Simplicité de la substance et multiplicité du monde

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar alcore » 20 mai 2009, 20:26

Durtal a écrit :Quoi que soit « exister » cela consistera en quelque chose. Je veux dire par là : quelque chose qui existe diffère de quelque chose qui n’existe pas, l’existence est donc d’elle-même une certaine nature, texture, qualité. Cette nature ou qualification de l’exister n’est rien d’autre que la substance. Ce qui existe dans l’existence c’est la substance. Nous n’avons pas ici (pour le moment) besoin d’en savoir plus, ou de savoir en quoi par exemple consiste « exister » et la « nature » de l’existence reste pour nous à ce niveau tout a fait indéterminée. Tout ce qui nous importe est de comprendre (et c’est une remarque à prendre au sens d’une tautologie) que « l’exister » dont la substance est cause en existant elle-même est nécessairement qualifié.
.


La distinction que vous faites entre l'exister et les qualités de l'exister me semble induire une conception qualitativiste des attributs.
Mais les attributs sont ils des qualités ? Rien n'est moins sûr.
Pour Aristote, c'est vrai, tous les attributs sont des modes de qualifications de la substance, des qualités, qu'ils soient accidentels ou essentiels, peu importe.
Mais en EthI,1 déjà, Spinoza sépare nettement les affections de la substance, et les affections enveloppe justement toutes les qualités, et même tous les prédicats, cad les attributs au sens d'ARistote et de Descartes. Pourquoi faire ? parce que Spinoza me semble t il ne veut pas que l'attribut soit une qualification d'un sujet sans quoi il serait impossible d'échapper à la conclusion aristotélico-cartésienne: la substance, comme telle, est transcendante à tout ce qui la qualifie (sa position de sujet lui vient justement de ce qu'elle creuse entre elle et les prédicats la distance par laquelle elle s'affirme justmeent comme Substance dominatrice de tous les accidents, dont certains seront, arbitrairement élus comme attributs essentiels).

Spinoza me semble t il anéantit à sa racine la doctrine de la substance-sujet et de l'attribut-prédicat. Tous les prédicats, essentiels ou non, ne sont plus que des affections, des modes de signification de ce qui est substantiel; et la substance n'est plus un sujet non plus.

Du coup, quant l'attribut fait son apparition ce n'est plus comme adjectif, mais comme substantif, constituant interne de la substance. Dans ces conditions, peut on encore dire que ces substantifs sont des qualités ?
Il me semble que non. Les qualités ce sont les essences: ce que dérive de l'attribut précisément et vient introduire une rupture dans le flux des variations continues. L'essence est d'ordre qualitatif; mais la qualité n'est jamais séparable de la quantité, absolument. Chacun ne prend conscience de son essence, comme dérivée des attributs (car l'essence est aussi bien du corps que de l'âme) que du fait que notre corps (et notre âme) est modifiée par d'autres (sous certains rapports de quantité). L'affection tient ensemble ces deux aspects: qualitatif (essence) et quantitatif (les rapports de composition-décomposition).
Si tel est le cas, il devient difficile de voir dans les attributs des qualités puisque cela reviendrait à en faire des affections, et à lier à la quantité, ce que Spinoza refuse, la substance étant indivisible.

Reste une solution: les attributs ne sont pas des qualités, ce sont des expressions, c'est tout à fait différent.
Pour reprendre votre formulation, on devrait alors dire: la substance est l'exister comme tel, et l'affirmation de cet exister est affirmation d'une essence de l'exister antérieure à toute qualification. C'est d'ailleurs pour cela que la substance peut être constituée d'une infinité d'attributs.
Supposons, en effet, que les attributs soient des qualités, qu'ils qualifient la substance (comme sujet), c'est alors et alors seulement que l'unicité de la substance devient inintelligible.
Ou bien les qualificatifs entrainent la substance dans la contradiction, ou bien il faut poser la substance comme sujet transcendante à ce qui la qualifie.
Mais si l'on dit que les attributs ne qualifient rien, que la substance n'est pas sujet, qu'elle n'est qu'une affirmation absolument infinie, et indéterminée, les "modalités" de son agir (exister) déploient toutes un unique exister ou agir.
Et c'est dans un deuxième temps que la qualité apparaît avec les essences, les modes, les affections. La qualité exprime la façon dont l'exister divin affecte ce qui n'est pas lui, le mode.
Le mode en effet n'est pas seulement relatif à d'autres modes, il est aussi dans un rapport interne à la substance: il est à la fois dans la substance et dérivé de la substance, et à titre d'effet, il est radicalement distinct d'elle.
Mais le mode n'est pas pour autant d'une existence séparée, car l'être du mode, c'est l'être de la substance: il n'y a qu'un Etre.
Seulement, la substance fait exister le mode sur le "mode" de son Autre. Et c'est en tant qu'Autre de la substance, que le mode peut être qualité, et aussi, d'ailleurs quantité, une grandeur, bref ce corps, cette âme.

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Messagepar Durtal » 21 mai 2009, 02:51

Alcore


Vous me dites

« La distinction que vous faites entre l'exister et les qualités de l'exister me semble induire une conception qualitativiste des attributs. »

Je me suis mal fait comprendre, je ne distingue justement pas « l’exister » et ce que j’appelle la « qualification de l’exister ». Je dis au contraire qu’il est impossible de faire cette distinction, ou que cette dissociation n’est que le produit d’une abstraction. C'est-à-dire : la substance ne peut pas s’exprimer elle-même comme existence sans en même temps exister sous une certaine nature de l’existence, elle n’est pas « derrière » cela, elle est immédiatement et tout entière cela. Ce rabattement nécessaire de « l’exister » sur une nature déterminée d’existence est ce qui lance la « machine » à produire de l’infini, une quelconque détermination les entraînant toutes.

Et encore :

« Mais les attributs sont ils des qualités ? Rien n'est moins sûr. »

Je pense que c’est une question de mot. Vous accrochez sur le terme « qualité ». Mais je ne l’entends pas du tout au sens de « prédicat d’un sujet ». Je suis évidemment d’accord avec vous pour dire que les attributs ne sont pas des qualités de la substance au sens de « prédicats d’un sujet ». L’attribut tel que je le décris est rigoureusement identique à la substance, et il importe à ma façon de voir qu’il le soit (sinon ce que je dis ne marche pas).

La difficulté ici est qu’il existe le même genre d’interférence avec le lexique traditionnel sur ce terme de « qualité », qu’avec le terme « d’attribut », mais aussi les mêmes possibilités d’extension de sens du concept à mon avis...

En tout cas le « piège » est de comprendre « qualité de l’être », comme si « l’être » dont il est question dans cette phrase était sujet d’inhérence de la qualité en cause (comme « être rouge » est une des « qualités » d’une pomme rouge), mais ce n’est pas du tout cela que je veux dire. J’emploie « qualité de l’être » au sens de « façon dont l’être lui même est » ce qui n’est pas la même chose (un attribut c’est une façon d’être de l’être).


Quand l’existence se déploie sous la dimension de l’étendue (par ex) j’appelle ce déploiement en une certaine dimension ou cette « consistance » particulière et unique de l’existence « en étendue », une « qualification » de l’être ou de l’existence. Non pas du tout parce que l’être resterait encore quelque chose en dehors de cela (comme un substrat) mais simplement parce qu’il y a d’autres façons d’être de l’être que l’on peut distinguer les unes des autres (bien qu’aucune d’entre elles ne puisse être distinguée pour elle-même de l’être


Enfin c’est pourquoi j’emploie le terme : la différence entre la pensée et l’étendue (par ex) est bien une différence qualitative, c'est-à-dire une différence de nature

Je ne suis pas certain du reste au-delà des questions de vocabulaire que nous soyons très loin l’un de l’autre…mais je me trompe peut-être.

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Messagepar alcore » 21 mai 2009, 09:38

MErci pour ces explications.

Si j'insiste sur la notion de qualité, c'est parce qu'il y va de toute autre chose que d'une question de mots.

Ce qui me gêne c'est que vous dites que l'attribut "qualifie" l'exister. Je vois bien que vous voulez dire qu'il y a dans l'Etre diffèrentes formes d'affirmation de sa puissance. Et vous ajoutez que ces "qualités" sont des façons d'être de l'Etre. Ce qui ramène l'ambiguité de votre propos. Car en aucune façon les attributs nesont des "façons d'être". Il n'emploie pas non plus le terme de "forme" comme le feront Fichte et Hegel, probablement parce que le mot enveloppe une distinction avec une matière. L'attribut est au mieux une forme qui contient et produit sa propre "matière", une forme absolue, si l'on peut dire.

Si je refuse avec tant d'insistance la lecture qualitativiste, c'est parce que j'y vois un début de réification de la substance. On n'est pas loin de faire des attributs des "choses" quand on commence par dire que ce sont des qualités, et partant on n est pas loin non plus de faire de Dieu une "chose", ce que, à mon sens, il n'est pas du tout. En parlant de qualités on a semble t il une vue "statique" de l'exister de la substance alors que, je crois, les attributs sont des formes d'expression de la causalité divine.

Dans votre propos sur l'exister et ses "façons", j'ai parfois l'impression que vous oubliez que l'Etre est intégralement CAuse. Dieu n'existe pas au sens d'une chose; Exister, pour Dieu, c'est agir, produire, créer (en ce sens qu'il cause l'essence et l'être de toutes choses).

Peut être est ce justement parce que vous négligez la causalité que vous concevez les attributs comme des qualités ou des façons de l'exister ? Si Dieu n'est que l'Etre alors oui, effectivement, ses attributs seraient des qualités.

Mais Dieu, me semble t il, n'est pas du tout l'Etre. Si on pense Dieu comme Etre, on risque quoi ? on risque de prendre les choses telles qu'elles sont: cette table, etc. puis d'abstraire l'être de toutes ces choses, et enfin on porte à l'absolu cet Etre et on l'on dit: voilà, c'est ça Dieu.
Ce qui expliquerait pourquoi tant d'empiristes se sentent attirés par Spinoza qui n'est pourtant pas du tout empiriste (voir DEleuze).
Or l'empirisme et sa fascination pour l'Etre conduit justement à une vue statique de Dieu.

En EthII,10, scolie Spinoza critiquant l'empirisme écrit :

"Ainsi considérant les choses naturelles, ils n'ont pas du tout pensé à la nature divine et lorsqu'ils ont appliqué leur esprit à la considérationde la nature divine, ils n'ont plus pensé à leurs premières fictions sur lesquelles ils avaient fondé leur connaissance des choses naturelles car elles ne pouvaient en rien les aider dans la connaissance de la nature divine; par conséquent il n'est pas étonnant qu'ils se soient contredits ici et là"

Dans ce texte, Spinoza que la connaissance empirique de la nature est rigoureusement impossible si on la sépare de la nature divine: il distingue bien les "choses" naturelles et la "nature divine". Quand on commence par identifier Dieu avec les choses naturelles et que l'on croit pouvoir les connaître empiriquement, il arrive, après, quand on considère la nature divine, que l'on importe les faux concepts (issus de l'imagination) dans la nature divine. Tout ce que l'on considère comme évident empiriquement: l'être de la qualité finie, les essences, les lois etc. tout cela change de sens quand on PART de Dieu. On ne pense pas la qualité de la même façon si l'on part de Dieu ou si l'on parle de la qualité telle qu'elle est empiriquement donnée et pensable.

En partant du fini on ne parviendra jamais à l'infini et tout discours qui présupposerait une substantialité des choses pour ensuite attribuer à Dieu ce qu'on a conçu des choses, est illusoire (dialectique).

Or le risque en parlant de l'Etre, c'est justement de confondre la substance avec une abstraction, et les attributs avec les qualités. Dieu est directement cause de l'être et de l'essence (non seulement de la génération) de toutes choses, et les attributs ne sont que les dimensions de cette créativité infinie de Dieu dont les choses naturelles ne sont que des conséquences séparées de leurs prémisses.

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Messagepar Enegoid » 21 mai 2009, 12:07

A Durtal

Egenoid j’avoue que je ne comprends vraiment pas pourquoi la définition de Dieu contredit d’après vous, celle de l’essence, et encore moins ce qui selon vous est censé le montrer. Que voulez vous dire ainsi par « l’essence est condition nécessaire et suffisante de l’existence » et pourquoi estimez vous que cela menace la cohérence de la définition de Dieu?

Je vous laisse le soin si vous en avez l’envie de m’éclairer là-dessus.


Je réponds dans qqs jours, avec des commentaires sur les textes d"Alcore
(pardonnez mon rythme personnel, plus lent que celui des échanges en cours...)

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Messagepar Durtal » 21 mai 2009, 23:47

Enegoid a écrit :
Je réponds dans qqs jours, avec des commentaires sur les textes d"Alcore
(pardonnez mon rythme personnel, plus lent que celui des échanges en cours...)


Aucun problème. Prenez le temps qu'il vous faudra.

D.

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Messagepar Durtal » 21 mai 2009, 23:56

Alcore

Mais c’est que vous êtes têtu ! :D



Vous cherchez absolument à me ramener à la structure de la prédication. Je comprends que c’est votre cheval de bataille. Bon. Laissez-moi cependant vous demander si vous m'accordez les deux points suivants :

a) la substance existe selon une infinité de natures d’exister différentes les unes des autres. (pour mémoire la différence entre l’étendue et la pensée est un exemple de ce que je nomme « une différence entre « natures d’exister » »)

b) Hors de cette infinité de nature de l’exister, la substance n’est rien. C'est-à-dire elle n’est ni une chose autre que cela ni un mélange de tout cela à la fois.

Si vous m’accordez ces deux points alors le différend entre nous n’est que de vocabulaire, car même si j’emploie un terme qui vous gêne ces deux présupposés définissent le cadre duquel mon raisonnement n’entend pas sortir et la conclusion à laquelle il aboutit (parce qu’il est évidemment construit de façon à y aboutir)

Dans le cas contraire c’est à vous de m’expliquer pourquoi vous n’accordez pas l’un de ces points ou les deux ensemble. Alors la contestation de ce que j’appelle « qualification de l’exister » aura un objet plus clair pour moi.

Ensuite il y a une raison simple si vous voulez bien entrer dans la logique que je propose et qui explique pourquoi, même si je parle de « qualifications de l’exister », je ne conçois pas la relation de la substance et des attributs sur le modèle de la prédication. Une raison donc qui explique pourquoi « l’exister » n’est pas à comprendre, quand je parle de « qualification de l’existence » comme le sujet de cette qualification.

A ce propos , vous me mettez en garde sur la prééminence de la cause chez Spinoza….Et je ne peux que me dire que si vous jugez bon de formuler cet avertissement, c’est que mes explications ne doivent vraiment pas être claires du tout….car l’ironie de la situation est que si, selon moi, je ne me situe pas dans la structure prédicative c’est précisément parce que je pousse le concept de « cause de l’existence » ou de l’idée de « pure puissance d’exister » jusqu’au bout.

En effet les qualifications de l’exister même, tel du moins que j’entends la chose, ne peuvent pas être les prédicats d’un sujet, ou ne peuvent venir qualifier un substrat qui serait donné par ailleurs pour la raison expresse qu’elles sont des expressions directes, immédiates de la pure puissance causale d’exister de l’existence.

Je dis en effet: L’être ne peut se produire que sous une qualification (ou nature) quelconque.

Et le corollaire immédiat est que ces qualités ne peuvent advenir comme les qualifications d’un sujet.

Pourquoi ?

C’est très simple : Parce qu’il n’y a rien de tel qu’un «être à qualifier, « avant » que l’être lui même ne soit. Or comme je dis que l’être n’est que sous une certaine nature d’être ou sous une certaine qualification d’être il s’en suit que les « qualités » en cause ne se rapportent pas à un sujet autre dont elles seraient les qualités. C’est impossible en effet car il ne peut rien y avoir de tel selon mon argument lui-même . (L’argument étant, pour mémoire, que l’être ne peut « se faire être » autrement que « qualifié »)

Les qualifications dont il est question sont intransitives, elles consistent en elles-mêmes et ne se rapportent à rien d’autre. Elles sont tout ce qui est, sans reste.

En d’autres termes : je veux vraiment dire ce que je dis quand je déclare que l’être ne se produit ou ne se fait être que sous une qualification quelconque ! ie il n’existe pas « avant » cela et à plus forte raison il ne saurait être « qualifié » au sens où vous paraissez croire que je prends la chose.

L’être et sa qualification sont donc absolument contemporains l’un de l’autre, il n’y a pas d’espace suffisant entre « l’exister » et la « qualification de l’exister » pour que s’insère la relation d’antériorité logique caractéristique de la relation sujet- prédicat et cela respecte, à ce que je crois, la contrainte d’identité stricte de la substance et des attributs.

Nous forgeons la contradiction en supposant que l’être doit être quelque chose comme le sujet extérieur de ces qualifications, mais en vérité il n’en est rien et par conséquent il n’y a pas de contradiction. Le mot « être » n’a pas le sens que nous croyons spontanément qu’il a et dont le paradigme consiste dans la pensée d’objets particuliers: la table, la pomme etc…. il a le sens de « pure puissance d’exister » et il est tout à fait « normal », qu’une puissance infinie d’exister consiste en une infinité d’attributs, et pour ainsi dire qu’elle ne puisse guère consister qu’en cela.

Il est donc possible que ce que je propose soit erroné pour toute sortes de raisons, mais certainement pas parce que cela ramènerait la relation de la substance aux attributs à la structure logique sujet-prédicat, car si vous voulez, dans mon « modèle », le sujet et le prédicat sont la même chose, autant dire qu’il n’y a plus de sens à parler ni de l’un ni de l’autre.

Au fond peut être que vous n’êtes pas d’accord avec mais, je m’accorde entièrement avec le dispositif général que pose Ramond dans le bouquin (quantité et qualité) que vous connaissez manifestement pour y avoir fait une allusion sur un autre fil, qui entérine l’expression de Deleuze selon laquelle les attributs sont des « qualités illimités » et des qualités « non occultes » (comme l’ajoute Ramond) et au contraire que les « qualités » au sens standard ou classique, (le rouge, le vert, le chaud le froid, le dur, le mou, le lourd le léger, etc.) ne sont en réalité chez Spinoza que des rapports de quantité.

Non seulement je ne vois pas le problème à faire des attributs des « qualités d’être » (a condition bien sûr qu’on n’entende pas par là des « prédicats » qui ne sont encore une fois chez Spinoza pas du tout des « qualités ») mais je confesse en plus que je trouve cela très éclairant !!!!

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Messagepar alcore » 22 mai 2009, 00:09

Durtal a écrit :Alcore
Laissez-moi cependant vous demander si vous m'accordez les deux points suivants :

a) la substance existe selon une infinité de natures d’exister différentes les unes des autres. (pour mémoire la différence entre l’étendue et la pensée est un exemple de ce que je nomme « une différence entre « natures d’exister » »)

b) Hors de cette infinité de nature de l’exister, la substance n’est rien. C'est-à-dire elle n’est ni une chose autre que cela ni un mélange de tout cela à la fois.

!!


Oui, bien entendu, je les accorde.
a) est la définition de l'attribut
b) la définition de Dieu comme substance constituée d'une infinité d'attributs

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Messagepar alcore » 22 mai 2009, 00:14

Durtal a écrit :Alcore

Je dis en effet: L’être ne peut se produire que sous une qualification (ou nature) quelconque.

!!!!


vous allez dire que je chicane, mais j'ai du mal à comprendre ce que peuvent être des qualités qui ne qualifient rien.
Ou alors si, il faudrait mobiliser le concept aristotélicien d'affections.
Aristote parle en effet d'affections, effets de causes accidentelles, qui surviennent dans un sujet sans le qualifier: par ex rougir de honte, c est simplement un affect passager.
Le problème c'est que ce genre de qualités sont justement des affects, même pas des modes aux yeux d'Aristote.

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Messagepar alcore » 22 mai 2009, 00:36

Durtal a écrit :Alcore

.

Nous forgeons la contradiction en supposant que l’être doit être quelque chose comme le sujet extérieur de ces qualifications, mais en vérité il n’en est rien et par conséquent il n’y a pas de contradiction. Le mot « être » n’a pas le sens que nous croyons spontanément qu’il a et dont le paradigme consiste dans la pensée d’objets particuliers: la table, la pomme etc…. il a le sens de « pure puissance d’exister » et il est tout à fait « normal », qu’une puissance infinie d’exister consiste en une infinité d’attributs, et pour ainsi dire qu’elle ne puisse guère consister qu’en cela.

!


Dont acte. Mais si par qualifications de l'exister vous entendez ce qu'on entend par attribut et que selon vous les attributs ne sont pas des qualités, je ne vois pas l'intérêt de continuer à parler de qualifications.

Par contre la suite de votre réponse montre que vous adoptez la lecture qualitativiste des attributs. Or c'est justement elle que j'interroge.Les attributs sont ils vraiment des qualités ? Vous semblezlepenser.

En outre, je crois que Spinoza distingue l'Etre et l'existence. D'emblée les substances sont en vertu de l'axiome 1. Mais elles n'existent qu'à partir de I,7. L'Etre dans l'Exister n'est pas le même que l'Etre au sens habituel. L'exister investit l'Etre de sa propre essence: il n'est rien dans l'Etre de l'exister qui ne soit essentiel. C'est la définition de la nécessité qu'explicite la causalité par soi et de soi de l'exister.

oui la puissance d'exister consiste en une infinité d'affirmations de sa puissance.
Toutefois je m'interroge: d'où vient la multiplicité infinie des attributs ?
Je veux dire: chaque attribut est en soi et conçu par soi, infini, éternel. Donc rien en chacun ne permet de poser les autres. Et rien dans le concept de substance ne permet de poser ni une, ni une infinité de substances. Qu'une substance soit en elle même infinie est une chose (cela se déduit du concept) mais qu'il y en ait une infinité, cela se déduit de quoi ?
pas du concept de substance
pas du concept d'attributs, lesquels ne sont que des substances intégrées à Dieu
Il faut donc nécessairement admettre en plus de l'infinité propre à chaque attribut, une infinité "extérieure" à leur infinité.
Supposons une pomme infinie, une poire infinie.
Pour expliquer qu'il y ait 2 infinis on devra nécessairement admettre une cause EXTERIEURE aux 2 pommes, selon l'argument donné par Spinoza pour les hommes.
Supposons maintenant qu'il existe une infinité de fruits infinis.
Spinoza dirait: plus besoin de cause extérieure puisque leur multiplicité est au delà de tout nombre.
Admettons.
Malgré tout, aucun de ces fruits infinis ne peut produire les autres.

on est donc devant le mur suivant: aucun attribut ne peut produire les autres; aucune cause extérieure ne peut expliquer la multiplicité des attributs;
et cependant il en existe une infinité.
vous pouvez répondre: c'est normal puisque l'infini est dans la nature même de Dieu.
oui, mais les attributs sont également infinis. Pourquoi n' a t on pas une substance à un attribut infinie ?
Spinoza répond: parce qu'alors Dieu ne serait pas absolument unique puisqu'on pourrait compter la substance; elle serait UNE substance avec UN attribut.
L'unicité de Dieu exige la multiplication des infinis.

Mais je demande: quel est l'opérateur de cette multiplication s il n'est ni interne aux attributs, ni dans une cause extérieure ?

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Messagepar alcore » 22 mai 2009, 00:45

Durtal a écrit :
Au fond peut être que vous n’êtes pas d’accord avec mais, je m’accorde entièrement avec le dispositif général que pose Ramond dans le bouquin (quantité et qualité) que vous connaissez manifestement pour y avoir fait une allusion sur un autre fil, qui entérine l’expression de Deleuze selon laquelle les attributs sont des « qualités illimités » et des qualités « non occultes » (comme l’ajoute Ramond) et au contraire que les « qualités » au sens standard ou classique, (le rouge, le vert, le chaud le froid, le dur, le mou, le lourd le léger, etc.) ne sont en réalité chez Spinoza que des rapports de quantité.

Non seulement je ne vois pas le problème à faire des attributs des « qualités d’être » (a condition bien sûr qu’on n’entende pas par là des « prédicats » qui ne sont encore une fois chez Spinoza pas du tout des « qualités ») mais je confesse en plus que je trouve cela très éclairant !!!!


oui, c'est effectivement le fond.
Pour ma part, j'ai des doutes sur cette conception de l'attribut-qualité.
Ramond dit des choses justes, mais aussi d'autres contestables.
Par ex, je ne trouve pas pertinente sa critique de Deleuze sur la multiplicité numérique. Ramond soutient que la multiplicité des attributs est numérique et réelle, sous prétexte que nous en connaissons 2.
Il me semble que désigner 2 éléments d'un ensemble infini ne suffit pas à en faire un infini dénombrable, en tout cas pas aux yeux de SPinoza.

Par ailleurs, Ramond est bergsonien si je ne m'abuse: les qualités sont nécessairement subjectives pour lui, et rien que subjectives; tout ce qui est objectif est quantitatif.
Dans ces conditions, que deviennent les attributs ? Des qualités d'une subjectivité absolue ?
que deviennent les essences qui sont pourtant bien des coupes qualitatives dans le flux des variations modales ? des affections subjectives ?
Il me semble que si Ramond est cohérent il devrait dire: les essences sont dérivées de l'attribut qui lui même qualifie la subjectivité absolue de Dieu. Dans ces conditions je comprendrai que les attributs soient des qualités.
vous allez me répondre qu'il faut distinguer deux sortes de qualités: celles qui sont subjectives, etcelles qui ne le sont pas.
Mais je trouve que tout ceci n'est pas très spinoziste.


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