Problème insistant insoluble sur la modalité

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
Règles du forum
Cette partie du forum traite d''ontologie c'est-à-dire des questions fondamentales sur la nature de l'être ou tout ce qui existe. Si votre question ou remarque porte sur un autre sujet merci de poster dans le bon forum. Merci aussi de traiter une question à la fois et d'éviter les digressions.
Avatar du membre
Louisa
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1725
Enregistré le : 09 mai 2005, 00:00

Messagepar Louisa » 19 avr. 2007, 17:30

Ethique I, prop. 33, scolie II:

"Mais je ne doute pas qu'il s'en trouve beaucoup pour rejeter cette position comme absurde, et refuser de s'appliquer à l'examiner; et ce, pour la seule raison qu'ils ont pris l'habitude d'attribuer à Dieu une autre liberté, bien différente de celle que nous avond dite (Défin. 7); à savoir une volonté absolue. Mais je ne doute pas non plus, s'ils voulaient bien méditer la chose, et examiner correctement en eux-mêmes la série de nos démonstrations, qu'ils ne finissent par rejeter entièrement une telle liberté, que présentement ils attribuent à Dieu, non seulement comme puérile, mais comme un grand obstacle à la science."

SI la politique devait se définir nécessairement par l'exercice d'une volonté absolue, volonté libre, volonté non causée elle-même, ALORS il devient absurde de s'intéresser à la politique dès que l'on se trouve dans un système déterministe, car dans ce système une telle liberté n'est pas pensable.
Or, la raison pour laquelle Spinoza s'intéresse tout de même à la politique, c'est donc précisément parce que pour lui, la politique n'a rien à voir avec l'exercice d'une volonté absolue, mais avec l'augmentation de la puissance de la multitude. Et c'est bien pourquoi il envisage donc une toute autre liberté.
Comme tout est déterminé, tout effet doit avoir une cause. Cela implique seulement que si un jour nous voulons obtenir comme effet naturel une multitude plus puissante, nous allons devoir en être la cause. Une théorie politique fait partie de ces causes-là. Qu'aujourd'hui nous ne savons pas si nous y réussirons ou non, cela traduit précisément le fait qu'aujourd'hui, obtenir une multitude plus puissante est tout à fait possible. Et en tant que conatus, nous sommes déterminés à essayer tout ce qui est possible et qui nous semble être bon. Nous sommes donc déterminé à faire de la politique. C'est bien le conatus tel qu'il est défini dans l'Ethique qui rend l'écriture d'un traité politique logiquement NECESSAIRE.
Modifié en dernier par Louisa le 19 avr. 2007, 19:21, modifié 1 fois.

Avatar du membre
Louisa
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1725
Enregistré le : 09 mai 2005, 00:00

Messagepar Louisa » 19 avr. 2007, 19:20

Duluoz a écrit :Ainsi, lorsque tu dis qu'au niveau des modes il y a du possible (quand bien même imaginaire) alors que la substance est pure nécessité, je ne vois pas ce qui t'autorises à faire de cette distinction autre chose qu'une pure distinction de raison (je renvois ici aux sens des distinctions spinozistes) alors que tu as l'air de considérer cette distinction comme réelle.


à mon avis, ce n'est pas parce qu'au niveau des modes il y a du possible, que ce possible soit imaginaire. On peut être ignorant et le savoir. Dans ce cas-là, on a une idée adéquate de son état de connaissance, donc on n'est pas dans l'imagination. Mais cela donc aussi longtemps que l'on respecte le sens spinoziste des mots 'possible' et 'imaginaire'.

Si en revanche on veut les comprendre dans leur sens commun, alors effectivement toute croyance à quelque chose qui échapperait au déterminisme est illusoire dans le sens de faux. Mais justement, dans ce cas le possible (donc celui du sens commun) n'est PAS un être de raison, mais un être d'imagination. Voir 1.APP avant-dernier paragraphe:

"Nous voyons donc que toutes les notions dont use d'ordinaire le vulgaire pour expliquer la nature ne sont que des manières d'imaginer, et n'indiquent la nature d'aucune chose, mais seulement l'état de l'imagination; et, parce qu'elles ont des noms, comme s'il s'agissait d'étant existants hors de l'imagination, je les appelle des étant non de raison, mais d'imagination (...)."

Remarque qu'ici aussi, Spinoza indique clairement que ce qui est imaginaire n'est pas du tout 'rien' ou 'vide', comme tu le disais. L'imaginaire a bel et bien une existence réelle. Mais c'est une existence dans l'imagination d'un homme, et pas en dehors de celle-ci.
louisa

Avatar du membre
Faun
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 421
Enregistré le : 25 oct. 2004, 00:00

Messagepar Faun » 22 avr. 2007, 23:32

Il ne faut pas confondre la nécessité et la contrainte chez Spinoza, La liberté dont Spinoza dit qu'elle est une illusion de l'imagination est celle qui fait qu'on ignore la cause de telle ou telle action que nous accomplissons. Or Spinoza est très clair sur ce point : tout ce qui suit de la puissance de penser correcte, c'est à dire de l'effort de l'intellect d'un individu, exprime sa vertu et sa liberté, et naît d'une cause interne et non une contrainte extérieure.
Je pense à ce passage du début du traité politique dans lequel Spinoza affirme que la puissance de tous les individus de la Nature n'est autre que la puissance même de Dieu, dont la liberté est absolue.
Par suite, il me semble que le possible est lui aussi absolu pour Spinoza, car si la Nature est absolument libre, tout devient possible, tout est créable ou destructible, et la politique consiste seulement à choisir ce que nous désirons, ce que nous voulons, pour tous, non par suite d'une passion confuse, mais par suite d'un travail de la raison, c'est à dire d'une discussion intérieure, qui doit déboucher sur une discussion proprement politique, dans l'assemblée de tous les citoyens, qui est, pour Spinoza, le meilleur gouvernement, c'est à dire la démocratie.
Bien sûr, si tout est possible, tous les degrés entre la démocratie absolue et la tyrannie absolue sont aussi possibles, comme l'histoire humaine le montre abondamment. Mais ce qu'il faut retenir, c'est que la liberté n'est pas une donnée innée de l'existence humaine, comme le croient les tenants du libre arbitre, mais le résultat d'un effort, individuel, mais également collectif, politique.


Retourner vers « L'ontologie spinoziste »

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré et 41 invités