Pourquoipas a écrit :D'où les interrogations :
— quel est le sens précis de l'expression "nature absolue d'un attribut" ?
juste une remarque en passant: constatant que je n'étais pas vraiment capable de répondre à la question, j'ai repris le De Deo dès le début en faisant attention à l'usage du 'absolutè/absolutus'. Je me demande si dans un certain sens le corollaire de la I 6 n'en donne pas en genre de définition:
Donc une substance, absolument, ne peut être produite par autre chose
Ergo substantia absolutè ab alio produci non potest.
Pourrait-on en déduire qu'il existe de multiples usages et donc significations de ce 'absolutè/absolutus' dans l'Ethique?
Si oui on aurait:
- 'absolutè infinitum' (déf VI): ce qui s'oppose à 'l'infinitum in suo genere'
- 'substantia/natura absoluta': qui ne peut être produit par autre chose.
Dans ce cas, la nature absolue de l'attribut deviendrait l'attribut en tant que sa nature ne peut être produite par autre chose (contrairement à la nature humaine, qui est produite par Dieu). Une nature absolue serait alors une nature donc l'essence enveloppe l'existence, c'est-à-dire (selon la déf I) une causa sui.
Il faudrait alors conclure que tout attribut est infini dans son genre, c'est-à-dire que sa nature n'est pas absolument infinie (seule la nature de Dieu l'est, car elle comprend tous les attributs), mais que sa nature elle-même n'en est pas moins absolue, dans le sens où elle n'est pas produit par autre chose.
(On pourrait dire que la I 6 ne parle que de substances, et pas d'attributs, mais justement, ici on n'a pas encore prouvé qu'il n'existe qu'une substance, et on sait déjà par I 5 que toute substance a une nature unique OU/sive des attributs uniques. Ce qui me donne l'impression qu'on peut ici aussi penser 'attribut' au lieu de substance. Mais cela est à vérifier, bien sûr.)
On a donc de toute façon que:
- l'INFINITE de l'attribut n'est pas absolue, mais seulement 'infinie dans son genre' (il existent donc d'autres infinités)
- la NATURE de l'attribut est absolue (elle n'existe que par soi, tout à fait indépendamment des autres attributs).
La NATURE de l'ATTRIBUT est donc INFINIE EN SON GENRE (car la I 21 parle de sa 'nature infinie'), MAIS 'elle ne peut se concevoir qu'existante' (comme le disait la déf de la cause de soi), donc 'ABSOLUE' en ce qui concerne son EXISTENCE.
Si tout ceci est correct (à vérifier), alors on comprend peut-être un peu mieux pourquoi le 'quae' de la I 21 démo devrait bel et bien référer à l'attribut pensée, et non pas à l'idée de Dieu: l'attribut pensée en tant qu'il ne constitue pas un mode fini, c'est l'attribut en tant que sa nature est infinie, mais cette même nature est toujours aussi absolue (eu regard son existence), c'est-à-dire doit exister nécessairement (car son essence enveloppe l'existence, voir cor I 5 tel que cité ci-dessus). Ce qui veut dire qu'à ce moment de la démo, on est certain qu'il existe un attribut Pensée ayant par définition une nature absolue, mais dont il serait possible qu'un mode fini x NE suit PAS nécessairement.
Cela, que donc il existerait un attribut de la nature duquel ne suivrait pas nécessairement le mode fini x, est FORMELLEMENT contraire à l'hypothèse de la démo: que ce mode fini x suivrait nécessairement de la nature absolue de ce même attribut. En d'autres termes, l'hypothèse de base de la démo mène logiquement à sa propre contradiction (si p, alors non p, p étant 'le mode fini x suit nécessairement de l'attribut Y'). Or si une hypothèse mène à la négation de soi-même, elle est absurde. Il est donc absurde de supposer que de la nature absolue d'un attribut suive quelque chose de fini. Il faut donc accepter l'idée inverse, c'est-à-dire que seules des choses infinies puissent suivre de la nature absolue d'un attribut.
Et c'est bien cet attribut en tant qu'existant nécessairement, c'est-à-dire en tant qu'il a une nature ABSOLUE, qui est la clef de la contradiction de l'hypothèse inverse (= qu'une chose finie pourrait suivre de sa nature). C'est cette existence nécessaire qui dans l'argumentation le rend inévitable de conclure à l'existence d'un attribut de la nature duquel ne suivrait pas la chose fini x, donc de conclure à la négation purement FORMELLE de l'hypothèse (= que cette même chose x suive de la nature absolue de ce même attribut Y).
En d'autres termes, ce n'est pas la conclusion de l'argument qui déjà en tant que tel nous démontre la proposition 21, la conclusion ne montre rien d'autre que l'absurdité formelle qui suit nécessairement de l'hypothèse de la démo; c'est cette absurdité formelle qui oblige à son tour à rejeter le contenu de cette hypothèse, et c'est cela qui nous oblige enfin à reconnaître la vérité de la proposition.
Mais tout cela reste à vérifier. En tout cas, ce qui est absolument nécessaire dans ce raisonnement, il me semble, c'est de partir vraiment d'une chose finie quelconque, un ALIQUID QUICQUID (comment Spinoza aurait-il pu être encore plus explicite là-dessus??), qui ne répond qu'au critères d'être chose finie et d'être dans un attribut de Dieu. L'hypothèse consiste alors à supposer que cette chose SUIVE de la nature absolue de l'attribut dans lequel elle se trouve (au lieu de se contenter de simplement être 'dedans'). Je ne vois pas comment arriver à la contradiction FORMELLE nécessaire pour démontrer la proposition I 21 si on part de l'idée que cela devrait tout de même être une chose qui en réalité suivrait effectivement de la nature absolue de l'attribut, comme le semble le défendre Miam. Mais je relirai tes (= Miam) précisions demain, quand j'aurai plus de temps d'y réfléchir un peu plus longuement.
A très bientôt,
Louisa