Délire

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Miam
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Délire

Messagepar Miam » 14 févr. 2007, 19:12

Re !

La pensée de Spinoza n’est pas une ontologie. Le Court traité constitue une exception, parce qu’il est structuré comme un manuel universitaire et s’adapte à son auditoire. Le Court traité, ce sont des notes de cours. L’être s’y réduit à la forme rhétorique. Mais l’être n’est jamais posé, démontré, évidence. L’être n’est qu’une exigence de la pensée, de la pensée de l’existence, de la pensée de l’infini (Ethique I 10s, 11 et 11s). Et c’est une exigence douteuse, peut-être irrecevable. Du moins avant le troisième genre de connaissance.

Mais qui a atteint une telle connaissance ? Et s’il l’a atteint, qui peut dire quand ? Qui peut dire « Voilà. A l’instant, je suis un étant réel et je saisis l’être » (V 30d), sinon comme une légende dont on a oublié la chair ? Il y a une responsabilité et une liberté insoutenable de l’éternité dans l’être ? Ah ça ! Croyez-vous qu’il est si facile d’engendrer (d’enfanter ?) un être ? Aristote lui-même s’y est cassé les dents avec son impossible ontologie (cf. Aubenque) !

Pour l’essence et l’existence, c’est entendu. Mais comment les poser dans l’être si l’être consiste seulement en l’horizon de notre Mental ? (Ethique II 11, 11c et 11s). Seul le Mental explique Dieu (II 11c). Il est pourtant tout aussi dépendant de la puissance d’agir que ne l’est le Corps. La puissance de pensée elle-même dépend de la puissance d’agir. Alors pourquoi cette co-présence étonnante du Mental et de l’être, cette ouverture à l’être dans notre première perception ? Comment pouvons-nous juger de notre être et de celui des autres choses ?

La pensée de Spinoza commence par la perception d’un attribut (I D4). De l’expression de l’existence par un attribut. Comme chez Descartes, elle commence par l’aperception de l’existence. Mais non de SON existence. Elle commence par l’expression, c’est à dire l’affection de l’attribut dans une existence qui ne lui appartient PAS. De notre existence qui ne nous appartient pas (CT I, 2, note 5, Ethique I 10s, 20d, …). Je suis, j’existe. Mais qui suis-je ? L’affection d’un attribut qui existe sans que cette existence lui appartienne. L’existence appartient à la substance. Et qu’est-ce qu’une substance, sinon cette exigence vitale d’un entendement, cette affection qui appelle la substance, qui PROJETTE un sujet métaphysique derrière une existence sans sujet ? (I D3 et D4)

Ne pas confondre le sujet logique et le sujet métaphysique. Toute la pensée occidentale échoue sur cet écueil. Et par un hasard historique encore : du fait qu’on a connu les Catégories bien avant la Métaphysique. Car que veut dire : « dont l’essence enveloppe l’existence » (I D1) ? Que veut dire : « il appartient à sa nature d’exister » (I 7) ? Que l’essence cause l’existence ? Nenni ! C’est bien plutôt l’existence qui cause l’essence. Si l’existence définit l’essence d’une substance, comme on définit par la cause efficiente (Lettre 60), alors c’est bien l’existence qui est la cause de l’essence ! Pas l’inverse comme le croit toute la pensée latine. C’est notre perception de l’expression de l’existence par l’attribut qui est la cause efficiente de ce qu’un attribut constitue l’essence d’une substance (I D4). Par conséquent : l’existence est bien la cause de l’essence. Pas l’inverse. Spinoza est le premier existentialiste.

Il est aussi le premier phénoménologue. Car qu’est-ce que cette existence sinon une affection, un affect, un phénomène perçu ? Et qu’est-ce que l’essence d’une substance sinon la condition de possibilité de penser cette existence pour un entendement ? (I D3 et D4)

Il est enfin et surtout le dernier hénologue. L’hénologie, c’est la question de l’Un et du Multiple, du Même et de l’Autre. Et il ne faut pas alors seulement penser au Parménide de Platon mais à toute pensée, y compris pré-philosophique et, comme on dit, mythique. Car la question originelle de l’Ethique est celle-ci : comment peut-on percevoir ou concevoir Un attribut qui exprime l’existence par ses Multiples affections ? Peut-il y avoir un Même attribut pour de Multiples substances ? (Ethique 1 – 6) Y a-t-il Une ou de Multiples substances ? Y a-t-il Un ou de Multiples attributs pour une Même substance ? ( I D6, I 9, I 10s, I 11, I 11s, etc…) ? La réponse réside dans l’Infini. L’hénologie spinozienne est infinitiste. L’infini, l’existence, l’éternité, la nécessité. Tout cela est une même chose. Quant à notre durée, elle est une affection de l’existence (PM), donc de l’éternité. En ce sens notre existence suppose une liberté absolue et une responsabilité éternelle. Nous sommes tous des Mentaux éternels, y compris ceux des animaux, des plantes et de la terre.

Chez Spinoza, l’hénologie fixe l’horizon de l’ontologie. Toute l’Ethique se fonde sur les opérateurs hénologiques du « commun » et de l’ « envelopper » depuis la première Définition et les Axiomes 4 et 5 de la première partie au « souverain bien commun » (Ethique IV et V) en passant par les « notions communes » (Ethique II) et le « commun à notre nature » (Ethique V), voire jusqu’aux « affects communs » du Traité politique.

J’ai dit : le dernier des hénologues. Je veux dire : en philosophie. Platon savait qu’il racontait des histoires pour unifier une pensée multiple. Il utilise non seulement le dialogue, mais encore le mythe. Aristote aussi le savait bien : la question de l’être se résout dans une hénologie du devenir. C’est à partir de Thomas surtout que l’ontologie s’est prise au sérieux. Car tous ceux qui racontent des histoires sont des hénologues. La vérité, à l’origine, c’est la vérité d’une histoire (Pensées métaphysiques I 6). L’idée elle-même est la narration de la causalité qui produit la chose. La cause est l’effet. Le problème n’est pas tant la relation entre la cause et l’effet, mais de trouver l’histoire des causes et ne pas s’en tenir aux effets. Alors l’idée n’est plus seulement vraie, car une idée est vraie dès qu’elle est communiquée, mais elle est aussi adéquate. Ce n’est pas un hasard si le Traité théologico-politique est toute entier une théorie de la communication de la Parole de Dieu, c’est à dire de l’idée vraie rapportée à Dieu (Ethique II 32). Ce n’est pas pour rien que Spinoza a voulu écrire un Traité politique. Spinoza est le premier théoricien des médias. Et il est le premier à concevoir la cité comme un rapport de communication de pouvoir.

Voilà mon délire. J’ai changé mon style. Je me suis un peu laissé aller. C’est peut-être plus concis et plus agréable qu’une rigoureuse analyse du texte. Et peut-être cela pourra-t-il vous réveiller ?

Miam

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Benoit_Careil
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c'est effectivement un délire

Messagepar Benoit_Careil » 15 févr. 2007, 16:37

Pourquoi publier ici le résultat d'idées qui se bousculent trop brutalement dans ton esprit?
Si tu sens une envie si forte de te provoquer devant nous, alors stp, fais-le dans un texte court.
Concernant le contenu de tes interrogations, il est peut-être temps de sortir des livres, de sortir dehors, d'oublier les mots. Quand tu reviendras, tu auras les réponses. Je l'espère.
Benoît CAREIL
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Messagepar Miam » 15 févr. 2007, 18:19

Ca ne se bouscule pas du tout. C'est très clair. Et cela possède de multiples conséquences concrêtes, contrairement à la pseudo-psychologie et aux leçons de morale.

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Messagepar Benoit_Careil » 16 févr. 2007, 11:11

pas de leçon de morale
pas de pseudo-psychologie
pas grave
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