un exercice philosophique

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Cette partie du forum traite d''ontologie c'est-à-dire des questions fondamentales sur la nature de l'être ou tout ce qui existe. Si votre question ou remarque porte sur un autre sujet merci de poster dans le bon forum. Merci aussi de traiter une question à la fois et d'éviter les digressions.
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Durtal
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Messagepar Durtal » 16 juin 2008, 22:09

Voulez-vous insinuez que ce que j'écris est un plagiat?

Je n'ai pas lu le livre dont vous me parlez mais je puis vous rassurez tout de suite: je n'ai pas eu besoin d'aller chercher ceci chez Moreau puisque c'est déjà écrit en toute lettre dans l'Ethique. (reportez vous aux propositions de l'éthique que je mentionne et vous verrez que Spinoza le dit).

J'ai beaucoup d'estime pour le travail de PF. Moreau, mais je suis choqué par votre insinuation. Si j'avais voulu utiliser cet auteur je l'aurais cité, je ne suis plus un enfant. Encore une fois c'est ECRIT chez Spinoza, ce n'est pas ici une question "d'interprétation".

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Ulis
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Messagepar Ulis » 16 juin 2008, 22:59

Cher Durtal
Loin de moi l'idée de vous accuser de plagiat, je voulais simplement confirmer ce point que je partage
ulis

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Messagepar Durtal » 16 juin 2008, 23:34

D'accord, je vous dois des excuses dans ce cas Ulis....Il faut que j'aille faire soigner ma paranoia... :)

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Sinusix
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Messagepar Sinusix » 17 juin 2008, 18:41

:arrow: Bonjour à "tous",

J'entreprends, à ce jour dans la joie, de manière "active" et, je m'y emploie, avec les idées les plus adéquates possibles, le dernier quart de ma vie. A cette fin, j'ai cru judicieux de m'adosser à la "philosophie", bien que de formation scientifique et économique, afin de fixer un cadre de réflexion, structuré à mes modestes moyens, en vue non pas de trouver un sens, ce qui serait présomptueux, mais de vérifier que je pouvais difficilement penser autrement que je ne le fais aujourd'hui, étant bien évidemment convaincu que j'aurais pu agir autrement que je ne l'ai fait et notamment, si je l'avais lu plus tôt, ne pas m'être mis dans des situations qui ne correspondaient pas à mes "rapports".
J'ai découvert Spinoza, il y a quelques mois, dans ce contexte, au travers des cours de Gilles Deleuze, et me suis dit : c'est mon truc. Je sens le lien avec mon "corpus" matérialiste et une vision camusienne de l'honnête homme.
Banalité supplémentaire : n'étant pas tombé dans la marmite philosophique universitaire, mon décalage sémantique et conceptuel m'interdit de réfléchir isolément sur des textes dont le langage, quoiqu'on en dise, reste équivoque à lecture par un non spécialiste, c'est-à-dire quelqu'un qui ne dispose pas dans sa bibliothèque mentale personnelle de toute l'exégèse sous-jacente. Ceci peut avoir son avantage, à savoir que, comme Durtal, que je remercie au passage du chatouillement qu'il procure, je lis les définitions et les "identifie" à leur expression.
Je suis tombé sur ce site, qui me permettra de progresser, je le souhaite, en espérant que les "novices" y seront respectés, comme les autres, ce qu'aurait recommandé Spinoza, me semble-t-il. J'avertis par avance que mon intérêt pour Spinoza vient essentiellement de la "modernité" de sa pensée (ce qui ne sous-entend pas qu'il en ait eu le pressentiment) par rapport au corpus scientifique qui est le nôtre. Autrement dit, il ne représente pas pour moi une "Bible" mais un tremplin de réflexion respectant au maximum le cadre de sa pensée.
J'en viens donc après ce long préambule, dont je m'excuse, à l'intérêt que j'ai porté à cet échange et livre, dans toute son hérésie, la "pensée" qui m'est venue.
Une autre banalité : est-il possible de demander à Spinoza, quelle que soit la puissance de sa pensée, d'avoir pu s'abstraire du système symbolique de son siècle (le corps et l'âme, la pensée substantielle, etc.) et de toute la pensée antérieure ; est-il possible de ne pas penser aux risques déjà grands qu'il a pris avec la Définition VI, au delà desquels il était difficile d'aller.
Or, cet au-delà, quel pourrait-il être, quel pouvait-il être ? Et si, effectivement, la seule conclusion "logique" à l'analyse textuelle de la définition IV pour moi pertinente de Durtal, était de réunifier substance et attribut (une substance = un attribut), à savoir:
La substance unique a un attribut = l'étendue (on dirait aujourd'hui matière/énergie).
Et j'ose l'hérésie : la pensée est un mode de la substance, et non un attribut (je ne développe pas cette hérésie ici, tout à fait conscient de son caractère "aberrant", mais verse au dossier ce que l'on sait de nos jours de "l'homme neuronal" et conséquemment de la dépendance de la pensée par rapport à un fonctionnement chimique relevant des "rapports"). Autrement dit, malgré toute sa puissance, était-il possible que Spinoza sorte de la "substantialité" de la pensée, problème pour moi relevant de la métaphysique mais pas, si j'ai bien compris de l'ontologie.
J'observe d'ailleurs, après lecture d'un texte de Victor Delbos (revue de métaphysique et morale, 1908,- pp 783-788) que c'est bien l'introduction "nécessaire" de Dieu à la Définition VI, dans la perspective de la proposition XI et de ses conséquences, qui conduit Spinoza à "déporter" l'affirmation de la substance unique, et donc à laisser apparente la contradiction, et de mon point de vue "l'écartèlement" qui a été le sien. Car pourquoi appeler Dieu la "nature/substance" sinon en raison de la pression interne du système symbolique qui est le sien et externe de la société religieusement policée qui ne l'était pas moins.
Plus, n'est-ce pas l'introduction de deux attributs qui l'a conduit à "devoir attribuer" à Dieu une infinité d'attributs, sous prétexte de la "pensée finie" qui est la nôtre, laquelle l'a cependant conduit à persister dans "l'assimilation" de la pensée à une substance.
Je manque du matériel pour poursuivre plus avant et m'arrangerai des contradictions dans mes lectures à venir.
J'ai bien noté que chacun était indulgent avec chacun.
[/b]

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Louisa
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Messagepar Louisa » 17 juin 2008, 23:00

Bonjour Sinusix,

bienvenue sur ce forum!

Pour la question du matérialisme versus le parallélisme: tu trouveras déjà quelques discussions à ce sujet en cherchant les messages postés par Nepart.


A Durtal,

écrire des messages succincts n'est vraiment pas mon point fort, mais à mon sens tu viens de battre tous les records ... :D .

Je réponds donc à ton dernier message en plusieurs fois. Commençons par le début.

Durtal a écrit :A) .

Je dois t’avouer que même si je ne suis pas un grand latiniste (et c’est un euphémisme) ton objection « linguistique » me laisse assez perplexe. Je trouve ton argument pour le moins curieux et je ne vois pas bien où il mène. Tu m’expliques en effet que le latin fait la différence entre les expressions « x, idem est, y » ou « x hoc est y » et l’expression « x et y una eademque rem sunt ». D’accord. Mais tu sembles ne plus t’apercevoir du coup que le français la fait aussi ! Si je dis :

(1) « x est identique à y »

Ce n’est pas la même expression que :

(2) « x et y sont une seule et même chose ».

On peut certes discuter de la question de savoir si (2) à la même signification que (1), ou si entre les deux il y a différence importante, mais je t’avoue que je ne vois pas très bien en quoi un appel à la traduction latine de ces deux expressions est susceptible de nous éclairer sur la question. Car si tu es capable de m’indiquer la différence qui existe entre les deux expressions latines tu dois être aussi capable de m’expliquer la différence qui existe entre les deux traductions françaises de ces expressions latines. Et inversement si je me trompe en pensant que (1) et (2) ont la même signification en français, je me tromperai de la même manière pour leur traduction latine. La référence au latin serait pertinente si par exemple nous ne pouvions traduire « x et y una eademque rem sunt » que par « x est identique à y » mais comme ce n’est pas le cas, car nous avons « x et y sont une seule et même chose », je ne vois pas où tu veux en venir. Mais c’est peut-être parce que je ne suis pas latiniste…

Quoiqu’il en soit si on laisse de coté la question du latin, la différence que tu fais entre les deux expressions est celle-ci : tu dis que (1) n’équivaut pas à (2), puisque dans (1) on affirme l’identité de x et de y entre eux alors que dans (2) il n’est pas dit que x et y sont identiques entre eux mais qu’ils sont la « même chose ». Bon d’accord…Mais si l’expression ne dit pas que x et y sont identique « entre eux » à l’évidence c’est pourtant ce qu’elle implique. Car en raisonnant contre l’hypothèse c'est-à-dire en supposant que x et y sont différents, donc que x n’est pas la même chose que y, on aboutit à ce résultat plutôt consternant : « deux choses qui ne sont pas les mêmes sont les mêmes ».


euh ... à mon sens tu ré-affirmes ici simplement ce que tu disais déjà, qu'en français il n'y a aucune distinction entre les deux expressions. Te baser là-dessus pour dire qu'en latin il n'y en a pas non plus me semble être un peu bizarre. Surtout qu'il s'agit d'un latin "technique", où les mots utilisés par Spinoza correspondent à des définitions très précises. La "chose singulière" par exemple est définie d'une façon qui est tout à fait nouvelle et propre au spinozisme. C'est bien pourquoi, quand Spinoza utilise le mot "chose" (res) on ne peut pas faire comme s'il n'était pas là, et remplacer "la même chose" par un autre mot, "identique", surtout que celui-ci en philosophie est également lourd de sens et d'implications.

Si tu tiens compte de ce que Spinoza écrit, on ne peut jamais arriver au résultat "deux choses qui ne sont pas les mêmes sont les mêmes". Car les x et y dont il s'agit ne sont pas des choses, mais des modes. Il se fait que dans le spinozisme, une seule chose s'exprime dans des modes qui n'ont rien en commun l'un avec l'autre, bref qui sont tout sauf identique.

Pour comprendre le rapport entre une choses et ses modes, il faut donc respecter le fait que Spinoza donne une définition différentes pour le terme "mode" (modus) et "chose" (res). Cela implique qu'on ne peut pas remplacer à volonté l'expression "mode" par l'expression "chose".

Durtal a écrit :B)

Là où par contre nous risquons de ne pas être d’accord, c’est sur le sens que tu prêtes à la critique de Descartes dans la préface de E5.

Je te cite pour commencer :

« Pour Descartes âme et corps sont des substances, tandis qu’il omet d’expliquer comment des substances pourraient s’unir (…) » et plus loin « Descartes a essayé une théorie plus claire, en appelant corps et âme des substances. Pour Spinoza, ce n’est pas encore suffisamment clair, il faut démontrer more geometrico en quoi consiste cette union plus précisément. »

Ce dont il est question dans cette fameuse préface est l’impossibilité de l’interaction de l’âme et du corps. Le contexte immédiat de cette critique est en effet la discussion du pouvoir que l’âme a ou n’a pas sur le corps dans la perspective de la maîtrise des affects par l’esprit. Or Spinoza ne se contente certainement pas de dire à ce sujet que la théorie cartésienne de l’union n’est pas « assez claire » : il dit qu’elle est absurde et qu’elle n’a aucun sens. Tu parais faire comme si ; lorsque Spinoza dit ; par exemple : « je voudrais de plus savoir combien de degrés de mouvement l’âme peut imprimer à cette glande pinéale et avec quelle force la tenir suspendue », il posait uniquement une question « ouverte », en remarquant simplement que Descartes à omis d’effectuer les calculs en question ou comme si il s’était contenté d’affirmer la chose vaguement « sans la démontrer ». Or c’est bien entendu une question préjudicielle, c'est-à-dire, que Spinoza est bien persuadé, quant à lui, qu’il n’est pas possible d’effectuer de tels calculs, et encore moins de démontrer quoique ce soit sur « l’union » de l’âme et du corps.


désolée, mais c'est faux. Comme je t'ai montré dans la citation qui figure dans mon message précédent, il dit littéralement avoir montré en quoi consiste l'union du corps et de l'âme.

Ce avec quoi il n'est pas d'accord, concernant Descartes, c'est l'idée qu'il y aurait une "communication" possible entre le corps et l'âme, c'est-à-dire un lien causal, tel que le prétend Descartes. Cela, Spinoza le nie. Mais il ne nie pas du tout l'idée d'une union entre les deux. Seulement, poser une union entre deux modes appartenant à un attribut différent a comme conséquence que justement, tout rapport causal entre les deux est exclu (c'est ce que prouve l'E2P6).

Durtal a écrit :Et si il en va ainsi, c'est-à-dire si le corps et l’esprit ne peuvent agir l’un sur l’autre c’est précisément qu’une telle interaction supposerait une union et que parler d’union de l’âme et du corps est une absurdité.


pas dans le spinozisme. Encore une fois, ce qui est absurde pour Spinoza, c'est la possibilité d'une action causale de l'un sur l'autre. Ce qui était possible dans la théorie cartésienne des substances. La théorie spinoziste des attributs et leurs modes, en revanche, explique pourquoi une chose qui est constitué de deux modes différents ne peut jamais être caractérisé par une action d'un de ses deux modes sur l'autre, puisque les attributs n'ont rien en commun.

Il accepte donc l'idée cartésienne que le corps et l'âme n'ont rien en commun (ce qui suivait chez Descartes du fait de les appeler des substances). Mais ce qui chez Spinoza n'a rien en commun, ce sont les attributs. Il opte donc pour une union entre deux choses qui n'ont rien en commun (= Descartes), mais en s'opposant à l'idée cartésienne d'une causalité entre les deux. Il le remplace par le parallélisme (identité d'ordre et de connexion entre les causes et effets dans tous les attributs, PAS des modes causés).

Durtal a écrit :Car les mots ont tout de même un sens


non, les mots ont plusieurs sens, et en philosophie on ne fait qu'inventer de nouveaux sens aux mots déjà existants. C'est pourquoi il faut absolument tenir compte des définitions qu'en donnent les philosophes, si l'on veut comprendre leur pensée.

Durtal a écrit : et lorsqu’on parle d’union d’âme et du corps, on suppose par là même qu’en un point au moins (ici la fameuse glande pinéale) l’âme et le corps ne « font plus qu’un », que l’une des détermination de l’âme devient l’une des déterminations du corps et inversement.


cela, ce n'est le cas QUE dans le sens proprement cartésien du mot "union". Personne n'est obligé d'être cartésien. Spinoza a donc décidé de donner un autre sens au mot "union", tout simplement.

Durtal a écrit :L’union de l’âme et du corps implique ainsi que l’âme « se précipite » en une portion de matière offrant des surfaces connexe avec le corps et que le corps de son coté « se sublime » en une idée de sorte que l’un de ses mouvements en suive, bref implique des suppositions absurdes ou magiques


c'est correcte, mais uniquement dans un sens cartésien.

Durtal a écrit : (et c’est pourquoi Spinoza dit dans la préface de E5 que l’hypothèse de l’union est « plus occulte que toute qualité occulte »)


ce qu'il dit, c'est que l'hypothèse CARTESIENNE de l'union est tout à fait obscure. La seule cause de cette union, dans le cartésianisme, est Dieu lui-même. La cause de l'union chez Spinoza est beaucoup plus précise, et tient à la définition même d'un mode, d'une chose, d'un attribut et de la substance.

Durtal a écrit :Pour cette raison, à savoir que Spinoza critique l’interaction justement parce qu’elle suppose une union qui est impossible


ce qu'il dit c'est que l'union entre des substances distinctes est impossible. Il va donc fonder l'union autrement: non plus entre des substances distinctes, mais entre des attributs distincts. Là, l'union devient parfaitement pensable.

Durtal a écrit : Mais le problème de l’interaction et donc de l’union entre la pensée et l’étendue est exactement le même qu’on les conçoive comme des substances ou comme les attributs d’une seule substance : dans les deux cas en effet l’interaction n’est pas possible.


oui bien sûr, dans les deux cas l'interaction n'est pas possible. Seulement, Descartes proposait un type d'union où il y a interaction, tandis que Spinoza propose une union SANS interaction, une union entre deux modes qui n'ont rien à voir l'un avec l'autre (et pour cette raison ne peuvent pas interagir), mais qui exprime une seule et même essence. L'essence étant la même, l'union est ici fondée de façon tout à fait claire et solide.

Durtal a écrit : Si tu me dis : « oui mais je sais que Spinoza pense que l’interaction est impossible, mais il a une notion d’union sans interaction ». Alors d’accord, mais à ce stade la querelle devient purement verbale.


:D

Pas du tout. A ce stade tu peux laisser derrière toi le cartésianisme pour entrer pleinement dans la pensée spinoziste.

Il faut juste que tu acceptes le fait que dans un dictionnaire de mots philosophiques, tu trouveras une définition différente de chaque mot selon le courant philosophique qui l'utilise, et ne pas injecter le sens qu'un mot a chez l'un dans la philosophie d'une autre.

Durtal a écrit :Je veux bien que tu appelles « union » le phénomène de parité des attributs et de leur mode, mais nous saurons tous les deux qu’il ne s’agit pas d’une véritable « union » ou d’une union au sens propre. Car dire de deux choses qu’elles sont « unies » alors qu’elles n’ont aucune détermination en commun, c’est à mon avis, forcer la signification du mot.


non, c'est simplement passer d'une pensée cartésienne à une pensée spinoziste. Il n'y a pas de monopole sur les mots en philosophie. Pour un cartésien, comprendre le sens spinoziste du mot "union" demande en effet un petit effort, mais je ne vois pas en quoi on devrait tous être des cartésiens ... ?

Durtal a écrit :Si tu comprends ce que j’ai voulu dire ici, alors tu comprendra aussi pourquoi je disais d’une façon qui pouvait paraître étrange, que même lorsque Spinoza se sert de l’expression « union de l’âme et du corps» il n’entend pas par là une union de l’âme et du corps, je veux dire : il ne développe pas un concept d’union de l’âme et du corps.


idem. Il n'y a pas UN seul concept d'union de l'âme et du corps, en philosophie. Il y en a une multitude. Sélectionner le concept cartésien pour faire comme si tous les autres n'existent pas me semble être un exercice assez arbitraire, non?



Durtal a écrit :C).


Supposons donc que tu sois d’accord avec moi jusque là, c'est-à-dire que tu m’accordes qu’il n’y a pas de théorie de l’union au sens fort, c'est-à-dire au sens authentique du mot « union », (qui consisterait en l’affirmation de déterminations communes à l’âme et au corps).


rien ne permet d'appeler le sens que Descartes a inventé pour le mot "union" LE sens AUTHENTIQUE. On a pensé ce lien entre corps et âme avant et après lui, n'en déplaise aux cartésiens .. :D

A bientôt pour quelques réponses à la suite de ton message!
L.

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Messagepar Durtal » 18 juin 2008, 15:01

Louisa

D'abord oui désolé pour la longueur, comme disait l'autre "j'ai pas eu le temps de faire court"

Cela dit
J'ai l'impression que tu n'as compris ce que je disais à propos du latin.
Je vais donc réexpliquer la chose de façon plus simple.

Supposons que Durtal te dises à toi Louisa la chose suivante :

« Le mot « chien » et le mot « chat » désignent le même animal et par conséquent signifie la même chose. »

Là-dessus je suppose que tu me dirais quelque chose comme : « Non Durtal : un chat est comme ceci et comme cela, alors qu’un chien est comme ceci et comme cela. ». Ta première idée ne serait sans doute pas de me dire : « Non Durtal car en latin « chien » se dit « canis » alors que « chat » se dit « feles ». » Et quand bien même le ferais-tu que nous ne serions pas avancés pour autant, car il faudrait encore que tu m’expliques la différence de signification entre ces deux mots, comme tu aurais pu le faire dés le départ en français. Car si je pense dés le départ que « chien » et « chat » ont la même signification, alors je penserai aussi la même chose des mots qui leur corresponde en latin ! Moralité tu ne m’aurais pas expliqué la différence simplement en me disant qu’en latin les deux mots ont des significations différentes !

Tu vois bien que notre situation est analogue à celle que je viens d’imaginer. En effet je te dis « x et y sont une seule et même chose » veut dire la même chose que « x et y sont identiques » et tu me réponds « Non Durtal car en latin « x idem est y » ne veut pas dire la même chose que « x et y una eadmque rem sunt ». Mais étant donné que d’un coté « x est identique à y » se traduit par « x idem est y » et que de l’autre coté « x et y sont une seule et même chose » par « x et y una eadmque rem sunt » tu vois bien que le problème est le même que tout à l’heure avec le chien et le chat ! Il ne suffit pas de me dire cela pour me l’expliquer ou me le faire comprendre…

Le seul essai d’explication que tu produis consiste à dire que le latin parle de « chose », « res ». Mais comme l’expression française « une seule et même chose » le fait aussi, nous tournons en rond (tu ne fais pas attention au fait que dans mon argument je ne compare plus une "seule et même chose"à x idem est y" mais bel et bien à son équivalent latin stricto sensu). Car tu m’as accordé qu’en français par « une seule et même chose » on entendait que x et y sont identiques. Il faut donc encore que tu m’explique pourquoi en latin il n’en va pas de même (je veux dire pourquoi l’expression «une seule et même chose » française ne veut pas dire la même chose que « una eadmque rem ») Tu te contentes d’affirmer que la signification est différente mais tu ne produis pas cette différence. Et tes appels au latin technique de Spinoza ne sont rien de plus qu'une reformulation de ton affirmation initiale, et non une explication.

J’attends tes remarques sur la suite de mon texte pour tout ce qui concerne « l’union » avant de te répondre là-dessus. Mais ce que tu m’as déjà écrit me laisse craindre que tout cela va rapidement tourner à la querelle verbale.

A ce sujet, tes remarques sur le « dictionnaire des définitions philosophiques » me semblent assez faibles: pour comprendre les définitions philosophiques et de même pour comprendre en quoi une définition philosophique se démarque de la définition habituelle d’un mot, tu ne peux t’appuyer tout d’abord que sur le sens de tes propres mots c'est-à-dire sur le sens qu’ont déjà les mots dans la langue que tu parles. Et j’ose dire que les philosophes, lorsqu’ils produisent des définitions sont dans la même situation. Soit en effet qu’ils s’écartent de l’usage, soit qu’ils se conforment à lui, pour se comprendre eux-mêmes, ils doivent nécessairement avoir quelque connaissance de la signification usuelle des mots qu’ils emploient.

Or si tu prends la peine d’aller jeter un coup d’œil dans le dictionnaire pour voir ce que signifie le mot « union » tu constatera que Descartes appelle union quelque chose qui est conforme au sens donné par le dictionnaire, et que lorsque Spinoza parle « d’union » il ne peut être question du sens de ce mot tel qu’il est décrit dans le dictionnaire, sens encore une fois, qui est celui de Descartes. Enfin les exemples de « dérogation » à l’usage linguistique chez Spinoza et dans l’Ethique en particulier, sont très nombreux à commencer sans doute par le mot de Dieu lui-même. Ce n’est certes pas pour rien que Spinoza dit très souvent « J’appelle ceci, cela ». Ma thèse est qu’il « appelle » union de l’âme et du corps, tout autre chose qu’une union à savoir le fait que l’âme et le corps d’un individu sont un seul et même mode. S’il n’y a pas d’union c’est précisément qu’il n’y a pas de différence.

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Messagepar Faun » 18 juin 2008, 16:53

Durtal a écrit :Ici je vais aller beaucoup plus vite. Ta question est celle de savoir comment si l’âme est identique au corps, elle ne périt pas avec lui. La réponse à ceci est simple : la partie de l’âme qui est éternelle est l’idée d’une partie du corps qui est elle aussi éternelle. On doit donc dire : la partie de l’âme qui est l’idée du corps qui périt, périt également avec lui (ce qui est bien conforme à la clause de l’identité). La partie de l’âme qui ne périt jamais est l’idée d’une certaine essence du corps qui elle non plus ne périt jamais (ce qui a nouveau respecte la clause d’identité). Je te renvoie pour ceci aux propositions XXII, XXIII et scolie de E5. Il est vrai que Spinoza dans le livre 5 s’exprime « comme si » l’éternité de l’âme impliquait le « décrochage » de l’âme et du corps. Mais les démonstrations sont sans ambiguïté : quelque chose aussi dans le corps est éternel et dont l’âme est également l’idée éternelle. J’ai lu une fois un commentateur qui pensait que si Spinoza s’exprimait lui-même ainsi contre la logique même de ses démonstrations c’est qu’il craignaient d’être pris pour un fou (parce qu’il affirme l’éternité du corps)…Pour ma part je ne sais pas trop pourquoi il fait ça mais il est vrai que c’est surprenant.


La partie éternelle de l'esprit humain, pour Spinoza, est l'intellect. Ce mode de la substance n'est pas né avec le corps ni ne périra avec lui. L'intellect, bien sûr, a l'idée du corps, mais seulement tant que le corps existe. Quand le corps cesse d'exister, l'intellect n'a plus cette idée, ni toutes les idées qui lui sont liées (perceptions, imaginations, etc.). Que le corps, pour Spinoza, soit éternel, n'a de sens que du point de vue de l'attribut étendu, qui est évidemment éternel, et ne peut être divisé. Mais ce que je comprend de ce que dit Spinoza, c'est que l'intellect éternel, en tant que mode de la substance, peut être lié, pour un temps limité, à un mode de l'étendu ou de n'importe quel autre attribut, que nous ne connaissons pas tant que notre corps existe. Sinon vous faites comme si c'était le corps qui était cause de l'existence de l'intellect, à la façon des matérialistes. Or Spinoza dit bien que c'est seulement la substance pensante, autrement dit l'attribut pensant, qui est cause de l'intellect, et non le corps. Maintenant est-ce que l'intellect, en tant que mode de l'attribut pensant, peut vivre et exister seulement en tant que tel, sans être uni ou lié à un mode d'un autre attribut ? Ou bien au contraire, ce mode peut il être lié à plusieurs attributs, deux ou plus, et former l'idée de ces différents attributs ? Que faut il désirer ? Que notre intellect demeure éternel dans l'attribut pensant seulement, ou bien qu'il voyage d'attributs en attributs, tantôt un seul, tantôt plusieurs ? Les textes de Spinoza à mon sens ne permettent pas de résoudre ces problèmes. Il se contente de dire qu'il faut que l'intellect aime Dieu en tant qu'il est constitué d'une infinité d'attributs pour jouir de la béatitude. Mais que peut retenir l'intellect de ces voyages puisque Spinoza affirme que la mémoire est seulement dans le corps et périra avec lui ? Peut être seulement les idées éternelles qui correspondent à chaque attribut, comme le mouvement et le repos, la rapidité et la lenteur, qui sont pour Spinoza les seuls concepts ou vérités éternelles de l'attribut étendu. Mais alors si ce voyage n'a pas eu de commencement, pourquoi mon intellect ne forme-t-il pas les idées éternelles des autres attributs que nous ignorons et que pourtant nous aurions visité avant ce corps ?

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Messagepar Durtal » 18 juin 2008, 17:41

Faun

Faun a écrit :
La partie éternelle de l'esprit humain, pour Spinoza, est l'intellect. Ce mode de la substance n'est pas né avec le corps ni ne périra avec lui. L'intellect, bien sûr, a l'idée du corps, mais seulement tant que le corps existe. Quand le corps cesse d'exister, l'intellect n'a plus cette idée, ni toutes les idées qui lui sont liées (perceptions, imaginations, etc.). Que le corps, pour Spinoza, soit éternel, n'a de sens que du point de vue de l'attribut étendu, qui est évidemment éternel, et ne peut être divisé. Mais ce que je comprend de ce que dit Spinoza, c'est que l'intellect éternel, en tant que mode de la substance, peut être lié, pour un temps limité, à un mode de l'étendu ou de n'importe quel autre attribut, que nous ne connaissons pas tant que notre corps existe. Sinon vous faites comme si c'était le corps qui était cause de l'existence de l'intellect, à la façon des matérialistes.


Comme il semble que personne n'ait vraiment lu les propositions auxquelles je me réfère dans l'extrait que vous citez, (c'est de toute façon la même chose avec Hokusai), je vais REPRODUIRE les deux propositions en question avec un bout de démonstration. Je vous demande de les lire attentivement.

Proposition XXII

"Une idée est toutefois nécessairement donnée en Dieu, qui exprime l'essence de [/b] tel ou tel Corps humain ""

Il ne parle pas de l'éternité de l'attribut, mais de celle qui concerne "tel ou tel" corps humain dont l'idée est donnée en Dieu.

Quant à l'âme en tant qu'elle est éternelle vous auriez grand peine à la détacher de cette idée du corps (au sens de tel ou tel corps, donc votre corps par exemple) car elle n'est rien d'autre que cette idée.

en effet la proposition XXIII qui énonce que 'l'âme humaine ne peut être entièrement détruite avec le corps, mais (qu'il) il reste d'elle quelque chose qui est éternel' est démontrée de la façon suivante:

"Un concept ou une idée; est nécessairement donnée en Dieu, qui exprime l'essence du corps humain (prop.précédente), et ce concept est par suite, quelque chose qui appartient nécessairement à l'essence de l'âme humaine" (...) Comme cependant ce qui est conçu avec une éternelle nécessité en vertu de l'essence même de Dieu est néanmoins quelque chose, ce sera nécessairement quelque chose d'éternel qui appartient à l'essence de l'âme humaine".

Je suis d'accord sur le fait qu'il est très curieux de voir Spinoza dire que l'âme n'est pas détruite avec le corps (ce qui sous entend effectivement que l'âme se désolidarise du corps) alors même qu'il fonde cette proposition sur la considération d'une essence éternelle du corps dont l'âme en tant qu'elle est éternelle est l'idée.

Ce qui se dégage de cela est l'idée que quelque chose "et du corps et de l'âme" est éternel, tandis que quelque autre chose "et du corps et de l'âme" ne l'est pas. Car il n'est ni plus moins paradoxal de dire à la fois du corps qu'il est détruit à la mort et qu'il en existe cependant une idée éternelle, qu'il l'est de dire que l'âme est éternelle; alors que pourtant la partie d'elle qui a des idées inadéquate meurt avec le corps. Il y a une sorte "d'équilibre des paradoxes" qui ne laisse guère d'autres choix d'interprétation que celui là.

D'autre part ce que vous dites sur le fait que je ferais du corps la cause de l'intellect n'est pas du tout fondé. Qu'il ne puisse y avoir de d'âme sans corps et inversement, n'implique pas qu'il y ait des rapports causaux entre eux. Les âme et les corps sont produits chacun sous deux attributs mais comme une âme est l'idée d'un corps, et le corps l'objet cette idée, il ne peut se faire qu'il existe une âme sans corps ou un corps sans âme (et cela aussi bien sous l'éternité que sous la durée). Or ce n'est pas parce que l'un produirait l'autre, c'est parce que l'un exprime l'autre. Ou parce que Dieu et les modes qui en suivent s'expriment identiquement sous tous les attributs.[/b]

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Messagepar Ulis » 18 juin 2008, 19:18

Cher Durta

Vous dites "Les âme et les corps sont produits chacun sous deux attributs mais comme une âme est l'idée d'un corps, et le corps l'objet cette idée, il ne peut se faire qu'il existe une âme sans corps ou un corps sans âme (et cela aussi bien sous l'éternité que sous la durée). Or ce n'est pas parce que l'un produirait l'autre, c'est parce que l'un exprime l'autre".

Je suis convaincu depuis longtemps non seulement par l'évidence de ce vous dites là, mais aussi que c'était la pensée profonde de Spinoza qui pour des raisons que l'on imagine avançait ici masqué en entretenant une certaine ambiguïté.
Mais les "matérialistes" sont minoritaires ici
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Messagepar Faun » 18 juin 2008, 19:35

Durtal a écrit :Je suis d'accord sur le fait qu'il est très curieux de voir Spinoza dire que l'âme n'est pas détruite avec le corps (ce qui sous entend effectivement que l'âme se désolidarise du corps) alors même qu'il fonde cette proposition sur la considération d'une essence éternelle du corps dont l'âme en tant qu'elle est éternelle est l'idée.


Il me semble qu'il fonde ses démonstrations de l'éternité de l'esprit humain non pas sur une "essence éternelle du corps", qui serait donc quelque chose appartenant à l'attribut étendu, mais sur une "idée qui exprime l'essence de tel ou tel corps humain", et qui appartient donc à l'attribut pensant.

"il appartient à la nature de l'esprit de concevoir l'essence du corps sous l'aspect de l'éternité"
démonstration de la proposition 29 partie 5.

Cela ne signifie pas que l'essence du corps soit éternelle, mais que l'esprit est capable de concevoir cette essence sous l'aspect de l'éternité, puisque l'intellect a la puissance de concevoir toutes choses sous l'aspect de l'éternité.

Je ne vois pas où Spinoza parle d'une "essence éternelle du corps" qui serait contenue dans l'attribut étendu.


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