A Hokouzai : pour ce qui me concerne, cela fait interrogation, au moins, mais comme je me débats pour l’instant dans une grande quantité d’information (dont évidemment tout particulièrement celle fournie par Spinoza, qui est très générale, d’où le problème…) je prends le temps et procède par ordre, autant que je peux…
hokousai a écrit :En tant que l’esprit pense l’ordre et l ‘enchaînement des idées est le même que l’enchaînement des causes (et non pas des choses )
Vraiment je crois que cela se discute (à partir du texte de Spinoza)... car, comme l'a fait remarquer vieordinaire, Spinoza appose les deux termes, ceci dans E1P28 :
Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit :E1P28 : Tout objet individuel, toute chose, quelle qu’elle soit, qui est finie et a une existence déterminée, ne peut exister ni être déterminée à agir si elle n’est déterminée à l’existence et à l’action par une cause, laquelle est aussi finie et a une existence déterminée, et cette cause elle-même ne peut exister ni être déterminée à agir que par une cause nouvelle, finie comme les autres et déterminée comme elles à l’existence et a l’action ; et ainsi à l’infini.
Démonstration : Tout ce qui est déterminé à exister et à agir, c’est Dieu qui l’y détermine (par la Propos. 26 et le Coroll. de la Propos. 24). Or, une chose finie et qui est a une existence déterminée n’a pu être produite par la nature absolue d’un des attributs de Dieu ; car tout ce qui découle de la nature absolue d’un attribut divin est infini et éternel (par la Propos. 21). Par conséquent, cette chose a dû découler de Dieu ou d’un de ses attributs, en tant qu’on les considère comme affectés d’un certain mode, puisque au delà de la substance et de ses modes, il n’y a rien (par l’Axiome 1 et les Déf. 3 et 6), et que les modes (par le Coroll. de la Propos. 25) ne sont que les affections des attributs de Dieu. Or, la chose en question n’a pu découler de Dieu ou d’un attribut de Dieu, en tant qu’affectés d’une modification éternelle et infinie (par la Propos. 22). Donc elle a dû découler de Dieu ou d’un attribut de Dieu, en tant qu’affectés d’une modification finie et déterminée dans son existence. Voilà. Le premier point. Maintenant, cette cause ou ce mode, auquel nous venons d’aboutir, a dû (par la même raison qui vient d’être expliquée) être déterminée par un autre mode également fini et déterminé dans son existence, et celui-ci par un autre encore (en vertu de la même raison), et ainsi jusqu’à l’infini (toujours par la même raison). C. Q. F. D.
E2P17S : La chose causée, en effet, diffère de sa cause précisément en ce qu’elle en reçoit ; par exemple, un homme est cause de l’existence d’un autre homme, non de son essence.
Spinoza utilise à de très nombreuses reprises « cause extérieure » ou « cause étrangère. »
Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit :E1P11S : ... plusieurs peut-être ne reconnaîtront pas aisément l’évidence de cette démonstration, parce qu’ils sont habitués à contempler exclusivement cet ordre de choses qui découlent de causes extérieures, et à voir facilement périr ce qui naît vite, c’est-à-dire ce qui existe facilement, tandis qu’au contraire ils pensent que les choses dont la nature est plus complexe doivent être plus difficiles à faire, c’est-à-dire moins disposées à l’existence. Mais pour détruire ces préjugés, je ne crois pas avoir besoin de montrer ici en quel sens est vraie la maxime : Ce qui naît aisément périt de même, ni d’examiner s’il n’est pas vrai qu’à considérer la nature entière, toutes choses existent avec une égale facilité. Il me suffit de faire remarquer que je ne parle pas ici des choses qui naissent de causes extérieures, mais des seules substances, lesquelles (par la Propos. 6) ne peuvent être produites par aucune cause de ce genre. Les choses, en effet, qui naissent des causes extérieures, soit qu’elles se composent d’un grand nombre ou d’un petit nombre de parties, doivent tout ce qu’elles ont de perfection ou de réalité à la vertu de la cause qui les produit, et par conséquent leur existence dérive de la perfection de cette cause, et non de la leur. ...
E2P45S : Je n’entends pas ici par existence la durée, c’est-à-dire l’existence conçue d’une manière abstraite, comme une forme de la quantité. Je parle de la nature même de l’existence qu’on attribue aux choses particulières, à cause qu’elles découlent en nombre infini et avec une infinité de modifications de la nécessité éternelle de la nature de Dieu (voir la Propos. 16, partie 1). Je parle, dis-je, de l’existence même des choses particulières, en tant qu’elles sont en Dieu. Car, quoique chacune d’elles soit déterminée par une autre d’exister d’une certaine manière, la force par laquelle elle persévère dans l’être suit de l’éternelle nécessité de la nature de Dieu. (Sur ce point, voyez le Corollaire de la Propos. 24, partie 1.).
Quelques éclairages donnés par le Court Traité :
Spinoza, Court Traité, traduit par P. Janet, a écrit :CT1Ch4 : (7) Enfin une nouvelle question s'élève : en supposant que toutes choses aient été créées autrement et disposées et prédestinées éternellement dans un autre ordre qu’elles ne le sont, Dieu serait-il également parfait ? A quoi il faut répondre que si la nature avait été créée de toute éternité autre qu'elle n'est, alors, d'après l'opinion de ceux qui attribuent à Dieu un entendement et une volonté, il s'ensuivrait que Dieu aurait eu un autre entendement et une autre volonté, par lesquels il eût fait les choses autres qu'il ne les a faites, et ainsi Dieu serait maintenant autre qu’il n'eût été dans cette hypothèse, et aurait été alors autre qu'il n'est maintenant ; par conséquent, si nous admettons que Dieu est maintenant l’être le plus parfait, nous sommes forcés de dire qu'il n'eût pas été tel s'il eût créé toutes choses autrement, conséquences absurdes, qui ne peuvent être attribuées en aucune façon à Dieu, lequel maintenant et dans toute l'éternité, est, a été, et sera immuable.
CT2Ch9 : (6) Maintenant que nous savons comment ces passions naissent, il nous est facile de dire quelles sont celles qui sont bonnes et celles qui sont mauvaises.
Quant à l’espérance, la crainte, la sécurité, le désespoir et l'envie, il est évident que toutes ces passions naissent d'une fausse opinion, puisque nous avons démontré que toutes choses ont leurs causes nécessaires et par conséquent qu'elles arrivent comme elles doivent arriver. Il semble que dans cet ordre inviolable, dans cette série de causes et d'effets, il puisse y avoir place pour la sécurité et le désespoir ; il n'en est rien cependant, parce que la sécurité et le désespoir ne seraient pas possibles, s'ils n'avaient été précédés de l'espérance et de la crainte, …
CT2Ch14 : (3) Voyons donc si cette affirmation a lieu en nous librement ou nécessairement, c'est-à-dire si, lorsque nous affirmons ou nions quelque chose, nous le faisons sans y être contraints par aucune cause externe. Nous avons déjà démontré que la chose, qui n'est pas conçue par elle-même, dont l’essence n’enveloppe pas l'existence, doit avoir nécessairement une cause externe, et qu’une cause qui doit produire quelque action, la produit d'une manière nécessaire. Il s'ensuit évidemment que la puissance de vouloir ceci ou cela, d'affirmer ceci ou cela, qu'une telle puissance, dis-je, doit venir d'une cause extérieure, et d'après la définition que nous avons donnée de la cause, qu'une telle cause ne peut être libre.
Ch26 : (7) Il nous reste donc, pour mettre fin à cet ouvrage, à expliquer brièvement ce que c'est que la liberté humaine et en quoi elle consiste ; pour cet objet, j'emploierai les propositions suivantes, comme certaines et démontrées :
1° Plus une chose a d'être, plus elle a d'action et moins de passion, car il est certain que l'agent agit par ce qu’il possède, et le patient souffre par ce qui lui manque.
2° Toute passion qui nous fait passer de l'être au non-être, ou du non-être à l'être, doit procéder d'un agent externe et non interne : car aucune chose, considérée en elle-même, n'a en soi une cause par laquelle elle puisse se détruire, lorsqu'elle est, et par laquelle elle pourrait s'appeler elle-même à l’être, lorsqu'elle n'est pas.
3° Tout ce qui n'est pas produit par des causes externes ne peut entrer en commerce avec elles, et par conséquent ne peut être par elles ni changé ni transformé.
4° De la 2° et de la 3° proposition se tire la proposition suivante : Tout ce qui vient d'une cause immanente ou interne (ce qui est pour moi la même chose) ne peut être détruit ou changé, tant que sa cause demeure, car, puisqu'une telle chose ne peut être produite par des causes externes, elle ne peut pas non plus (d'après la 3° proposition) être changée par de telles causes ; et comme, en général, aucune chose ne peut être détruite, si ce n'est par des causes extérieures, il n'est pas possible que cette chose produite puisse périr tant que sa cause interne persiste (d'après la 2° proposition).
5° La cause la plus libre et celle qui répond le mieux à la nature de Dieu, c'est la cause immanente. Car de cette cause l’effet dépend de telle sorte qu’il ne peut sans elle ni exister, ni être compris, ni même (par la 2° et la 3° proposition) être soumis à aucune autre cause ; en outre, l'effet est uni à cette cause de telle sorte qu'elle ne fasse qu’un avec lui.
(9) De tout ce qui précède il est facile de conclure ce que c'est que la liberté humaine. Je la définis un acte constant que notre intellect acquiert par son union immédiate avec Dieu, pour produire en soi des idées et en dehors de soi des actes qui soient d’accord avec sa nature (la nature de l'entendement), de telle sorte que ni ces idées ni ces actions ne soient soumises à des causes externes qui pourraient les changer ou les transformer. On voit par là et par ce qui a été dit précédemment quelles sont les choses qui sont en notre pouvoir et qui ne dépendent pas des causes extérieures. Par là est démontrée encore, d'une autre manière que plus haut, la durée éternelle de notre entendement, et quelles sont les actions qu’il faut estimer par-dessus tout.
Connais-toi toi-même.