIE). C'est la cause qui comporte déjà une idée adéquate de l'effet, raison pour laquelle il faut d'abord connaître la cause pour pouvoir adéquatement connaître l'effet.

Spinoza TIE G10-B19 a écrit :Il y a la Perception où l'essence d'une chose est conclue à partir d'une autre chose, mais non adéquatement, ce qui se produit, ou bien lorsque de quelque effet nous inférons la cause, ou bien lorsqu'elle est conclue de quelque universel qu'accompagne toujours quelque propriété.

Note f: Lorsque cela arrive, nous n'entendons rien de la cause en dehors de ce que nous considérons dans l'effet; ce qui apparaît assez du fait que la cause n'est pas alors expliquée, si ce n'est par des termes très généraux (...). Dans le second cas, est attribué à la cause, en vertu de l'effet, quelque chose qui est conçu clairement (...) mais rien en dehors des propres, non l'essence particulière de la chose.


Il vaut peut-être mieux que je m'arrête pour l'instant ici, afin de voir dans quelle mesure tu es d'accord ou non avec ce que je viens de dire, avant de répondre à la suite de ton message (sauf si tu préfères que je réponde d'abord à tout en une fois, dans ce cas il suffit de me le dire, et je continue).
L.

PS:

Durtal a écrit :Et tu ne peux pas du moins demander à tes interlocuteurs d’argumenter ou de réfuter des choses que tu dis en fonction de propositions qui n’existent pas dans le corpus auquel nous nous référons, car cela rend en effet toute discussion ridicule et sans intérêt.

Mais pour te complaire tout à fait, parce que tu vas encore m’accuser de faire de l’ad hominem ( ce qui, je ne sais pas si tu l’as remarqué, est déjà en soi un argument ad hominem !) je reprendrai ce point de ton argumentation.


je ne crois pas avoir dit qu'il s'agit d'une proposition. J'ai plutôt essayé de démontrer en quoi cela découle pour moi inévitablement des propositions citées, si inévitablement même que je croyais que donner ces propositions suffirait pour te convaincre (ce sentiment d'évidence est pour moi ce que Spinoza appelle "absence de doute", qu'il distingue très strictement de la certitude qui caractérise l'idée vraie, au sens où une absence de doute est tout à fait possible concernant une idée inadéquate, tandis qu'une idée adéquate a besoin d'une caractéristique en plus, qui est la certitude (notion hélas peu expliquée par Spinzoa)).

Or dès que tu m'as dit comment tu interprètes ces propositions, il est devenu clair que tu les lis autrement que moi, et à partir de ce moment-là, je suis tout à fait OBLIGEE d'argumenter. Dans le cas d'une évidence, cela signifie que celui qui l'éprouve doit activement essayer de fonder cette idée, avant de pouvoir demander à l'interlocuteur une adhésion. Et aussi longtemps que l'interlocuteur n'est pas convaincu de la vérité de l'argumentation, mon sentiment d'évidence ne suffit pas DU TOUT pour exiger de lui qu'il abandonne son interprétation à lui. Le fait même que tu la trouves discutable suffit même déjà pour ne plus la considérer comme une évidence, puisque si c'était vraiment évident, tout interlocuteur raisonnable devrait l'avoir reconnue comme évidence.

Enfin, j'avoue que je ne comprends pas tout à fait pourquoi me dire que tu trouves référer à des propositions inexistantes ridicule, ce serait faire de l'ad hominem. Pour faire de l'ad hominem, il faut parler de la personne de ton interlocuteur. Ce que tu dis être ridicule ici, c'est le procédé de référer à des propositions inexistantes. Là-dessus, je ne peux qu'être tout à fait d'accord avec toi: C'EST ridicule de faire cela. Mais ce serait peut-être intéressant d'ouvrir un jour une discussion concernant ce que c'est qu'un argument ad hominem, car il me semble que la façon dont Sescho utilise cette notion n'est pas tout à fait la même que la mienne non plus. Au moins cela permettrait-il d'être d'accord qu'il y a un argument ad hominem quand quelqu'un le signale ... :D
Modifié en dernier par Louisa le 24 juil. 2008, 02:10, modifié 1 fois.


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