Essendi et esse

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Louisa
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Messagepar Louisa » 27 janv. 2007, 01:19

Hokousai a écrit :Penser par essence stable- éternelle- immuable cela conduit par exemple à penser la manière de faire des hommes comme éternelle ou échappant à la durée( ou à la modification )
On peut parler d’ une essence et d’une essence éternelle de l’ homme . il y aucune raison pour que la manière de faire de hommes ou des pommes change ,si elle change ce ne sont plus alors les mêmes manière dont on parle et l’idée d’ essence éternelle est conservée .
Spinoza parle de manières" précises" , il envisage une certaine stabilité dans les modes de productions des chose particulières .Ce qui n’implique pas qu’ils existaient ou existeront toujours


effectivement. Si je vous ai bien compris, nous sommes d'accord là-dessus?

Hokousai a écrit :L’essence de l’homme ( mode ) n’est pas éternelle ,elle n’enveloppe pas l’ existence, l’existence concrète de tel homme . L’essence de l’homme n’appartient pas à l’être de la substance. Elle est constituée (l’essence ) par des modifications précises des attributs de Dieu .

.Donc exit de l ‘essence éternelle des choses particulières .
Ce qui est éternel ce sont les modes infinis , une modification infinie des attributs prop 23/1

Ce que Spinoza sauve de la mutabilité générale ce ne sont pas le essences mais les vérités , les vérités éternelles . Ce qui est commun à tout ne constitue l’essence d’ aucune chose e singulière


je suppose que sur ce point, Miam soit d'accord avec vous. Pourtant à mon avis il y a bel et bien des raisons pour concevoir les essences des choses singulières comme étant éternelles, chez Spinoza. Quelques arguments:

E5.31 démo: "L'Esprit ne conçoit rien sous l'aspect de l'éternité qu'en tant qu'il conçoit l'essence de son Corps sous l'aspect de l'éternité, c'est-à-dire qu'en tant qu'il est éternel"

Il y a donc moyen de concevoir l'Esprit comme étant éternel. L'Esprit en tant que tel, ou également l'essence de l'Esprit? Les propositions suivantes obligent à accepter l'idée qu'il y a également une partie de l'essence de l'Esprit qui est éternelle, il me semble:

5.33 démo : "Le troisième genre de connaissance, en effet, est éternel, et par suite l'Amour qui en naît est également nécessairement éternel"

ce qui est confirmé dans le scolie du 5.34: "Si nous prêtons à attention à l'opinion commune des hommes, nous verrons qu'ils sont, certes, conscients de l'éternité de leur Esprit; mais qu'ils la confondent avec la durée, et l'attribuent à l'imagination ou à la mémoire"

donc à nouveau: confirmation de l'éternité de notre Esprit. Un PS à Miam: si je t'ai bien compris, à mon sens tu confonds également durée et éternité, si tu crois trouver chez Spinoza une durée hors de l'imagination humaine, donc hors temps.

Pour le passage de l'éternité de notre Esprit à l'éternité d'une partie de l'essence de notre Esprit: scolie 5.36: "parce que l'essence de notre Esprit consiste dans la seule connaissance"

Donc:
1) l'essence de notre Esprit = la seule connaissance
2) le troisième genre de connaissance = une connaissance
=> 3) l'essence de notre Esprit contient aussi le troisième genre de connaissance.
4) or 5.33 dit que le troisième genre de connaissance est éternel.

Conclusion 1-4: une partie de l'essence de notre Esprit est éternelle.

Comment agrandir cette partie de l'essence de notre Esprit qui est éternelle? 5.39 démo nous l'explique: en ayant un Corps le plus apte possible à un très grand nombre de choses. Car comme le montre le scolie: "Parce que les Corps humains sont aptes à un très grand nombre de choses, il ne fait pas de doute qu'ils peuvent être de nature telle qu'ils se rapportent à des Esprits ayants eux-mêmes ainsi que de Dieu une grande connaissance, et dont la plus grande part, autrement dit la principale, est éternelle".

Le scolie de 5.40 confirme: "notre Esprit, en tant qu'il comprend, est une manière de penser éternelle"

Enfin, on sait que l'Esprit n'est rien d'autre que l'idée du Corps. L'essence de l'Esprit est l'idée de l'essence du Corps. Si l'essence de l'Esprit a une partie éternelle, il me semble que forcément, l'essence du Corps doit aussi avoir une partie éternelle. Mais je n'ai pas trouvé un endroit où Spinoza le dit explicitement.
Sinon Spinoza affirme bien (dans le même scolie) que l'intellect éternel et infini de Dieu n'est rien d'autre que l'ensemble des modes de Penser éternels, ensemble infini. La différence entre l'intellect éternel d'un mode fini et l'intellect éternel de Dieu ne consisterait dès lors que dans l'aspect fini du mode, tandis que l'intellect de Dieu, étant constitué par tous ces intellects finis à l'infini, ne peut qu'être infini.

Voici donc les raisons pour lesquelles je crois, pour l'instant, que chez Spinoza les essences des choses singulières peuvent être dites éternelles. Mais peut-être que quelqu'un voit l'un ou l'autre défaut dans ces raisonnements?
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Messagepar C162 » 27 janv. 2007, 19:58

..
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Messagepar hokousai » 28 janv. 2007, 00:06

chère Louisa
il y a bel et bien des raisons pour concevoir les essences des choses singulières comme étant éternelles, chez Spinoza.




Il s ‘agit pour Spinoza de considérer l’esprit humain " sous une espèce d’éternité "
L’esprit humain est une partie de l’intellect infini de Dieu .

Cette partie de l’esprit humain ( qui aime Dieu ) est partie de l’intellect éternel et infini de Dieu (prop 40/1)
Cet amour de l’esprit est une partie de l ‘amour infini dont Dieu s ‘aime lui même .
Cette partie de l’esprit humain qui agit est partie de l’intellect éternel et infini de Dieu (prop 40/5)

Concevoir les choses sous une espèce d éternité est concevoir les choses en tant qu’elles se conçoivent par l’essence de Dieu … prop 30/5
( je tronque volontairement le texte pour faire apparaître qu’il ‘s’agit de l’ESSENCE de DIEU).

.
Mais qu’en est-il de cette espèce d' éternité ? On en revient ( toujours ) aux notions communes , il est de la nature de la raison de contempler les choses comme nécessaires , cette nécessité des choses elle la perçoit comme elle est en soi ( vérité éternelle ) . Voilà où l’est l’origine de cette espèce d éternité .
Et l’esprit comprend le corps ( l’essence de son corps ) sous une espèce d éternité (condition sine qua non de" sous l 'espèce d éternité")


Si cet amour de l’esprit humain est une partie de l’amour infini dont Dieu s’aime lui même alors cette partie a l’essence de ce dont elle est une partie à savoir « cet amour infini dont Dieu s’aime lui même » .
(mode infini de la pensée) .

hokousai

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Messagepar Louisa » 28 janv. 2007, 03:10

C 162 a écrit :
Comment comprenez-vous la fin de E 5P20S : "Il est donc temps maintenant que je passe à ce qui appartient à la durée de l'Esprit sans relation au Corps" (Très Sainte Traduction de Bernard Pautrat)? Vous avez certainement répondu ailleurs à cette question ['durée' et 'sans relation au corps'], il vous suffira de m'y renvoyer.


je ne crois pas déjà avoir écrit quelque chose au sujet de cette phrase, qui longtemps me semblait être assez énigmatique. Voici donc simplement où j'en suis pour l'instant. Toute critique est la bienvenue.

En ce qui concerne Pautrat: je l'utilise d'habitude, et cela principalement parce que c'est la seule traduction que j'ai chez moi et qui est bilingue. Je compare avec Appuhn dès que j'ai un doute chez Pautrat. Or ici, justement, Appuhn propose d'ajouter le mot 'existence': 'la durée de l'Âme sans relation avec l'existence du Corps'. Si Appuhn croît avoir de bonnes raisons pour cet ajout, je ne les ai pas comprises... .

En ce qui concerne la traduction de Pautrat: au début, j'avais interprété cette phrase dans le sens où Spinoza allait nous expliquer quelque chose par rapport à une réalité précise: celle de la durée de l'Esprit sans relation avec le Corps. Or cette interprétation est hautement problématique, car elle suggère que cette explication doit quelque part se trouver dans la suite du 5.20, tandis que justement, les dernières propositions de l'Ethique ne concernent quasiment toutes que l'Esprit en tant qu'éternel, donc hors la durée, et cela constamment en relation avec l'essence du Corps. Il n'y parle donc ni de la durée de l'Esprit, ni de l'Esprit sans relation au Corps.

C'est pourquoi pour l'instant j'essaie l'hypothèse inverse: la suite de 5.20 sert à nous montrer précisément qu'il y a moyen de concevoir l'Esprit hors de la durée, et qu'il n'y a pas moyen de concevoir l'Esprit sans aucune relation au Corps. Car dans le scolie de 5.23 il dit concernant l'éternité de l'Esprit: "cette existence qui est la sienne ne peut se définir par le temps, autrement dit s'expliquer par la durée. Notre Esprit ne peut donc être dit durer, et son existence ne peut se définir par un temps précis, qu'en tant qu'il enveloppe l'existence actuelle du Corps"

Si donc 5.21-42 sert à nous expliquer ce que c'est que le troisième genre de connaissance et la liberté/béatitude, et s'il annonce cet exposé en disant qu'il va parler de la durée de l'Esprit sans relation au Corps, on pourrait dire que ce scolie permet de conclure qu'une durée de l'Esprit sans relation au Corps est impossible. L'Esprit n'est dit durer qu'en tant qu'il enveloppe l'existence actuelle du Corps, c'est-à-dire en tant qu'on le conçoit dans un rapport très spécifique au Corps.
On peut en déduire, me semble-t-il, que si en revanche on conçoit l'Esprit dans un autre rapport spécifique au Corps, c'est-à-dire si l'on le conçoit en tant qu'il enveloppe l'essence du Corps sous l'aspect de l'éternité, alors il ne peut plus être dit durer. C'est pourquoi cela n'a pas de sens de se demander si l'Esprit existait 'avant' le Corps: d'une part l'Esprit n'est éternel qu'en tant qu'on le conçoit comme enveloppant l'essence du Corps, ce qui implique qu'avant, dans un temps antérieur à l'existence de l'essence du Corps et donc du Corps, aucun Esprit existait, car l'Esprit en ce moment-là ne peut pas être dit durer. D'autre part l'éternité de l'Esprit n'est rien d'autre que l'éternité d'une idée: celle qui constitue, ensemble avec un tas d'autres idées, l'Esprit, et qui est l'idée qui exprime l'essence du Corps sous l'aspect (ou un aspect) de l'éternité. Comme il s'agit d'une idée qui a comme 'ideatum' l'essence du Corps, cette idée ne peut pas exister 'avant' l'essence du Corps, car il n'y a pas d'idée sans ideatum. Ou en tout cas (car je n'ai pas encore trouvé un endroit qui confirme littéralement que toute idée a un ideatum): une idée sans ideatum ne peut jamais être vraie, vu qu'elle ne peut plus être conçue dans sa dénomination extrinsèque qu'est sa relation avec son ideatum. Mais comment une idée pourrait-elle être éternelle sans être vraie? Surtout si on sait qu'ici il s'agit d'une idée qui est en notre Esprit comme elle est en Dieu en tant que celui-ci s'explique par notre Esprit. L'idée doit donc forcément être vrai. Donc convenir, selon la définition de la vérité, avec son ideatum. Et donc on ne peut pas la concevoir SANS relation à cet ideatum. Dès lors, l'Esprit ne peut être dit durer que durant le Corps, et pas quand on le considère sans relation au Corps.

En d'autres termes: pour l'instant je crois qu'il faut comprendre cette phrase comme allant dans le sens commun de l'époque (concernant l'éternité, sujet principal de tout ce qui suit jusqu'à la fin). Comme traditionnellement, l'éternité est conçue comme durée de l'Esprit aussi après la mort du Corps, il annonce le sujet dans ces termes-là. Mais ce n'est que pour ensuite démontrer qu'en fait, l'Esprit ne dure pas du tout après le Corps, ni avant. Si donc nous sentons bien, tous, que l'Esprit est éternel, cela ne peut pas s'expliquer par la durée. Il faut donc un concept d'éternité qui la distingue rigoureusement de toute sempiternité. C'est la définition de l'éternité par l'existence qui suit nécessairement de l'essence.

Si donc l'homme a une partie éternelle, ce n'est pas parce qu'il existe dans la durée, mais parce qu'il existe également en Dieu, en qui tout est éternel et nécessaire. On a une partie éternelle parce qu'on participe de l'éternité de Dieu, Dieu étant notre cause immanente, 'injectant' par là son éternité à lui au sein de nous-mêmes. En tant que donc notre essence existe nécessairement non pas dans le temps mais en Dieu, l'existence de notre essence suit nécessairement de cette définition de notre essence qui la fait dépendre entièrement de la présence de Dieu en nous. Autrement dit, c'est quand on définit notre essence comme étant une affection de Dieu, qu'est impliqué dans cette définition l'existence éternelle d'une partie de cette essence. L'autre partie, la partie de l'essence qui se laisse définir par le temps, c'est-à-dire qui s'explique par la durée, donc par nos interactions 'locales' avec d'autres modes (celle qui se laisse donc définir par ce que Ramond et Deleuze appellent des 'modifications' de Dieu, ou des affections de l'affection de Dieu que nous sommes), cette partie n'est pas éternelle mais n'existe que 'durant le Corps', c'est-à-dire en tant que l'on conçoit le Corps lui-même comme existant dans le temps, autrement dit que l'on imagine le Corps ou que l'on s'en souvient.

C'est pourquoi il me semble que finalement, l'ajout d'Appuhn ne change pas grand-chose, voir rend les choses inutilement plus compliquées. Car qu'il n'y a pas de durée de l'Esprit sans relation avec le Corps implique effectivement qu'il n'y a pas de durée de l'Esprit sans relation avec l'existence dans le temps du Corps, mais cela implique aussi qu'il n'y a pas non plus de durée de l'Esprit sans relation avec l'existence dans le temps de l'essence du Corps. Aussi longtemps que l'on conçoit l'existence dans le sens traditionnel, c'est-à-dire l'existence dans le temps (et il me semble que Spinoza le dit explicitement quand il veut parler du deuxième mode d'existence, celui en Dieu), il n'y a pas moyen de concevoir une durée de l'Esprit sans cette existence. L'Esprit n'est dit durer qu'en tant qu'il enveloppe l'existence dans le temps du Corps, autrement dit que durant le Corps. Ce que propose Appuhn est donc impliqué dans la phrase telle qu'elle est en latin.
Par contre, le désavantage de l'ajout d'Appuhn, c'est qu'il peut suggérer qu'il y a une durée de l'Esprit sans relation à l'existence temporelle du Corps, durée qui serait alors celle de l'éternité. Durée liée à l'Esprit en tant qu'il enveloppe l'essence du Corps sub specie aeternitatis. Autrement dit: il n'y a pas de durée de l'Esprit quand on le conçoit en relation avec l'existence dans le temps, mais il y aurait tout de même une durée de l'Esprit, et cela en tant qu'on conçoit l'essence et non plus l'existence du Corps. Mais alors on arrive à ce qui me semble être l'erreur de Miam, à ce sujet (en attendant qu'il me montre, ou quelqu'un d'autre, où je me trompe): supposer une durée hors temps, ou une éternité qui comprend une durée. C'est donc pourquoi ici je préfère la traduction de Pautrat. Elle est plus énigmatique (car tout au long de l'Ethique on a appris qu'il faut associer le Corps à la durée, et puis d'un coup ici il semble proposer une durée de l'Esprit sans relation au Corps). Mais cela a comme avantage de plus obliger d'aller chercher activement une solution. C'est alors qu'on peut comprendre qu'une durée de l'Esprit sans relation au Corps, soit la traditionnelle immortalité de l'Âme, n'existe tout simplement pas, pour Spinoza. On le sait à partir du 5.24. Après, il nous montre comment lui il trouve qu'il faut concevoir l'éternité: hors toute référence à l'immortalité.
Mais encore une fois: il est bien possible que je me trompe, donc tout argument est le bienvenu.
Cordialement,
Louisa

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Messagepar hokousai » 28 janv. 2007, 13:11

pour répondre à C162
sur la durée de l’esprit ou durée de l’âme (Mentis durationem)

démonst prop 36/5
Cet amour de l ‘esprit doit se rapporter aux actions de l’esprit

Dieu en tant qu’il peut s’expliquer par l’esprit humain se contemple lui même
Cet amour de l’esprit est une partie de…

Si c’est une partie il y a modification donc durée .
A partir du moment où vous considérez Dieu comme pouvant s’expliquer par ….. n’importe quoi…. il y a modifications ( affections de la substance )donc durée .

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Messagepar Louisa » 28 janv. 2007, 16:58

Hokousai a écrit :Si c’est une partie il y a modification donc durée .
A partir du moment où vous considérez Dieu comme pouvant s’expliquer par ….. n’importe quoi…. il y a modifications ( affections de la substance )donc durée .


et pourtant, le scolie de 5.32 dit ceci:
"Mais il faut noter ici que, quoique nous soyons maintenant certains que l'Esprit est éternel (...), néanmoins, et pour que s'explique plus aisément et se comprenne mieux ce que nous voulons montrer, nous ferons comme nous avons fait jusqu'ici, et nous le considérerons comme s'il venait de commencer à être (...)"

Puis 2.Déf 5: "La durée est la continuation indéfinie de l'exister. Explication: je dis indéfinie, parce qu'elle ne peut jamais être déterminée à partir de la nature même de la chose existante, ni non plus par la cause efficiente, laquelle pose bien nécessairement l'existence de la chose, mais ne la supprime pas."

1.33 scolie II: "dans l''éternité il n'y a pas de quand, d'avant ni d'après"

1.21 démo: "(...) ne peut avoir de durée déterminée; mais (...) est éternel"

1. Déf éternité, explication: "(...) et pour cette raison elle ne peut s'expliquer par la durée ou le temps, quand même on concevrait la durée sans commencement ni fin."

Ce que j'en conclus pour l'instant:
- 5.33: ce qui est éternel n'a pas de commencement
- 2 déf 5: une durée indéfinie est une durée qui ne peut pas être déterminée à partir de la nature de la chose ni à partir de la nature de sa cause efficiente. Or en Dieu tout est déterminé (1.29: il n'y a rien de contingent). La durée d'une chose devient donc entièrement définie dès que l'on conçoit Dieu comme étant infini, s'expliquant également par d'autres modes, et donc notamment par ceux qui vont supprimer la chose. On peut donc déterminer la durée d'une chose à partir de Dieu en tant qu'il est également les choses qui seront cause de sa suppression.
- 1.33: reprise de 5.33: pas de commencement ni de fin pour ce qui est éternel
- 1.21: ce qui est éternel n'a pas de durée déterminée.
- 1. Déf 8: l'éternité n'est pas la durée indéterminée non plus, c'est-à-dire une durée qui n'aurait pas de commencement ni fin.

Ce qui est éternel n'a donc pas de durée déterminée (car alors il devrait y avoir un début et une fin), ni de durée indéterminée, c'est-à-dire pas de continuation d'exister sans commencement ni fin non plus. C'est ce qui me fait penser que donc l'éternité doit être sans durée, ou hors durée.

Enfin pour Spinoza l'Esprit d'une chose singulière (l'homme) est éternel. Or l'Esprit est une affection de la substance. Par conséquent, en tant que l'Esprit est éternel, il n'a pas de durée. Et donc il y a des affections de la Substance qui en tant qu'elles sont éternelles, sont sans durée. Donc qui dit affection de la Substance ou partie de Dieu ne dit pas forcément durée. Tout dépend de comment on la conçoit: dans sa temporalité ou dans son éternité.

Question à Miam: si je t'ai bien compris tu conçois une durée a-temporelle, chez Spinoza. Mais comment la déterminer? Car une durée est DEFINIE comme une continuation dans l'existence dont on ne pourrait dire quand elle arrive à sa fin qu'en tenant compte de tout ce qui constitue l'infinité de Dieu (tous les autres modes et leurs interactions). C'est ce qui me donne l'impression que toute durée a par définition une fin. Ce sont le commencement et la fin qui permettent de déterminer une durée (d'une chose finie on sait souvent quand elle a commencé à être, car on peut déterminer son commencement à partir de sa cause efficiente, mais on ne peut pas déterminer la fin car on ne peut pas adopter le point de vue de la totalité nécessaire pour pouvoir la prévoir). Or si le commencement et la fin permettent de déterminer une durée, du coup ce qui n'a ni commencement ni fin ne peut pas être déterminé. Quand on sait qu'en Dieu tout est déterminé, on ne peut donc avoir que des durées déterminées. La détermination de la durée se faisant par le commencement et la fin, j'en conclus que toute durée est temporelle (et donc imaginaire). D'où ma question: comment déterminer une durée qui serait a-temporelle? C'est parce que je ne vois pas comment y arriver qu'il me semble que de facto une durée atemporelle reviendrait à la même chose qu'une durée infinie, ou immortalité (+ existence avant la naissance).
Louisa.

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Messagepar hokousai » 28 janv. 2007, 21:50

à Louisa

Enfin pour Spinoza l'Esprit d'une chose singulière (l'homme) est éternel.


mais pas du tout (ou pas vraiment)
C'est l’esprit sous une espèce d’éternité dont une partie est éternelle
et pas l’esprit d’une chose singulière
Car une chose singulière sous une espèce d’éternité n’est plus une chose singulière mais est une chose nécessaire( suivre de la nature divine )
une chose singulière est prise dans le jeu des causes (en relation à un temps et un lieu ) une chose nécessaire est cause de soi
la chose particulière sous une espèce d’éternité est Dieu .(prop 29 scolie )… j’exagère à peine puisque Spinoza dit » leurs idées enveloppent l’essence éternelle et infinie de dieu « .

Ce qui de l’esprit est éternel ?

il s ‘agit de ce quelque chose , qui appartient à l’essence de l’esprit qui sera nécessairement éternel .
Ce quelque chose est ce qui se conçoit avec une certaine nécessité par l’essence même de Dieu

L’objet de notre esprit es t le corps existant en acte
ce qui se conçoit ( ici )sous une espèce d’éternité c’est l’essence du corps (de tel ou tel corps humain )
Nous sentons que l’esprit en ce qu’il enveloppe l’essence du corps sous une espèce d éternité est éternel .

hokousai

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Messagepar C162 » 30 janv. 2007, 23:14

..
Modifié en dernier par C162 le 26 août 2010, 12:15, modifié 1 fois.

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Messagepar hokousai » 31 janv. 2007, 00:11

à C162
(si je peux me permettre quelques remarques sur la traduction )


Supposons que vous soyez excellent latiniste , que vous écriviez en latin aussi naturellement qu’en français (ou hollandais ou autre langue maternelle ).
Ce qui était peut être le cas de Spinoza mais ce n’est pas certain .
Les difficultés de compréhension ( s’il y a ) seront les mêmes pour vous que celle du lecteur lisant une ou des traductions en français.


Le lecteur de plusieurs traductions en français retrouve à travers ces traductions la diversité de signification qu’ un lecteur latiniste doit avoir en tête .
Pourquoi le lecteur latiniste n’aurait-il pas lui aussi des hésitations quant au sens ? S‘il avait à les expliquer en latin il aurait plusieurs options sur le sens de tel ou tel mot . Il y a pour le latiniste un certain nombre de significations à disposition , tout comme il y en a un du fait des diverses traductions .
Le latiniste les a en tête lors de sa lecture en latin, le lecteur français les a exposées dans plusieurs traductions comparées . Se surajoute à chaque lecture en Français de nouvelles variations possibles (en français ).

Vous ne pouvez espérer une meilleure compréhension d’une traduction parfaite (on suppose de bonne qualité les plus connues )
................................................;

Je pense que coller à la proposition ( la phrase , telle ou telle phrase ) pontilleusement et dans une excessive proximité ne permet plus de voir l ‘idée et tout simplement ne permet plus parfois de comprendre .


Car ce qui devrait en revanche se faire c’est tout le travail de renvois demandé par Spinoza , c’est celui là qui à mon avis( et du sien ) éclaire le sens de ses propos .
On ne peut lire l’Ethique sans en tourner les pages, vers l’avant bien sûr, mais en arrière , car ce qui fut dit avant n’est pas repris , est pourtant nécessaire à la compréhension et n’est pas forcément en mémoire


amicalement
hokousai..

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Messagepar Louisa » 31 janv. 2007, 01:12

Bonsoir C 162,

merci de ces questions. En ce qui concerne les solutions: je crains que je ne sois pas vraiment déjà capable d'en apporter, je ne peux que faire part de mes hypothèses actuelles, sans plus. C'est pourquoi tout contre-argument m'intéresse beaucoup. Si en plus vous dites qu'il existe beaucoup de commentaires à ce sujet, je suppose que le mieux soit que j'essaie de trouver du temps pour les lire, ce qui rendrait peut-être déjà les choses un peu plus claires pour moi-même.
En attendant, j'utilise un instant vos remarques pour essayer d'expliciter mes tâtonnements actuels.

C 162 a écrit :Louisa a écrit:
Or ici, justement, Appuhn propose d'ajouter le mot 'existence': 'la durée de l'Âme sans relation avec l'existence du Corps'. Si Appuhn croît avoir de bonnes raisons pour cet ajout, je ne les ai pas comprises... .


Appuhn ajoute pourtant en note à cet endroit : "La substitution de corporis existentiam à corpus rend l'expression plus exacte et s'accorde [...] avec le texte du scolie de la proposition 40". Sa justification est donc claire; le procédé est discutable.
Pautrat donne : "sans relation au corps" (E 5P20 S) et "sans relation à l'existence du corps" (E 5P40S), en respectant le texte des OP, et celui des NS (Gebhardt montre que la version néerlandaise contient les deux expressions).


j'ai effectivement lu la note, mais je la trouve un peu étrange, ou en effet 'discutable'. Il me semble qu'il se base sur une interprétation assez particulière de ce passage pour carrément changer le texte, ce qui va tout de même assez loin. En tout cas, j'aimerais bien d'abord voir quelques arguments qui montreraient que le contexte de l'E5P20 est le même que celui de l'E5P40, sinon transférer des expressions d'un endroit à un autre parce que l'on trouve que cela rend le tout plus cohérent ne me semble pas vraiment relever du boulot d'un traducteur ... .
En tout cas, cela m'étonne. Il faut déjà partir de l'idée que pour Spinoza il existe une durée a-temporelle pour modifier ainsi le texte original. Je n'exclus nullement la pertinence éventuelle de cette idée, mais je ne vois pas trop sur quoi se baser pour vraiment pouvoir la justifier. Ne faudrait-il pas au moins trouver UN endroit où Spinoza dit effectivement qu'il veut travailler avec une durée a-temporelle pour prendre la décision de changer l'original? Or pour l'instant je ne vois que des indications qui vont dans l'autre sens. Car à deux reprises, la notion de durée figure dans une définition. D'abord dans l'explication de la 8e définition de l'E1, où Spinoza distingue explicitement l'éternité et la durée infinie (ou sans fin ni commencement). L'éternité ne 's'explique pas' par la durée, c'est-à-dire (si l'on reprend l'usage spinoziste de l'expression 's'expliquer par') la durée n'exprime pas l'éternité ou l'éternité ne constitue pas la durée (car quand Dieu s'explique par l'essence de mon Esprit, il s'exprime par cette essence et la constitue). Une durée a-temporelle, si elle existe chez Spinoza, ne peut donc pas être de l'ordre de l'éternel. Pourtant, si on veut lier le troisième genre de connaissance à une 'durée de l'Esprit sans relation à l'existence du Corps', il s'agit bien de l'Esprit en tant qu'éternel. Si la durée n'est pas de l'ordre de l'éternel, le troisième genre permet seulement de constater l'éternité de l'Esprit, mais pas sa durée.
Ensuite on a la définition 5 de l'E2, qui lie la notion de durée à l'ignorance dans laquelle nous sommes de savoir quand et quelle cause va supprimer l'existence d'une chose. Normalement, le registre de l'ignorance est le registre de l'inadéquat. Ceci aussi me donne donc l'impression que la durée est plutôt d'ordre imaginaire. En tout cas, je vois mal en quoi cette définition pourrait être un argument pro l'existence d'une durée a-temporelle chez Spinoza. Est-ce que selon vous on pourrait déduire de cette définition de la durée qu'il s'agit d'une durée a-temporelle?

C 162 a écrit :

Louisa a écrit:
C'est pourquoi il me semble que finalement, l'ajout d'Appuhn ne change pas grand-chose, voir rend les choses inutilement plus compliquées.


Est-ce E 5P40S ("Telles sont les choses que je m'étais proposé de montrer à propos de l'Esprit en tant qu'on le considère sans relation à l'existence du Corps") qui rend les choses inutilement plus compliquées? Ou alors, ça ne change presque rien?


je voulais dire que déjà ajouter en 5.20 'existence du Corps' ne change rien sur le fond, une fois que l'on part du principe que ce que Spinoza voulait montrer, c'est qu'il n'y a aucune durée de l'Esprit sans relation au Corps, car "notre Esprit ne peut donc être dit durer, et son existence ne peut se définir par un temps précis, qu'en tant qu'il enveloppe l'existence actuelle du Corps" (5.23). A partir de ce moment-là, il n'y a pas de durée de l'Esprit SANS relation au Corps. 'Sans relation à l'existence du Corps' précise les choses, mais si on ne voit pas sur quoi se baser pour accepter une durée a-temporelle chez Spinoza, une durée sans relation à l'existence du Corps ou une durée sans relation au Corps revient au même, dans le sens où l'essentiel, c'est que l'Esprit n'est dit durer qu'en relation au Corps, et (si l'on tient à préciser) au Corps en tant qu'il est dit durer ou peut se définir par un temps précis.
E5P40 résume alors ce que l'on a déjà pu conclure à partir de E5P23: pas du durée de l'Esprit sans relation au Corps en tant que celui-ci dure, c'est-à-dire se définit par un temps précis. En ce sens, E5P40 n'apporte plus rien de nouveau, mais fait simplement le point.
Dans l'hypothèse que j'explore actuellement, ce qui change tout, par rapport au scolie de E5P20, c'est E5P23. E5P40 confirme, mais déjà à partir de la P.23 on sait qu'en fait cette durée de l'Esprit sans relation au Corps, la traditionnelle immortalité, n'existe pas, pour Spinoza. Ou bien on considère l'Esprit dans sa durée, mais alors il faut prendre la durée du Corps avec, et donc le temps. Ou bien on considère l'Esprit dans son éternité, et alors 'le temps ne fait rien à l'affaire'.

C 162 a écrit :Louisa a écrit:
Ce que propose Appuhn est donc impliqué dans la phrase telle qu'elle est en latin.


Je n'ai pas très bien compris ce que vous avez voulu dire dans ce passage (d'où les questions ci-dessus)


peut-être était-ce déjà clair sur base de ce que je viens d'écrire maintenant, mais sinon: SI (car ce n'est qu'une hypothèse) on se base sur la 8e définition de l'E1 et la 5e définition de l'E2 pour supposer que dans l'Ethique, il n'y ait aucun endroit qui définit la durée comme étant a-temporelle sans être éternelle, et SI on tient compte du scolie de l'E5P23, ALORS il faut conclure qu'il n'y a pas de durée a-temporelle, que durée et temps dans l'Ethique sont probablement liés, et sont imaginés par notre Esprit. Dans ce cas, il n'y a pas de durée de l'Esprit SANS relation au Corps. Une fois que l'on part d'une durée qui par définition se détermine par le temps, il va de soi que la durée de l'Esprit n'a de sens qu'en relation avec l'existence dans le temps ou la durée du Corps. Mais ajouter déjà 'existence' en E5P20 ne change alors rien sur le fond. Cela explicite seulement ce qui va venir après, en E5P23. Mais comme Spinoza a préféré démontrer cela en P23, je ne vois pas ce qui justifierait l'ajout déjà en P20. En P20, il annonce seulement le sujet: la durée de l'Esprit sans relation au Corps. Ce n'est qu'après qu'il précise son opinion là-dessus. Alors à quoi bon déjà modifier le texte pour anticiper la suite, sans que ceci semble avoir été l'intention de Spinoza?

C 162 a écrit :
d'autant plus que vous ajoutez immédiatement après:

Louisa a écrit:
Par contre, le désavantage de l'ajout d'Appuhn, c'est qu'il peut suggérer qu'il y a une durée de l'Esprit sans relation à l'existence temporelle du Corps, durée qui serait alors celle de l'éternité.


Sachant que l'ajout d'Appuhn se trouve plus loin (P40S) dans le texte, que faut-il en conclure?


le problème d'ajouter en P20 qu'il s'agit de l'existence du Corps, c'est qu' à mon sens cela peut semer la confusion. Car entre P20 et P23 il est du coup question de l'essence du Corps, en opposition avec l'existence présente actuelle du Corps, mais l'opposition ne s'explicite qu'au fur et à mesure. En ajoutant déjà en P20 'l'existence du Corps', on pourra plus facilement croire, en lisant ce scolie, que pour Spinoza il y a réellement une durée de l'Esprit sans relation avec la durée du Corps. La distinction coïnciderait alors avec celle d'entre l'essence et l'existence dans le temps du Corps: il y aurait une durée de l'Esprit sans relation à l'existence du Corps, mais en relation avec l'essence du Corps, ET en relation avec l'éternité de l'Esprit.
Ce n'est qu'en P23 qu'on voit que cela est impossible, il me semble, car l'Esprit ne dure qu'en tant que le Corps dure, c'est-à-dire existe dans le temps. Mais si pendant ces 2 propositions on est parti de l'idée qu'il existe réellement une durée de l'Esprit indépendamment de celle du Corps, on risque davantage de ne pas voir qu'en P23 c'est précisément ce qu'il nie.

C 162 a écrit :Je pense avoir compris (ça m'arrive) votre hypothèse inverse qui se rapporte à E 5P23 D et S, et ce que vous avez dit au sujet (pour aller vite) des idées adéquates, de la connaissance sub duratione et de la connaissance sub specie aeternitatis. Mais quand vous parlez de l'essence du corps, je n'arrive pas à vous suivre. Je ne vais pas vous demander ce que vous entendez par "l'essence du corps", une "partie de l'essence" et un "temps antérieur à l'existence de l'essence du corps et donc du corps". Mais vous aurez peut-être le temps d'expliquer comment tout cela fonctionne dans E 5P33S "l'Esprit a eu de toute éternité ces mêmes perfections dont nous avons feint qu'elles venaient de s'ajouter à lui".


je ne suis pas certaine d'avoir bien saisi le problème que vous soulevez. J'explique donc seulement comment je comprends provisoirement cette citation, quitte à préciser sur base de vos questions supplémentaires.
Pour l'instant, je conçois l'imagination comme la faculté de l'Esprit entièrement immergée dans le temps, le troisième genre de connaissance comme étant entièrement a-temporel (se situant dans l'élément de l'éternité), et la raison comme faculté intermédiaire. Car la raison compare les différentes idées/imaginations, et constate des propriétés communes, produisant par là des idées nécessairement vraies, soit des idées qui déjà repèrent quelque chose qui ne change pas dans le temps, qui reste immuable, et qui dans ce sens est éternel (par E2P44 cor II). Mais ce faisant, on contemple également les choses dont on conçoit les propriétés communes comme présentes (par la démo de l'E5P7). En contemplant les propriétés communes, on conçoit donc simultanément les choses sous un certain aspect d'éternité ET en tant que présentes, c'est-à-dire dans le temps. La raison se situerait donc aussi bien dans l'élément de l'éternité que dans l'élément du temps, faisant ainsi le 'pont'. L'élément temporel de la raison (ou l'accompagnement nécessaire de la raison d'un élément imaginaire) se montre notamment dans le fait qu'elle doit en passer par la déduction et la démonstration, qui sont des processus qui se déroulent dans le temps. Si donc elle veut pe démontrer, more geometrico, ce qui est éternel et ce qui ne l'est pas, elle est bien obligée de produire cette éternité dans un raisonnement qui se déroule dans le temps. Car elle doit bien démontrer d'où 'naît' l'éternité de notre Esprit. Or qui dit naissance, dit commencement. Ce qui est contradictoire avec le fait que ce qui est éternel par définition (8e déf E1) n'a pas de commencement. Il fallait donc bien que Spinoza nous dise une fois pour toutes ce qu'il veut: une éternité qui a un début dans le temps, ou une éternité a-temporelle. En P33 il tranche: pas d'éternité ayant un début. Ce qui est éternel est hors temps, et n'a ni début ni fin. Ce n'est que si on veut expliquer par la raison, en passant d'étapes déductives à des conclusions (processus temporel), qu'il SEMBLE y avoir une naissance ou un début de ce qui est éternel. En réalité, il n'en est rien. Il faut donc conclure que les propositions qui démontrent d'où 'naît' l'éternité (d'une partie de notre Esprit, du 3e genre de connaissance, de l'amour intellectuel de Dieu) s'en servent obligatoirement de ce vocabulaire temporel (sub duratione), mais cela seulement en vertu du fait que tout raisonnement a besoin d'un déploiement dans l'espace et le temps. En réalité, ce qui est éternel n'a pas de début. Cela aussi, Spinoza le démontre. Et donc quand il parle de 'naissance' de l'éternité, ce n'est qu'une façon de parler, pour pouvoir plus facilement nous faire comprendre, sans plus. Cela ne réfère à rien de réel. L'éternel n'a pas de commencement. Ses perfections ne changent pas. Elles sont là, de toute éternité. Et, j'y ajouterais, hors durée, car hors temps. Mais encore une fois, tout argument qui contredirait ceci et qui démontrerait qu'à part le temps et l'éternité, il y aurait une durée a-temporelle, m'intéresse.

C 162 a écrit :Beaucoup de questions, et aucune thèse soutenue - il existe de nombreux commentaires sur ces questions, mais tout reste obscur pour moi (les commentaires sont souvent rapides sur E 2P8 par exemple).


Pourriez-vous brièvement résumer/expliciter ces commentaires?
Bien cordialement,
Louisa

PS: ayant l'impression que sur ce forum on a l'habitude de se tutoyer, en ce qui me concerne il n'y a pas de problème de se tutoyer.


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