Simplicité de la substance et multiplicité du monde

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar hokousai » 24 mai 2009, 22:56

) Alcore


""""""""Les "choses naturelles" considérées en elles memes ne conduisent qu'à des fictions """""""""

je vous parle en fait de ne pas les considérer en elles mêmes .
Si je vous dis avoir cru comprendre que les choses naturelles sont divines c'est bien que je ne les considérais pas en elle mêmes (distinctes par nature de la nature divine )


Mais je reviens sur l'infinité

dans la lettre 64 Spinoza écrit "" l'axiome (il s'agit en fait de la def 6)que nous avons invoqué dans le scolie de la prop 10/1 a son origine dans l'idée que nous avons d' un être absolument infini et non dans dans celle d êtres ayant trois , quatre attributs ou davantage .

Vous insistez sur les attributs ce qui n'est pas la priorité de Spinoza .
les attributs permettent de comprendre l'infinité ( et pas l'inverse )

Dieu est cause des choses comme elles sont en soi en tant qu'il est constitué d'une infinité d'attribut (ie qu' il est infini ).
Tout cela je l'admets très bien mais Dieu n'est pas cause extérieure ou principe d'existence, il est cette nature infinie et infiniment exprimée actuellement (en acte )

Je ne vais pas m'agenouiller , moi humble chose naturelle imparfaite m' agenouiller devant Dieu suprême perfection . Je ne vais pas le faire parce que Dieu n'est ni hors de moi ni hors des choses .. conclusion les choses naturelles sont divines .

Il me semble évident et archi évident qu'il n'y a pas la moindre dépréciation des choses naturelles chez Spinoza , ce (qui serait ) au profit de la nature divine d 'un Dieu extra naturel .

Vous ne ferez pas avaler aux papistes que Spinoza est de leur chapelle .

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Messagepar alcore » 24 mai 2009, 23:15

Hokusai dit

Je ne vais pas m'agenouiller , moi humble chose naturelle imparfaite m' agenouiller devant Dieu suprême perfection . Je ne vais pas le faire parce que Dieu n'est ni hors de moi ni hors des choses .. conclusion les choses naturelles sont divines .

Alcore

Si vous voulez, Spinoza répondrait :

"tous ceux qui considéré un tant soit peu la nature divine nient que Dieu soit corporel. Ce qu'ils prouvent d'ailleurs fort bien en disant que, par corps, nous entendons toute quantité longue, large et profonde, LIMITEE par une certaine figure, et qu'on NE PEUT RIEN DIRE DE PLUS ABSURDE DE DIEU, cad de l'Etre absolument infini." Eth I,15,sc

Il n'y a pas de vaches sacrées dans le spinozisme !

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Messagepar alcore » 24 mai 2009, 23:20

hokousai a écrit :) Alcore



Il me semble évident et archi évident qu'il n'y a pas la moindre dépréciation des choses naturelles chez Spinoza , ce (qui serait ) au profit de la nature divine d 'un Dieu extra naturel .

Vous ne ferez pas avaler aux papistes que Spinoza est de leur chapelle .


Je vous pardonne la référence aux papistes, sans intérêt.

Il y a chez Spinoza une dépréciation du point de vue qui considère les choses naturelles comme des choses absolues; c'est l'empirisme le plus plat qui conduit directement à l'idolâtrie (les vaches sacrées par ex).

bien entendu, les choses naturelles sont EN Dieu, mais elles ne sont pas Dieu.
D'abord parce que la substance est antérieure par nature à ses affections;
que seul Dieu est en soi, qu'il est cause de l'être, de l'essence, de l'existence de tout (c'est quand même pas moi qui l'invente!).

La substance absolue existe d'une façon qui n'a rien à voir avec la façon dont les "choses" existent, surtout que ces "choses", prétenduement évidentes et consistantes, Spinoza ne cesse de répéter qu'elles ne sont que des "affections" de la substance, cad justement rien "en soi".

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Messagepar alcore » 24 mai 2009, 23:31

bardamu a écrit :
Bonjour,
je crois qu'il va falloir préciser ce qu'on entend sous les mots sous peine de tourner en rond.
Je vais utiliser le langage de la théorie des ensembles pour voir si on se comprend.

Définition en intension : l'ensemble des nombres pairs
Définitions en extension : {0, 2, 4, 6, 8, etc. }

L'ensemble peut être dit indéterminé du point de vue de l'extension, c'est-à-dire qu'il ne peut être déterminé par un nombre défini.
Mais il est déterminé par sa définition en intension, définition que tout le monde comprend.

Est-ce là la distinction que vous voulez faire quand vous dites que la substance est indéterminé, c'est-à-dire en l'occurrence qu'elle ne serait pas réductible à un nombre ?

...


Sur la notion mathématique d'infini.

Un ensemble est infini s'il est équipotent à l'une de sesparties vraies. Définition aperçue par Galilée et généralisée par Cantor.
PAr ex l'ensemble des carrés a la même puissance que l'ensemble des réels, bien qu étant une partie des Reels.

En outre, l'ensemble des rationnels par ex est infinie, mais exclut de soi l'ensemble des irrationnels.

L'ensemble des Réels intègrent les rationnels et les irrationnels.
Comment ?
pas par addition
pas par négation

Ou plutôt la négation de la limite propre aux rationnels se fait par la constitution d'un nouvel ensemble plus compréhensif, plus concret qui tient ensemble rationnels et irrationnels sans les additionner.

C'est ainsi je crois que Spinoza conçoit l'intégration des attributs dans une substance absolument concrète.

un infini peut être plus grand qu'un autre, et de même puissance que l'infini qui est plus grand que lui.

Dans une série indéfinie, l'infini reste extérieur à chaque élément; chaque élément affirme sa détermination contre l"infini (d'où l'absence de fin); de même l'infini est extérieur aux déterminations.

Pour nier concrètement les déterminations en tant que limitations, il faut non pas supprimer les déterminations, mais les faire correspondre à d'autres éléments d'un autre ensemble infini plus grand. Alors chaque élément se trouve bien infini en lui meme.

L'idée c'est de conserver de chque attribut sa spécificité tout en supprimant le caractère limité de sa détermination.

L'indétermination par ex de l'ensemble des Reels n'en fait pas une abstraction. Mais les irrationnels ne sont pas "en plus" des rationnels.
Les irrationnels sontobtenus par coupures.

Chez SPinoza aussi les essences sont des "coupes" dans les rapports quantitatifs. Un corps se détache des autres, une âme aussi. Et chacun exprime une essence contenue dans l'attribut.

Ainsi, chaque attribut continue de différer des autres, d'affirmer son essence; mais sa différence n'est plus qu'une différentielle, cad une détermination qui n'exclut plus les autres, qui n'a plus d'autres déterminations en dehors d'elles,même si elles ne sont pas sur le même plan.

L'absolue indétermination de la substance est obtenue par intégration de toutes les différences.C'est un exemple de négation affirmative, de dépassement positif des limitations, de façon immanente: ni par addition, ni par négation extérieure.

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Messagepar hokousai » 25 mai 2009, 00:26

à Alcore


D'abord parce que la substance est antérieure par nature à ses affections;


d'accord

Et c'est pourquoi je ne suis (de suivre ) pas certains spinozistes jusqu'au bout , la substance est pour moi une fiction métaphysique .Si c'est le cas, alors pour moi Spinoza est un théologien.

Je l'ai dit à Sescho la différence se retrouve en Inde ( entre Shankara et le bouddhisme ) je l'ai fait remarquer parce qu'elle est plus paradigmatique qu'en philosophie occidentale entre Spinoza et Hume .

Nonobstant ma très grande affection pour Spinoza et mon accord sur beaucoup de ses thèses j' opte pour Berkeley / Hume , disons globalement pour l'empirisme anglais .

Il y a sur le fond une expérience de l'infinitude en jeu , il me semble que Spinoza reste pris dans les rets d 'un rationalisme dont il ne peut ni ne veux se départir .
Expérience de l'infinitude qui chez moi justement n' est pas de l'ordre du dicible .

Spinoza dit tout et ne cesse de dire qu' il faut se le dire , fruit d'un long labeur . Conscient de soi et de Dieu et encore d'autres choses jamais il ne cesse de l'être . Ne pas lâcher prise. ce qui pourrait être quelque part l'antithèse de la position bouddhiste .

Quand je le sens près d'avouer son impossibilité à dire, ce qui parfois transparait , alors je me sens très proche de lui .

Hokousai

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Messagepar alcore » 25 mai 2009, 00:37

Sur l'impossibilité de "dire", il y aurait beaucoup à dire.

Spinoza, quant à lui, choisit le silence absolu sur les attributs de la substance: sa perfection enveloppe une ignorance absolue, jointe à une certitude factuelle absolue.

Comme dit dans mes précédents posts, Spinoza n'est pas un intellectualiste. Il cherche l'expérience la plus immédiate, d'abord le sentir, puis l'affection et y découvre Dieu.
Aucun raisonnement ne conduit à Dieu
Mais aucune expérience non plus
C'est aupoint où l'idée surgit avec l'expérience que Dieu vient à l'idée, mais non comme objet, plutôt comme forme de notre expérience.
Au point je suis, je trouve Dieu.
Le rationalisme est la vérité de l'expérience.

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Messagepar hokousai » 25 mai 2009, 14:27

à Alcore

Le mot Dieu est trop fortement connoté par le monothéisme .Il y a une profonde ambigüité dans le spinozisme assez pour qu'on l' ai taxé d athéisme .
Il s'en est défendu mais il avait donné bien des arguments opposés .
Difficile de voir encore dans le Dieu de Spinoza le Dieu de la bible .

Si finalement le Dieu chez Spinoza n'est pas Dieu tel qu'on l'a toujours entendu avant et après lui alors le Dieu de Spinoza ce n'est pas Dieu .

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Messagepar alcore » 25 mai 2009, 18:35

hokousai a écrit :à Alcore

Le mot Dieu est trop fortement connoté par le monothéisme .Il y a une profonde ambigüité dans le spinozisme assez pour qu'on l' ai taxé d athéisme .
Il s'en est défendu mais il avait donné bien des arguments opposés .
Difficile de voir encore dans le Dieu de Spinoza le Dieu de la bible .

Si finalement le Dieu chez Spinoza n'est pas Dieu tel qu'on l'a toujours entendu avant et après lui alors le Dieu de Spinoza ce n'est pas Dieu .


Pour ma part je pense que la philosophie n'est pas la religion, parce que la philosophie prend sa source dans la raison, et notamment dans une réfleixon sur la normativité mathématique, ce en quoi, elle diffère radicalement de toutes les "sagesse" y compris orientales (à moins qu'on me démontre que ces sagesses puisent leur méthode dans les mathématiques)

Mais, dans le judaisme, les choses ne sont pas aussi simples.
Spinoza se destinait probablement à devenir rabbin, lisait le Talmud dans le texte à 13 ans, et a toujours payé sa dîme à la communauté même après l'excommunication (eh oui, ça peu de gens le savent!)

Ce qui ne fait pas de Spinoza pour autant un rabbin déguisé en philosophe

En revanche, quiconque fréquente le Talmud et le Zoar ne peut être que frappé par la ressemblance de certaines propositions, ce qui rend,n d' ailleurs, plus aigüs et intéressants les points de désaccord, qui ont conduit à son excommunication.

Le thème de la causalité immanente par exemple vient de la Cabbale et certainement pas de DEscartes, de la scolastique, ou que sais-je.
A la limite il faudrait en chercher la source chez les néoplatoniciens, par ex Proclus, mais aussi Plotin.

Malgré tout, l'originalité de SPinoza est profonde. Et son intérêt à mes yeux vient de ce qu'il dépasse toutes les prétendues oppositions qui nourrissent les universitaires français: athéisme contre théisme, panthéisme contre créationnisme, etc.

Spinoza est au-delà de toutes ces fadaises.

Le Dieu de la Bible, cela ne veut pas dire grand chose pour un juif. Les choses sont plus claires pour les chrétiens.
Mais pour un Juif, la Bible n'est qu'un texte donnant lieu à deux traditions l'une écrite, l'autre orale; et celle ci à son tour à deux autres (Talmud et Zoar)
Le Dieu de la Bible est très différent selon qu'on lit le Rambam (Maimonide) ou Joshua ben Simon (Zoar)

Cela fait 3000 ans que les juifs pratiquent l'exgèse minutieuse de leurs textes. Le Dieu de la bible, thora, talmud n'a pas grand chose à voir avec celui des chrétiens, et des musulmans.

Tant qu'on ne précise pas de quoi l'on parle, on peut rien conclure.

Toutefois, malgré desressemblances frappantes avec le talmud et le Zoar Spinoza reste un philosophe original, irréductible à telle tendance au sein du judaïsme, lui meme très riche de tendances parfois opposées.
Il aurait pu trouver refuge après son excomminication auprès d'une autre communauté; il ne l'a pas fait.

Concernant l'athéisme, j'avoue avoir du mal à comprendre.
Voilà un étudiant dans une yeschiva, se destinant à être rabbin, qui tout d'un coup se découvre athée, avant même de lire Descartes ?

En fait, l'accusation d'athéisme tourne autour du rejet d'un Dieu juge. Et sur ce point, l'opposition de Spinoza est complète, c'est vrai.
Mais pourquoi accorder aux théistes que Dieu doit nécessairement être un juge ?
Le problème c'est celui du statut du bien et du mal. Là dessus Spinoza innove, dans la suite de Hobbes, plus que de DEscartes.

Il est clair que Spinoza ne pense pas Dieu en rapport avec le destin du peuple juif; qu'il ne pense pas Dieu comme un juge; et que sur ces points son Dieu n'est pas de la Bible puisque le Dieu des Juifs est inséparable du destin du peuple juif.

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Messagepar hokousai » 25 mai 2009, 19:43

à Alcore

Le thème de la causalité immanente par exemple vient de la Cabbale et certainement pas de DEscartes, de la scolastique, ou que sais-je.
A la limite il faudrait en chercher la source chez les néoplatoniciens, par ex Proclus, mais aussi Plotin.


Sur la causalité immanente

à la fin de la la lettre 12 Spinoza ne cite ni la cabale, ni le zohar, ni le talmud il cite un philosophe juif du 14eme Crescas .

( il l 'approuve, l 'utilise ,mais s'en distingue en apportant à l'argument quelque chose d'original )

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Messagepar alcore » 25 mai 2009, 19:57

hokousai a écrit :
Sur la causalité immanente

à la fin de la la lettre 12 Spinoza ne cite ni la cabale, ni le zohar, ni le talmud il cite un philosophe juif du 14eme Crescas .

( il l 'approuve, l 'utilise ,mais s'en distingue en apportant à l'argument quelque chose d'original )


Oui, car il est probable que Spinoza n'ait eu qu'une connaissance indirecte du Zoar, par l'intermédiaire de Maimonide, et d'autres, dont Crescas.
Aucun talmudiste qui se respecte ne peut faire l'impasse du Zoar.


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