Faun a écrit :Je vous trouve particulièrement orgueilleux de citer ce fil en prétendant avoir raison alors que vous n'avez pas répondu aux trois objections que j'y faisait.
Il n'y a pas d'orgueil là-dedans (avec les réserves de principe qui siéent) :
je ne vois pas où sont les objections. J'ai exposé la chose dans un fil plutôt que de proposer un article précisément pour être éventuellement contredit (Spinoza utilise deux mots là où je ne vois qu'une réalité dans ses écrits mêmes ; il convient donc d'éprouver la chose.) Mais ce que j'espérais c'est qu'on démonte une par une les nombreuses illustrations que je donne en rétablissant le sens profond. Je n'ai pour l'instant rien vu de cette nature, même en une seule occurrence. Mais bon, je vais reprendre les passages mentionnés une fois encore et reprendrai le fil si quelque chose dans ce sens m'apparaît.
Je ne vois pas bien non plus les objections dans ce qui suit, mais néanmoins quelques commentaires :
Faun a écrit :Mais à mon tour de vous proposer des citations :
"Que s'il est de la nature d'un étant pensant, comme on le voit de prime abord, de former des pensées vraies, autrement dit adéquates, il est certain que les idées inadéquates naissent en nous de cela seul que nous sommes une partie d'un certain étant pensant dont certaines pensées en totalité, certaines en partie seulement, constituent notre esprit."
Traité de l'amendement de l'intellect, § 73
C'est comme dans l'
Ethique et je n'ai pas de problème. Tout l'univers est en idée en Dieu et Dieu n'a que des idées vraies (qu'une Idée.) L'Homme a soit des idées qui se déduisent de sa nature propre ; elles sont alors dites adéquates et claires et distinctes car elles sont "entières" à la fois en l'Homme et en Dieu (autrement dit, c'est Dieu-même mais en partie : en tant qu'il s'"explique" - se traduit ou s'exprime - par le Mental humain seul.) Soit ces idées sont "à cheval" sur deux étants, l'un étant un homme, l'autre une chose singulière en dehors de lui (sensations), elles sont tronquées et donc inadéquates dans l'homme en question vis-à-vis tant de l'étant extérieur que de lui-même (l'idée s'explique alors en Dieu par la nature humaine ET autre chose.)
Faun a écrit :"De là suit que l'esprit humain est une partie de l'intellect infini de Dieu ; et partant, quand nous disons que l'esprit humain perçoit telle ou telle chose, nous ne disons rien d'autre sinon que Dieu, non en tant qu'il est infini, mais en tant qu'il s'explique par la nature de l'esprit humain, autrement dit en tant qu'il constitue l'essence de l'esprit humain, a telle ou telle idée ;"
Corollaire de la proposition 11 de la deuxième partie.
Ceci ne vaut pour toutes les idées qu'en première approximation, seules les adéquates ensuite, comme le montre par exemple E2P43S : "Ajoutez à cela que notre âme,
en tant qu’elle perçoit les choses suivant leur vraie nature, est une partie de l’entendement infini de Dieu (par le Corollaire de la Propos. 11, partie 2) ; par conséquent, il est nécessaire que les idées claires et distinctes de notre âme soient vraies comme celles de Dieu même."
E5P50S : "... notre âme,
en tant qu’elle est intelligente, est un mode éternel de la pensée, lequel est déterminé par un autre mode éternel de la pensée et celui-ci par un troisième, et ainsi à l’infini ; de telle façon que tous ces modes pris ensemble constituent l’entendement éternel et infini de Dieu."
Faun a écrit :"L'intellect en acte, qu'il soit fini ou infini, ainsi que la volonté, le désir, etc. doivent être rapporté à la nature naturée, et non à la naturante."
Proposition 31 de la première partie.
Oui (même si je trouve la démonstration discutable, car en Dieu tout se confond : essence, existence, puissance, amour, etc.) Je ne vois pas qu'on puisse en déduire que la nature naturée ne recouvre que les choses particulières existant en acte ("intellect infini" s'y oppose déjà d'ailleurs.) L'autre mode infini immédiat, le Mouvement, fait-il partie de la nature naturante ou de la naturée ? De la naturée aussi, bien qu'il soit éternel, puisqu'il est posé être un mode de l'Etendue.
Faun a écrit :"Et donc la volonté n'appartient pas plus à la nature de Dieu que les autres choses naturelles, mais a avec elles le même rapport que le mouvement et le repos, et toutes les autres choses dont nous avons montré qu'elles suivent de la nécessité de la nature divine, et sont déterminées par elle à exister et opérer d'une manière précise."
Corollaire 2 de la proposition 32 de la première partie.
Confirmation de ce qui précède. Je me demande si vous ne faites pas un contresens sur "pas plus"... sinon je ne vois pas l'objection (même si le rapport nature naturante / nature naturée a toujours été un peu délicat...)
On trouve à la suite immédiate :
Spinoza a écrit :E1P33 : Les choses qui ont été produites par Dieu n’ont pu l’être d’une autre façon, ni dans un autre ordre.
Démonstration : La nature de Dieu étant donnée, toute choses en découlent nécessairement (en vertu de la Propos. l6), et c’est par la nécessité de cette même nature qu’elles sont déterminées à exister et à agir de telle ou telle façon (par la Propos. 29). Si donc les choses pouvaient être autres qu’elles ne sont ou être déterminées à agir d’une autre façon, de telle sorte que l’ordre de la nature fût différent, il faudrait aussi que la nature de Dieu pût être autre qu’elle n’est ; d’où il résulterait que cette autre nature divine (par la Propos. 11) devrait aussi exister, et il y aurait deux ou plusieurs dieux, ce qui est absurde (par le Coroll. 1 de la Propos. 14). Par conséquent, les choses n’ont pu être produites d’une autre façon, etc. C. Q. F. D.
Scholie II : Il suit clairement de ce qui précède que les choses ont été produites par Dieu avec une haute perfection ; elles ont en effet résulté nécessairement de l’existence d’une nature souverainement parfaite. ...
... chaque chose est ce qu’elle est par le décret de Dieu et par sa volonté ; autrement, Dieu ne serait pas la cause de toutes choses. Il faut observer en second lieu que tous les décrets de Dieu ont été sanctionnés par lui de toute éternité, puisque autrement on devrait l’accuser d’imperfection et d’inconstance. Or, comme dans l’éternité il n’y a ni avant, ni après, ni rien de semblable, il suit de là que Dieu, en vertu de sa perfection même, ne peut et n’a jamais pu former d’autres décrets que ceux qu’il a formés ; en d’autres termes, que Dieu n’a pas existé avant ses décrets, et ne peut exister sans eux. ...
... Ajoutez à cela que je ne connais pas un seul philosophe qui ne tombe d’accord qu’en Dieu l’entendement n’est jamais en puissance, mais toujours en acte ; et comme on s’accorde aussi à ne pas séparer l’entendement et la volonté de Dieu d’avec son essence, il faut conclure que, si Dieu avait eu un autre entendement en acte et une autre volonté, il aurait eu nécessairement une autre essence ; et par suite (comme je l’ai posé en commençant) si les choses avaient été produites par Dieu autrement qu’elles ne sont, il faudrait attribuer à Dieu un autre entendement, une autre volonté, et j’ai le droit d’ajouter une autre essence, ce qui est absurde.
Puisqu’il est établi maintenant que les choses que Dieu a produites n’ont pu l’être d’une autre façon, ni dans un autre ordre, et cela par une suite nécessaire de la souveraine perfection de Dieu, nous n’avons plus aucune raison de croire que Dieu n’ait pas voulu créer toutes les choses qu’il pense, avec la même perfection qu’elles ont dans sa pensée. ...
... nous avons montré que Dieu est la cause première, la cause libre et unique, non seulement de l’existence, mais même de l’essence de toutes choses.
E1P34 : La puissance de Dieu est l’essence même de Dieu.
Démonstration : De la seule nécessité de l’essence divine, il résulte que Dieu est cause de soi (par la Propos. 11) et de toutes choses (par la Propos. 16 et son Coroll.). Donc, la puissance de Dieu, par laquelle toutes choses et lui-même existent et agissent, est l’essence même de Dieu. C. Q. F. D.
Ajoutons :
Spinoza a écrit :E1P18 : Dieu est la cause immanente, et non transitive, de toutes choses.
Démonstration : Tout ce qui est, est en Dieu et doit être conçu par son rapport à Dieu (en vertu de la Propos. l5), d’où il suit (par le Coroll. 1 de la Propos. 16) que Dieu est la cause des choses qui sont en lui ; voilà le premier point. De plus, si vous ôtez Dieu, il n’y a aucune substance (par la Propos. 14), c’est-à-dire (par la Déf. 3) aucune chose qui, hors de Dieu, existe en soi ; voilà le second point. Donc, Dieu est la cause immanente et non transitive de toutes choses. C. Q. F. D.
Connais-toi toi-même.