Attributs et substance

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Henrique
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Attributs et substance

Messagepar Henrique » 27 août 2002, 15:34

Réponse à une question posée en courrier perso :

Dans ses lettres Spinoza parle de la substance et de ses attibuts de la manière suivante (lettre 9):
''J'entends par substance ce qui est en soi et est concu par soi, c'est-à-dire ce dont le concept n'enveloppe pas le concept d'une autre chose. Par attribut j'entends la même chose à cela près que le terme d'attribut s'emploie par rapport à l'entendement qui attribue à une substance telle nature déterminée''

Puis il donne 2 exemples en disant qu'Israel le 3eme patriarche est aussi Jacob parcequ'on lui a attribué ce nom etc... et pareil pour le plan par rapport à l'objet blanc ...

Etant donné que l'attribut se définit par soi et en soi, comment peut-on donner 2 exemples dont l'attribut peut s' appliquer à autre chose (Jacob peut être quelqun d'autre et 'blanc' peut-être la couleur du lait par exemple.


Ma réponse :

Les exemples dont vous parlez visent à illustrer le fait qu'une *chose* puisse rester unique tout en ayant ''deux noms''. Spinoza transpose donc sa définition des attributs à des cas concrets pour faciliter la compréhension : Israël est à la fois le troisième patriarche et Jacob.

Mais il s'agit ici simplement de faire comme si ''Israel'' était une substance et comme si ''troisième patriarche'' et ''Jacob'' étaient des attributs. Si vous lisez bien le texte, Spinoza dit que ce ne sont en fait que des ''choses'' qui ont des ''noms différents'' et pas des substances et des attributs réels. Il s'agit simplement par cet exemple de comprendre qu'une chose peut être unique en réalité, et diverse du point de vue de l'entendement.

Pour donner maintenant des exemples d'attributs réels, les seuls possibles sont l'étendue et la pensée qui se définissent effectivement, en tant qu'attributs de la substance, en soi et par soi.

Amicalement,
Henrique

[ Edité par Henrique Le 27 August 2002 ]

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Messagepar lupink » 02 sept. 2002, 13:42

Selon vous, peut-on affirmer comme le fait Negri que la notion d'attribut ne constitue qu'une étape dans la pensée spinoziste en évolution et que, par suite, l'on puisse passer directement de la substance aux modes?

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Messagepar Henrique » 06 sept. 2002, 15:36

Je ne connais pas cette analyse de Negri. Je ne parlerais pas exactement ''d'évolution'' de la pensée de Spinoza, comme si, à ce propos, il avait changé d'avis, mais d'une étape dans la pédagogie spinozienne pour conduire à la conscience de la puissance de cet entendement intuitif qui connaît l'identité de la substance et de ses modes.

Les attributs sont des aspects réels de la substance, mais des aspects tout de même, perçus comme tels par l'entendement. La substance reste une seule et même chose.

S'il est important de ne pas penser la substance comme un super maelström où tout se confond, car il s'agit de penser clairement et distinctement, la clarification qu'apporte la distinction de la pensée et de l'étendue ne doit pas conduire à penser cette distinction comme une séparation réelle.

La connaissance qui ''va de l'idée adéquate de l'essence formelle de certains attributs de Dieu à la connaissance adéquate de l'essence des choses'' est cette connaissance même par laquelle on est conscient de l'unité de Dieu et des choses, y compris soi-même de la V° partie : CN3 = amour intellectuel = béatitude.

L'économie que Spinoza fait de la notion d'attribut dans cette V° partie consacrée essentiellement à la CN3, apparemment surprenante vue la définition d'E2P40S2. Mais ce n'est que parce qu'est supposée l'intégration par le lecteur de E2P7S : ''la substance pensante et la substance étendue ne font qu'une seule et même substance, laquelle est conçue tantôt sous l'un de ses attributs et tantôt sous l'autre''. Il ne s'agit donc pas de confondre en E5 ce que E2 distingue, mais d'avoir compris l'identité (''mêmeté'') réelle des attributs en tant qu'essences et non produits de la substance.

En ce sens, les attributs n'ont jamais été une médiation réelle entre la substance et les modes. Les attributs sont la substance elle-même, conçue soit en tant qu'elle est Etendue, soit en tant qu'elle est Pensée. Penser adéquatement - càd complètement - un mode en tant qu'expression de la substance, c'est donc à la fois le rapporter à la Pensée et à l'Etendue. Ce n'est que parce qu'on a intégré l'identité de ces aspects de la substance qu'on peut comprendre le rapport d'expressivité directe de la substance à ses modes.

Henrique

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Messagepar lupink » 06 sept. 2002, 20:12

Merci "infiniment". Par ailleurs le parallélisme ne me fait plus problème. C'était juste mon cerveau de moderne qui s'arrêtait sur de simples mots. S en effet n'est pas plus classique que moderne. Ou plutôt il est moderne (et même dépasse la modernité) en un langage classique.
J'ai cependant quelque problème avec la notion de certitude EIIp43. Je vous les développerai en un nouveau sujet si je n'ai pas d'"illumination" auparavant. :)

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Messagepar lupink » 07 sept. 2002, 13:31

Voilà qui est fait. IIp43 ne pose plus de problème, grâce à Macherey je dois dire, car je possède une mauvaise traduction de l'E (traduction de "prius" : je suis dépendant de la bibliothèque et les autres trad sont en prêt). Je me surprend donc à être trop cartésien ou plutôt à "cartésianiser" S en voulant mettre tout en perspective historique, cad en assimilant la vérité à l'adequation intellectus ad rei prékantienne. Dire que "l'âme humaine est une partie de l'intellect infini de Dieu" devient dès lors une affirmation plus que moderne. De même l'absence d'écart entre l'idée et l'idée de l'idée, la critique spinozienne du signe classique, l'établissement de la certitude dans le fonctionnement même de la pensée, la donation de la norme de vérité dans le processus de production de la connaissance et, partant, le refus de la méthode cartésienne comme préalable à toute connaissance. Tout cela me ravit (m'"apaise" dirait S) et m'arrange bien quant à la possibilité de mon projet (car j'étais alors fort proche de l'erreur de Jeff), d'autant plus que cela suit rationnellement mes deux précédentes erreurs et s'éclaire à mesure que celles-ci se corrigent. Je voudrais maintenant passer à la conception spinozienne de la prophétie dans le TTP (toujours en rapport avec N). Mais cela nous éloigne du sujet présent.


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