Essendi et esse

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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michel_carriere
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Esse, essendi et mystique !

Messagepar michel_carriere » 25 févr. 2007, 14:53

Il me semble qu'une réflexion pourrait porter sur deux des manières de d'approcher le nom de Dieu dans la Thora et plus particuliérement : "
"A/E/I/E/" "A/Sh/R" "A/E/I/E" ("aleph/hé/iod/hé " "aleph/schin/ resh" "aleph/hé/iod/hé ") (exode 3-14) qui peut se traduire par l'ensemble des sept phrases suivantes : [ "je suis qui je suis", "je serai qui je suis", "je suis qui je serai", "j'étais qui je suis", "je suis qui j'étais", "j'étais qui je serai" et "je serai qui j'étais"] Cela définit un concept extratemporel, permanent, pourrait correspondre à "ESSENDI", c'est à dire la "manifestation-permanence" "le mouvement-permanence". On peut y trouver une connexion avec la notion "d'être étant", "d'être necessaire, qui n 'a jamais été non-étant". Et pourtant d'autres conceptions mystiques, ajoutent que par le simple fait d'être ," l'Etre Etant" est implique aussi d'être "Non Etant", pouvant aussi tout à la fois agir en "Etre Existant et "Etre non Existant". C'est à cette conception que se rallie la théorie mystique de "retrait du monde" après sa manifestation-création !
Cela correpond à la définition de l'"Etre Singulier "chez qui l'"Etre" est strictement identique au "Non Etre" et qui se situe partout et nulle part, en tout et nulle part, se résume à lui-même dans l'infini du créé et non créé, à la fois centre, volume et superfice de la sphère.

En Exode 3-15 l'orthographe du nom est "I /E /V /E," "Iod /Hé / Vav /Hé," présent du verbe être, "il EST", pour l'éternité. cela correspond , selon moi, au ESSE.

Je pose l'hypothèse que , quand il employait les termes de ESSE et de ESSENDI, Spinoza pouvait avoir à l'esprit ces interprétations de l'exode, versets 3-14 et 3-15 .

Cela peut d'ailleurs être rapproché de la phrase de jean Paul SARTRE, dans "l'Existentialisme est un humanisme," qui dit qu'il existe un être chez qui l'existence précéde l'essence, l'Homme. Affirmer celà permet de remettre en cause, radicalement, les notions de ESSE, ESSENDI, voir même le cogito-sum de Descarte, qui devient sum-cogito .

J'espère que ces reflexions pourront vous être utiles et je vous remercie de m'avoir conduit à les formaliser.

Michel CARRIERE
Modifié en dernier par michel_carriere le 14 avr. 2007, 18:36, modifié 1 fois.
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Benoit_Careil
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Messagepar Benoit_Careil » 28 févr. 2007, 17:16

Je suis d'accod avec ta démarche.
Effectivement Dieu (JAVHE) en hébreu signifie "je suis ce qui est". Ta traduction est assez complète car tu précises le passé et le futur entelacés. En fait, l'hébreu met ici un infinitif qui a un sens de "hors du temps". Ce sens de l'infinitif est perdu en français actuel, d'où ta traduction très complète.
Dans la TOB (Traduction Oecuménique de la Bible), il est précisé ces élements et traduit simplement par "Je suis ce qui est" (voir les hérudition sur cette traduction). Ce sont aussi ces mots qui sont envoyés à Moïse lorsqu'il rencontre le buisson ardent.
Connaissant la haute connaissance que Spinoza avait de la Bible et de l'hébreux, il est quasi certain qu'il avait connaissance de cette traduction.
(Je m'en veux de ne pas y avoir pensé moi-même).
Ta remarque me confirme d'ailleurs sur l'influence du mystique (cabbalistique pour être précis) sur la pensée de Spinoza.
Qu'en penses-tu?
Benoît CAREIL
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Louisa
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Messagepar Louisa » 28 févr. 2007, 20:17

Miam a écrit :Louisa a écrit : « C'est pourquoi interpréter la durée spinoziste par le biais de Bergson me paraît être une affaire assez risquée. »

D’accord. La comparaison avec Bergson n’était qu’une illustration. La durée chez Bergson demeure subjective et se confine aux « états de conscience » qui saisissent un « élan vital » durant éternellement. Spinoza distingue durée et éternité là où Bergson ne le fait pas. Mais la comparaison concernait la distinction de la durée et du temps, pas de la durée et de l’éternité. Dans cette mesure, et dans cette mesure seulement, on peut comparer Spinoza et Bergson pour les opposer tous deux au temps kantien.


ok. Disons que dans ce cas je n'ai pas tout à fait compris ce que tu voulais dire. Chez Kant, pour autant que je sache, le temps fait partie des formes a priori de la sensibilité. Chez Spinoza, le temps est lié à l'imagination et donc aussi bien à la sensibilité qu'à l'entendement, tandis qu'il reste d'accord avec l'idée que le temps n'est produit que par l'homme, et ne se retrouve pas au niveau de la nature. Je suppose que chez Kant, la durée n'est rien d'autre qu'un laps de temps, et donc la durée elle aussi fait partie des formes a priori de la sensibilité?
Alors chez Bergson, je ne sais pas très bien comment concevoir durée et temps par rapport à la question de savoir si la durée est une production purement humaine, ou correspond à quelque chose dans le monde non humain. Bergson dit-il que le temps appartient à l'homme tandis que la durée est objective? En tout cas, jusqu'à présent j'avais l'impression inverse: qu'à la limite le temps on peut le mesurer objectivement, tandis que la durée est pure subjectivité, et dès lors ne se laisse même pas 'mesurer'.
Or dans ce cas, je ne vois pas trop comment construire un parallèle entre Bergson et Spinoza, surtout s'il fallait concevoir la durée chez Spinoza comme n'étant pas imaginaire mais réelle. On peut bien sûr dire que le réel chez Spinoza ne se mesure pas, car il est indivisible, mais est-ce que Spinoza dit quelque part que la durée selon lui serait indivisible? Et si oui, ne faudrait-il pas en conclure qu'alors justement, elle ne pourrait avoir rien de subjectif, contrairement à ce que pense Bergson?

Miam a écrit :Louisa a écrit:
« C'est qu'il interprète la fin du scolie de l'E5P20 comme indiquant qu'il y aurait une durée de l'Esprit sans aucune relation à l'existence du Corps, mais qui se base sur l'essence du Corps sub specie aeternitatis. Du coup, il fait de cette durée une durée éternelle, qui s'opposerait à la durée temporelle, la première étant réelle, la deuxième imaginaire. »

Ah bon ? Il a écrit cela Macherey ? Mais je ne vois pas le terme de durée dans le Scolie de V 20. « qu'il y aurait une durée de l'Esprit sans aucune relation à l'existence du Corps, » . Je ne vois pas non plus où Spinoza distinguerait la durée du Corps et la durée du Mental.


pour le terme de la durée dans V 20: voir mon message précédent.
Je ne crois pas que pour Macherey la distinction durée éternelle - durée imaginaire/temporelle coïncide avec celle d'une éventuelle distinction entre une durée corporelle et une durée mentale. La durée éternelle de l'Esprit, c'est toujours l'Esprit en tant qu'il est l'idée de l'essence du Corps. C'est l'essence qui a une durée éternelle, pour lui, tandis que l'existence (du Corps et donc de l'Esprit) non. Dans l'existence, toute durée est temporelle, ou du moins conçue ainsi par le mode fini.
Ce qui pour moi est bizarre, c'est cette idée de durée éternelle. Ce que je me demande, c'est que si une fois que l'on pose la durée comme étant réelle, comme tu le fais, on est également obligé d'accepter la possibilité d'une durée éternelle ou non.

Miam a écrit :Il y a bien un écart temporel dans le Mental en ce qu’il est constitué cumulativement dans la durée par des idées qui ne lui appartiennent pas nécessairement. Mais selon le « parallélisme » qui se dit en termes de « simultanéité », la durée du Corps ne peut pas être différente de la durée du Mental.


non, en effet, durée du Corps et durée du Mental doivent coïncider. Or pourquoi parler d'un écart temporel comme constitué dans la durée, au lieu de dire que cet écart est constitue dans le temps? Qu'est-ce qui te fait passer du temps à la durée ici?

Miam a écrit :Dans ce Scolie il s’agit ici du « Mental éternel » constitué des idées adéquates (ou affects actifs) du Corps. Cet Mental éternel est bien constitué durant l’existence. Mais il est éternel dans la mesure où il est constitué de vérités éternelles, c’est à dire des idées qui appréhendent le rapport singulier de mouvement et de repos du Corps ou encore l’essence du Corps. Cette essence du Corps est « une vérité éternelle » combien même ce Corps disparaîtrait, puisque sa production participe à celle de tous les autres modes d’un même attribut éternel (si j’ai l’idée adéquate de l’essence d’une chose, cette idée reste éternelle combien même disparaîtrait cette chose).


oui, c'est aussi ainsi que je le lis.

Miam a écrit :Ta question concerne donc la distinction de l’éternité et de la durée.


oui, mais aussi celle de la distinction entre durée et temps. C'est-à-dire, dès que l'on suppose que cette distinction consiste dans le fait que le temps serait imaginaire et la durée réelle, alors en effet je me demande comment distinguer éternité et durée. Aussi longtemps que l'on suppose la durée être tout aussi imaginaire que le temps, il va de soi que cette question ne se pose pas.

Miam a écrit :Il faut alors comprendre que l’éternité est une « existence nécessaire » ou « infinie » (PM II, 1). Mieux : l’éternité est « l’existence elle-même » (Ethique I D8). En raison de l’assimilation entre « …dont l’essence enveloppe l’existence » (dans l’Ethique) et « …dont l’essence enveloppe l’existence nécessaire » (dans l’Ethique et par exemple la Lettre 35) il convient de soutenir que l’existence est toute entière éternité.


oui, tout à fait d'accord. Il suffit même de simplement concevoir une chose comme suivant nécessairement de la seule définition de Dieu pour que son existence devienne éternelle (cela me semble être un argument plus clair que l'assimilation dont tu parles, et dont je ne vois pas très bien où Spinoza la fait dans l'Ethique et en quoi cela impliquerait que toute existence soit éternelle).

Miam a écrit :L’ Eternité est « … une jouissance infinie de l’existence (existentiae) et de l’être (esse) » (Lettre 12), tandis que : la durée est seulement « une affection de l’existence » (PM II, 1) ou « la continuation indéfinie de l’existence » (II D5), à savoir le manière d’exister de l’essence actuelle ou effort pour persévérer dans l’être (esse) du mode fini.


ne faudrait-il pas distinguer l'effort pour persévérer dans l'être et la continuation indéfinie de l'existence, précisément parce que cet indéfini signifie que ce n'est pas l'effort qui détermine la durée, mais la rencontre fortuite de la nature?
Et est-ce que dans la lettre 12, il ne dit pas plutôt que nous pouvons expliquer l'existence des modes par la durée, au lieu de dire que la durée serait la même chose que l'effort pour persévérer dans l'être, c'est-à-dire l'essence même du mode?
Puis si l'on explique l'existence des modes par la durée, alors justement il me semble que dans ce cas on ne l'explique pas en tant qu'elle suit nécessairement de la seule définition d'une chose éternelle, Dieu, mais en tant qu'elle est déterminée à commencé et a s'arrêter à un certain moment. Bref, il me semble qu'en expliquant l'existence par la durée, il ne s'agit pas de l'existence éternelle de tout mode, mais de son existence en tant qu'elle est dans le temps.

En plus, dans cette lettre il dit clairement que lorsque nous ne considérons que l'essence des mode et l'essence de la durée (et non l'ordre effectif de la nature), alors nous concevons "cette existence ET CETTE DURÉE" comme plus grandes ou comme plus petites, les diviser en parties". Ce qu'il oppose à l'éternité et la substance, dont le concept est détruit dès que nous essayons de les diviser en parties.
Dès lors, ne faut-il pas conclure de cette lettre que la durée, justement, est DIVISIBLE? Est-ce que tu penses à un endroit spécifique où Spinoza dirait clairement le contraire, que la durée est indivisible?
Car dans la suite de la lettre pe, il répète encore une fois que ce n'est que la quantité telle qu'elle est donnée dans l'imagination qui est divisible. S'il vient de dire que la durée est divisible, ne faut-il pas en conclure que dès lors, la durée est tout aussi imaginaire que le temps?

Et pourtant, dans la suite de la lettre 12 tout indique que Spinoza veut que l'on en tire la conclusion inverse. Car l'idée de temps et de mesure naissent du fait de considérer la quantité en dehors de la substance, ET la durée sans tenir compte de la manière dont elle suit des choses éternelles. Le temps sert à déterminer la durée, et la mesure la quantité. Mais cela signifie que la durée elle-même ne se laisserait pas déterminer? Ou qu'elle ne se laisse déterminer qu'imaginairement?
Car on détermine la durée "pour que nous puissions" l'imaginer "aussi facilement que possible". Dès lors, le temps n'est qu'une manière d'imaginer. Une manière d'imaginer la durée.
Mais ensuite il dit qu'il y a de nombreuses choses que l'on ne peut saisir QUE par l'entendement, comme la substance et l'éternité. On ne peut donc pas les imaginer, contrairement à la durée. Expliquer ces notions-là par l'imagination n'est donc pas possible, tandis qu'expliquer la durée par le temps si. Cela n'empêche que le temps n'est qu'un être de raison.
Enfin juste après il le dit clairement: on peut concevoir la durée abstraitement, et alors on la confondra avec le temps. Ce n'est que quand on ne distingue pas les être de raison des choses réelles, que l'on puisse concevoir la durée comme divisible. Ce qui implique qu'effectivement, comme tu le dis, il y aurait une durée qui serait une 'chose réelle', donc une durée réelle, et indivisible. C'est une durée non composée d'instants.

Mais si ceci est correct, pourquoi Spinoza dit-il dans l'Ethique que de la durée des choses nous ne pouvons avons aucune idée adéquate? Car si le temps n'est qu'un "auxiliaire de l'imagination" et que donc nous ne pouvons concevoir le temps qu'abstraitement, et si la substance et l'éternité sont en revanche des notions que nous ne pouvons concevoir que par l'entendement et non pas par l'imagination, que faire avec la durée? On peut la déterminer par le temps, donc imaginairement, mais si on raisonne, on sait qu'elle est indivisible. Elle semble donc être apte à subir les deux opérations, imaginaire et raisonnable. Alors pourquoi ne pouvons-nous avoir une idée adéquate de la durée des choses, surtout quand avant il a déjà dit que l'existence des choses s'explique par la durée? Si aujourd'hui je fais une soupe et demain je la mange, l'idée que j'ai de la durée de la soupe (une journée) devrait alors tout de même être adéquate? Et pourtant, 'une journée' est un genre de mesure ... . En disant 'l'existence de ma soupe a duré une journée', je "prive de ses affections la substance corporelle", chose monstrueuse pour qui pense comme Spinoza ... .
Enfin, dans cette même lettre il distingue entre trois sortes d'infinités: il y a des choses infinies par leur nature, et celles-là ne peuvent en aucune manière être conçues comme finies. La substance et l'éternité donc. Tandis qu'il y a également des choses qui sont infinies par la force de la cause en laquelle elles résident (les modes infinis, je suppose?). Celles-ci se laissent concevoir abstraitement, donc par l'imagination. Et alors on peut les diviser en partie, ce qui en fait quelque chose de fini.
Et troisièmement, il y a des choses qui sont infinies dans le sens où elles sont 'indéfinies'. C'est le cas de la durée, je suppose? Indéfini signifie alors qu'elles "ne peuvent être égalées à aucun nombre, bien qu'on les puisse concevoir comme plus grandes ou comme plus petites. Mais ... si elles ne peuvent être égalées à aucun nombre, comment est-ce possible que l'imagination détermine la durée, et cela précisément par des nombres (une heure, deux heures, etc)?

Donc bon, je n'y vois pas encore très clair.
Dans ce sens la lettre 36 à laquelle tu réfères ci-dessus et que je n'avais pas encore lu, me semble tout de même être assez utile. Spinoza y dit que l'étendue serait imparfaite non pas en niant la pensée, mais si elle était privée d'une certaine étendue. Comment priver l'étendue 'd'une certaine étendue'? Par exemple en la privant de durée ou de lieu. Pour que l'étendue soit parfaite, on ne peut donc la priver de durée. Or chaque attribut est parfait, dans son genre, ce qui veut dire que la durée effectivement doit être réelle et non pas imaginaire, car sans elle, l'étendue ne serait pas parfait. Mais alors ... faudrait-il en conclure qu'il appartient à l'essence de l'étendue de durer? Je suppose qui oui (car l'imperfection y est définie comme un manque de ce qui cependant appartient à un être par nature). Il appartient donc à l'essence de l'étendue de durer. Un argument plus clair que cela PRO une durée réelle ne me semble pas concevable. Du coup, le 'durant le corps' acquiert plus de sens: le corps appartient à l'étendue, la durée à l'essence de l'étendue. Du coup, il me semble que de nouveau, contre Macherey, il faut en conclure que dès lors SEUL le corps a une durée, et l'Esprit non. L'Esprit peut imaginer, c'est-à-dire se représenter des choses dans le temps, mais comme le temps n'est rien d'autre qu'une mesure de la durée, il ne peut imaginer que DURANT le corps, c'est-à-dire pendant que le Corps dure.
L'étendue en revanche est parfaite, c'est-à-dire, selon cette lettre, indéterminé (?? est-ce qu'en Dieu, tout n'est pas déterminé ... ?). Ce qui fait que sa nature exige qu'elle existe sans durée déterminée ... .

Bref, toutes ces choses impliquent qu'il y ait une durée réelle, et que seul le temps est imaginaire, et que le temps permet de diviser la durée, même si la durée elle-même est sans parties (et sans que cela soit une contradiction, comme il le dit au début de la lettre 12). Mais comment s'imaginer une telle durée ... ? De la façon dont le pense Bergson? Dans ce cas je ne vois toujours pas très bien le lien.

Miam a écrit :C’est pourquoi la Lettre 12 peut énoncer sans contradiction que « la durée est issue des choses éternelles » : l’essence actuelle, elle-aussi, est une « vérité éternelle ».


Je n'ai pas compris pourquoi, je crains. Dans quel sens est-ce que la durée 'suit' des choses éternelles? Ou pour paraphraser Spinoza: de quelle manière? Et de quelles choses éternelles? Et comment est-ce que cela se fait que si la durée suit des choses éternelles, on ne peut néanmoins expliquer que l'existence des modes par la durée (seule l'existence des modes de l'étendue, je suppose?), tandis que l'existence de la substance s'explique par l'éternité, qui elle, justement, ne s'explique pas par la durée infinie?

Miam a écrit :L’éternité est l’existence elle-même telle qu’elle s’identifie à l’essence de la substance et est exprimée par chaque attribut éternel. La durée du mode fini est « une affection de l’existence ». Donc la durée est une affection de l’éternité.


encore une fois, l'éternité n'est-elle pas seulement l'existence en tant que? L'existence en tant qu'elle suit nécessairement de la définition d'une chose éternelle (Dieu ou ses attributs). Dans ce sens, l'existence du corps est éternelle uniquement quand on la conçoit comme suivant nécessairement de la définition de l'attribut étendue. Mais est-ce que cela fait de la durée une affection de l'éternité? Sans la durée, l'étendue ne serait pas parfait. Mais l'attribut de la pensée si, car celui-ci n'est nullement limité par ce qui n'appartient qu'à la nature d'un autre attribut. Ne faudrait-il donc pas dire, si on veut maintenir un lien entre les PM et les lettres et l'Ethique (mais ce lien est-il si indiscutable que ça?), que la durée est seulement une affection de l'existence corporelle? Et que pour le reste, elle appartient à l'essence de l'attribut étendue (ou de la substance corporelle)? Comment passer de cela à une affection de l'éternité?
En plus, Dieu s'explique par ses différentes affections. Une affection explique donc ce qu'elle affecte (en partie, en tant qu'elle constitue la substance). Or justement, l'éternité est définie dans l'Ethique comme ne s'expliquant PAS par la durée, et même pas par la durée infinie (celle qui est propre à la nature de l'étendue) ... . Si donc éventuellement on pouvait maintenir l'idée de la durée comme affection, dans l'Ethique, cela pourrait être une affection de l'existence mais pas de l'éternité, non ... ? Or concevoir une substance ou un attribut 'affecté', cela me semble faisable. Concevoir en revanche une 'existence' comme affectée, c'est déjà plus difficile. Concevoir enfin une éternité comme affecté, j'y arrive encore moins ... .

Miam a écrit : De même que le mode est une affection de l’attribut (et de la substance) la durée du mode est une affection de l’éternité de l’attribut (et de la substance). La durée de l’existence du mode c’est donc l’essence-existence de la substance elle-même, mais affectée selon la manière d’exister de cette essence en chacun de ses modes. C’est, comme on l’a dit déjà, la variation de puissance de l’essence (actuelle) du mode en tant qu’il participe à l’éternité de l’essence. Chaque affect est l’expression de l’essence actuelle du mode. Or cette essence est une vérité éternelle. Chaque affect « contient » donc toute l’éternité de même que chaque mode « contient » l’essence de l’attribut exprimée d’une certaine manière. C’est pourquoi la durée est indivisible : chaque moment affectif participe à la continuation indéfinie de l’existence du mode et, partant à l’existence et à l’essence de l’attribut (et de la substance) qui est indivisible, infinie et éternelle. Chaque affect est, si l’on veut, la dérivée d’une fonction indéfinie qui exprime l’essence de l’attribut infini. Par conséquent chaque affect ne met pas seulement en jeu l’existence du mode fini mais l’existence éternelle de l’attribut et de la substance. Dans tous les cas c’est l’existence qui est la cause efficiente de l’essence. Et en ce sens dans chacun de nos affects nous sommes « responsables » de toute la production éternelle.


oui, ce que tu écris me semble être très cohérent, et le concevoir comme ça résoudrait en effet pas mal de problème. Seulement, si je n'y adhère pas encore totalement, c'est à cause des difficultés que je viens de signaler. C'est vrai qu'en concevant la durée comme affection de l'éternité que pas mal de choses tombent en leur place. En plus, la métaphore de la dérivée rend les choses encore plus claires (seulement, pourquoi proposer une fonction 'indéfinie'? Tu veux dire par là que chaque affect pourrait être conçue comme affection de la durée? Si oui pourquoi?).
Puis en effet, dans ce sens je vois assez bien ce que tu veux dire par 'responsable'.
Bref, il me semble que tu proposes ici une solution très élégante de ce problème du statut de la durée. Seulement, il me faudrait encore résoudre quelques contradictions (paradoxes?) que je vois entre certains de tes définitions de base et le texte de Spinoza (et que je viens de signaler).

Miam a écrit :Bien sûr : il ne faut pas comprendre cette responsabilité à partir d’un libre arbitre. Alléguer un libre arbitre, c’est au contraire poser un jugement qui serait comme extérieur à la nécessité éternelle des choses. C’est considérer que la volonté peut comme arrêter la durée, le temps d’un jugement. Ainsi chez Descartes la durée du « regard » et de la méditation s’oppose à l’instant du jugement qui est aussi celui de la « création continuée » et décide « quand » une idée est claire et distincte. C’est donc aussi considérer que l’on reste au moins par la volonté comme indépendant de la durée et de l’éternité de la production des choses. En ce sens, le libre-arbitre déresponsabilise puisque : 1° Notre jugement ne concerne que nous, au mieux notre âme, mais pas du tout les autres choses ; 2° Il la concerne selon des valeurs préétablies, et non selon la production de ces valeurs elles-mêmes, puisque notre jugement reste extérieur à cette production. Alléguer le libre arbitre, c’est donc alléguer une liberté purement formelle et déresponsabilisante. C’est une liberté formelle, parce que je ne peux que choisir dans un éventail tout fait plutôt que de produire ma propre liberté (à savoir chez Spinoza, en connaissant adéquatement). Si au contraire chacun de mes affects participe à une production éternelle, je suis à chaque moment responsable de cette production éternelle et je produis ma propre liberté : selon la définition même de la liberté, être libre c’est être cause adéquate. Soit donc la liberté est conçue comme un libre choix et concerne le sujet de ce choix, soit elle est conçue comme une autoproduction et concerne l’éternité. Qui est le plus libre ? Qui est le plus responsable ?


que le libre arbitre déresponsabilise parce qu'il s'agit d'un jugement entièrement 'imaginaire', déliée de l'éternité de toutes les autres choses, au lieu de penser sa propre éternité et celle des choses, voici une façon de concevoir le libre arbitre qui me semble vraiment être très séduisante. Car justement, les défenseurs du libre arbitre disent toujours que sans lui, il n'y a plus de responsabilité et donc plus de comportement responsable possible. Sans morale, plus personne ne se soucierait de l'autre, tout le monde ne regarderait que ses propres intérêts. Alors qu'en présentant les choses comme tu viens de le faire, c'est précisément l'inverse, c'est le libre arbitre qui enferme en une vision réduite à sa propre personne. La responsabilité classique s'apparente alors à la pitié, donc au fait de ne pouvoir se responsabiliser par rapport au sort de l'autre que quand on arrive à l'imaginer être semblable à soi-même. Ce qui est la générosité 'minimale', celle propagée par l'extrême-droite (comme le disait Le Pen: je pense d'abord au bien-être de ma fille, puis de ma famille, puis de mes voisins, puis des gens de ma ville, etc; là où Deleuze dans l'Abécédaire, justement, disait qu'être de gauche, c'est de penser d'abord au monde, puis à l'Europe, puis à la France, puis à Paris, puis à ma rue, etc, et cela non pas par 'altruïsme' mais comme système de pensée, système de construction et de solution de problèmes politiques).
Donc en tant que 'arme' contre les moralistes, cela me semble être assez intéressant. Mais à part cela, est-ce que tu vois également des raisons chez Spinoza lui-même pour introduire dans sa pensée la notion de responsabilité? Est-ce qu'il ne faut pas la défaire entièrement de sa portée morale pour pouvoir la comprendre telle que tu le proposes, donc dans un cadre spinoziste? Si oui, est-ce qu'en vidant ce mot de sa connotation morale traditionnelle, il 'compte' encore comme argument contre les pro libre arbitre?
A bientôt,
Louisa
Modifié en dernier par Louisa le 28 févr. 2007, 21:44, modifié 1 fois.

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Messagepar Miam » 28 févr. 2007, 21:40

Chère Louisa,

Je n'ai malheureusement qu'un quart d'heure devant moi. Je continuerai à te réppondre demain.

"Chez Spinoza, le temps est lié à l'imagination et donc aussi bien à la sensibilité qu'à l'entendement"

? L'entendement n'est pas l'imagination, même si la puissance de l'entendement est la même que la puissance de l'imagination, c'est à dire, comme le l'écrit Spinoza, la puissance de sentir.

"mais est-ce que Spinoza dit quelque part que la durée selon lui serait indivisible? "

Dans la lettre 12, non ? D'une manière générale je t'encourage à lire Izraël.

"Et si oui, ne faudrait-il pas en conclure qu'alors justement, elle ne pourrait avoir rien de subjectif, contrairement à ce que pense Bergson?"

Si. C'est bien ce que j'ai dit.

"Aussi longtemps que l'on suppose la durée être tout aussi imaginaire que le temps, il va de soi que cette question ne se pose pas."

N'ai-je pas écrit que la durée était une affection de l'existence, donc de l'éternité ?

"ne faudrait-il pas distinguer l'effort pour persévérer dans l'être et la continuation indéfinie de l'existence, précisément parce que cet indéfini signifie que ce n'est pas l'effort qui détermine la durée, mais la rencontre fortuite de la nature?"

Si. D'accord. Mais le conatus se manifeste par des hausses et des chutes de puissance qui font qu'il y a un avant et un après dans la durée, non ? La puissance et l'essence d'un mode dans l'existence est déterminé par ses affects et ses affections, non ?

"dans ce cas on ne l'explique pas en tant qu'elle suit nécessairement de la seule définition d'une chose éternelle, Dieu,"

Elle en suit en tant qu'affection de l'essence de Dieu. C'est pourquoi Spinoza peut écrire que la durée elle-même suit de l'éternité. L'existence c'est l'éternité. Mais l'existence appartient à l'essence de la substance, pas à celle du mode. Le mode possède une autre manière d'exister que la substance. Et cette manière d'exister est la durée qui est une affection de l'existence de même que le mode lui-même est une affection de l'essence. Cela me paraît cohérent.

"Tu veux dire par là que chaque affect pourrait être conçue comme affection de la durée? Si oui pourquoi"

Non, non. Chaque affect est l'expression de l'éternité indivisible dans la durée. Chaque affect est l'expression de l'essence qui est une vérité éternelle. C'est pourquoi on est responsable de toute l'éternité dans chacun de nos affects.

Sur le temps, je voudrais ajouter qu'il est bien un auxiliaire de l'imagination utile à l'entendement. Il n'est pas à rejeter tant qu'on l'imagine à partir d'une idée adéquate qui saisit en quelque manière l'infinité et l'éternité de l'essence. Sans quoi on rendrait impossible toute discursivité dans les sciences.

PS : Comment faites-vous pour écrire le premier mars alors qu'on est le 28 février ? Ah bon ? Maintenant on est revenu au 28/2 ?

PPS : je tiens à préciser que pour un Juif, Exode 3,14 se traduit par "je serai... que je serai" et non pas "je suis celui qui est" ou "je suis celui qui suis" comme le traduisent les chrétiens. La perception de 3, 14 est beaucoup plus dynamique, voire exprime une promesse, pour un Juif.

A+
Miam
Modifié en dernier par Miam le 28 févr. 2007, 22:51, modifié 5 fois.

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Louisa
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Messagepar Louisa » 28 févr. 2007, 21:42

Cher Hokousai,

désolée de vous avoir dérangé avec ces questions. Si vous vous basez plutôt sur le second et non pas sur le premier Wittgenstein, alors en effet, quelque part je dois me tromper. En tout cas merci pour vos explications supplémentaires. Comme vous avez pris le temps de les développer un peu, j'espère que je ne vous incommode pas trop en essayant de répondre à ce qui me semble être le plus important.

Hokousai a écrit :Wittgenstein qui n’était pas porté sur les textes traditionnels usait de sa méthode sur des propositions du langage ordinaires dont il jugeait qu’elles étaient comprises sur fond de métaphysique implicite.


il me semble que Wittgenstein avait étudié la philosophie chez Frege et Russell avant d'écrire sa propre pensée. Or surtout le premier utilise un langage fort formalisé, et le plus univoque possible. Ce qui est assez différent des propositions du langage ordinaire qui elles en effet (ce langage étant par définition ambigu) nécessitent une compréhension implicite (métaphysique et autre) pour pouvoir sélectionner la connotation précise du mot qui dans ce contexte-là est d'application. Ce qui demande à son tour que lecteur et écrivain partagent plus ou moins la même 'métaphysique implicite' pour que le lecteur puisse le comprendre dans le sens qu'il avait voulu mettre dans ses mots.

Hokousai a écrit :
Je fais le pari que derrière les mots de Spinoza qui ne sont plus nos mots il y a une pensée simple, accessible et ma foi évidente, mais que la manière de parler d’ il y a trois siècles empêche d’ atteindre .Si Spinoza est allé derrière les mots qu’il ne s’est pas laisse prendre au piège des mots (le voile des mots dont parle Berkeley ) alors ce n’est pas en le paraphrasant dans ses mots et en développant à l’infini des textes de facture scolastique qu’on avance.


si la pensée de Spinoza, à la base, était simple et compréhensible pour nous tous, et seulement 'voilée' par les mots, ne faudrait-il pas que nous partageons, Spinoza et nous, la même métaphysique implicite, pour pouvoir la comprendre?
C'est parce que je ne peux pas m'imaginer qu'il y a trois siècles on avait la même métaphysique implicite qu'aujourd'hui, qu'il me semble qu'il faut prendre les mots au sérieux dans leur sens qu'ils avaient d'une part à l'époque, d'autre part pour Spinoza lui-même, et éviter maximalement de s'en tenir au sens actuel. Ce qui implique qu'il faut aller chercher activement ce sens, et surtout ne pas se fier sur sa propre métaphysique implicite, qui beaucoup plus que les mots utilisés par Spinoza risque de voiler ce sens. Mais cela aussi, c'est un pari, bien sûr.

Exemple: je viens de découvrir le livre 'La béatitude' de St.Thomas (éd. Cerf). En lisant le début, je tombais d'une surprise dans l'autre. Un tas de choses que moi-même je n'ai découvert que chez Spinoza, se trouvent déjà dans une pensée d'un demi millenium plus tôt ... ! Et alors il me semble que comprendre cela, ajoute une toute nouvelle signification à ce que Spinoza écrit là-dessus. Tandis que si je me base sur ma propre métaphysique implicite, bon, je suis un enfant du XXe siècle, siècle qui en Occident a un grand problème avec tout ce qui est religion catholique. La notion de 'béatitude' longtemps ne me parlait donc pas du tout, me semblait être assez 'obsolète'. En découvrant St.Thomas, en revanche, je commence à mieux comprendre en quoi ma compréhension spontanée (et datée: XXe siècle Occident) avait peu à voir avec ce qu'à l'époque les gens comprennaient par ce mot. Ce qui fait que maintenant, je peux déjà davantage le lier à ma propre expérience de vie, il commence à avoir plus de sens. Il commence à se charger de tout ce qu'il signifiait à l'époque, charge qui contrebalance sérieusement le sens que ma propre métaphysique implicite lui attribue.

D'autre part, il est vrai que Spinoza lui-même dit que ce qu'il écrit n'est qu'une explicitation de ce que tout le monde quelque part sait déjà, a déjà expérimenté. Dans ce sens, votre pari me semble assez fondé, en ce qui concerne Spinoza.

Seulement, s'agit-il d'une pensée 'simple', comme vous le dites? J'en doute. Si c'était le cas, pourquoi est-ce qu'il a choisi de terminer son livre par la célèbre formule qu'atteindre ce qui lui semble être l'essentiel dans la vie est aussi rare que difficile?

Voici donc juste quelques réflections par rapport à ce que vous avez écrit. Surtout ne vous sentez pas obligé d'y répondre. En ce qui me concerne on peut tout à fait laisser tomber ce sujet. Sachez que de toute façon, au-delà d'éventuels désaccords là-dessus, j'ai beaucoup de respect pour vos interventions dans ce forum.
Cordialement,
Louisa

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Réponse à Benoit CAREIL

Messagepar michel_carriere » 04 mars 2007, 16:29

Benoit_Careil a écrit :Connaissant la haute connaissance que Spinoza avait de la Bible et de l'hébreux, il est quasi certain qu'il avait connaissance de cette traduction.
(Je m'en veux de ne pas y avoir pensé moi-même).
Ta remarque me confirme d'ailleurs sur l'influence du mystique (cabbalistique pour être précis) sur la pensée de Spinoza.
Qu'en penses-tu?


Je partage ton point de vue, et c'est d'ailleurs pourquoi je fais aussi référence à la théorie du tsimtsoum.
"D/I/E/U/ s'est retiré dans son aspect "créateur" et se manisfeste au monde par la Présence (Shekhina), dont le symbole est la couronne, par la Sagesse et la Compréhension (les trois premières sephiroth Keter, Hochma, Binah)
SPINOZA a choisi la Compréhension "ne pas blamer, ne pas louer, mais comprendre" avec la Sagesse comme préalable à l'exercice de cette dernière.

Certains peuvent qualifier cet démarche de mystique, (au sens de mystique naturelle), d'autres peuvent la qualifier de pantheiste, d'autre encore de "rationaliste", cela n'est qu'une question de formulation.

Spinoza était, avant tout, un cherchant, qui avait su rompre tous les liens de "clan" pour trouver la liberté de l'Esprit.

Il est interessant de comparer la philosophie d'Helvetius à sa philosophie.
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Re: Essendi et esse

Messagepar Pourquoipas » 04 mars 2007, 19:18

Miam a écrit :(...)
I 24d : (ut termino Scholastico utar) Deum esse causam essendi rerum
(pour user d'un terme scolastique) Dieu est cause de l'être des choses

II 10s Deus non tantum est causa rerum secundum fieri, ut aiunt, sed etiam secundum esse
Dieu n'est pas seulement cause des choses quant au devenir, comme on dit, mais quant à l'être

Sans indiquer mes motivations (à moins qu'on ne les devine), je demande si un autre aurait eu la bonne idée, dans ces deux cas, de traduire par un autre vocable que "être" ?


Traduction anglaise dans la remarquable édition-traduction d'Edwin Curley (The Collected Works of Spinoza, vol. 1, Princeton University Press, 2e éd. 1988) :
I 24 D : God is not only the cause of things' beginning to exist, but also of their persevering in existing, or (to use a Scholastic term) God is the cause of the being of things.
II 10 S : God is not only the cause of the coming to be of things, as they say, but also of their being.

A quoi il faut ajouter ce passage (non traduit chez Appuhn à partir de hoc est) de la lettre 12 :
per Durationem enim Modorum tantùm existentiam explicare possumus ; Substantiae verò per Aeternitatem, hoc est, infinitam existendi, sive, invitâ latinitate, essendi fruitionem.
– For it is only of Modes that we can explain the existence by Duration. But [we can explain the existence] of Substance by Eternity, i.e., the infinite enjoyment of existing, or (in bad Latin) of being.
– en effet, par la durée nous ne pouvons expliquer que l'existence des modes ; mais celle de la substance par l'éternité, c'est-à-dire la jouissance (ou fruition) infinie d'exister, ou, en dépit du latin, d'être ["être" (le verbe) est la seule traduction possible].

Remarque : dans les trois cas, Spinoza marque une réticence d'ordre linguistique ("terme scolastique", "comme on dit", "en dépit du latin").


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