Simplicité de la substance et multiplicité du monde

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Louisa
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Messagepar Louisa » 19 sept. 2008, 03:58

Serge a écrit :P.S. Sauf erreur, le théorème d'incomplétude de Gödel ne porte en aucune façon sur l'axiomatique - qui est, encore une fois, indémontrée par nature dans tous les cas - mais sur des théorèmes qui sont vrais dans le champ de cette axiomatique quoiqu'indémontrables selon cette même axiomatique.


je n'avais pas encore lu ce P.S. avant d'envoyer mon message précédent (il s'agit d'un ajout fait lors d'une deuxième édition?). En tout cas, quant aux propositions qui se trouvent dans le champ d'une axiomatique et qui sont vraies sans être démontrables: à mon sens ce sont précisément les axiomes et rien d'autre, non? Or si Gödel ne faisait que souligner ce fait, connu déjà aux temps d'Euclide, son théorème n'aurait pas eu le retentissement qu'il a eu. Pour autant que je l'aie compris, Gödel a plutôt démontré que toute axiomatique est "incomplète" non pas parce qu'elle contient des vérités indémontrables, mais parce qu'on peut toujours formuler au moins un énoncé qui tombe dans le champ de cette théorie axiomatisée, et par rapport à laquelle la théorie (= ses axiomes + propositions démontrées + tout ce qu'on peut en déduire véritablement) ne permet pas de déterminer une valeur de vérité (vrai ou faux), ce qui rend cette proposition indécidable.

Autrement dit: l'incomplétude gödelienne souligne l'indécidabilité propre à toute axiomatique, ce qui revient à mettre en évidence une "ignorance" inévitable installée au sein même de nos théories (ignorance et non pas une "intuition", une idée d'une vérité indémontrable). C'est pourquoi un élément de la réponse de Faun me semble être le plus proche de ce que Sinusix vient d'évoquer: il s'agit bel et bien de reconnaître que l'homme ne pourra jamais créer une théorie qui permettra de tout savoir (de savoir pour tout énoncé s'il est vrai ou non).

On pourrait dire que cela vaut forcément aussi pour le spinozisme, n'était-ce que - et c'est peut-être cela que voulait remarquer Serge? - Gödel n'a prouvé son théorème que pour des théories formelles, tandis qu'une ontologie telle que le spinozisme ne peut pas être dite purement "formelle". Exemple d'une telle théorie formelle: la logique formelle censée "fonder" l'arithmétique (ainsi que la logique frégéenne, développée afin de sortir de la "crise des fondements" des mathématiques survenue au XIXe siècle).

En revanche, la philosophie ne créant pas des théories formelles, on peut à mon sens dire que le théorème d'incomplétude de Gödel n'est tout simplement pas d'application, quand il s'agit de philosophie. Car si la philosophie est bel et bien indémontrable en ce qui concerne la plupart de ses "axiomes" ou présupposés, et si beaucoup de ses énoncés sont réellement "indécidables" (comment par exemple décider de la vérité/fausseté de l'énoncé "le monde est entièrement déterminé"??), elle ne l'est pas en vertu du théorème de Gödel, mais tout simplement parce qu'il lui manque les moyens de démonstration dont disposent depuis quelques siècles les sciences expérimentales. C'est donc en tant qu'ontologie, en tant que théorie non pas formelle mais référant au monde extérieur, que la philosophie contient des énoncés indémontrables et des énoncés indécidables: lorsqu'on parle du monde extérieur, on a besoin de dispositifs d'expérimentation pour prouver l'une ou l'autre vérité, ce dont la philosophie ne dispose pas, tandis qu'elle fait néanmoins des énoncés qui portent sur le monde, et qui ne sont pas purement formels.

Pour moi, cela ne signifie point qu'en matière de philosophie, c'est le "chacun sa vérité" qui règne. On ne peut pas déduire de ce double manque (indémontrabilité et indécidabilité) qu'en philosophie, tout est "relatif". Il s'agit bien plutôt de reconnaître que pour pas mal d'énoncés philosophiques, les preuves manquent, ce qui implique que la "valeur" de ces énoncés n'est pas à chercher dans leur supposée vérité/fausseté, mais se trouve ailleurs.

C'est pourquoi je crains que toute "adhésion totale" à telle ou telle philosophie ne peut que relever d'un dogmatisme, et non pas d'une attitude proprement philosophique. On peut reconnaître un certain nombre de ses propres "expériences immédiates" ou "idées reçues" (voire inventées soi-même) dans la pensée de l'un ou l'autre philosophe, et pour cette raison s'y intéresser davantage qu'à d'autres philosophies. On peut même décider d'y "croire" à fond (à la manière dont l'acte de foi des Catholiques relève d'une décision active et consciente), ou éventuellement aussi y croire d'emblée (à la manière de la foi protestante qui résulte de la "grâce" divine, imprévisible et inexplicable). Mais on se situera ainsi inévitablement sur le terrain de la religion, et non plus sur un terrain exclusivement philosophique.
L.

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Messagepar Joie Naturelle » 19 sept. 2008, 21:28

Louisa a écrit :C'est pourquoi je crains que toute "adhésion totale" à telle ou telle philosophie ne peut que relever d'un dogmatisme, et non pas d'une attitude proprement philosophique. . L.


Bonjour Louisa,

Tu offres l'apéro, pour fêter ton très prochain 1000ème message sur le site ? :)

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Messagepar Louisa » 19 sept. 2008, 21:49

Flumigel a écrit :Bonjour Louisa,

Tu offres l'apéro, pour fêter ton très prochain 1000ème message sur le site ? :D


:lol:
c'est promis! Un apéro qui sera bien sûr plutôt virtuel, mais avec dans chaque verre néanmoins une olive tout à fait singulière ... :wink:

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Messagepar Sinusix » 20 sept. 2008, 13:00

sescho a écrit :Ce qui me semble franchement douteux ici c'est l'association implicite d'"intuition" avec "incertitude" ou "relativisme."

1) Tout raisonnement doit de façon incontournable partir de prémisses, par nature non démontrées. Opposer le raisonnement à l'intuition dans ce cadre veut dire qu'on considère que les prémisses sont toujours arbitraires (et finalement qu'il n'y a aucune intuition, en fait, sauf peut-être du futur résultat d'une démonstration rigoureuse.) Dans ce cas, tout soi-disant développement scientifique (en fait beaucoup de scientifiques ne considèrent pas la Mathématique comme une science, mais à part, ou comme une partie de la Philosophie, car elle ne fait aucunement appel à l'expérimentation extérieure) consisterait à développer pas à pas de la logique de base sans aucune portée existentielle autre que cet exercice de logique même (ce qui est manifestement très peu par rapport à la réalité.)

Si l'on pense cela, il faut être conséquent avec soi-même : ne faire aucune philosophie, n'argumenter en rien sur ce qui relève du non-démontré - y compris toute prémisse, donc - mais s'exercer au sudoku, aux mots croisés, à la Mathématique, etc. (activités tout-à-fait honorables, quoique très partielles vis-à-vis de la vie et de la Nature en général.)

2) Plus embêtant cependant dans cette optique est le fait que les opérations de logique sont elles-mêmes non-démontrées et donc intuitives... Donc être conséquent dans ce cadre devient assez simple : ne rien penser, ne rien dire, ne rien voir, etc.

Ou alors le relativisme est une maladie de l'esprit et il faut abandonner cette association : une intuition n'est pas douteuse parce qu'elle est une intuition et donc elle peut être vraie ou fausse. La question devient : quelles intuitions sont vraies et quelles fausses.

Et là ce n'est pas comme la couleur des yeux (rarement rouges à pois jaunes en passant) : les lois de la béatitude, de la liberté, de la parfaite santé mentale sont communes à tous les hommes et des témoignages millénaires en attestent, et Spinoza en est. Mais comme il le dit on ne plus clairement à la fin de l'Ethique, les passions règnent partout et la réalisation de cela ne se trouve donc pas sous le pied d'un cheval...


Serge

P.S. Sauf erreur, le théorème d'incomplétude de Gödel ne porte en aucune façon sur l'axiomatique - qui est, encore une fois, indémontrée par nature dans tous les cas - mais sur des théorèmes qui sont vrais dans le champ de cette axiomatique quoiqu'indémontrables selon cette même axiomatique.

Merci de votre lecture qui prouve que mon expression n'est pas univoque.
Je n'associe, pour ce qui me concerne, aucune "incertitude" ni "relativisme" aux prémisses spinoziste dont j'essaie au contraire de m'assurer au mieux que j'en "entends" toute la richesse.
Le relativisme n'était que dans la "dispersion" entre les êtres humains de prémisses différentes, chacun étant absolument persuadé de se fonder sur les bonnes.
Pour ce qui concerne Gödel, je vous accorde une assimilation maligne de ma part pour imager mon propos.
Amicalement

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Messagepar sescho » 20 sept. 2008, 17:45

Sinusix a écrit :Je n'associe, pour ce qui me concerne, aucune "incertitude" ni "relativisme" aux prémisses spinoziste dont j'essaie au contraire de m'assurer au mieux que j'en "entends" toute la richesse.
Le relativisme n'était que dans la "dispersion" entre les êtres humains de prémisses différentes, chacun étant absolument persuadé de se fonder sur les bonnes.

OK.

D'abord, je dirais que ceux qui posent clairement les prémisses à partir de définitions claires, puis en tirent des développements rigoureux sur les sujets existentiels ne sont pas légion : comme le dit Spinoza, la plupart des affirmations sont liées à la connaissance du premier genre, à la multitude des désirs passifs qui en découlent, etc. Et ceci répond déjà pour l'essentiel à la question : c'est en fait le bazar dans la plupart des esprits, et le terme de "prémisses" est là inapproprié ; "préjugés" convient mieux, et ce par nature sans la clarté et la distinction…

Un exemple qui nous concerne tous : nous nous demandons comment on peut concilier déterminisme et liberté (ce que l'exemple que je prends habituellement de la Logique illustre pourtant très clairement ; les lois de la Nature que nous cherchons à identifier en toute chose dans toute démarche analytique en étant un autre.) Cette question semble sensée, naturelle et naturellement problématique. Mais qu'on cherche seulement à expliquer, en pensant la chose, ce qu'on entend par "liberté non déterminée" et ce que cela serait concrètement et tout s'effondre : pas la moindre notion pensable ne se présente, à part une sorte de chaos absolu (qui n'est de fait pas vraiment pensable.)

La question subsidiaire est alors la suivante : si les passions ne venaient enfumer les claires prémisses et empêcher le bon déroulement du raisonnement, les hommes seraient-ils tous d'accord ? Ma réponse est : oui (pour l'essentiel), et ils seraient d’accord avec Spinoza.

Toutefois, une réticence concernant sa démarche démonstrative peut venir d'abord de ce que certains axiomes qu’il tient évidemment pour clairs et distincts au même titre que les notions communes, ne sont pas effectivement acceptés par tout le monde (c.f. Oldenburg, quoique le niveau propre de celui-ci ne dépasse pas celui de Blyenbergh.)

En outre, la difficulté principale tient dans la définition de Dieu suivie de la démonstration de son existence nécessaire au début de l'Ethique. La première n'est pas commune et la logique de la seconde n'est pas pure (car il aurait fallu dire : si Dieu existe, alors il existe nécessairement, ce qui ne prouve pas la conditionnelle... ) et le tout est sensé conditionner la vérité reine de l’Ethique, savoir que tout ce produit, y compris ce que nous appelons nous-mêmes, en vertu des lois de Dieu – la Nature.

(Note : Voir au sujet de la preuve de l’existence de Dieu ce fil et l'article de ShBJ.)

Si pour le premier nous admettons le côté « commun » comme finalement secondaire (ou un « commun à ceux qui ne souffrent pas de préjugés », précisément), pour le second je ne peux qu’approuver le « correctif » de ShBJ disant qu’il est plus sain aujourd’hui de poser l’existence de Dieu tel que défini comme un axiome (qui n’est pas une notion commune au sens strict.) Toutefois, la façon de faire de Spinoza a l’intelligence de placer dans E1P11 les deux choses déjà admises universellement qu’il convenait d’identifier : 1) La notion de substance (démonstrations 1 et 3.) 2) La notion de Dieu, être souverainement parfait (démonstrations 2 et 3.) Note : aujourd’hui « Nature » passerait sans doute mieux (encore qu’il convient de voir Dieu – la Nature d’abord comme naturant et ensuite seulement comme naturé, sinon c’est largement loupé.) Il y a quelques autres passages qui me semblent discutables sur le plan logique, outre que je n’admets pas en propre la notion d’attribut et le parallélisme qui va avec, mais en reconnais une certaine nécessité épistémologique. Je pense enfin que Spinoza a fait plus appel à l’intuition d’emblée sur divers sujets qu’il ne le laisse entendre, afin d’orienter ses démonstrations.

Considérant que ces petits bémols n’obèrent pas la possibilité d’une démarche rationnelle portant sur l’essentiel telle celle de Spinoza, que reste-t-il ?

Les critères de clarté et de distinction (sans s’illusionner sur ce que cela veut dire : une perception telle est parfaitement pensée, soupesée, discutée, vérifiée, nette, claire, évidente, calme, sans aucun blocage associé, exempte de doute, etc.) ainsi que l’indique Spinoza. Ceci ne peut cependant se concevoir vraiment que comme ayant une portée existentielle, essentielle, … Et là rien de tel sans la conscience claire de Dieu – la Nature, à quoi tout ce qui est doit être en permanence rapporté, y compris et d’abord soi-même, de façon pensée, nette, claire, évidente, calme …


Amicalement


Serge
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Messagepar alcore » 12 avr. 2009, 21:41

Sur le problème du rapport unicité de la substance-multiplicité des attributs
Spinoza défend à plusieurs reprises que Dieu n'est pas UN, parce que le concept d'unité présuppose celui de nombre qui est toujours relatif à un genre. Par ex dire un chien suppose le genre chien et donc qu'il y en ait au moins 2. En ce sens Dieu n'est pas un.
Mais Spinoza défend aussi qu'il existe un type de multiplicité qui excède tout nombre déterminé.
C'est pour cela que dans l'Ethique Spinoza démontre
a) qu'il existe une infinité de substances infinies qui seront ensuite intégrées à une substance unique absolue, Dieu. Cette infinité de substances infinies dépasse de fait tout nombre déterminé
b) Dieu en tant que substance ABSOLUMENT infinie (infini d'infinis) est unique, non pas au sens de UN, mais au sens de ce qui excède tout nombre. Le pendant de la multiplicité infinie si l'on peut dire.
En ce sens, Dieu étant infini, il est infiniment multiple (au niveau des attributs ie de sa quiddité), et chaque attribut est comme une substance infinie qui apporte à Dieu sa quiddité particulière, son individualité. Mais l'unité de cette infinité de substances ne se produit pas en amont; ce n'est pas parce que Dieu est UN d'abord qu'il intègre toutes les substances, c 'est parce qu'il est infini au delà de tout nombre qu'il intègre en lui, au delà de tout nombre, toutes les substances comme autant d'attributs.
est ce plus clair ?

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Messagepar alcore » 06 mai 2009, 15:13

Puisqu'apparemment personne ne s'intéresse à la question posée, je poursuis !

Spinoza, à mon sens, distingue soigneusement les concepts d'unité et d'unicité. Ce qui est UN c'est toujours QQCHOSE, donc du fini et le champ d'application des nombres c'est toujours ce quelque chose et par suite pour Spinoza les nombres n'ont pas d'application dans l'infini.
Dès lors, le coupl Un-multiple ne vaut quepour le fini; en revanche, il y a un autre couple: unique-multiple.
Je veux dire que LA MULTIPLICITE N A PAS LE MEME SENS SELON QU ELLE EST OPPOSEE A L UNITE OU A L UNICITE.
En fait, dans l'infini, il est impossible qu'il y ait quoique ce soit d'UN, l'infini étant bien un individu, mais tel que son individualité n'est pas postérieure à ses termes, ni extérieure à eux. Seul ce qui est infiniment multiple peut être non-un et partant aussi, par là même, unique.
Le multiple de l'unique n'est pas le multiple de l'un, et l'on résout en partie le problème de cette façon.
CE que je veux dire c'est qu'en passant au-delà de l'UN, il n'existe pas une chose qui serait un individu, mais un processus d'individuation.
CEla rejoint une lecture précédente. L'attribut me semble t il n'EST pas au sens d'une chose, il n'est que sur le mode de l'expressivité, cad comme un processus d'individuation qui va à l'infini. Tant que l'on place un substrat sous l'attribut, sous le processus d'individuation on retombera dans la difficulté: la substance est elle une ET multiple ? etc
Je dis donc: au point où l'infini s'extrait de la forme du nombre, il se dégage aussi du réalisme empirique qui en fait une chose (par opposition au fini qui serait autre CHOSE), et apparaît alors sa vraie nature: d'être au sens d'un dynamisme producteur de singularités. C'est parce que l'infini est unique sans être un qu'il peut s"individuer en des choses qui enveloppent l'infini; et c'est seulement l'imagination qui est aveugle à ce processus, et qui coupe le fini du processus qui l'individue, et le considère comme une chose en soi, divisible, etc.
De même l'imagination se représente la substance comme une chose une qui produirait d'autres choses, multiples.
Tout ceci relève donc d'une dialectique de l'imagination.

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Messagepar bardamu » 06 mai 2009, 21:50

alcore a écrit :(...)
Spinoza, à mon sens, distingue soigneusement les concepts d'unité et d'unicité. Ce qui est UN c'est toujours QQCHOSE, donc du fini et le champ d'application des nombres c'est toujours ce quelque chose et par suite pour Spinoza les nombres n'ont pas d'application dans l'infini.
(...)

Bonjour alcore,
sauf erreur, personne n'a mentionné le chapitre V des Pensées Métaphysiques qui traite de l'unicité de Dieu. Cela me semble éclairant même si ce n'est sans doute pas la pensée finale de Spinoza. On voit des différences avec l'Ethique p.e. l'unicité comme attribut ou la distinction de raison vs réelle pour les attributs.
Il me semble déjà qu'au niveau vocabulaire il vaut mieux parler de "simple" ou "composé" plutôt que "Un" et "Multiple". L'un et le multiple a une connotation discrète (par opposition à continu).

On pourrait peut-être concevoir le rapport simple-composé comme celui de la lumière : la lumière blanche est simple par elle-même bien qu'on puisse la décomposer en couleurs par un prisme, faire apparaître une variété par une opération de séparation-distinction. De même que les attributs se conçoivent par soi sans exister par soi, le rouge se conçoit sans rapport au vert, ce qu'on peut voir quand il s'agit d'expliquer à un daltonien la différence entre les deux.

Cette image pourrait aussi servir pour le rapport du passage modal à l'existence : le rouge (mode "rougeoyant") est dans son attribut "blanc" tant qu'une opération de séparation-distinction ne le fait pas exister pour lui-même. On aurait ainsi l'équivalent "éternel" pour ce qui se manifeste comme apparition dans la durée, une distinction par l'entendement d'essence-existence de modes apparaissant sous la forme de persévérance selon le registre de la durée.

Spinoza, Pensées métaphysiques, Chap. V a écrit :CHAPITRE V
De la, Simplicité de Dieu

Il y a trois sortes de distinctions entre les choses : la Réelle, la Modale, la distinction de Raison. Passons à la simplicité de Dieu.

Pour bien entendre cet attribut, il faut se rappeler ce que Descartes a indiqué dans les Principes de Philosophie (Partie I, articles 48 et 49) ; à savoir qu’il n’y a rien dans la nature des choses en dehors des substances et de leurs modes d’où est déduite cette triple distinction (articles 60, 61 et 62), savoir, la Réelle, la Modale et la distinction de Raison. On dit qu’il y a distinction Réelle entre deux substances qu’elles soient d’attribut différent ou qu’elles aient même attribut, comme par exemple la pensée et l’étendue ou les parties de la matière. Et cette distinction se reconnaît à ce que chacune d’elles peut être conçue et par conséquent exister sans le secours de l’autre. Pour la distinction Modale Descartes montre qu’elle est double : d’une part, celle qui existe entre un mode d’une substance et la substance elle-même ; d’autre part, celle qui existe entre deux modes d’une seule et même substance. Et nous reconnaissons cette dernière à ce que, pouvant être conçus sans le secours l’un de l’autre, les deux modes ne peuvent être conçus sans le secours de la substance dont ils sont des modes. Quant à la première sorte de distinction modale on la reconnaît à ce que, la substance pouvant être conçue sans son mode, le mode ne peut l’être sans la substance. Une distinction de Raison enfin existe entre une substance et son attribut comme quand la durée est distinguée de l’étendue. Et cette distinction se connaît à ce que telle substance ne peut être conçue sans tel attribut.

D’où provient toute combinaison et combien il y a de sortes de combinaison.

De ces trois sortes de distinction provient toute combinaison. La première combinaison est celle de deux ou plusieurs substances de même attribut, comme toute combinaison réunissant deux ou plusieurs corps, ou d’attribut différent, comme l’homme. La deuxième combinaison se forme par l’union de divers modes. La troisième enfin ne se forme pas, mais est seulement conçue par .la Raison comme se formant pour faire mieux entendre une chose. Les choses qui ne sont point composées de l’une des deux premières façons doivent être dites simples.

Dieu est un être parfaitement simple.

Il faut donc montrer que Dieu n’est pas quelque chose de composé ; d’où nous pourrons facilement conclure qu’il est un être parfaitement simple ; et cela sera facile à faire. Comme il est clair de soi en effet que les parties composantes sont antérieures au moins par nature à la chose composée, Ies substances par l’assemblage et l’union desquelles Dieu est composé seront par nature antérieures à Dieu lui-même et chacune pourra être conçue en elle-même, sans être attribuée à Dieu. Ensuite comme ces substances doivent se distinguer réellement les unes des autres, chacune d’elles devra nécessairement aussi pouvoir exister par elle-même et sans le secours des autres ; et ainsi, comme nous venons de le dire, il pourrait y avoir autant de Dieux qu’il y a de substances desquelles on suppose Dieu composé. Car chacune, pouvant exister par elle même, devra exister d’elle-même et, par suite, aura aussi la force de’ se donner toutes les perfections que nous avons montré qui sont en Dieu, etc. ; comme nous l’avons déjà expliqué amplement dans la Proposition 7, partie I, où nous avons démontré l’existence de Dieu. Comme il ne se peut rien dire de plus absurde nous concluons que Dieu n’est pas composé d’un assemblage et d’une union de substances. Qu’il n’y ait pas en Dieu de combinaison de divers modes, cela s’impose par cela seul qu’il n’y a pas en Dieu de modes : car les modes naissent d’une altération de la substance (voir Principes, partiel, Art. 56). Enfin, si l’on veut forger une autre combinaison formée de l’essence des choses et de leur existence, nous n’y contredisons nullement. Mais que l’on se rappelle que, nous l’avons suffisamment démontré, ces deux choses ne se distinguent pas en Dieu.

Les attributs de Dieu n’ont entre eux qu’une distinction de Raison.

Et de là nous pouvons conclure que toutes les distinctions que nous faisons entre les attributs de Dieu ne sont que de Raison et qu’ils ne se distinguent pis réellement entre eux. Entendez des distinctions de Raison comme celles que j’ai citées un peu plus haut et qui se reconnaissent à ce que telle substance ne peut être sans tel attribut. D’où nous concluons que Dieu est un être parfaitement simple. Nous n’avons cure d’ailleurs du fatras des distinctions des Péripatéticiens ; passons donc à la vie de Dieu.

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Messagepar alcore » 06 mai 2009, 23:25

bardamu a écrit :
alcore a écrit :(...)
Spinoza, à mon sens, distingue soigneusement les concepts d'unité et d'unicité. Ce qui est UN c'est toujours QQCHOSE, donc du fini et le champ d'application des nombres c'est toujours ce quelque chose et par suite pour Spinoza les nombres n'ont pas d'application dans l'infini.


Bonjour alcore,
sauf erreur, personne n'a mentionné le chapitre V des Pensées Métaphysiques qui traite de l'unicité de Dieu. Cela me semble éclairant même si ce n'est sans doute pas la pensée finale de Spinoza. On voit des différences avec l'Ethique p.e. l'unicité comme attribut ou la distinction de raison vs réelle pour les attributs.
Il me semble déjà qu'au niveau vocabulaire il vaut mieux parler de "simple" ou "composé" plutôt que "Un" et "Multiple". L'un et le multiple a une connotation discrète (par opposition à continu).

On pourrait peut-être concevoir le rapport simple-composé comme celui de la lumière : la lumière blanche est simple par elle-même bien qu'on puisse la décomposer en couleurs par un prisme, faire apparaître une variété par une opération de séparation-distinction. De même que les attributs se conçoivent par soi sans exister par soi, le rouge se conçoit sans rapport au vert, ce qu'on peut voir quand il s'agit d'expliquer à un daltonien la différence entre les deux.

Cette image pourrait aussi servir pour le rapport du passage modal à l'existence : le rouge (mode "rougeoyant") est dans son attribut "blanc" tant qu'une opération de séparation-distinction ne le fait pas exister pour lui-même. On aurait ainsi l'équivalent "éternel" pour ce qui se manifeste comme apparition dans la durée, une distinction par l'entendement d'essence-existence de modes apparaissant sous la forme de persévérance selon le registre de la durée.

Bonjour bardamu

Ce qui me gêne ici c'est que le concept de simplicité n'est pas du tout d'esprit spinoziste. en fait la simplicité joue comme contraire de "composé" et non de "compliqué".
Dans l'Ethique, Spinoza a complètement dépassé la nécessité de démontrer que Dieu n'est pas composé. Ce problème réapparaît en filigrane dans la discussion de l 'indivisibilité des attributs.
Pour Spinoza me semble t il l'essentiel est ailleurs. C'est de montrer que Dieu est "compliqué", pas simple du tout, bien qu'il reste indivisible. Donc Dieu n'est ni Un, ni Simple, pas parce qu'il est multiple et composite, mais parce qu'il est Unique et multiple au sens de multiple de cette unicité. Il faudrait peut être inventer un néologisme: le multiple en tant que contraire d'unique.
Un-multiple
Unique- ???
car le rapport de l'unique à sa multiplicité n'est pas du tout le même que le rapport de l'un au multiple.

Peut être quelqu'un a t il une idée pour ce néologisme?

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Pertinax
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Messagepar Pertinax » 12 mai 2009, 13:56

La substance est-elle simple ? Ce n'est pas du tout sûr.
Spinoza est certes mon préféré, mais je m'intéresse aussi fortement à Leibniz, Descartes et Malebranche (je connais ce dernier beaucoup moins bien que les autres).


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