un exercice philosophique

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Louisa
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Messagepar Louisa » 16 juil. 2008, 23:50

Louisa a écrit:
à mon sens l'éternité caractérise une existence, et est une propriété d'une essence. Toute essence singulière étant un degré de puissance, elle est aussi un degré de réalité. Mais on ne va pas dire qu'elle est un "degré d'éternité". Par conséquent, éternité et réalité ne sont pas exactement la même chose.

Durtal:
Non l'éternité caractérise l'existence de Dieu et de notre essence en tant qu'elle est une partie de la sienne. Dieu est l'essence de toute réalité ou la réalité même. Et c'est là tout ce que je voulais dire. Du reste je t'ai dit que peu importait cette question qui ne change rien à notre problème et que tu pouvais y substituer "réalité" sans que cela change rien pour moi (puisque par éternité je veux dire "réalité" justement). Alors pourquoi y revenir sur une une demi-page?


si les trois phrases ci-dessus constituaient déjà une demi-page, on était en train d'écrire des bouquins entiers, nous deux ... :D

Je suis revenue là-dessus parce qu'à mes yeux tu as un usage assez confus de la notion d'éternité. L'éternité est une propriété de Dieu (et donc aussi des essences singulières, certes), la perfection absolue ou la réalité absolu (ens realissimum) est une AUTRE propriété de Dieu.

L'éternité ne connaît pas de degré, la réalité ou perfection oui. C'est parce que la réalité connaît des degrés, qu'une chose singulière peut passer d'un degré de réalité/perfection/puissance à un autre. Or ce passage ne s'effectue que dans le temps, pas en Dieu, ou du point de vue de l'éternité. Tandis que passer à une plus grande réalité (via une affection de Joie) n'implique pas du tout passer à une plus grande "éternité". C'est la part de notre Esprit qui est éternel qui s'agrandit proportionnellement, lorsque nous produisons, dans un temps et un lieu précis, une idée adéquate. Mais nous ne devenons pas "plus" éternel pour autant.

Louisa a écrit:
De même, la durée et l'éternité sont deux points de vue différents sur une seule et même chose. Cela veut dire que l'on ne peut pas considérer la durée du point de vue de l'éternité, ou l'éternité du point de vue de la durée. Ce qu'on peut considérer selon différents points de vue, c'est toujours une chose. Jamais un autre point de vue.

Durtal:
Une des raisons qui me faisait faire ce raccourci c'est que ces deux points de vues ( au contraire de ce qui a lieu pour le modes ou la substance) ne sont pas symétriques. La durée est une conception abstraite de l'existence qui passe par des signes, des comparaisons effectuées par l'imagination et qui ne saisit pas la réalité dans son essence singulière. Alors que l'éternité est ce que nous saisissons lorsque nous comprenons l'existence des choses de façon singulière et réelle.


je ne sais pas si toute abstraction passe nécessairement par des signes (à vérifier). Sinon nous sommes d'accord: certes, considérer une chose du point de vue de la durée, c'est la considérer dans le temps, en tant qu'elle se modifie. Ce n'est pas la considérer dans son éternité, telle qu'elle existe en Dieu. A quelques nuances près, nous sommes donc d'accord quand il s'agit d'adopter le point de vue de l'éternité. Le problème ne commence que si tu ne prends pas en compte le point de vue de la durée, qui est celui des affections, qui est celui de notre vie quotidienne. Il est clair que cette vie quotidienne n'est pas incompatible avec l'éternité (au contraire même), mais cela ne veut pas dire qu'on puisse éliminer cette vie quotidienne d'une compréhension adéquate des choses. Ce qui est ce que tu fais, il me semble, si tu te bases uniquement sur le fait que toute idée adéquate existe éternellement en Dieu pour en conclure qu'une idée qui est commune mais pas aussi claire qu'une notion commune, doit néanmoins être une notion commune.


Durtal a écrit:
Et donc ce qui existe dans le temps à plus forte raison existe dans l'éternité. Si nous sommes éternels alors nous le sommes par définition toujours.

Louisa a écrit:
c'est dire que l'éternité implique la sempiternité. Spinoza rejette explicitement cette idée dans sa définition même de l'éternité, tout au début de l'E1.

Durtal a écrit:
Et non…Encore une fois, si tu lis bien ce que j’écris, tu t’apercevra que je fais exactement l’implication inverse de celle que tu me prêtes.

Louisa a écrit:
tu dis: "si nous sommes éternels alors nous le sommes par définition toujours". Chez Spinoza, la définition de l'éternité comporte une "explication", où il nie explicitement la possibilité de dire que ce qui est éternel serait équivalent à ce qui est toujours.

Durtal:
Ok, tu sautes sur le terme "définition" que j'aurais du éviter d'employer ici. Dans le contexte cela signifiait "trivialement" mais je retire "par définition" qui prête en effet à confusion. Toujours est-il que je ne dis pas que c'est la même chose. Au lieu de rester accrochée, comme une moule à son rocher à cette définition de E1 essaye plutôt de voir ce que la négation de ma proposition entraîne. En effet l'éternité ne se définit pas comme une "durée indéfinie", mais est-ce à dire pour autant qu'elle exclue la durée? C'est à toi de voir: Si une chose éternelle cesse de l'être du moment qu'elle dure, alors elle n'est plus éternelle ce qui est contre l'hypothèse. Donc l'éternité d'une chose n'exclut pas que cette chose dure.


ton raisonnement me semble être peu correcte. La négation de ta proposition entraîne ceci: si nous sommes éternels alors nous ne le sommes pas toujours. Ou, ce que tu veux plutôt dire, je présume: nous pouvons être éternel mais ne pas l'être toujours. Tu veux alors que je trouve cela absurde, pour la simple raison que pour toi, être éternellement c'est être toujours. Réponse de Spinoza: l'éternité ne s'explique pas par la durée ou le temps, même pas par une durée infinie (le "toujours"). Il est évident que dans ce cas, aussi bien ta thèse que son inverse sont incompatible avec le spinozisme. Dire que ce qui est éternel est toujours est tout aussi absurde que de dire que ce qui est éternel n'est pas toujours, puisque le concept de l'un (éternité) ne se laisse pas expliquer par le concept de l'autre (durée), et que "toujours" et "pas toujours" sont bel et bien des indications de temps. Ce qu'il s'agit bien plutôt de saisir, c'est un régime d'existence "hors temps".

Hors temps, toute notion commune est éternellement vraie, bien entendu, puisqu'elle est une idée vraie et que toute idée vraie est éternelle, hors temps. La question est de savoir si l'on peut saisir ce que c'est qu'une notion commune vraie si l'on ne la considère QUE hors temps. A mon avis non, puisque son absence ou présence dépend d'une certaine clarté pour tel ou tel Esprit, et que cette clarté manque dans beaucoup d'Esprits, là où Spinoza définit la notion commune par le fait qu'elle est claire et distincte chez tous les hommes (ce qui ne veut pas dire que tous les hommes ont réellement cette idée; cela veut simplement dire que QUAND un homme est affecté par une telle idée, cette idée est claire et distincte).

Louisa a écrit:
"Pour prendre un exemple plus concret: on sait que Spinoza dit que le sage est non pas celui qui a le plus d'idées adéquates de tous, mais celui dont la plus grande partie de son âme est constituée d'idées adéquates. Or Spinoza dit aussi que le bébé est fort ignorant, et qu'il a besoin de beaucoup de temps et d'instruction pour devenir adulte. Cela signifie que le sage ne naît pas sage. On DEVIENT sage. La sagesse est donc un phénomène qui se produit dans le temps. Spinoza y ajoute même que l'on peut se demander dans quelle mesure l'essence du bébé et l'essence de l'adulte sont une seule et même essence. Comment alors en conclure que la partie éternelle de notre Esprit, elle existe "toujours", c'est-à-dire elle serait permanente dans le temps?"

Durtal:
La sagesse n'a pas de rapport avec la question. Sinon tu es en train de me dire que l'on "devient éternel" ce qui est contre l'hypothèse ect.


il est clair qu'en devenant sage, une toujours plus grande partie de notre Esprit devient éternelle. Cela n'est pas du tout contre l'hypothèse, puisque ici nous n'expliquons guère l'éternité par le temps. Nous expliquons simplement l'avènement, dans le temps, d'une majorité d'idées adéquates, chacune d'entre elles existant AUSSI éternellement, hormis le fait qu'au fur et à mesure que se déroule sa vie, le sage en acquièrt toujours davantage.

durtal a écrit :Je ne dis pas que l'essence de l'esprit dure "toujours" je dis, encore une fois, que si notre essence est éternelle alors le fait que nous vivions dans le temps ne change pas ce fait et qu'elle est donc aussi pour cela éternelle "ici et maintenant" ou "actuellement".


il est évident que le fait que nous vivons dans le temps ne rend pas notre essence plus ou moins éternelle. C'est ce que je disais au début de ce message: l'éternité ne connaît pas de degré.

Durtal a écrit:
Une chose peut être éternelle sans exister dans le temps mais une chose qui existe dans le temps ne peut pas ne pas être aussi une chose éternelle. (c’est quand même le principe du salut chez Spinoza !!!!)

Louisa a écrit:
une idée inadéquate existe dans le temps. Est-elle aussi une chose éternelle? Non, car si c'était le cas, TOUT notre Esprit était éternel, et non seulement cette partie composée d'idées adéquates.

Durtal:
Une idée inadéquate n'a qu'une existence relative à l'esprit humain donc une pseudo existence ( ce n'est qu'une dénomination extrinsèque)


Spinoza ne parle pas de "pseudo existence". Une idée adéquate elle aussi n'existe que relative à l'Esprit humain (puisqu'elle exprime Dieu non pas en tant qu'il est infini, mais en tant qu'il s'explique par cet Esprit qui a l'idée adéquate). Qu'une idée ne se trouve que dans mon Esprit à moi ne dit rien de son éternité ou d'une éventuelle absence d'éternité.

Les idées inadéquates n'existent que du point de vue de la durée. Mais ce n'est pas pour autant qu'on puisse déjà ne plus les avoir! Il faut également tout un travail dans la durée pour pouvoir s'en débarrasser, et tout notre être ne tend qu'à cela, TANT que nous avons aussi une existence dans un temps et un lieu précis, et non seulement une existence en Dieu.

Louisa a écrit:
Il y a donc quelque chose de spécifique à la durée, que l'on ne retrouve pas du côté de l'éternité. A mon sens on ne peut pas éliminer cette spécificité quand on essaie de mieux comprendre ce que c'est qu'une notion commune.

Durtal:
Je ne crois pas justement. Je pense au contraire que la conception des choses sous le concept de la durée est un effet des limitations de l'entendement humain. Dieu par exemple ne conçoit pas les choses ou lui même sous le concept de la durée.


mais nous sommes en gros d'accord sur le statut de la durée. Le problème n'est pas là. Le problème réside dans le fait que tu sembles croire qu'il suffit de constater que du point de vue de Dieu il n'y a pas de durée, pour déjà avoir résolu tout problème qui se pose à nous dans la durée.

Louisa a écrit:
pour moi c'est comme si tu admets qu'une pièce de monnaie ait deux côtés mais que tu ne veux pas regarder le côté face pour te concentrer uniquement sur le côté pile.

Durtal:
Cet exemple avait une valeur générale, c'était simplement pour dire que je ne vois pas pourquoi on inférerait de ce que Spinoza dit qu'il y a deux façon de concevoir l'actualité des choses qu'il y a pour cela "deux types d'existences différentes".


oui bien sûr, mais si j'ai repris ton exemple c'est qu'à mon sens il vaut littéralement, dans le spinozisme. Ce qui veut dire qu'il faut pouvoir réfuter cette version littérale avant de pouvoir la rejeter.[/quote]

durtal a écrit :Ensuite comme je l'ai expliqué plus haut, l'exemple de la pièce touche à ses limites en ce que les deux façons de concevoir marquent une dissymétrie. Il y "a un coté de la pièce" qui a plus de vérité que l'autre.


plus de vérité ... je ne sais pas. L'axiome de la 4e partie n'est pas "moins" vrai" que ceux de l'E1.

Louisa a écrit:
Car comment nier qu'il t'a bien fallu du temps, avant que tu as pu lire puis comprendre les démonstrations de la mathématique telles qu'on les apprend à l'école? Pour un homme, produire une idée adéquate, cela prend du temps. C'est bien pourquoi il faut un grand effort, et que beaucoup n'y arrivent pas.

Durtal:
Même chose que plus haut cela n'a rien à voir avec la question. Il n'y a aucun sens à dire que l'on "devient" éternel ou qu'on est "un peu plus" éternel qu'auparavant.


c'est bel et bien cela mon problème: tu évacues la dimension de la durée de tout problème humaine "existentiel", puisqu'a priori tu fais comme si l'existence conçue du point de vue du temps, donc l'existence telle que la vit l'imagination, n'est pas un premier niveau de connaissance et donc de réalité (ne fût-ce que réalité modale), mais simplement "rien". Ce n'est pas le cas dans le spinozisme. L'imagination, rappelles-toi, ne contient aucune erreur. Et elle est un effet de la nature comme un autre. Et même la raison conçoit les choses en les rendant présentes à l'Esprit. L'Amour de Dieu est inconcevable sans l'imagination, sans un "rendre présent". On ne peut pas réduire le premier genre de connaissance à rien sans changer de fond en comble le spinozisme.
Cordialement,
L.

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Messagepar Durtal » 16 juil. 2008, 23:59

Allez, je ne suis pas chien, voici un extrait.

Mais pour notre discussion tu devrais relire toute ce qui précède. (C-a-d:proposition XLIV de E2 scolie corollaires I et II. Et bien sur, surtout, les démonstrations des propositions en question)

"Démonstration : En effet, il est de la nature de la raison de percevoir les choses comme nécessaires et non comme contingentes (par la Propos. précédente). Or, cette nécessité des choses, la raison la perçoit selon le vrai (par la Propos. 41, partie 2), c'est-à-dire (par L'Axiome 6, partie 1) telle qu'elle est en soi. De plus (par la Propos. 16, partie 1), cette nécessité des choses est la nécessité même de l'éternelle nature de Dieu. Il est donc de la nature de la raison d'apercevoir les choses sous la forme de l'éternité. Ajoutez à cela que les fondements de la raison, ce sont (par la Propos. 38, partie 2) ces notions qui contiennent ce qui est commun à toutes choses, et n'expliquent l'essence d'aucune chose particulière (par la Propos. 37, partie 2), notions qui, par conséquent, doivent être conçues hors de toute relation de temps et sous la forme de l'éternité. C. Q. F. D."

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Messagepar Louisa » 17 juil. 2008, 00:13

Cher Durtal,

merci de ton conseil, merci de l'extrait. Mais dans une discussion qui porte sur l'INTERPRETATION du texte, juste donner le texte n'apporte pas grand-chose. Il vaut mieux partir de l'idée que ton interlocuteur relit sans cesse, et sur base de cette relecture te demandes de réfuter concrètement ses arguments, plutôt que de suggérer qu'il suffit de lire pour déjà partager ton interprétation à toi.

C'est pourquoi le fait de substituer de tels "conseils" à des arguments concrets en règle générale n'a aucune autre effet que de montrer que celui qui "conseille" est en manque d'arguments (ce qui d'ailleurs n'est pas grave du tout, et surtout ne constitue pas en tant que telle une preuve de la fausseté de l'interprétation de celui qui veut conseiller; c'est juste que ce genre de conseils est inutile dans un débat rationnel).
L.

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Messagepar Louisa » 17 juil. 2008, 00:41

Durtal a écrit :Spinoza:
"Ajoutez à cela que les fondements de la raison, ce sont (par la Propos. 38, partie 2) ces notions qui contiennent ce qui est commun à toutes choses, et n'expliquent l'essence d'aucune chose particulière (par la Propos. 37, partie 2), notions qui, par conséquent, doivent être conçues hors de toute relation de temps et sous la forme de l'éternité. C. Q. F. D."


pour déjà anticiper ton commentaire de ce passage: je suppose que tu en conclus que les notions communes sont tout à fait indépendantes du temps, ne PEUVENT pas être conçues dans le temps. Pourtant, ce n'est pas ce que Spinoza dit.

Il doit ici expliquer pourquoi une idée qui pourtant n'est PAS produite par la Raison, peut être vraie. Car nous sommes bel et bien d'accord pour dire que les essences des choses singulières sont éternelles, et que les rapports entre ces essences sont des "dénominations extrinsèques". Du coup, on serait tenté de concevoir toute connaissance de ces rapports comme étant inadéquate, ne se déroulant que dans le temps et pas "en Dieu". Ce qui pose problème dès qu'il s'agit de notions communes, qu'on aimerait bien considérer comme étant vraies. Comment Spinoza peut-il sortir de ce problème? Voici à mon sens l'essentiel de l'argument.

L'idée de base est ceci: comme ces choses sont communes à toutes, jamais elle ne se rapportent UNIQUEMENT au passé ou au futur, comme c'est le cas avec l'exemple que Spinoza vient de donner juste avant (le fait de voir Pierre le matin et Paul le midi). Car le passage que tu cites vient de la démonstration du corollaire II d'une proposition qui a comme premier corrolaire de dire qu'il ne dépend que de la seule imagination que nous contemplons les choses comme contingentes. En principe, tout ce qui a trait à l'imagination (donc à la temporalisation) devrait être conçu comme étant contingent (et donc non pas nécessaire ou éternel). Les notions communes portant en revanche sur ce qui est aussi bien dans le passé et le futur que dans le présent, on n'a plus le choix, on ne peut que les considérer comme étant nécessaires. Considérer les choses comme nécessaire est précisément ce que signifie les considérer "sous un certain aspect d'éternité". Or ce que nous concevons ainsi est vrai. Voici donc qu'une notion commune, idée qui pourtant n'est PAS produite par la raison (ne résulte pas d'une démonstration), peut néanmoins être nécessaire et vraie, et cela précisément parce qu'il s'agit d'une présence qui jamais ne cesse d'être. Cette permanence en tant que telle n'a rien à voir avec l'éternité, mais sachant qu'ici il s'agit d'une propriété réellement commune à toutes choses, cette permanence devient tout à fait nécessaire. C'est cette nécessité qui fait qu'on peut les concevoir sous un certain aspect d'éternité.

Or ce que toi tu proposes, si je t'ai bien compris, c'est que même si une idée d'une propriété commune n'est PAS toujours présente, elle devrait être une notion commune (malgré le fait que Spinoza nie cela), et donc elle l'est. Si tu dis cela et si tu donnes ce passage-ci comme "argument", tu dois pouvoir expliquer ce passage autrement que moi, autrement dit, tu dois pouvoir démontrer pourquoi nous avons une idée adéquate des propriétés communes, malgré le fait que celles-ci ne sont PAS produites par la Raison, sans te baser sur une présence aussi bien dans le passé, le futur et le présent (donc sans passer par l'imagination).
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Messagepar Durtal » 17 juil. 2008, 00:48

Louisa, est ce que je suis en train de discuter avec une gamine de 14 ans?

ça expliquerait pas mal de chose....

Tu m'écris:

Louisa a écrit :Il faudrait donc que tu démontres en quoi la notion commune n'a rien à voir avec le temps, l'affection etc, avant que je puisse être convaincue de la pertinence de ta conception des notions communes, tu vois?


ce à quoi SPINOZA ( pas moi hein....) te répond:

Spinoza a écrit :notions qui, par conséquent, doivent être conçues hors de toute relation de temps et sous la forme de l'éternité.


Et c'est à MOI que tu demandes cette démonstration? Comme si c'était MA théorie? Et tu as le toupet après de me dire que c'est une question "d'interprétation"? Et que donc, apporter une preuve évidente que ton "interprétation" est justement fort éloignée de l'énoncé littéral du texte est en quelque sorte un procédé "déloyal"? Mais je rêve!
Je répète: si tu veux cette démonstration elle se trouve dans l'Ethique et ce n'est pas à moi de la produire il te suffit de daigner aller y remettre le nez au lieu de contester tout et n'importe quoi.

Ah mais!!!!!!

D.

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Messagepar Durtal » 17 juil. 2008, 01:00

Tu aurais fait une excellente avocate Louisa ( mais peut être en es-tu une?), je ne sais pas dans quelle mesure c'est compatible ou non avec la philosophie, mais en matière d'aptitude à manier les "arguties" tu es réellement impressionnante. :lol:

Je vais aller me chercher une bière et nous allons reprendre tout cela posément.

D.

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Messagepar Louisa » 17 juil. 2008, 01:18

Louisa a écrit:
Il faudrait donc que tu démontres en quoi la notion commune n'a rien à voir avec le temps, l'affection etc, avant que je puisse être convaincue de la pertinence de ta conception des notions communes, tu vois?

Durtal:
ce à quoi SPINOZA ( pas moi hein....) te répond:

Spinoza a écrit:
notions qui, par conséquent, doivent être conçues hors de toute relation de temps et sous la forme de l'éternité.


Je viens d'essayer de t'expliquer comment il faut à mon sens interpréter ce passage. Tentative de le formuler autrement.

Qu'est-ce que, dans ce contexte précis, "concevoir hors de toute relation de temps"? A mon sens: hors lien avec tel ou tel passé ou futur précis. C'est quand la présence de quelque chose change, que nous basculons dans l'idée que cette chose est contingente. Il suffit qu'une chose se présente à un certain moment et non pas à un autre, pour que nous ne la considérons plus comme nécessaire mais comme contingente.

Or, une notion commune est une idée d'une propriété commune à toutes choses, c'est-à-dire toujours là. C'est pourquoi, malgré le fait qu'elle n'est pas produit par la raison, elle est néanmoins vraie et nécessaire, et non pas contingente, puisque sans cesse nous sommes affectés par elle. Elle se conçoit donc "sans aucune relation au temps", au sens où elle ne se conçoit pas uniquement à tel ou tel moment précis de notre vie, mais à tous les moments, là où la présence de Paul est rapportée systématiquement à un moment précis dans le temps (le midi, dans l'exemple de Spinoza).

Si tu crois que ceci est faux, et qu'il faut interpréter ce passage en disant que les notions communes se situent elles-mêmes d'office hors temps, et n'existent QUE dans l'éternité, il faut pouvoir démontrer en quoi une telle interprétation (qui est une interprétation, bien sûr, puisque ce n'est pas du tout ce que Spinoza dit littéralement; la traduction littérale étant celle de Pautrat: "sans aucune relation au temps") permet de considérer les notions communes comme étant nécessaires, malgré le fait qu'elles ne sont pas des productions/perceptions de la Raison.

Puis revenons à nos moutons: si tu es d'accord pour dire que les notions communes ne sont pas perçues par la Raison, il faut aussi admettre ce que la tradition admet depuis toujours: qu'on ne peut pas les démontrer. Or Spinoza démontre le fait que l'idée de l'essence de Dieu est enveloppée dans toute autre idée. Cela en tant que tel suffit déjà pour nous faire voir qu'il ne s'agit pas d'une notion commune, à part le fait, je le répète encore une fois, que Spinoza dit littéralement qu'elle n'en est pas une.
L.

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Messagepar Louisa » 17 juil. 2008, 01:24

Durtal a écrit :Tu aurais fait une excellente avocate Louisa ( mais peut être en es-tu une?), je ne sais pas dans quelle mesure c'est compatible ou non avec la philosophie, mais en matière d'aptitude à manier les "arguties" tu es réellement impressionnante.


avocate? Ben oui, pourquoi pas. Si Leibniz voulait être l'avocat de Dieu, je veux bien essayer un instant d'être l'avocate de Spinoza. Car il s'agit bel et bien de cela. Spinoza dit que nous n'avons pas de l'idée de l'essence de Dieu une idée aussi claire que ce que nous avons d'une notion commune, et malgré cela tu veux lui faire dire que cette idée est dans le spinozisme bel et bien une notion commune. Alors essayons de défendre ce qu'a écrit littéralement Spinoza. En matière de "principe de charité", cela me semble être l'attitude la plus intéressante. Ce qui n'exclut nullement que la manière dont je le défends peut-être contient des erreurs. Or je ne te demande pas mieux que de me les montrer, si tu crois en percevoir une. Ce serait d'ailleurs probablement plus intéressant que de te concentrer sur ma personne ... :D
Santé!
L.
Modifié en dernier par Louisa le 17 juil. 2008, 01:55, modifié 1 fois.

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Messagepar Durtal » 17 juil. 2008, 01:54

Bon nous progressons.

Tu vois que cela ne t'as pas fait de mal de relire un peu tout ça.... Tu me dis là des choses beaucoup plus sages qu'auparavant.

a) Il y a une chose, cependant que je comprends pas du tout dans ce que tu me racontes: c'est ce que tu veux dire par "elles ne sont pas produites par la raison". Et surtout pourquoi tu insistes tant là dessus? je ne comprends pas. Enfin si je comprends que tu veux dire qu'étant donné qu'elles sont le fondement de la raison elle ne sont pas "inventées" ou "produites" par la raison, mais la question que je me pose est: "et alors?". Je ne vois pas.

b) Moi je n'ai aucun problème avec l'idée qu'elle ne serait "que" dans l'éternité ( au sens de "seulement" éternelle) puisque je me permets de te rappeler que mon interprétation du concept spinoziste d'éternité n'exclut pas la durée ou l'existence dans le temps ( c'est toi qui semble séparer ontologiquement les deux choses). Et donc que l'expression "QUE" dans l'éternité n'a aucun sens dans mon interprétation. Ce qui est dans le temps est nécessairement aussi dans l'éternité ( même si l'inverse n'est pas vrai bien sûr). Pour le dire rapidement et simplement je pense que ce que nous découvrons "au coeur" de la durée (en réfléchissant un peu) c'est l'éternité. Et que la voie principale pour comprendre ceci est précisément constituée par les notions communes et par la Raison. En d'autre termes ce que je pense est que: l'éternité est la vérité de la durée. Et que c'est là première "leçon" de la Raison.

En ce sens les notions communes sont parfaitement "mondaines" et expriment en même temps l'éternité. Je n'ai aucun problème avec cela. Au contraire une grande partie des choses "bizarres" (' pour toi) que je dis à propos des rapports de l'éternité et de la durée, provient de ma lecture de ces passages et du concept de notion commune chez Spinoza.

Mais je vais essayer de réexpliquer tout cela de façon plus "parlante", (enfin j'espère pouvoir y parvenir, comme je l'ai dit, c'est un sujet difficile) parce que manifestement je n'ai pas réussi à me faire comprendre de toi.

D.

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Messagepar Durtal » 17 juil. 2008, 01:56

Louisa a écrit :Ce qui n'exclut nullement que la manière dont je le défends peut-être contient des erreurs.


je ne te LE FAIS PAS DIRE!!!!!!!


D.


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