Réflexion sur l'argument ontologique

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Cette partie du forum traite d''ontologie c'est-à-dire des questions fondamentales sur la nature de l'être ou tout ce qui existe. Si votre question ou remarque porte sur un autre sujet merci de poster dans le bon forum. Merci aussi de traiter une question à la fois et d'éviter les digressions.
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Messagepar hokousai » 07 juin 2008, 09:59

Cher Faun

(vous prenez l' exemple du bouddhisme comme "religion" ce qu'il n'est pas essentiellement , pas à l'origine , puisqu à l’origine il s'agit d'une école philosophique , comparable (touts proportions gardées ) au stoïcisme , et plus aux matérialismes antiques qu’aux platonismes ou à la gnose néoplatonicienne )

Vous focalisez sur l 'aspect ritualiste , magique et surnaturaliste du bouddhisme ,aspects qui apparentent le bouddhisme à ce qu’on dit être les religions . Vous me direz qu’il n’y a pas de limites à la superstition ,certes , mais le religieux ne se réduit pas à la superstition or c’est la superstition que Spinoza critique principalement .
Le bouddhisme serait- il une religion il ne se réduit déjà pas à la superstition sauf dans des versions populaires ). De mon point de vue le bouddhisme n’est pas une religion .
Qu’il y ait eu des synthèses ultérieures au bouddhisme primitif (lequel n’est pas un mythe ) n’est pas de la responsabilité du fondateur .

La critique de Spinoza porte aussi sur la moralisation de l’existence .
Et pourtant , quant à la morale, Spinoza est d’une certaine manière moral et je dirais même assez moralisateur ( qu’ on le compare à Nietzsche est d’ ailleurs plutôt surprenant )

Perso, je ne suis pas vraiment passionné par les questions de morale , mais j’admets très bien qu’ on se sente à la fois proche de Spinoza et proche d’une tradition religieuse (ou bien ouvert à une optique dite religieuse ) . Je ne suis allergique qu’aux intégrisme et positions extrêmes sectaires , exclusivistes et excluantes . Il y a une forme de rationalisme anticlérical qui est intolérante.

Le bouddhisme (ou le védantisme) considéré sous son aspect philosophique me parait comparable au spinozisme . Tout comme le thomisme des catholiques l’ est et Spinoza lui même se met en comparaison avec la scolastique médiévale .

Il y a une richesse de pensée proprement philosophique dans le bouddhisme , elle peut légitiment entrer en dialogue avec la tradition occidentale .
Sous le prétexte que le bouddhisme s’apparente sous certains aspects à une religion vous vous fermez à la connaissance de sa philosophie .Vous devez en faire à l’identique pour le catholicisme chrétien .

hokousai

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Faun
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Messagepar Faun » 07 juin 2008, 13:16

hokousai a écrit :La critique de Spinoza porte aussi sur la moralisation de l’existence .
Et pourtant , quant à la morale, Spinoza est d’une certaine manière moral et je dirais même assez moralisateur ( qu’ on le compare à Nietzsche est d’ ailleurs plutôt surprenant )


Je prend la morale au sens où Deleuze la définit : c'est un système du jugement, un ensemble de règles et de principes qui permettent de juger les actes et les pensées des hommes en deux catégories, Bien et Mal.
Spinoza ne procède jamais ainsi :

"Les philosophes conçoivent les affections qui se livrent bataille en nous, comme des vices dans lesquels les hommes tombent par leur faute, c'est pourquoi ils ont accoutumés de les tourner en dérision, de les déplorer, de les réprimander, où, quand ils veulent paraître plus moraux, de les détester."
Traité Politique, chapitre 1 § 1

(...) J'ai aussi considéré les affections humaines telles que l'amour, la haine, la colère, l'envie, l'orgueil, la pitié et les autres mouvements de l'âme, non comme des vices mais comme des propriétés de la nature humaine : des manières d'êtres qui lui appartiennent comme le chaud et le froid, la tempête, le tonnerre et tous les météores appartiennent à la nature de l'air.
Traité politique, chapitre 1 § 4

Cela me semble être exactement à l'opposé de la pensée religieuse, et notamment de la pensée du Bouddha, qui érige, à la manière de tous les prêtres, un tribunal dans la Nature, ce qui peut être vérifié ici :

http://fr.wikisource.org/wiki/Sermons_du_Bouddha

"Les superstitieux, qui s'y entendent plus à réprouver les vices qu'à enseigner les vertus et s'emploient, non pas à conduire les hommes par la raison, mais à les contenir par la crainte en sorte qu'ils fuient le mal plutôt qu'ils n'aiment les vertus, ne visent à rien d'autre qu'à rendre le reste des hommes aussi malheureux qu'eux ; il n'y a donc rien d'étonnant à ce qu'ils soient, en général, pénibles et odieux aux hommes.
Ethique, Proposition 63 partie 4, scolie.

Si vous prenez le temps de lire ces sermons bouddhistes, vous verrez que Bouddha dés l'origine se considère comme un religieux, un prêtre, un chef d'un ordre monastique, ce qu'il fut en réalité. L'opinion selon laquelle le bouddhisme serait une philosophie ayant dégénérée en religion est un mensonge, comme ces sermons le prouvent.

Mais pour moi le pire dans le bouddhisme, c'est ce système du jugement, cette morale donc, qui semble exister indépendamment de l'homme, comme un ensemble de lois morales écrites dans la Nature, et qu'on appelle le karma. Le Bouddha va même jusqu'à dire que ceux qui ne respectent pas ses principes de vie iront dans les enfers, cela revient sans cesse. C'est pourquoi je dis, en m'appuyant sur ces textes fondateurs du bouddhisme, que le bouddhisme est bien une religion, dotée d'une morale, donc d'un système de jugement, comme toutes les religions. Tandis que la philosophie de Spinoza, au contraire, nie l'existence d'un tel jugement. Spinoza ne juge pas la vie des hommes, il tente au contraire de réconcilier les hommes avec leurs affects, avec leurs désirs, en détruisant toute idée de culpabilité, toute haine de soi, et en détruisant tout le système du jugement, qui débouche inévitablement sur la haine des autres.
Vous voyez bien que les affects les plus utiles aux hommes sont, pour Spinoza, la satisfaction de soi, c'est à dire l'amour propre (" ce que nous pouvons espérer de plus haut" scolie proposition 52 partie 4), la gloire ("une joie qu'accompagne l'idée d'une de nos actions dont nous imaginons que d'autres la louent" définition 30 des affects, partie 3), la faveur ("l'amour pour quelqu'un qui a fait du bien à autrui" définition 19 des affects, partie 3). C'est à dire la joie avec l'idée de soi ou avec l'idée d'autrui, c'est à dire l'amour de soi et l'amour des hommes. Tout le contraire du bouddhisme qui conseille l'extinction des désirs et la destruction de la joie autant que de la tristesse.

J'irais même plus loin. L'amour de la vie et des homme doit déboucher nécessairement sur l'amour de la nature humaine telle qu'elle est, l'amour pour les hommes, pour être complet, c'est à dire absolu, doit aimer dans les hommes également leurs amours et leurs haines, leurs joies et leurs tristesses, leur douceur et leur violence, leurs passions autant que leurs actions. C'est un tout autre monde que le monde moral des religions.

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Messagepar hokousai » 07 juin 2008, 14:44

cher Faun

Quand on aime pas ( pour x raisons ) tous les prétextes sont bons .Un catholique ( et on a vu passer un ) va trouver tous les prétextes pour justifier son aversion du spinozisme et les spinozistes de dire qu'il n'y a rien compris .
Apparemment le spinozisme ne convient pas universellement ..de même du bouddhisme vilipendé par les catholiques comme par les spinozistes .

Pour moi il n'y pas de voie universelle mais seulement celle qui convient à chacun .Les querelles de chapelles ne m’intéresse plus .
Peut être d’avoir compris d’ où cela procède et surtout d’avoir vu où cela conduisait .

Je n'ai appris à vivre ni dans le bouddhisme ni dans Spinoza mais en vivant .
Je ne reçois pas de leçon de conduite et n’ aime guère en donner .
Je peux lire avec une certaine sympathie le point de vue de chacun mais sans plus .

Je sais ce que j 'ai à faire et je le fais .

hokousai

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Messagepar sescho » 07 juin 2008, 14:49

Louisa a écrit :... si tu voulais utiliser ici "qualité" au sens neutre de "caractéristique": je crois qu'on est d'accord.

Non, je l'entendais comme une 'bonne disposition" vis-à-vis des lois de la sagesse. Il ne t'a pas je pense échappé que Spinoza concilie totalement la nécessité naturelle et l'éthique, laquelle - comme toute éthique - distingue le "bien" du "mal", ces termes étant entendus comme relatifs et non absolus, tout en étant néanmoins traductions de lois réelles de la Nature.

C'est exactement comme dire que la maladie est naturelle comme tout, mais qu'il apparaît spontanément et irréductiblement, par nature, préférable aux hommes d'être en bonne santé, et d'y tendre si l'opportunité s'en présente (par les soins, par exemple.) Il en est de même pour le mental. Spinoza dans ce cadre utilise tellement de termes "fleuris" (que tu traduis pourtant invariablement par "insultes" quand ce sont des intervenants qui les emploient) qu'à les mettre bout à bout je prendrais de la place (bien plus que le bouddhisme en passant, qui n'en emploie jamais, ou presque, n'en déplaise aux pourfendeurs de la "moralisation", qui ne font en fait que montrer leur absence de sens moral, ou plutôt prennent pour éthique ce qui leur sert de sens moral.) Je serais curieux de savoir ce que tu aurais répondu à "ne mérite même pas le nom d'homme" dans le post d'un intervenant... Quand je dis "rhume" je n'insulte pas le malade, non ? Quand je dis "vanité" non plus (la question de ma compétence propre mise à part.) Le "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil" m'a toujours semblé hautement suspect. C'est soit une ignorance, soit une pose pseudo-sage. Je pense que le sage vit selon "tout le monde il est beau", mais pas (pour ce qui concerne les défauts pris seuls) "tout le monde il est gentil."

Note : tout ce que fait l'homme est "humain", c'est une simple lapalissade.

Louisa a écrit :En philosophie, l'attitude que tu proposes (et encore une fois, que je respecte) est inconcevable.

Excuse-moi, mais je ne considère pas que tu puisse parler au nom de la Philosophie. Et je précise : alors même que je me fous éperdument qu'on qualifie ce que je fais de philosophique ou non. Si ce n'est pas philosophique, et bien soit. Pour moi, l'enjeu c'est autre chose : mon progrès vers la vérité de mon esprit et sa béatitude, et de le partager avec tous ceux qui sont dans cette voie.

Donc si tu le veux bien, ne m'adresse plus de considérations générales sur ce qui est philosophique et ne l'est pas. C'est sans aucun intérêt pour moi à plusieurs titres. Par "sérieux" j'entends "travail en profondeur." S'il suffisait d'avoir lu une fois (ou même cent fois sans se fatiguer) pour avoir compris Spinoza ou le Bouddhisme, par exemple, cela se saurait. Il faudrait aussi une très bonne mémoire pour se souvenir de tous les passages de l'Ethique, entre autres, qui se rapportent à un point particulier...

Louisa a écrit :... la vanité que tu vois apparaître ne trouve son "lieu naturel", il me semble, que par rapport à une connaissance que j'ai appelé "religieuse", au sens où il faut bel et bien une "initiation" personnelle dans le mystère avant d'être autorisé à se prononcer, ou avant de pouvoir être un interlocuteur valable pour celui qui se juge déjà "initié".

Non pas "initié", "compétent." Quand il me semble qu'on parle sans fond, et en plus péremptoirement et négativement, je le dis éventuellement, c'est tout. Et si ta position c'est : oui mais c'est seulement ton opinion, et comment peux-tu savoir, etc., etc. ... alors là si tout se vaut, même le bla-bla, alors la seule solution économique c'est de tout arrêter, de ne plus rien dire. Mais il restera que les comptes se font chaque jour dans notre propre esprit...

Louisa a écrit :je crois que je me suis mal exprimée. Je voulais dire que cela met l'interlocuteur dans la position de celui qui est censé être dépourvu de raison, sachant que la raison est lune des façons dont s'exprime l'essence humaine elle-même, chez Spinoza. C'est donc quelque part lui nier son humanité, ce qui est inévitablement faire de lui moins de cas qu'il n'est juste, donc le mépriser. Sachant que le Mépris est une forme d'Orgueil, je crains que ce soit plutôt celui qui traite l'interlocuteur comme étant dépourvu de raison (puisqu'il n'essaie même pas de donner les raisons qui lui font soutenir telle ou telle interprétation d'un texte) qui risque d'être vaniteux que l'interlocuteur en question (je parle bien en général ici; il s'agit du principe en tant que tel, après chacun fait et pense ce qu'il veut, bien sûr).

L'interlocuteur est ce qu'il est et ce que j'en dis n'y change rien. Il n'y a que la vanité qui se vexe. Dès que l'on contredit, on laisse entendre que l'autre à mal compris. Si je mets le texte brut sans commentaire, je l'ai déjà dit, c'est que je ne me vois pas répéter les mêmes phrases en changeant seulement les mots. Voyant cela, l'interlocuteur peut faire l'exégèse des phrases en question pour me montrer que ce qui s'y trouve ne soutient pas mon propos. Mais soyons honnêtes : le problème n'est pas là en l'occurrence ; nous sommes face à des affirmations péremptoires sans aucun soutien du texte.

Quant à ma vanité, je te prie de croire que je m'en occupe moi-même autant que mes forces me le permettent, et te t'invite à en faire de même (ce qui n'a rien à voir avec le ton employé, mais avec le fond.)

En fait, au-delà de ce qui est philosophique ou non, c'est toute leçon ad hominem que je demande de cesser, si tu veux bien. Cela n'a aucun intérêt pour moi, et je me contente très bien d'un travail de fond sur les textes des grands auteurs.

Louisa a écrit :... il m'arrive rarement (et sans vouloir provoquer en disant cela) de lire tes longues citations. Je connais ces textes, je les ai déjà lus, simplement en les relisant je ne vais pas y voir que ce que j'y voyais déjà, ou disons que la chance est petite que tout à coup je vais y voir ton intérprétation.

OK. Moi j'ai du mal, comme d'autres, avec la longueur de tes posts. Si tu pouvais condenser et structurer sur l'essentiel, je pense que ce serait mieux (avec quelques citations complètes quand-même, qui sont rares, car le forum est consacré à Spinoza, et éventuellement à d'autres grands auteurs, qu'il nous intéresse de comprendre.)

Louisa a écrit :... serais-tu d'accord pour dire qu'ici tu résumes bien ce qu'on pourrait appeler ta "profession de foi"? Ou trouves-tu plutôt que n'importe qui devrait accepter la "vérité" de cette hypothèse?

Mais je m'en fous ! Tu nous vois demander sur chaque affirmation de chacun s'il s'agit d'une profession de foi, etc. Nous perdons notre temps !

Louisa a écrit :Le jour où tu prends le temps de l'argumenter, j'y réfléchirai avec beaucoup d'intérêt et de plaisir.

Je te propose dans ce cas de commencer par reprendre le sujet de la prétendue "connaissance du troisième genre des choses singulières" selon Spinoza avec ton exégèse, phrase par phrase, mot par mot, des passages afférents de Spinoza que nous attendions.

Louisa a écrit :... il me semble qu'il convient de parler d'une "opinion", c'est-à-dire une vérité qui n'a pas la capacité de convaincre d'autres que soi-même.

La vérité c'est que tu n'en sais rien, et tu appelles cela comme tu veux. Un autre interlocuteur peut cependant avoir des connaissances et argumenter sur le fond. Un autre peut être interpelé et vérifier par lui-même, etc.

Louisa a écrit :J'ai uniquement un problème avec la deuxième partie de ce que tu prétends: que ceux qui pensent autrement seraient par là même déjà dans la "vanité". Il me semble être plutôt assez vain d'espérer que tout le monde partage une opinion non prouvée, non?

J'employais ici "vanité" dans le sens large : ce qui est vain. Jamais "tout le monde" ne partagera ce que je signifie, ou indique. Et alors? Un me suffit, si cela doit être. Mais oui, mon appréciation de la situation est que ces oppositions radicales, manifestement non consolidées par l'étude - cela se repère, quand-même ; mais tu vas me dire que c'est ma façon de voir les choses, etc., ce qui est un non-argument qui ne peut être contredit - sont vaines.


Cordialement


Serge
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Messagepar hokousai » 07 juin 2008, 15:14

ma chère Louisa


Il me semble être plutôt assez vain d'espérer que tout le monde partage une opinion non prouvée, non?


Mais c'est que l'espoir est aussi vain au sujet des opinions prouvées .

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Messagepar Ulis » 07 juin 2008, 15:35

Faun à écrit "J'irais même plus loin. L'amour de la vie et des homme doit déboucher nécessairement sur l'amour de la nature humaine telle qu'elle est, l'amour pour les hommes, pour être complet, c'est à dire absolu, doit aimer dans les hommes également leurs amours et leurs haines, leurs joies et leurs tristesses, leur douceur et leur violence, leurs passions autant que leurs actions. C'est un tout autre monde que le monde moral des religions."

Moi, je n'irai pas jusqu'à dire que l'amour de la vie de chacun inclu l'amour de la tristesse des autres. Nous aimons Dieu car nous sommes un mode de lui même. La relation entre les modes ne peut être d'amour qu'au second degré (via dieu)
Ce qui nous conduit est simplement notre intérêt bien compris. Notre utilité propre "ne pas faire à autrui ce que l'on ne voudrait pas que l'on nous fasse" il n'y a effectivement pas de morale la dedans mais que de la logique, de l'intelligence, de la connaissance. Bien vivre c'est faire en sorte de ne pas être asservi par le vulgaire. L'amour pour l'homme libre ne se commande pas, il est naturel.
Cher Faun, vous dérapez en idéalisant le spinoziste, il est comme tout le monde, il n'aime pas les cons. Il est même élitiste et vous le savez bien.

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Messagepar hokousai » 07 juin 2008, 19:31

à ULis
Nicolas de Cuse ( un cardinal un peu original je le reconnais ) disait que toute l' éthique se résumait à "aime ton prochain comme toi même"

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Messagepar sescho » 07 juin 2008, 20:01

Pour détendre, et recaler l’ensemble, je voudrais ici reproduire quelques extraits (j’ai dû me forcer à tailler, car j’aurais tout laissé…) de la préface très à-propos de André Comte-Sponville (une référence, je pense, en matière de Philosophie Morale) au livre II de correspondance de Swami Prajnanpad, Les yeux ouverts, que j’ai citée. Il y aborde le sujet de convergences avec l’Occident déjà discutées sur le site :


« Il faut dire un mot, très rapidement, de sa formation. Né en 1891, en Inde, dans une famille brahmane, Svâmi Prajnânpad (qui s'appelle alors Yogeshwar Chattopadhyay) est élevé dans la tradition hindouiste (dont il rejettera plus tard le « paganisme » et les « enfantillages ») et fait, à l'Université, de brillantes études de physique. Cette double formation, à la fois traditionnelle et moderne, spirituelle et scientifique, fait une partie de sa singularité : très au fait de la culture occidentale (il enseigna la physique à l'Université), lisant et parlant couramment l'anglais, Svâmiji ne cesse par ailleurs de méditer sur les grands textes de la tradition indienne, des Upanishads au bouddhisme ou au tantrisme. Il fut aussi l'un des premiers lecteurs indiens de Freud, et l'inventeur d'une technique thérapeutique originale (les lyings), fondée sur l'expression des émotions et s'inspirant à la fois — tant pis si cela fait hurler nos petits singes dogmatiques — de la psychanalyse et de l'Advaita Vedânta. »


« Ce qui me frappe […] dans les dialogues de Prajnânpad avec ses disciples indiens ou dans sa correspondance, c'est l'étonnante irréligiosité, ou non-religiosité, qui s'y exprime. Certes, Svâmiji est un maître spirituel, et c'est à ce titre qu'il nous intéresse. Mais la spiritualité, explique-t-il, n'est qu'« un autre nom pour l'indépendance » : « Croire en Dieu, fréquenter les temples ne confère aucune spiritualité... Ce ne sont que des histoires que l'on se raconte à soi-même. » Mieux — ou pire ! —, cette spiritualité se conquiert, non dans une fuite éperdue ou béate vers l'espérance, mais au fin fond du désespoir, dans un long et douloureux travail de lucidité, d'acceptation et de deuil. Ce maître — car c'en est un, et considérable, et l'un des plus grands de ce temps — n'est pas un optimiste, ni un rêveur, ni un croyant. Un philosophe ? Pas même. Guère plus que le Bouddha, dont il se sait si proche, il n'enseigne de doctrine ou n'attache d'importance à celles, quand cela lui arrive, qu'il évoque. C'est à peine si l'on peut parler de sa pensée, puisque toute pensée pour lui est mensongère qui ne sert qu'à nous séparer du réel. Il se contente de voir (« le sage voit cela comme cela est », disent aussi les textes bouddhistes), d'être un avec ce qu'il appelle indifféremment la vérité ou la réalité, laquelle est neutre, ni bonne ni mauvaise, ni agréable ni pénible, et promise seulement au changement ou à la mort. Un philosophe ? Point, mais beaucoup mieux : un sage. La denrée est plus rare et — y compris pour les philosophes – plus utile.



Ce n'est pas de littérature qu'il s'agit, ni même, répétons-le, de philosophie. Ces livres sont importants parce qu'ils sont plus et moins (un peu moins, beaucoup plus) que des livres. Il faut y chercher, non l'ébauche d'une œuvre, mais la trace d'un vivant.



C'est une expérience toujours surprenante, qui ne m'a jamais trompé : chez Prajnânpad comme chez Krishnamurti — mais aussi bien comme chez Simone Weil ou Spinoza — il y a ce ton unique, fait d'élévation et de simplicité, cette gravité sans faiblesse, cet amour, cette exigence, cette lucidité... Une lumière qui ne ment pas. Et tant de proximité, en effet, de lui à moi (autant qu'il peut y en avoir entre un sage et un philosophe...), tant d'étonnantes convergences... Je lus alors les autres livres que j'évoquais plus haut, et me voici préfaçant le dernier... Au nom de quoi, puisque je ne l'ai pas connu ? Au nom de cette connaissance sans visage et sans voix que les livres transmettent, une pensée (fût-ce pour dire la vanité de toutes), une vision, une vérité, une sagesse. Dans toute parole, si elle est vraie, quelque chose survit à l'extinction de la voix, quelque chose rayonne encore dans le silence. Quoi ? La vérité, bien sûr, l'éternelle vérité : « Ce qui n'est pas vrai apparaît et disparaît. La vérité, au contraire, ne meurt ni ne naît. »



« Tout est souffrance », disait le Bouddha, et Svâmiji, s'il les nuance parfois, n'en infirme ni le diagnostic ni l'étiologie.



Il y a comme un cynisme de Svâmiji, qui fait plaisir à voir et qui nous change de toutes les bondieuseries. « Qu'est-ce qu'un homme réalisé ? C'est un homme qui boit, qui mange, qui fait l'amour et qui est parfaitement satisfait. » La sagesse est simple comme bonjour, et c'est pourquoi elle est si difficile. Elle suppose l'acceptation et le désespoir : il faut pardonner à la vie de n'être que ce qu'elle est, ou plutôt (car le ne que est trace encore de l'attente déçue) d'être très exactement ce qu'elle est, sans aucune faute, d'être parfaitement ce qu'elle est (Spinoza : « par réalité et par perfection j'entends la même chose »), et l'accepter telle. Alors seulement l'amour devient possible, sans mensonges, sans illusions, sans artifices.



De là l'orientation volontiers matérialiste (comme on dirait en Occident) de Svâmiji. L'acceptation du réel suppose l'évacuation de tous les arrières mondes, de tous les idéaux, de toutes les valeurs. Pour Prajnânpad comme pour Clément Rossez, le réel a toujours raison," et c'est donc l'idéal qui a tort. « Not what should be but what is », « pas ce qui devrait être mais ce qui est »



Il faudrait confronter cet enseignement de Prajnânpad, tel que je l'esquisse ici, avec celui des sages occidentaux. Bien souvent, Svâmiji fait penser à Spinoza, par son acceptation joyeuse de la nécessité, par son sens de l'infini et de l'unité de tout, par la perception qu'il a de l'éternité du présent, par l'importance qu'il accorde à la connaissance et par son refus de tout moralisme (« Non pas "bien ou mal" mais "connaissance ou ignorance" »), par son amour sans illusions ni petitesses, par sa lucidité (« Tout sujet, toujours, sous quelque forme que ce soit, n'agit que dans son propre intérêt... »"), par sa miséricorde infinie... Souvent aussi, mais sur d'autres thèmes, on pense à Héraclite, dont Prajnânpad (qui à ma connaissance ne le cite jamais et sans doute ne le connaît guère) semble parfois étonnamment proche. Même pensée du devenir ou de l'impermanence, même sentiment de l'unité des contraires, même émerveillement devant la nouveauté pérenne et fugace des choses... Parfois, c'est à s'y tromper : « Il y a un changement continuel dans le monde extérieur : bonheur d'un côté, malheur de l'autre, plaisir et souffrance, chaleur et froid, douceur et brutalité, amour et haine, etc... Partout la dualité. Rien n'est monotone... A chaque seconde tout est nouveau. »

C'est pourtant avec les stoïciens que la ressemblance est la plus frappante, et pas seulement parce qu'ils réunissent ce qu'ils empruntent à Héraclite et ce que Spinoza leur empruntera. Les convergences sont telles, ici, qu'elles excèdent ce genre de calcul et révèlent plutôt comme une communauté d'inspiration, qui frise parfois, du moins c'est ce que j'ai cru percevoir, l'identité pure et simple. On dira que c'est bien surprenant, à travers tant de siècles et tant de milliers de kilomètres, et je ne prétends certes pas qu'il y eût influence. Pas plus qu'il ne cite Héraclite, Prajnânpad ne cite Zénon, Chrysippe ou Marc-Aurèle. D'ailleurs, si influence il y avait eu, ce serait plutôt, géographiquement, dans l'autre sens : les fondateurs du Portique venaient d'Asie mineure et leur pensée excède, sur bien des points, la tradition grecque ; toute influence indienne, directe ou indirecte, n'est pas forcément à exclure, qui pourrait expliquer en retour ce que Svâmiji semble parfois avoir de stoïcien... Peu importe. Il ne s'agit pas ici d'histoire des idées, mais de l'aventure de l'esprit. Que tous les sages en quelque chose s'accordent, chacun le sait, comme aussi qu'il y a malgré tout différentes écoles de sagesse, qui sont comme autant de voies différentes vers une même réalité, forcément une, puisqu'elle est la réalité même. Nous y voilà. Ce qui rapproche Svâmiji des stoïciens, ce n'est pas seulement l'identité du but, c'est le quasi parallélisme (et pourtant la convergence !) des chemins — au point que Svâmiji nous rend celui des stoïciens plus compréhensible, plus proche, et leur donne, pour ainsi dire de l'intérieur, comme un surcroît de vie ou de modernité. Je ne peux m'y arrêter comme il le faudrait. Prajnânpad partage avec les stoïciens, déjà, l'essentiel de ce que ceux-ci empruntent à Héraclite : le sens du devenir, de l'unité des contraires, de la beauté toujours neuve de tout... Mais on sait trop peu de choses sur Héraclite pour pouvoir affiner beaucoup les comparaisons. Concernant le stoïcisme, au contraire, des rapprochements innombrables s'imposent, dont chacun justifierait un chapitre ou un livre. Comme les stoïciens, Prajnânpad est convaincu de la nécessité de tout, comme eux il y voit une chaîne de causes, qui ne connaît ni hasards ni exceptions : « Ce qui existe est un effet. Il n'y a pas d'effet sans cause. Rien n'arrive fortuitement, par hasard. » Comme eux, il voit bien que cela exclut le libre arbitre et, donc, la responsabilité morale : « Vous êtes vous-même, vous étiez ce que vous étiez, et vous ne pouvez être que ce que vous êtes. Vous n'avez donc à avoir honte de rien, vous n'avez rien à cacher, et par conséquent rien à refouler. Quoi que l'on fasse, c'est juste et correct au moment où on le fait. »` Comme eux, il en tire une éthique de la miséricorde et de la sympathie universelle. Chacun fait ce qu'il fait et ne peut faire autre chose : à quoi bon la haine ou la colère ? Ce ne sont que refus et ignorance : « Voir les autres comme ils sont, c'est cela la sagesse. Souhaiter qu'ils soient autrement, c'est cela l'ignorance. »



Comme eux […] Prajnânpad fait de la liberté le bien suprême (« La perfection ? Pas de dépendance. ») et, comme eux, il ne trouve de liberté que dans l'acceptation de la nécessité. Fatalisme ? Pas au sens où on l'entend, en tout cas, quand on prétend justifier la paresse ou l'inaction. Svâmiji réinvente ici la théorie des confatalia, par laquelle Chrysippe réfutait l'argument paresseux : « Si vous pensez "tout ce qui doit arriver arrivera" et si vous gardez vos livres d'étude fermés, quelle note aurez-vous à l'examen et quelles connaissances aurez-vous tirées de ces livres ?... De l'effort ou de la destinée, lequel est vrai ? Les deux sont vrais, les deux ensemble sont vrais ; les deux ne sont pas séparés... » S'il faut, pour Svâmiji comme pour Epictète, « accepter ce qui arrive simplement parce que cela arrive », c'est d'abord parce qu'on ne peut faire autrement (« Pouvez-vous dire "Non, ce n'est pas arrivé" ? Impossible ! Alors acceptez ») ; c'est ensuite parce qu'on ne saurait sans cela vivre en paix ; c'est enfin parce que c'est la condition d'une action lucide et, par là, efficace. « Vous ne pouvez pas faire autrement que d'accepter ce qui est là. Voir et accepter ce qui est, et ensuite, si besoin est, essayez de le changer. Est-ce du fatalisme ou est-ce un fait ou une vérité à laquelle vous ne pouvez échapper ? Si vous êtes malade, gagnerez-vous quelque chose en vous révoltant, ou en acceptant ; oui la maladie est là ; et alors, si besoin est, essayez de l'éliminer. » De là l'attitude propre au sage, qui le distingue aussi bien de l'agitation vaine des affairés (les occupati de Sénèque) que de la passivité des lâches ou des paresseux. « Non pas tendre vers un idéal, mais se confronter à la réalité telle qu'elle est... Non pas méditer mais agir. » Le sage est un homme d'action (kartâ : celui qui agit) et toute action, par l'acceptation du réel qu'elle suppose, est leçon de sagesse. »


Amicalement


Serge
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Louisa
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Messagepar Louisa » 08 juin 2008, 02:14

Cher Hokousai,

Louisa:
Il me semble être plutôt assez vain d'espérer que tout le monde partage une opinion non prouvée, non?

Hokousai:
Mais c'est que l'espoir est aussi vain au sujet des opinions prouvées.


aussi vain ... ? Je ne le crois pas. Les vérités prouvées par la raison peuvent convaincre n'importe qui qui dispose de la raison, c'est-à-dire tous les hommes sauf les malades mentaux. Cela ne signifie pas que la raison est capable de résoudre tous les problèmes (loin s'en faut), cela signifie seulement que QUAND elle a réussi à en résoudre un, plus que d'autres facultés humaines elle permet de communiquer la vérité (il suffit de penser aux mathématiques, par exemple, où la majorité des démonstrations sont acceptées comme vraies par n'importe quel mathématicien, qu'il soit chinois, africain, riche ou pauvre, démocrate ou totalitaire, athée ou croyant, et ainsi de suite).

De même, c'est à mon sens parce que Spinoza a cherché et trouvé un bien qui se laisse COMMUNIQUER qu'il avait besoin du more geometrico. Cela n'empêche qu'il n'a pas fait que de donner des démonstrations rationnelles, il a en même temps écrit un livre de philosophie, avec tout ce que cela suppose comme parti pris. L'absence du libre arbitre par exemple y est prouvé, mais on ne peut l'appeler une certitude que si l'on prend un instant les définitions et axiomes de l'Ethique non pas pour des définitions et axiomes mais pour des vérités prouvées. Le kantisme n'est pas moins "rationnel" que le spinozisme, tandis que le libre arbitre constitue là un des clefs de voûte du système. Que l'on ne sait pas contraindre quelqu'un par un raisonnement logique d'adopter l'une ou l'autre hypothèse (p.ex. concernant le libre arbitre) me semble être évident, car ce raisonnement logique n'existe tout simplement pas. Mais cela n'entrave aucunement la possibilité d'expliquer rationnellement à des non kantiens les idées essentielles du kantisme, en se mettant activement au niveau de compréhension de chaque intéressé. Je ne vois pas pourquoi la même chose ne serait pas possible avec le spinozisme (cela requiert un certain intérêt pour la pédagogie, bien sûr, mais tenant compte de la Générosité comme notion centrale de l'Ethique, peut-on légitimement dissocier ce désir de pédagogie du spinozisme?).

Ulis a écrit :(...) le spinoziste, il est comme tout le monde, il n'aime pas les cons. Il est même élitiste (...)


certains qui se réclament de Spinoza peut-être, mais je ne vois pas comment concilier cela avec le spinozisme. Si Spinoza conseille (à son tour) d'aimer son prochain, et s'il répète à l'envi que le commun des mortels est fort ignorant, QUI va-t-on aimer, en tant que "spinoziste", si on élimine d'abord de notre "champ d'amour" tous les "cons" (c'est-à-dire, traduit en du langage spinoziste, tous les colériques, tous les désespérés, tous ceux qui jugent avant d'avoir compris, tous ceux soumis à la Haine, tous ceux qui se contredisent, tous les "vaniteux", tous ceux qui n'approfondissent rien, etc)... ?

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LaPhilosophieAuMarteau
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Physico-chimique

Messagepar LaPhilosophieAuMarteau » 08 juin 2008, 03:32

Peux-t-on dire selon vous que Spinoza avait raison pour la seule raison qu'il a décrit sa propre approche de la réalité, sa propre interprétation? Lorsque vous parlez des cons ou des malades mentaux en de tels termes, vous ne faîtes que justifier avec de mauvais arguments votre propre point de vue. Ces personnes n'ont simplement qu'une approche de la réalité différente de la votre que pour la simple raison qu'ils ont une constitution physico-chimique, et par suite une intéraction avec leur environnement, différentes des votres.

Etre en accord avec les approches de la réalité de Spinoza, c'est à dire EN AVOIR LA MEME INTERPRETATION, cela signifie simplement que vous avez une constitution physico-chimique proche de la sienne inter-agissant avec un environnement similaire.

Il y a donc forte à parier que toutes les partie prenantes de ce forum ont des constitutions physico-chimiques proches et évoluent dans des environnements similaires, produisant ainsi une interprétation presque identique des textes qu'ils lisent. Le débat ne se produisant ainsi qu'à la marge...


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