Espèces

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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sescho
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Messagepar sescho » 04 nov. 2007, 00:22

Juste quelques remarques :

- D'abord s'agissant des "notions communes", tout ce que j'ai pu trouver, (sur Aristote, Euclide, Epicure, les stoïciens, ...) les considère synonyme d'"axiomes", sous la conditions que ceux-ci sont universellement admis, pour tout et par tout le monde (autrement dit, pour reprendre une discussion précédente, des axiomes effectivement évidents pour tout le monde.) Ce sont elles les bases générales et généralement admises non démontrées du raisonnement.

S'agissant de Spinoza, E2P38 et suivantes sont trop générales pour trancher sur ce point, mais les deux endroits où à ma connaissance il appose "notion commune" à quelque chose d'autre de connu, c'est "axiome."

Spinoza, Lettre 04 à Oldenburg, a écrit :... Votre troisième objection est que mes axiomes ne doivent pas être mis au nombre des notions communes. ...

Spinoza, Ethique, a écrit :E1P8 : ... Si les hommes étaient attentifs à la nature de la substance, ils ne douteraient en aucune façon de la vérité de la Propos. 7 ; bien plus, elle serait pour tous un axiome, et on la compterait parmi les notions communes de la raison. ...


Chez Descartes, c'est aussi essentiellement le cas, et d'ailleurs repris par L. Meyer en Préface des Principes de la philosophie de Descartes :

http://www.spinozaetnous.org/wiki/Notions_communes

Toutefois, Descartes a utilisé le terme pour des "entités mentales évidentes" (dont au premier chef Dieu) :

Descartes, Principes, a écrit :Part I, 13 : ... Elle rencontre aussi quelques notions communes dont elle compose des démonstrations qui la persuadent si absolument qu’elle ne saurait douter de leur vérité pendant qu’elle s’y applique. Par exemple, elle a en soi les idées des nombres et des figures ; elle a aussi entre ses communes notions que, “ si on ajoute des quantités égales à d’autres quantités égales, les touts seront égaux ”, et beaucoup d’autres aussi évidentes que celle-ci, par lesquelles il est aisé de démontrer que les trois angles d’un triangle sont égaux à deux droits, etc. ...


Une analyse globale assez intéressante est donnée dans :

http://www.yesselman.com/elwesEbk.htm

Un extrait pour les anglicistes :

Letter 4:284 - Spinoza to Oldenburg.

L4[4]—Common Notions.
From Abraham Wolf, "The Correspondence of Spinoza", ISDN: 0714615730; Page 377. (Out of print.)
P. 82, l. 21. "Common Notions" (Notiones communes) is here used as the equivalent of what Oldenburg (Letter 3:279) called "indemonstrable Principles," that is, ultimate assumptions or axioms. It was the Stoics who first brought into vogue the idea of common notions (communes notiones). These were held to be ideas implanted in all human beings by the Universal Spirit, and therefore true. The argument from consensus gentium was based on this thought. In the seventeenth century the term was extensively used by Herbert of Cherbury (1585-1648) and by Descartes, among others. In his De Veritate, Herbert of Cherbury elaborated a theory of knowledge in which "common notions" (notitiae communes) occupied an important place as ideas which were innate, indisputable, and of divine origin. Descartes at first applied the term to such ultimate ideas as those of Existence, Duration, Equality (hence also the names primae notiones or notions primitives), but eventually identified them with "axioms" or "eternal truths" (such, e.g., as "things equal to the same thing are equal to one another "), on the ground presumably that they are conveyed to us along with "common notions" in the other sense of the term, namely, ultimate ideas like Equality, etc. Spinoza eventually used the term "adequate ideas" instead of the term "common notions," which he also employed sometimes. It is worth noting that Plato seems to have applied the term "adequate" to an assumption or postulate, which was admitted by, or common to, all the parties to a discussion. So that Spinoza had to some extent an historical precedent for substituting "adequate" for "common" notions.


Donc "notions communes" recouvre les axiomes ou propositions évidents pour tout le monde. Et, éventuellement (mais c'est assez logique dans une démarche logique...), tous les mots non définis et clairs pour tout le monde (car encore une fois, comme une démonstration requiert des prémisses, une définition - et un axiome - requiert des mots de sens déjà perçu.) Un exercice dans ce cadre est de voir quels sont ces mots dans l'Ethique. Ce n'est pas facile, car Spinoza reprend par la suite des définitions de mots apparaissant eux-mêmes dans les premières définitions (essence, par exemple.) Mais on trouve "chose" dans E1D2, alors que Spinoza dit dans E2P40S1 que c'est un transcendantal... (... transcendantaux, comme être [étant], chose, quelque chose.)

Dans ces conditions, la discussion pour savoir si une notion générale serait une notion commune me semble passablement surfaite. Si elle est communément admise comme symbolisant une propriété commune à certains étants clairement identifiés, je ne vois pas de problème (celui-ci ne survient que si l'on prend cet auxiliaire de Raison pour un étant.)

- S'agissant des Pensées Métaphysiques je ne vois rien là qui me gêne : Spinoza dit que les êtres de Raison sont des auxiliaires permettant de mieux manipuler des choses déjà connues ; je ne dis pas autre chose...

- S'agissant de Platon, j'aimerais bien voir des extraits, car je dis qu'il n'y a pas de différence entre les Formes platoniciennes et les Essences spinoziennes (si ce n'est que dans les premières se trouvent au premier chef les valeurs comme le Vrai, le Bien, etc. et que ce sont chez Spinoza plutôt des Etres de Raison..., lesquels n'en reflètent pas moins une réalité.)

En passant, Béatitude est-elle - si tant est que Spinoza y mette autre chose que les axiomes universellement évidents - une notion commune ?

Amicalement

Serge
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Messagepar Faun » 04 nov. 2007, 07:39

Bonjour Sescho,

Sur les notions communes, je vous conseille la lecture d'un ouvrage de Deleuze : "Spinoza philosophie pratique" aux éditions de minuit. Dans ce livre il explique :

"la notion commune est la représentation d'une composition entre deux ou plusieurs corps, et d'une unité de cette composition. Son sens est biologique plus que mathématique ; elle exprime les rapports de convenance et de composition des corps existants."

Ainsi la notion de meute peut faire l'objet d'une notion commune, la meute est ce qu'il y a de commun entre plusieurs animaux composants leurs relations entre eux.

Concernant la béatitude, elle est la notion commune de la relation qui unit l'esprit singulier à l'esprit de Dieu, c'est à dire à l'attribut pensant, relation d'amour éternel.

Sur les essences il explique, également dans ce livre :

"Les essences ne sont ni des possibilités logiques ni des structures géométriques ; ce sont des parties de puissance, c'est à dire des degrés d'intensité physiques."

Les essences sont donc toujours des essences singulières, jamais générales ou abstraites.

Amicalement.

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Messagepar Faun » 04 nov. 2007, 09:13

pat-dx a écrit :
ne confondons point "liberté du vivant" et liberté de Dieu, ou de la nature naturante, qui est cause de soi, et donc libre... le "vivant" - ensemble des choses vivantes - fait partie du monde matériel, des choses étendues, et relève donc de la nécessité (la création étant nécessaire et non contingente), et ses modalités répondent à des causalités nécessaires dont nous n'avons qu'une connaissance partielle... dès lors, ce que nous pouvons observer, dans notre monde présent, n'est qu'une infime partie de l'infinité des mondes possibles mais cette partie ne nous est compréhensible que si nous avons une connaissance rationnelle des relations causales entre les individus qui la composent.


Vous avez raison de distinguer ce qui appartient à la substance et ce qui appartient aux modes, puisque Spinoza ne cesse de le faire. Cependant il n'est pas possible de séparer la puissance ou la liberté de la substance de la puissance ou liberté des modes, puisque ces derniers sont des parties de la Nature. Et donc à chaque modification appartient réellement un degré de liberté, certes infiniment minuscule au regard de la Nature entière mais néanmoins c'est l'ensemble de ces degrés de liberté qui constitue la liberté infinie qui appartient à la Nature. Et donc il n'est pas du tout absurde de dire que les modes sont libres, bien que leur puissance et leur liberté soient limités.

Des définitions et axiomes formulés, Spinoza déduit certes l'infinité des attributs de Dieu et donc l'infinité des modes possibles dans la nature pris dans sa totalité... mais c'est le point de vue de la nature naturante... le biologiste ne peut accéder, en raison de sa méthodologie inductive, qu'à la nature naturée et encore à la partie de la nature naturée qui lui est accessible par les sens. En termes modernes, nous ne pouvons rien percevoir, concrètement, c'est à dire sur le plan de la réalité sensible, de ce qui est au-delà de notre horizon cosmologique.

Ne percevant rien - par exemple de ce qui se passe sur une exoplanète non encore découverte - nous ne pouvons qu'imaginer (ce que les auteurs de SF font à loisir) les etres vivants qui vivraient sur une planète imaginée comme possédant tel ou tel attributs (masse, distance de son soleil, composition de l'atmosphère etc...) ... au mieux, sur la base d'une connaissance raisonnée des processus biologiques observées sur terre, nous pourrions déduire des formes plausibles d'êtres vivants... cela reste, il est vrai, du domaine de l'imagination.


Les attributs que nous ne connaissons pas ne sont pas des mondes possibles, ils sont nécessaires et existent donc réellement, autant que les deux attributs de la Nature que nous connaissons.

Je relis pour l'instant l'E2 et reste quelque peu interrogatif quant aux rapports entre les différentes formes de connaissance. Le savoir issu de l'observation, de la perception - et de l'expérimentation - relève du premier genre, donc ce serait un savoir douteux, incertain, une connaissance partielle du monde physique... qu'il oppose à un savoir déductif, connaissance du second genre, de nature rationnelle dont la logique et les mathématiques sont les modèles... Or le problème est que les sciences "exactes" se construisent empiriquement sur la base d'observation et d'expérimentation dont sont déduite des "lois naturelles", vérifiées et confirmées par la répétition de l'expérience... cela s'articule bien sûr avec le raisonnement et la modélisation mathématique, au point que l'on voit - dans le domaine de la physique théorique par exemple - l'expérience et l'observation confirmer à postériori des évènements (comme des particules élémentaires) prévus par la formalisation mathématique.



N'ayant point de formation scientifique, je suis presque incapable de vous répondre sur ce point. Néanmoins, selon la lettre 12 de Spinoza à Louis Meyer : "la mesure, le temps et le nombre ne sont que des manières de penser, ou plutôt d'imaginer." Cela fait que pour Spinoza, toute pensée qui prétend expliquer la nature des chose à partir de ces notions, comme par exemple la science moderne, est à ranger dans le premier genre de connaissance, c'est à dire dans l'imagination. Cela posé, il en résulte la stricte égalité entre la science et l'art, ces deux activités conservant toute leur noblesse et leur utilité.

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Messagepar hokousai » 04 nov. 2007, 11:27

à Faun


Plutôt que de renvoyer à Deleuze renvoyez à Spinoza .
Les notions communes expriment une idée et une seule ( les corps se distinguent entre eux sous le rapport du mouvement et du repos , de la rapidité et de la lenteur et non sous le rapport de la substance .(Deleuze brode )

Ce qui renvoie à « corps » et « corps » renvoie à « chose «
. Les choses particulières sont des manières par lesquelles les attributs de Dieu s’ expriment de manière précises et déterminée .
Nous voila au coeur et le coeur de la question c’est la chose

Il me semble (je vous mets au défi de me contredire par les textes ) que Spinoza ne dit jamais qu’il ne puisse y avoir dans la nature des manières précises et déterminées qui se ressemblent . J ajoute se ressemble à un tel point qu’on puisse construite une science de la nature ce qu à l’évidence nous faisons et que lui n’a pas fait . Ce n’était peut être pas son objectif mais le résultat en est qu’une la lecture scolaire parvient à gommer complètement la question des régularités dans la nature au bénéfice du l’exceptionnalité de chaque événement.

Mais revenons à la chose ( particulière )
La chose finie apparaît dès la définition 2 c’est une intellection et une manière de dire ( on n’est pas a une démonstration de l’existence objective d’une chose finie laquelle démonstration ne viendra jamais et pour cause la substance est indivisible )

A aucun moment Spinoza ne nous démontre qu’il existe des choses finies .Les choses finies surviennent à la prop 25 partie 1
Le raisonnement est le suivant : puisqu’elles existent elles ne peuvent suivre que de modification finies . (ce qui n’est pas une démonstration de leur existence mais une déduction leur cause ).
Qu’il existe des choses finies ce n’est pas une notions commune car la finitude n’est pas autant dans la partie que dans le tout .( le tout c’est Dieu )
Chez Spinoza tous les corps conviennent en certaines choses, certes, mais l’existence de ces corps n’est pas démontrée.

Il apparaît à nos contemporains que la limite assignable à un corps( donc sa finitude) soit une question très ouverte . La finitude d’ un corps ( d’une chose ) ne nous est pas une idée si claire .( ce que depuis des lustres le bouddhisme affirme )
Il y a comme un point aveugle sur lequel vous construisez vos théorie de l’individué ( choses individuées que seules la nature produirait )
Me dire que la nature ne produit que des » individus » est pour moi une thèse assez confuse .

Je ne vois pas ce qu’il y a de platonicien à dire qu’elle produit des manières de faire (ce qui a le bénéfice de rester dans le registre de l’ activité )
Modifié en dernier par hokousai le 04 nov. 2007, 11:48, modifié 1 fois.

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Messagepar sescho » 04 nov. 2007, 11:40

Bonjour Faun.

Faun a écrit :Sur les notions communes, je vous conseille la lecture d'un ouvrage de Deleuze : "Spinoza philosophie pratique" aux éditions de minuit. ...

Ce qui m'intéresse c'est de comprendre la pensée de Spinoza. Certes des commentateurs réputés comme Deleuze peuvent sans doute y aider, mais leur côté "créatif" peut aussi les faire sortir de l'intention de l'auteur (qui n'est pas du tout profilé pour faire des mystères, mais au contraire pour tout exposer aussi clairement que possible.) Un minimum de confirmations puisées dans l'ensemble des textes de Spinoza me semble donc indiqué.

Faun a écrit :Les essences sont donc toujours des essences singulières, jamais générales ou abstraites.

Sauf l'essence de Dieu, déjà, qui inclut l'existence, ce qui n'est le cas d'aucun mode, et par conséquent les essences de ses attributs, qui contiennent elles-même celles des modes.

Mais à ma connaissance, Spinoza ne dit pas comment y sont "contenues" les essences des modes. Par contre, il parle d'essence de l'Homme, d'essence de l'âme, d'essence d'une passion, etc., etc. "Essence" équivaut dans un sens plus commun à "nature" (et "forme" s'agissant d'une chose particulière au moins.)

La nature de l'Etendue contiendrait-elle des essences explicitement singulières, comme le cercle contiendrait ses rayons ? Je ne crois pas. Je crois, comme l'a dit Bardamu, qu'il y a un continuum d'essence qui est l'essence divine. Et il permet, par le contact avec les modes singuliers, de révéler des communautés et des lois réelles en suivant la droite Raison et enfin déboucher sur la vision intuitive de ces lois à l'œuvre dans les étants particuliers.

Par ailleurs, Spinoza dit clairement que l'excellence de l'Homme est dans la Raison (avec ses notions générales, etc.) Enfin - mais je ne vais pas recommencer un débat déjà déroulé par ailleurs -, je pense que Spinoza entend que nous ne pouvons avoir aucune idée adéquate d'une chose singulière.

Spinoza, Ethique, a écrit :E1P8S2 : ... nous pouvons nous former des idées vraies de certaines modifications qui n’existent pas ; car, bien qu’elles n’aient pas d’existence actuelle hors de l’entendement, leur essence est contenue dans une autre nature de telle façon qu’on les peut concevoir par elle.

E2P1 : La pensée est un attribut de Dieu ; en d’autres termes, Dieu est chose pensante.

Démonstration : Les pensées particulières, je veux dire telle ou telle pensée, sont autant de modes qui expriment la nature de Dieu d’une certaine façon déterminée (par le Coroll. de la Propos. 25, part. l). Il faut donc que cet attribut dont toutes les pensées particulières enveloppent le concept, et par lequel toutes sont conçues, convienne nécessairement à Dieu (par la Déf. 5. Part. 1). La pensée est donc un des attributs infinis de Dieu, lequel exprime son infinie et éternelle essence (voyez la Déf. 6 part. 1) ; en d’autres termes, Dieu est chose pensante. C. Q. F. D.

E2P10S : ... comme plusieurs hommes peuvent exister, ce n’est donc point l’être de la substance qui constitue la forme ou l’essence de l’homme. ...

E4Pré : ... quand je dis qu’une chose passe d’une moindre perfection à une perfection plus grande, ou réciproquement, je n’entends pas qu’elle passe d’une certaine essence, d’une certaine forme, à une autre (supposez, en effet, qu’un cheval devienne un homme ou un insecte : dans les deux cas, il est également détruit) ; j’entends par là que nous concevons la puissance d’agir de cette chose, en tant qu’elle est comprise dans sa nature, comme augmentée ou diminuée.

E4P26 : ... l’essence de la raison n’est autre chose que notre âme, en tant qu’elle comprend clairement et distinctement (voyez-en la Déf. dans le Schol. 2 de la Propos. 40, part. 2). Par conséquent (en vertu de la Propos. 40, part. 2) tout l’effort de notre raison ne va qu’à un seul but, qui est de comprendre.

E4P36 : ... ce n’est point par accident, mais par la nature même de la raison, que le souverain bien des hommes leur est commun à tous. Le souverain bien, en effet, est de l’essence même de l’homme en tant que raisonnable, et l’homme ne pourrait exister ni être conçu s’il n’avait pas la puissance de jouir de ce bien souverain, puisqu’il appartient à l’essence de l’âme humaine (par la Propos. 47, Part. 2) d’avoir une connaissance adéquate de l’essence éternelle et infinie de Dieu.


Amicalement

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Messagepar Faun » 04 nov. 2007, 12:02

hokousai a écrit :
Il me semble (je vous mets au défi de me contredire par les textes ) que Spinoza ne dit jamais qu’il ne puisse y avoir dans la nature des manières précises et déterminées qui se ressemblent . J ajoute se ressemble à un tel point qu’on puisse construite une science de la nature ce qu à l’évidence nous faisons et que lui n’a pas fait . Ce n’était peut être pas son objectif mais le r résultat en est qu’une la lecture scolaire parvient à gommer complètement la question des régularités dans la nature au bénéfice du l’exceptionnalité de chaque événement.


A ma connaissance les meilleurs commentaires de Spinoza sont ceux de Deleuze, dans le livre que j'ai cité plus haut et aussi dans : "Spinoza et le problème de l'expression" au mêmes éditions. Et je vous met moi aussi au défi de prouver que ce que dit Deleuze à propos de la philosophie de Spinoza est inexact ou consiste en "broderies", comme vous dites.

Maintenant concernant votre question, il est logique que tous les modes finis, étant engendrés les uns par les autres, se ressemblent, c'est à dire qu'ils ont des choses en commun. Mais ce n'est pas une raison pour dire qu'ils constituent un ensemble que nous puissions nommer "espèce". Et c'est également ce que prouve la génétique qui affirme que chaque génome, chaque ADN singulier est le résultat de la fusion de deux ADN antérieurs, et non la copie plus ou moins exacte d'un ADN idéal qui, comme les idées platoniciennes, en serait le modèle abstrait. Car ce modèle devrait exister dans le monde des idées, ou dans le monde idéal des corps, or ces mondes, personne ne les a jamais vu ni connu. C'est pourquoi j'affirme que chaque corps, bien qu'engendré par d'autres, est une singularité irréductible, et il en va de même pour les esprits. Or la fusion des ADN ne conserve pas l'intégralité des deux ADN antérieurs, mais conserve certaines parties de l'un et certaines parties de l'autre, tout en effaçant d'autres parties. D'autre part le développement même de chaque embryon se déroule dans des conditions différentes de celles dans lesquelles les deux ADN antérieurs se sont développés, comme l'explique fort bien Henri Atlan (épigénétisme), et ces conditions toujours différentes suffisent à adjoindre une modification extérieure au développement de l'embryon, qui n'influe pas moins sur la nature du nouveau corps que la fusion-sélection originelle.

Quant à ce que vous dites de la finitude, Spinoza lui-même dit que chaque mode fini est composé d'une infinité de parties, bien que ces infinités de corps ou d'idées soient contenues entre des limites. C'est en quoi consiste la différence entre l'infini absolu de la substance, l'infini "en son genre" des attributs, et l'infini entre certaines limites déterminées des modifications.

D'autre part les notions communes chez Spinoza ne concernent pas seulement ce qui est commun à la substance et aux modes, comme le mouvement et le repos, la rapidité et la lenteur dans l'attribut étendu, mais aussi ce qu'il y a de commun entre tel et tel corps, tel ou tel esprit, ou bien entre telle partie d'un tout et le tout lui même, qui n'est pas nécessairement le tout absolu de la substance ou de ses attributs.

Par exemple tel loup a quelque chose de commun avec la meute de loups à laquelle il appartient, de même tel ou tel homme a aussi quelque chose de commun avec la meute humaine à laquelle il appartient. Et voilà ce qu'il faut entendre par notion commune. Ce qui fait que l'espèce loup ou l'espèce homme c'est pas une notion commune, tandis que telle meute de loups ou telle meute humaine en est une. Car la meute exprime l'idée d'une relation réelle, physique, immanente entre tous les individus qui la compose, tandis qu'entre tel loup et l'espèce loup il n'y a aucune relation, puisque ce loup-ci est quelque chose de réel, tandis que l'espèce loup est une notion confuse, abstraite, qui n'a aucune existence réelle.

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Messagepar hokousai » 04 nov. 2007, 15:35

à Faun

Car ce modèle devrait exister dans le monde des idées, ou dans le monde idéal des corps,""""""""""

C'est vous qui tirez de telles conséquences . Aristote qui est le fondateur de la classification des espèces était très critique à l’égard de Platon

C'est pourquoi j'affirme que chaque corps, bien qu'engendré par d'autres, est une singularité irréductible, et il en va de même pour les esprits.

Je ne vous dis pas le contraire.

Je vous dis que la manière de fabriquer des loups est quelque chose de réel .Mais vous ne semblez pas voir qu’une activité est quelque chose de réel .Les loups agissent tous (à peu près )de la même façon , ce sont ces manières d’agir qui permettent de classer les loup en une espèce .
Me dîtes-vous que ces manière d ‘ agir sont irréelles ?.

Les règles du jeu d échecs ne sont pas une idée confuse . Ces règles n’existent pas indépendamment de l’ activité du jeu . Il n’empêche , toutes les partie d échecs sont de la même forme .
Que cette forme soit irréelle ,je veux bien, mais quel est alors son statut d’ existence ?.
……………………………………….

Je dirai qu’un loup a beaucoup plus en commun avec un autre loup qu’ avec une meute de loup .
Moi humain dans une foule qu’ai -je de commun avec la foule ? Il faudrait savoir ce qu’est une foule pour me dire ce que j' ai en commun avec une foule .
Qu 'est ce qu’un grain de sable a de commun avec un tas de sable . L’un appartient à l’ensemble des grains et l’autre à l’ensemble des tas .( à supposer que les tas existent )

Sur les notions communes Spinoza est beaucoup plus restrictif que vous et Deleuze puisqu’ à mon avis tout tient dans le lemme 2(part 2).
Comme ce n’est à l’évidence pas suffisant pour comprendre les choses dans leur ressemblance , certains commentateurs ( dont Deleuze) extrapolent . Ils se retrouvent sur le terrain classique des qualités communes à l’espèce mais avec une autre dénomination celle de notions communes .

Car quand vous dîtes
mais aussi ce qu'il y a de commun entre tel et tel corps, tel ou tel esprit, ou bien entre telle partie d'un tout et le tout lui même, qui n'est pas nécessairement le tout absolu de la substance ou de ses attributs.
Comment ne pas admettre que vous allez observer quelque chose de commun entre votre corps et celui du voisin et beaucoup plus de choses en commun que de différences . Des notions communes (comme vous les dîtes )il y en a à foison .

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Messagepar sescho » 04 nov. 2007, 18:06

hokousai a écrit :Il me semble (je vous mets au défi de me contredire par les textes ) que Spinoza ne dit jamais qu’il ne puisse y avoir dans la nature des manières précises et déterminées qui se ressemblent.

Mais je dis même qu'il dit explicitement (ou quasiment) le contraire. Ainsi :

Spinoza, Ethique, a écrit :E1P8S2 : ... s’il existe dans la nature des choses un certain nombre d’individus, il faut que l’on puisse assigner une cause de l’existence de ces individus en tel nombre, ni plus ni moins. Par exemple, s’il existe vingt hommes dans la nature des choses (nous supposerons, pour plus de clarté, qu’ils existent simultanément et non les uns avant les autres), il ne suffira pas, pour rendre raison de l’existence de ces vingt hommes, de montrer en général la cause de la nature humaine ; mais il faudra montrer en outre la cause en vertu de laquelle il existe vingt hommes, ni plus ni moins, puisqu’il n’y a rien (par la remarque 2) qui n’ait une cause de son existence. Or, cette cause (par les remarques 2 et 3) ne peut être contenue dans la nature humaine elle-même, la vraie définition de l’homme n’enveloppant nullement le nombre vingt. Et en conséquence (par la remarque 4), la cause qui fait exister ces vingt hommes, et partant chacun d’entre eux, doit pour chacun être extérieure. D’où il faut conclure absolument que tout ce dont la nature comporte un certain nombre d’individus suppose nécessairement une cause extérieure, pour que ces individus puissent exister.

Ceci selon moi dit clairement que ce qui a la même nature (la nature humaine ici) et se trouve en nombre ne peut pas avoir l'existence comprise dans son essence (puisqu'en aucun cas le nombre de 20 ou un autre n'entre dans cette essence.)

Spinoza, Ethique, a écrit :E1P17S (à nouveau) : La chose causée, en effet, diffère de sa cause précisément en ce qu’elle en reçoit ; par exemple, un homme est cause de l’existence d’un autre homme, non de son essence. Cette essence, en effet, est une vérité éternelle, et c’est pourquoi ces deux hommes peuvent se ressembler sous le rapport de l’essence ; mais ils doivent différer sous le rapport de l’existence, et de là vient que, si l’existence de l’un d’eux est détruite, celle de l’autre ne cessera pas nécessairement. Mais si l’essence de l’un d’eux pouvait être détruite et devenir fausse, l’essence de l’autre périrait en même temps.

Sans commentaire (si ce n'est qu'il s'agit bien de l'essence de l'Homme à la fin et non de l'essence en général.)

Spinoza, Ethique, a écrit :E3P57 : Toute passion d’un individu quelconque diffère de la passion d’un autre individu autant que l’essence du premier diffère de celle du second.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser de premier abord cette façon de présenter les choses suppose à la base une essence commune.

L'extrait de E4Pré que j'ai donné ci-dessus est on ne peut plus clair (et sans-doute même exagéré) : augmenter sa puissance n'est pas changer d'essence, qui signifierait se transformer par exemple en cheval... On peut ajouter dans le même registre :

Spinoza a écrit :E4P20 : ... Mais que l’homme fasse effort par la nécessité de sa nature pour ne pas exister ou pour changer d’essence, cela est aussi impossible que la formation d’une chose qui viendrait de rien.

PM2Ch4 : Ce qu’est le changement et ce qu’est la transformation. – Par changement nous entendons en cet endroit toute variation pouvant se produire dans un sujet quelconque, l’essence même du sujet gardant son intégrité ; bien qu’on prenne communément aussi le mot dans un sens plus large pour signifier la corruption des choses, non une corruption absolue mais une corruption qui enveloppe en même temps une génération subséquente ; comme quand nous disons que la tourbe est changée en cendre, que les hommes sont changés en bêtes. Mais les philosophes usent pour cette désignation d’un autre mot encore, à savoir transformation. Pour nous ici, nous parlons seulement de ce changement dans lequel il n’y a aucune transformation du sujet, comme quand nous disons : Pierre a changé de couleur, de mœurs, etc.

TTP3Note4 : ... bien qu’il y ait des hommes doués de certains avantages que la nature a refusés à tous les autres, on ne dit pas que ces hommes soient au-dessus de la nature humaine ; car il faudrait pour cela que les qualités qu’ils ont en propre ne fussent pas comprises dans l’essence ou la définition de l’humanité.

Mais bon le simple fait que Spinoza utilise lui-même "essence de l'homme" dans ses démonstrations, exercice pur de Raison, la meilleure partie de l'homme, devrait suffire...

Mais peut-être que seulement un détail nous sépare : une espèce n'est pas un étant (c'est seulement là-dessus que Spinoza accroche, outre que la connaissance du deuxième genre ne vaut pas le troisième) ; elle n'en est pas moins un être de Raison qui peut nous permettre pour sa part de connaître l'essence divine.

Amicalement

Serge
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Faun
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Messagepar Faun » 05 nov. 2007, 05:44

sescho a écrit :Sauf l'essence de Dieu, déjà, qui inclut l'existence, ce qui n'est le cas d'aucun mode, et par conséquent les essences de ses attributs, qui contiennent elles-même celles des modes.


Comment pouvez dire que l'essence de Dieu n'est pas une essence singulière ? Mais je ne suis pas certain d'avoir bien compris votre objection.


La nature de l'Etendue contiendrait-elle des essences explicitement singulières, comme le cercle contiendrait ses rayons ? Je ne crois pas.
(...]
je pense que Spinoza entend que nous ne pouvons avoir aucune idée adéquate d'une chose singulière.


Là non plus je ne comprend pas votre objection, et cela me semble très étrange que vous niiez le fait que les essences des modifications soient contenues dans les attributs, et que vous niiez par dessus le marché que nous puissions en avoir une connaissance adéquate.

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Messagepar hokousai » 05 nov. 2007, 11:20

cher Faun

quand Spinoza traite de la volonté
scolie de la prop 49 partie 2
il dit nous avons montré que la volonté est un étant universel , autrement dit une idée par laquelle nous expliquons toutes les volitions singulières ?c’est à dire ce qui est commun à toutes les volitions particulières ….l’universel se dit tout autant d’un que de plusieurs que d’une infinité d’individus


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