Démonstration de Ethique I 21 : des modes infinis

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Louisa
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Messagepar Louisa » 25 mars 2007, 07:15

Pourquoipas a écrit :D'où les interrogations :
— quel est le sens précis de l'expression "nature absolue d'un attribut" ?


juste une remarque en passant: constatant que je n'étais pas vraiment capable de répondre à la question, j'ai repris le De Deo dès le début en faisant attention à l'usage du 'absolutè/absolutus'. Je me demande si dans un certain sens le corollaire de la I 6 n'en donne pas en genre de définition:

Donc une substance, absolument, ne peut être produite par autre chose

Ergo substantia absolutè ab alio produci non potest.

Pourrait-on en déduire qu'il existe de multiples usages et donc significations de ce 'absolutè/absolutus' dans l'Ethique?

Si oui on aurait:
- 'absolutè infinitum' (déf VI): ce qui s'oppose à 'l'infinitum in suo genere'
- 'substantia/natura absoluta': qui ne peut être produit par autre chose.

Dans ce cas, la nature absolue de l'attribut deviendrait l'attribut en tant que sa nature ne peut être produite par autre chose (contrairement à la nature humaine, qui est produite par Dieu). Une nature absolue serait alors une nature donc l'essence enveloppe l'existence, c'est-à-dire (selon la déf I) une causa sui.

Il faudrait alors conclure que tout attribut est infini dans son genre, c'est-à-dire que sa nature n'est pas absolument infinie (seule la nature de Dieu l'est, car elle comprend tous les attributs), mais que sa nature elle-même n'en est pas moins absolue, dans le sens où elle n'est pas produit par autre chose.

(On pourrait dire que la I 6 ne parle que de substances, et pas d'attributs, mais justement, ici on n'a pas encore prouvé qu'il n'existe qu'une substance, et on sait déjà par I 5 que toute substance a une nature unique OU/sive des attributs uniques. Ce qui me donne l'impression qu'on peut ici aussi penser 'attribut' au lieu de substance. Mais cela est à vérifier, bien sûr.)

On a donc de toute façon que:
- l'INFINITE de l'attribut n'est pas absolue, mais seulement 'infinie dans son genre' (il existent donc d'autres infinités)
- la NATURE de l'attribut est absolue (elle n'existe que par soi, tout à fait indépendamment des autres attributs).

La NATURE de l'ATTRIBUT est donc INFINIE EN SON GENRE (car la I 21 parle de sa 'nature infinie'), MAIS 'elle ne peut se concevoir qu'existante' (comme le disait la déf de la cause de soi), donc 'ABSOLUE' en ce qui concerne son EXISTENCE.

Si tout ceci est correct (à vérifier), alors on comprend peut-être un peu mieux pourquoi le 'quae' de la I 21 démo devrait bel et bien référer à l'attribut pensée, et non pas à l'idée de Dieu: l'attribut pensée en tant qu'il ne constitue pas un mode fini, c'est l'attribut en tant que sa nature est infinie, mais cette même nature est toujours aussi absolue (eu regard son existence), c'est-à-dire doit exister nécessairement (car son essence enveloppe l'existence, voir cor I 5 tel que cité ci-dessus). Ce qui veut dire qu'à ce moment de la démo, on est certain qu'il existe un attribut Pensée ayant par définition une nature absolue, mais dont il serait possible qu'un mode fini x NE suit PAS nécessairement.

Cela, que donc il existerait un attribut de la nature duquel ne suivrait pas nécessairement le mode fini x, est FORMELLEMENT contraire à l'hypothèse de la démo: que ce mode fini x suivrait nécessairement de la nature absolue de ce même attribut. En d'autres termes, l'hypothèse de base de la démo mène logiquement à sa propre contradiction (si p, alors non p, p étant 'le mode fini x suit nécessairement de l'attribut Y'). Or si une hypothèse mène à la négation de soi-même, elle est absurde. Il est donc absurde de supposer que de la nature absolue d'un attribut suive quelque chose de fini. Il faut donc accepter l'idée inverse, c'est-à-dire que seules des choses infinies puissent suivre de la nature absolue d'un attribut.

Et c'est bien cet attribut en tant qu'existant nécessairement, c'est-à-dire en tant qu'il a une nature ABSOLUE, qui est la clef de la contradiction de l'hypothèse inverse (= qu'une chose finie pourrait suivre de sa nature). C'est cette existence nécessaire qui dans l'argumentation le rend inévitable de conclure à l'existence d'un attribut de la nature duquel ne suivrait pas la chose fini x, donc de conclure à la négation purement FORMELLE de l'hypothèse (= que cette même chose x suive de la nature absolue de ce même attribut Y).
En d'autres termes, ce n'est pas la conclusion de l'argument qui déjà en tant que tel nous démontre la proposition 21, la conclusion ne montre rien d'autre que l'absurdité formelle qui suit nécessairement de l'hypothèse de la démo; c'est cette absurdité formelle qui oblige à son tour à rejeter le contenu de cette hypothèse, et c'est cela qui nous oblige enfin à reconnaître la vérité de la proposition.

Mais tout cela reste à vérifier. En tout cas, ce qui est absolument nécessaire dans ce raisonnement, il me semble, c'est de partir vraiment d'une chose finie quelconque, un ALIQUID QUICQUID (comment Spinoza aurait-il pu être encore plus explicite là-dessus??), qui ne répond qu'au critères d'être chose finie et d'être dans un attribut de Dieu. L'hypothèse consiste alors à supposer que cette chose SUIVE de la nature absolue de l'attribut dans lequel elle se trouve (au lieu de se contenter de simplement être 'dedans'). Je ne vois pas comment arriver à la contradiction FORMELLE nécessaire pour démontrer la proposition I 21 si on part de l'idée que cela devrait tout de même être une chose qui en réalité suivrait effectivement de la nature absolue de l'attribut, comme le semble le défendre Miam. Mais je relirai tes (= Miam) précisions demain, quand j'aurai plus de temps d'y réfléchir un peu plus longuement.
A très bientôt,
Louisa

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Messagepar Louisa » 25 mars 2007, 08:00

PS: en ce qui concerne la FORME de la démonstration, je suppose que l'on est bien d'accord pour dire qu'il s'agit d'une démo par reductio ad absurdum?

Si oui, on doit donc pouvoir retrouver la structure formelle suivante :

- proposition à démontrer: tout ce qui suit de Y, est non X
- hypothèse : X suit de Y
- conclusion du développement déductif de l'hypothèse: il existe nécessairement un Y duquel X ne suit pas
- cette conclusion réduit l'hypothèse elle-même à une pure absurdité
- dès lors, le contraire de l'hypothèse doit être vrai: X ne peut pas suivre de Y, autrement dit tout ce qui suit de Y est non x.

X étant ici : une chose finie quelconque (idée de chat, idée de Dieu, idée de poisson rouge, ... pour l'attribut Pensée; chat, Dieu, poisson rouge etc pour l'attribut Etendue)
Y étant ici : la nature absolue d'un attribut

Donc mon problème avec l'interprétation de Faun et de Miam, c'est que vous semblez déjà incorporer une partie de ce qui est à démontrer dans la démo elle-même (que de la nature absolue d'un attribut ne peuvent suivre que des choses infinies). En d'autres termes, il me semble que pour vous, quand Spinoza dit 'ce qui est contre l'hypothèse', vous prenez ici pour 'hypothèse' la proposition même (que de la nature absolue ne peut suivre qu'une chose infini), mais alors on n'aurait pas une démo par réduction à l'absurde, mais tout simplement une démo qui commence par prendre ce qui est à démontrer comme hypothèse, pour ensuite trouver quelque chose qui va à l'encontre de cette hypothèse. Mais justement, dans un tel type de démonstrations, on arrive à la conclusion INVERSE de cette hypothèse. Si donc vous prenez comme hypothèse la proposition elle-même, la démo nous prouverait que cette prop soit fausse, ce qui est bien sûr à exclure. C'est pourquoi le mot 'hypothèse' là ne peut PAS référer à la proposition elle-même, à mon sens (+ voir l'argument du quicquid que je viens de rappeler dans mon message précédent).
Enfin mon problème avec l'interprétation de Hokousai (que je ne comprends qu'à moitié), c'est que vous semblez compter sur le contenu de X (l'idée de DIEU comme ce qui ne peut pas être borné par quoi que ce soit) pour pouvoir arriver à la conclusion, ce qui contredit l'idée qu'il s'agirait ici d'une preuve par réduction à l'absurde, qui tient toute sa force uniquement de sa FORME, sans référence au contenu spécifique de X.
Bien cordialement à vous tous,
Louisa

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Messagepar Faun » 25 mars 2007, 12:49

Louisa a écrit :
Donc mon problème avec l'interprétation de Faun et de Miam, c'est que vous semblez déjà incorporer une partie de ce qui est à démontrer dans la démo elle-même (que de la nature absolue d'un attribut ne peuvent suivre que des choses infinies). En d'autres termes, il me semble que pour vous, quand Spinoza dit 'ce qui est contre l'hypothèse', vous prenez ici pour 'hypothèse' la proposition même (que de la nature absolue ne peut suivre qu'une chose infini), [...]


L'hypothèse n'est pas que de la nature absolue d'un attribut ne peut suivre qu'une chose infinie, l'hypothèse consiste à prendre pour exemple une chose qui suive de la nature absolue d'un attribut de Dieu, comme l'est l'idée de Dieu dans la pensée.

"Ainsi donc, si l'idée de Dieu dans l'attribut de la pensée, ou toute autre chose qu'on voudra supposer dans un attribut quelconque de Dieu (car la démonstration est universelle), découle nécessairement de la nature absolue de cet attribut, elle doit être nécessairement infinie. Voilà pour la première partie de la proposition."

"Or, cela est contre la supposition, puisqu'il a été admis que l'idée de Dieu suivait nécessairement de la nature de la pensée. Donc l'idée de Dieu dans la pensée, et toute autre chose quelconque qui suit nécessairement de la nature absolue d'un attribut de Dieu, ne peut avoir une durée déterminée., et doit, par son rapport à cet attribut, posséder l'éternité. C'est la seconde partie de la démonstration. Notez que notre principe est également vrai de toute chose quelconque qui, dans un attribut de Dieu, suit nécessairement de la nature absolue de Dieu."

hypothèse : l'idée de Dieu suit nécessairement de la nature absolue d'un attribut de Dieu.

question : cette chose est elle limitée et temporaire, ou bien infinie et éternelle ?

En tous cas il me semble très clair que ce dont Spinoza veut parler dans cette proposition, c'est seulement de l'idée de Dieu, afin de démontrer que cette idée existe nécessairement, d'où la référence à la proposition 11, et qu'elle possède les mêmes caractéristiques que Dieu lui-même, à savoir l'éternité et l'infinité.

Or cette idée est non seulement dans l'attribut pensée, c'est à dire dans l'esprit de Dieu, mais également dans notre esprit, en tant que celui-ci est une partie de l'esprit de Dieu.

Par suite cette idée est la notion commune fondamentale, qui est la même dans tous les esprits, et elle est donc ce qui permet de fonder la connaissance rationelle, c'est à dire la science.

Cette idée sera dans la suite de l'Ethique comme le point fixe auquel se rattachent toutes les idées adéquates, et celle qui nous permet d'ordonner correctement toutes nos idées.

Enfin, d'elle découle l'amour intellectuel de Dieu, c'est à dire le seul amour qui soit éternel et qui puisse être toujours plus grand, et qui nous permet, en liant toutes nos idées à elle, d'être affecté par toutes les idées particulières de l'amour divin, qui n'est rien d'autre que la béatitude.

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Messagepar hokousai » 25 mars 2007, 14:35

chère Louisa


Une idée de chose finie pourrait borner l’idée de Dieu .On aurait une idée de chose finie et l’idée de Dieu en s’y appuyant pourrait se concevoir comme finie .
Mais on est en présence d’ un attribut dont la nature est absolue ( la pensée )
C’est la pensée infinie qui doit borner
Ce qui est au delà des bornes ne constitue pas l’idée finie de Dieu (dans l hypothèse ). On ne peut confondre

Spinoza borne ( dans cet hypothèse ) la pensée de l’idée de Dieu par la pensée de ce qui ne constitue pas l’idée de Dieu (.bornée par la pensée en elle même mais en tant qu’elle ne constitue pas )
De cette pensée qui ne constitue pas l’idée de Dieu (si cette pensée existe) alors ne peut suivre l’idée de Dieu nécessairement .Comment voulez- vous que de ce qui ne constitue pas suivent ce qui est constitué ?

(dans l’hypothèse )Il y aurait une pensée absolue qui ne constitue pas l’idée de Dieu , pas nécessairement. Après tout cette idée de Dieu pourrait ne pas avoir été et n’être constitué que par la pensée finie de manière contingente . .par accident , de temps en temps, mais pas nécessairement .. .


Or l’idée de Dieu est nécessairement , elle est .(par prop 11 si on refuse prop 11 tout s’ écroule )
Donc l hypothèse est fausse car il y a contradiction . C e ne peut être le cas de figure de cet hypothèse qui peut être retenue .

L’idée de Dieu ne s’apparaît pas comme finie en raison de l’ absolu de l’attribut car dans ce cas c’est la pensée infinie qui devrait la faire apparaître à elle même or cette pensée est celle qui ne la constitue pas , donc encore moins nécessairement (si elle la constituait comme fini alors il n’y aurait pas de bornes et la pense finie ne s’apparaîtrait pas comme finie.. contradiction ! )
Si l’idée de Dieu est nécessaire . C’est la pensée infini qui la constitue mais de la pensée infinie suit quelque chose d’infinie( et pas de fini )


hokousai

cette proposition 1/21 est particulierement difficile . Je tente une explication .( c'est une tentative ).

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Messagepar Miam » 25 mars 2007, 16:29

1. Je demande à Louisa ne ne pas me faire dire ce que je n'ai pas dit et que j'ai encore précisé dans mon dernier message et le répète au ^point 4 ci-dessous..
2. Pour connaître la signification de "suivre de la nature absolue d'un attribut" et la distinguer de "ce qui suit de la nature d'un attribut" tout court, il suffit de se référer à ces locutions quant aux modes infinis (par ex. I 21, 22, 23 et ss) et finis (dans la partie II).
3. La référence à I 11 sert à montrer que la pensée (l'attribut pensée) est infinie. Pas l'idée de Dieu comme le croit Hokusaï et sa vulgate scolastique. Sans quoi Spinoza aurait fait une pétition de principe.
4. Aussi, je répète que les deux parties font une pétition de principe, comme je l'ai déjà expliqué plus haut. Car 1° l'idée de Dieu n'est qu'un exemple comme l'a compris Pourquoi pas. Mais 2° on ne peut pas prendre n'importe quel exemple. Seulement ce qui est susceptible de suivre de la nature absolue de l'attribut, à savoir l'âme, le corps, la surface etc... mais pas un chat, à moins que partout où il y a étendue ou pensée l'on voit un chat.
5. Sans cela vous ne vous en sortirez pas.

Miam

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Messagepar Louisa » 25 mars 2007, 17:23

Miam a écrit :Je n'ai pas dit qu'il fallait prendre un mode infini comme exemple, sans quoi il s'agirait d'une pétition de principe. J'ai dit qu'il fallait prendre, comme le signifie le texte, une chose qui semble suivre de la nature "absolue" de l'attribut, c'est à dire qui est partout là et quand l'attribut est. Ce n'est pasla même chose. Car il y a du mental partout là et quand il y a pensée. Pourtant le mental n'est pas un mode infini. La question est de savoir si la démonstration tient si l'on prend un mode qui suit de la nature "absolue" de l'attribut - comme pourrait l'être le mental, mais aussi le corps en général, la ligne, la surface ou le point quant à l'étendue : c'est à dire si au terme de cette démonstration il est nécessaire que le mental (ou le corps en général, la ligne, la surface le point) soit considéré comme infini et éternel. Dans cette mesure Faun et Pourquoi pas ont chacun raison et chacun tort sur des parties différentes de la question. Le premier parce qu'il postule un mode infini et le second parce qu'il postule un mode qui ne suit pas de la nature absolue et ne peut donc qu'être fini. Alors que c'est justement la question. De mon point de vue ce sont là deux pétitions de principe opposés. Voilà mon point de vue.


je ne vois pas vraiment où la démo dit qu'il faut prendre une chose qui SEMBLE suivre de la nature absolue d'un attribut. Spinoza dit d'abord 'Concipe, si fieri potest aliquid in aliquo Dei attributo ex ipsius absoluta natura sequi' - c'est-à-dire que le SI porte sur le SEQUI - et ensuite que cette même chose soit finie, 'finitum sit'. Le conjonctif 'sit' exprime bien que c'est là-dessus que le doute porte: SI on postule que x suit de la nature absolue d'un attribut, ALORS est-il possible que cette chose SOIT finie? En d'autres termes, s'il fallait ajouter un 'semble' au texte, je l'utiliserais là où l'on a déjà l'expression d'incertitude, c'est-à-dire à l'endroit du 'sit', et non pas à l'endroit du 'sequi'.

Ensuite je ne vois pas comment le mental ou la ligne en général 'pourraient' suivre de la nature absolue de leur attribut. Ou en tout cas, je ne vois pas pourquoi il y aurait plus de raisons de supposer que ces modes (car on sait qu'à part les attributs et les modes, il n'y a rien) suivraient de la nature absolue de leur attribut que le mode 'chat'. On a beau prendre 'le mental' en général, chez Spinoza ces notions universelles sont purement imaginaires (en réalité, il n'y a que ce mental-ci, ce mental-là, etc), et ne peuvent donc pas figurer à titre d'exemple d'une chose qui existe.

Enfin, si je t'ai bien compris pour toi la démonstration porte donc sur la question de savoir si, QUAND on prend un mode qui POURRAIT suivre de la nature absolue de son attribut, ALORS ce mode doit-il être nécessairement être infini. Mais là j'ai trois problèmes:
1) ce serait quoi alors l'essentiel de l'argumentation? Car forcément, vu l'énoncé de la proposition, la réponse à cette question doit être 'oui'. Mais je ne vois pas trop comment interpréter l'argumentation d'une telle façon que l'on obtienne ce 'oui'.
2) même si la démonstration montrait vraiment que quand un mode pourrait suivre de la nature absolue de son attribut, alors ce mode doit être infini, elle serait insuffisant pour fonder la proposition, qui ne dit pas que quand un mode PEUT suivre de la nature absolue de son attribut, alors il doit être infini, mais il dit que TOUT ce qui suit de la nature absolue de son attribut, doit être infini. Autrement dit, si la démonstration montre que le mode x, dont on a de bonnes raisons de supposer qu'il suive peut-être de la nature absolue de son attribut, soit nécessairement infini, elle se base sur une supposition non fondée, car indiquant déjà elle-même que dès lors ce même mode pourrait tout aussi bien NE PAS suivre de la nature absolue de son attribut. Or s'il peut suivre de cette nature mais peut aussi bien ne pas suivre de cette nature, j'ai l'impression qu'alors la démo montre seulement que n'importe quoi puisse être infini, que cela suit de la nature absolue d'un attribut ou non. Il suffirait que cette chose pourrait éventuellement suivre de la nature absolue de son attribut. Et alors même une chose finie pourrait être dite infinie, sur base d'une telle démo. Tandis que la proposition exige bien que TOUT ce qui suit de la nature absolue de son attribut DOIT être infinie, et donc ne peut PAS être finie.
Inversement, si on prend un exemple qui POURRAIT suivre de cette nature absolue, alors bon, dans le meilleur des cas on a juste montré que tout ce qui POURRAIT peut-être suivre de la nature absolue de son attribut, doit être infini, mais pas du tout que tout ce qui suit de facto de cette nature, doit être infini.
3) est-ce que pour toi il s'agit également d'une démo par reduction ad absurdum, et si oui, comment fonctionne-t-elle selon toi?

Miam a écrit :Dans cette mesure Faun et Pourquoi pas ont chacun raison et chacun tort sur des parties différentes de la question. Le premier parce qu'il postule un mode infini et le second parce qu'il postule un mode qui ne suit pas de la nature absolue et ne peut donc qu'être fini. Alors que c'est justement la question.


si tu dis que Pourquoipas postule un mode qui ne suit pas de la nature absolue 'et ne peut DONC' qu'être fini, je ne vois pas très bien pourquoi interpréter la version de Pourquoipas comme ça. Nous qui avons l'Ethique toute entière, nous savons que le mode fini ne suit pas de la nature absolue, mais en I 21 on ne le sait effectivement pas encore. Or le chat de Pourquoipas n'est pas pris comme exemple PARCE QUE il ne suit PAS de la nature absolue, car 'suivre de la nature absolue' est précisément la prémisse du raisonnement: prenons quelque chose de fini, dont on va un instant supposer qu'elle suive de la nature absolue de son attribut. Evidemment, on ne peut pas, à ce stade-ci, d'abord se demander 'mais quelles sont les choses qui suivent de la nature absolue de leur attribut', pour ensuite sélectionner dans cet ensemble seules ces choses qui sont finies, car avant la I 21, on n'a aucune idée de ce qui suit de la nature absolue d'un attribut. C'est bien pourquoi il me semble que l'on ne peut pas parier sur l'idée que peut-être le mental, ou la ligne en général etc suivent bien de la nature absolue. L'hypothèse qui ouvre la démo est donc double: prenons une chose qui 1) est par hypothèse supposée suivre de la nature absolue de son attribut, même si nous ne savons pas du tout ce que cela veut dire, et qui 2) est finie (là, nous savons ce que cela veut dire, car la 2e déf nous l'a expliqué très clairement).
Pour moi, la question principale de la démo est: SI on ne part que de ces deux hypothèses-là, est-ce que l'on puisse arriver à une contradiction FORMELLE, c'est-à-dire est-ce que, sans savoir ce que veut dire 'suivre de la nature absolue d'un attribut', on peut développer les conséquences de ces deux hypothèses telles qu'à un certain moment, on a prouvé exactement l'inverse d'une de ces deux hypothèses?
La réponse est oui: il suffit de savoir que la nature absolue d'un attribut est infinie dans son genre et qu'elle a l'existence 'absolutè', c'est-à-dire qu'elle existe nécessairement, pour arriver à cette contradiction formelle (la chose x qu'on a supposée être fini est en même temps constituée par la nature absolue de l'attribut y ET ne pas constituée par la nature absolue de l'attribut y). On a donc p et non p. Dès lors, les deux hypothèses qui ouvrent la démo ne peuvent pas en même temps être vrai. Ce qui nous apprend quelque chose sur ce que cela veut dire 'suivre de la nature absolue d'un attribut': désormais il est prouvé qu'alors cette chose-là ne peut pas être finie.
Mais bon, je ne sais pas si je m'explique plus ou moins clairement ... ?
A très bientôt,
Louisa

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Messagepar Louisa » 25 mars 2007, 17:45

Miam a écrit :. Je demande à Louisa ne ne pas me faire dire ce que je n'ai pas dit et que j'ai encore précisé dans mon dernier message et le répète au ^point 4 ci-dessous..


oui oui, tu as tout à fait raison, je t'ai attribué deux fois l'idée que l'exemple en question devrait être une chose infinie, tandis qu'entre-temps j'ai bien compris que ce n'est pas ce que tu voulais dire. Mais c'est bien pourquoi j'ai voulu souligner que je n'avais pas encore pu lire ton message à l'aise, ce matin, et que je voulais y revenir plus lentement cet après-midi.

Toujours est-il que pour toi, l'exemple en question doit - si maintenant je t'ai bien compris - non pas être infinie (c'est en tout cas ce que tu dis explicitement, il me semble), mais néanmoins déjà de facto suivre de la nature absolue de l'attribut, exigence qu'en plus tu sembles déjà traduire dans le sens de 'pourrait être infini'. Or pour moi, c'est précisément cela qu'il s'agit de démontrer (que l'on puisse identifier 'suit de la nature absolue' à 'soit infini'). Tu vas peut-être me dire qu'en nuançant le 'soit infini' par le 'pourrait être infini', tu contournes ce problème, mais donc comme je viens de le dire, je ne vois plus comment construire l'argumentation de la démo quand l'exemple porte non pas sur une chose clairement FINIE, mais qui POURRAIT déjà être infinie. Et je ne vois pas non plus d'où tu déduis ce 'pourrait être infini'.
Donc voilà où j'en suis pour l'instant ...
à très bientôt,
Louisa

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Messagepar Pourquoipas » 25 mars 2007, 18:30

Miam a écrit :(...)
4. Aussi, je répète que les deux parties font une pétition de principe, comme je l'ai déjà expliqué plus haut.

Non, en ce qui me concerne.

Miam a écrit :(...)
Mais 2° on ne peut pas prendre n'importe quel exemple.

Si.

Miam a écrit :Seulement ce qui est susceptible de suivre de la nature absolue de l'attribut, à savoir l'âme, le corps, la surface etc... mais pas un chat, à moins que partout où il y a étendue ou pensée l'on voit un chat. (...)

Ça, c'est ta pétition de principe.

Louisa et Hokusaï, réponse jeudi au plus tard.
Modifié en dernier par Pourquoipas le 08 juin 2011, 10:39, modifié 2 fois.

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Messagepar Miam » 25 mars 2007, 20:47

Enlève le semble et ça revient au même. Il faut que ce mode suive de la nature ABSOLUE de l'attribut. Que là où l'on rencontre l'attribut, on rencontre ce mode. Mettons le mental quant à la pensée : et bien c'est qu'il y a un mental infini, à savoir l'entendement infini dans lequel les mentaux finis sont contenus comme autant de parties. Idem pour le corps. Pas pour le chat à moins d'être pèté. Pourquoi pas croit-il Spinoza assez con pour que sa démonstration de I 21 ne tienne à ce point pas la route ?

Maintenant, pour ce que j'en dis... Je m'en fous. Vous pouvez aussi bien vous disputer sur du vide et griller vos neurones pour rien jusqu'à voir des chats partout.

Pourtant je m'y connaîs en chats. J'habite dans une cour et je dois les mettre dehors tous les soirs pour les empêcher de baiser sous mon lit (car c'est la saison).

Miam

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Messagepar Louisa » 26 mars 2007, 04:14

Miam a écrit :2. Pour connaître la signification de "suivre de la nature absolue d'un attribut" et la distinguer de "ce qui suit de la nature d'un attribut" tout court, il suffit de se référer à ces locutions quant aux modes infinis (par ex. I 21, 22, 23 et ss) et finis (dans la partie II).


ok, je veux bien, mais est-ce que tu crois que l'on peut utiliser ces significations, qu'il ne nous donne que par après, déjà dans la démo de la I 21? Ne faut-il pas supposer que jusque-là, on ne sait pas trop ce que cela veut dire, 'suivre de la nature absolue d'un attribut'?

Miam a écrit :3. La référence à I 11 sert à montrer que la pensée (l'attribut pensée) est infinie.


oui, ça je crois aussi (voir mon premier message dans ce fil)

Miam a écrit :4. Aussi, je répète que les deux parties font une pétition de principe, comme je l'ai déjà expliqué plus haut. Car 1° l'idée de Dieu n'est qu'un exemple comme l'a compris Pourquoi pas. Mais 2° on ne peut pas prendre n'importe quel exemple. Seulement ce qui est susceptible de suivre de la nature absolue de l'attribut, à savoir l'âme, le corps, la surface etc... mais pas un chat, à moins que partout où il y a étendue ou pensée l'on voit un chat.


Je ne vois pas comment tu peux dire que le corps est susceptible de suivre de la nature absolue de l'attribut. Le corps est tout de même une chose finie, non? Ce serait quoi, la définition de 'être SUSCEPTIBLE de suivre de la nature absolue de l'attribut?
Tu sembles également définir 'suit de la nature absolue de l'attribut' par 'est partout où il y a cet attribut'. Mais là j'ai le même problème: si tu dis que le corps (donc une chose infinie) est susceptible de suivre de la nature absolue de l'attribut, comment concevoir l'idée que du coup, partout à il y a étendue, ce corps devrait être? Et où est-ce que tu as trouvé cette définition chez Spinoza? Si c'est après la I 21, comment l'utiliser déjà en cet endroit?

Miam a écrit :5. Sans cela vous ne vous en sortirez pas.


:-)
disons que j'ai l'impression que pour la structure générale du raisonnement, je crois avoir trouvé un moyen pour m'en sortir, c'est le chemin déductif que j'ai explicité dans mes deux messages précédents. Ce que je ne vois pas, c'est comme tu conçois cette structure une fois que tu pars de ton point de vue. D'abord de façon purement formelle: est-ce que tu y vois aussi une réduction à l'absurde, ou non? Et si oui: comment fonctionne-t-elle chez toi, c'est-à-dire quel contenu donner aux différentes étapes dans ce cas-ci, et comment les articuler entre elles?

Miam a écrit :Enlève le semble et ça revient au même. Il faut que ce mode suive de la nature ABSOLUE de l'attribut.


ça oui, mais ce que je prétends, c'est que jusque là, Spinoza ne nous a pas encore expliqué ce que veut dire 'suivre de la nature absolue de l'attribut', et qu'en plus, que toute la démo se tient SANS savoir ce que cela veut dire, car l'hypothèse est réfuté de manière purement formelle.

Miam a écrit :Que là où l'on rencontre l'attribut, on rencontre ce mode.


une fois qu'on accepte la prop I 21, je crois qu'on peut effectivement dire cela (je n'y avais pas encore pensé, mais j'ai l'impression que concevoir la I 21 comme impliquant cela me semble en effet clarifier les choses. Le problème pour moi est seulement qu'apparemment toi tu supposes cela déjà donnée dans la démo même, tandis à mon sens on ne peut déduire cela que de la proposition. C'est donc précisément ce qui est à démontrer, il me semble, non ... ?

Miam a écrit :Mettons le mental quant à la pensée : et bien c'est qu'il y a un mental infini, à savoir l'entendement infini dans lequel les mentaux finis sont contenus comme autant de parties. Idem pour le corps. Pas pour le chat à moins d'être pèté.


oui, je crois que je commence à mieux comprendre vers où tu veux aller. Mais dans ce cas, quel serait encore la différence entre le mode infini et l'attribut? Que le mode infini est divisible et l'attribut non?

Puis dans ce cas comment est-ce que tu expliques que dans le début de la démo, il suppose bel et bien une chose FINIE, en tant qu'exemple, ce qui exclut par définition l'entendement ou un mental INFINI. Ce que je ne comprends pas, c'est que la démo commence par dire qu'il faut prendre en effet une chose qui suit de la nature absolue de l'attribut, mais il dit aussi qu'il faut la supposer finie. Comment peux-tu prendre comme exemple de cela un mode dont tu sais qu'il est infini (l'entendement humain)???

Miam a écrit :Pourtant je m'y connaîs en chats. J'habite dans une cour et je dois les mettre dehors tous les soirs pour les empêcher de baiser sous mon lit (car c'est la saison).


Pour citer Deleuze ... ah les monstres!! :twisted:
Néanmoins ... bonne nuit,
Louisa


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