Réflexion sur l'argument ontologique

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar vieordinaire » 11 juin 2008, 05:31

Chere Louisa:

Louisa a écrit :je ne crois pas que ceci soit très spinoziste. Jamais Spinoza ne parle d'un Corpus sivi Spiritus. Si la Nature est elle-même Dieu, le corps n'est jamais lui-même un esprit, chez Spinoza. Tout comme l'attribut de la Pensée n'est pas du tout lui-même l'attribut de l'Etendue, d'ailleurs. Ou pour le dire en tes termes: la "logique" du sive est différente de celle du quatenus.


"cause or [seu] reason"

"Et ideo sive naturam sub attributo extensionis, sive sub attributo cogitationis, sive sub alio quocumque concipiamus, unum eundemque ordinem sive unam eandemque causarum connexionem, hoc est, easdem res invicem sequi reperiemus." (2p7)

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Louisa
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Messagepar Louisa » 11 juin 2008, 14:37

Vieordinaire a écrit :"cause or [seu] reason"

"Et ideo sive naturam sub attributo extensionis, sive sub attributo cogitationis, sive sub alio quocumque concipiamus, unum eundemque ordinem sive unam eandemque causarum connexionem, hoc est, easdem res invicem sequi reperiemus." (2p7)


Chère (cher?) Vieordinaire,

merci pour la citation.

Elle dit à mon avis que la Nature n'a qu'un seul ordre ou connection de causes, que l'on la conçoit sous l'un attribut ou sous un autre. Ce qui est ici toujours le même, c'est l'ordre de l'enchaînement des causes, et cela du point de vue de n'importe quel attribut. Mais cela ne signifie guère que ces attributs eux-mêmes seraient tous des synonymes.

Autrement dit: ce que je suppose que tu veux suggérer par cette citation de Spinoza mise à côté d'un passage à moi, c'est que l'on peut conclure de concipere sive sub x, sive sub y, sive sub z à x sive y sive z ? Si oui: cela ne me semble pas vraiment justifié. Ou disons qu'il faudrait en tout cas une justification explicite avant que je puisse comprendre sa possibilité.

Pour faire des attributs des synonymes, il me semble qu'il faudrait trouver des citations d'expressions tel que attributum extensionis sive cogitationis. Or Spinoza revient sans cesse sur le fait que l'étendue et la pensée n'ont rien en commun, donc cela me semble être peu probable d'en trouver une. Tout comme on ne trouvera pas d'expressions telles que Natura naturans sive naturata. On peut considérer la Nature OU BIEN (= sive) EN TANT QUE (quatenus) naturans, ou bien en tant que naturée. Elle est les deux, mais comme l'être de la substance (naturante) ne constitue pas la forme des modes (naturée), il est clair que nous ne parlons pas de synonymes. Le "ou bien" porte sur le "concevoir" ou "considérer", tandis que ce qui distingue les deux est indiqué par le "en tant que" (quatenus ou dans ta citation: sub).

De même, ce qui reste identique dans ta citation, c'est l'ordre causal, et cela indépendamment des points de vue selon lesquels on le conçoit. Cela ne fait pas de ces points de vue eux-mêmes des choses identiques, la où le Deus sive Natura indique bel et bien des synonymes, c'est-à-dire des mots interchangeables (partout où Spinoza utilise "Dieu", on peut remplacer par "Nature"; ce qui n'est point possible pour les termes "corps" et "esprit", par exemple).

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Messagepar hokousai » 11 juin 2008, 14:50

à vie ordinaire

presenter une logique de l’ambiguite c’est precisement ‘etre clair et distinct’ a ce sujet.


Selon vous Spinoza serait clair et distinct sur l 'ambiguïté ......

Remarquez que votre difficulté à définir l’ ambiguité est encore la meilleure illustration de la question et meilleure que de prétendre que Spinoza en propose une défense claire et distincte .

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Messagepar vieordinaire » 11 juin 2008, 15:48

Chere Louisa:
Est-ce que l'expression 'sive, seu' a plusieurs sens selon vous? Il y a certaine identite dans le cas de Dieu et nature mais pas dans le cas d'un mode sous l'etendue et sous la pensee? Je suis parfaitement d'accord. Et c'est cela que j'apelle une ambiguite. Cela pose la question: "qu'est-ce que "identite" veut vraiment dire ... (voir plus bas)

Si nous simplifions un peu:

[Je suis] corps (=A). [Je suis] esprit (=non-A). Mais [je ne suis] pas deux ( [je suis] 'res' -> "=" ).


Certains peuvent conclure que (A=non-A) -> contradiction
Mais pas Spinoza. Une logique de l'ambiguite affirme d'un autre cote que A is(=) and is not(~=) non-A; mais non pas d'une facon aleatoire ou arbitraire mais avec un certain ordre (lequel je n'ai pas vraiment la capacite de developper sur ce forum)
Est-ce que nous avons A=non-A ou bien A~=non-A? Peux-tu vraiment choisir sans aboutir avec un problem d'interpretation?

Ceci n'est qu'une metaphore ou analogie concrete de l'ambiguite fondamentale:
Attribut de l'etendue (=A). Attribut de pensee (=non-A). Il n'y a qu'une substance ( -> "=").
Contradiction ou pas?

Pour certains philosophes (plusieurs a part de cela) cela represente une contradiction (voir les references que j'ai fourni avec mon premier post) et c'est pourquoi ils rejettent d'une certaine facon certains elements--sinon pas tous--de la philosophie de Spinoza. Tu n'as pas a etre d'accord avec les premises, deductions et conclusions de leurs analyses; je n'ai aucun probleme avec cela. Mais je crois pas que tu puisses simplement rejetter leurs analyses et interpretations sur le compte qu'ils ne savent pas vraiment ce qu'ils disent, ou que leurs interpretations ne soient pas 'philosophiques', ou ils savent pas ce qu'est la logique, ou tout autre raison.

Louisa a écrit :"fort bien, mais je vois beaucoup trop le procédé d'interprétation non philosophique à l'oeuvre, chez ce genre de commentateurs, pour pouvoir leur donner cet avantage du doute. Voir ce que je viens de dire ci-dessus à ce sujet. Il s'agit à mon sens simplement d'erreur METHODOLOGIQUE. On oublie qu'en philosophie, les mots n'ont pas un sens univoque, et que les présuppositions des philosophes étudiés sont rarement les mêmes que celles du lecteurs."


Je crois qu'ils connaissent tres bien les difficultees qui decoulent de communiquer soit par ecrit ou en parole, ou tout autre moyen. Mais comme a dit Spinoza: "tout en voyant le mieux il est souvent forcé de faire le pire".


Comme Bill Clinton il y a de cela plusieurs annees, la notion des attributs de Spinoza nous plonge dans l'obscurite de ce que 'etre', identite, etc. veulent dire ou doit etre defini. Et comme le cas de Bill Clinton illustre bien (we all know what 'is' is in that case!), il y a une 'resolution' a ce qu'"etre" veut vraiment dire (est-ce qu'un attribut est substance? Une logique de l'ambiguite va repondre: Oui sive non). Mais contrairement a toi, je ne crois pas que resolution soit une reponse intellectuelle , ou puisse etre finalement achevee par ce moyen. La resolution impliqe la connaissance du troisieme genre--laquelle n'est pas d'origine imaginative (1p8,1p15 et la cinquieme partie) donc intellectuelle , bien qu'elle implique de certaines facons toutes nos dimensions 'of knowing (cognitio)' donc nos capacities intellectuelles.


Qu'as-tu voulu dire pas "qualitativement diverse"? qualite "caractère, propriété, manière d'être"
percu par l'intellect="way of being"?

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Messagepar Louisa » 11 juin 2008, 16:05

Chère VieOrdinaire,

VieOrdinaire a écrit :[Je suis] corps (=A). [Je suis] esprit (=non-A). Mais [je ne suis] pas deux ( [je suis] 'res' "=" ).

Certains peuvent conclure que (A=non-A) contradiction


on PEUT bien sûr, SI L'ON LE VEUT, conclure à une contradiction. Mais alors il faut supposer que non A est tout ce qui n'est pas A. A mon avis, ce n'est pas ainsi que Spinoza voit les choses.

"Non A", dans le spinozisme, c'est tout ce qu'on nie de A. C'est tout ce dont on dit que A est privé. Or la privation, chez Spinoza, n'a rien de positif. Ce qu'on nie de quelque chose, n'a pas par là même une quelconque existence ou réalité.

De même, l'esprit n'est pas ce dont le corps est privé. Si le corps est "A", l'esprit, dans le spinozisme, n'est pas "non A" mais B. Il s'agit d'une autre "qualité" (way of being, indeed), qui n'a rien en commun avec A (tout comme l'odeur n'a rien à voir avec la couleur, si tu veux). Tandis que tout ce qu'on nie de A a toujours un rapport avec A: c'est toujours ce que A n'est pas, il y a donc toujours quelque chose de commun entre A et non A, tu vois (dire que le rouge n'est pas le bleu, cela n'est possible que si les deux ont en commun d'être des couleurs)?

On perd cet aspect de "communauté" dès qu'on parle, comme le fait Spinoza, de l'esprit et du corps (et a fortiori des attributs) comme des A et des B. Entre A et B, il n'y a ni contradiction, ni ambiguité. Encore une fois, il faut donner un caractère positif au non A pour pouvoir lire dans le spinozisme l'ambiguité que tu signales, ce que Spinoza ne fait pas.
Modifié en dernier par Louisa le 12 juin 2008, 00:09, modifié 1 fois.

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Messagepar hokousai » 11 juin 2008, 22:39

J 'avoue ne pas bien comprendre les messages de vie ordinaire .

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Messagepar Durtal » 12 juin 2008, 00:02

J'ai eu aussi ce problème de la contradiction en lisant le livre I. Ce fut même l'objet de mon premier post en ces lieux.

J'en suis venu à penser depuis qu'il n'y a pas plus de contradiction que de beurre en broche.

A partir du moment où l'on admet que par "chose" ou "mode" spinoza a en tête un concept d'identité du type de l'identité "générique' et non un concept d'identité du type de l'identité "numérique";(l'identité de la chose est l'identité d'un rapport et non celle d'un "item") l'affirmation selon laquelle le corps et l'esprit sont une seule et même "chose" considérée alternativement sous deux attributs ne pose plus de problème et est parfaitement conforme au catégories logiques habituelles et reçues.

(je veux dire: ce n'est pas l'identité de la pensée et de l'étendue qui est affirmée mais l'identité d'un certain rapport (d'expression) entre la pensée et l'étendue, or ce rapport est trivialement identique à lui même, donc: pas de violation du principe de contradiction)

La seule condition encore un coup, c'est d'accepter l'idée que l'identité de la "chose" (l'individu, le mode) est constituée par un rapport d'homologie existant entre deux déterminations appartenant à des régions ontologiques exclusives l'une de l'autre. Elles sont des "images" l'une de l'autre au sens mathématique, (c'est à dire qu'on pourrait les représenter comme deux ensembles satisfaisant à une relation bijective).

Idem pour Dieu ou la Substance qui est plus un pur "rapport" entre attributs qu'une sorte de "matière" unique où par impossible tous les attributs seraient "fusionnés" ensemble.

Le prix de l'identification du corps et de l'esprit, n'est pas la contradiction, mais peut être une conception logiquement affaiblie (ou plutôt :contre intuitive) de ce qu'est une "chose". Forcément dans ces conditions les choses sont des raccourcis terminologiques ou des "fictions logiques" mis à la place d'expressions plus complexes. C'est à dire ne sont pas des termes primitifs mais doivent et peuvent encore être analysés en terme de correspondances entre des complexes modaux, appartenant à des attributs différents.

Benett propose dans un texte (je ne sais plus lequel, si cela intéresse quelqu'un je le retrouverai) une telle analyse qui donne le modèle d'une paraphrase logique de ce que c'est qu'une "chose" dans le système de Spinoza. Et ça tient la route d'après moi.

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Messagepar Louisa » 12 juin 2008, 00:08

Durtal a écrit :Elles sont des "images" l'une de l'autre au sens mathématique, (c'est à dire qu'on pourrait les représenter comme deux ensembles satisfaisant à une relation bijective).


en effet, cette idée de relation bijective me semble être tout à fait pertinente: ce qui arrive dans l'un, arrive immédiatement aussi dans l'autre (un seul ordre causal).

Durtal a écrit :Benett propose dans un texte (je ne sais plus lequel, si cela intéresse quelqu'un je le retrouverai) une telle analyse qui donne le modèle d'une paraphrase logique de ce que c'est qu'une "chose" dans le système de Spinoza. Et ça tient la route d'après moi.


oui cela m'intéresse. Si tu retrouves la référence: merci déjà!

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Messagepar hokousai » 12 juin 2008, 00:19

à Durtal

existant entre deux déterminations appartenant à des régions ontologiques exclusives l'une de l'autre.


Spinoza parle d’une infinité d’attributs , dont chacun exprime une essence éternelle infinie précise .
Apparemment cette « expression » ne divise pas la substance en régions exclusives l’une de l’autre .

Je dirais par analogie(osée ) pas plus que parler alternativement en anglais où en français ne divise votre activité langagière en deux régions exclusives .

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Messagepar Durtal » 12 juin 2008, 00:29

???????????

Je n'ai jamais dit que la substance était "divisée". Ce que je dis est que la substance n'est pas une "chose" mais le rapport d'expression homologique entre tous les attributs et que c'est ce qui constitue proprement son identité. Donc si elle est cela (je veux dire un rapport) à plus forte raison elle n'est pas divisible, ça n'a pas de sens de me reprocher de l'affirmer... Si c'est "ontologiquement" qui te dérange ça ne veux rien dire de plus que "genre d'être" ou "manière dont ce qui est, est"


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