Du sentiment même de soi.

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar nepart » 22 août 2008, 10:09

Quand je pense que c'est un avantage sélectif de pensée que le moi se perpetue dans le temps, c'est que si on pense que non et que tout les 10^-20 secondes, on est plus nous, on a plus de projet, on pense qu'au court terme, ce qui est un handicap comparé au autres espèces.

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Louisa
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Messagepar Louisa » 22 août 2008, 10:21

ah ok. Dans ce cas en effet, je suis tout à fait d'accord avec toi pour dire qu'il s'agit d'un avantage.

Mais pour que ce soit un avantage produit par la sélection naturelle, cela doit être "acquis" une fois pour toutes ... or on voit bien qu'un tas de gens ne sont PAS capables de se donner des projets, de les faire émerger de tout un contexte de vie plein de petites choses séduisantes etc. C'est précisément pour apprendre cela aux gens qu'il existe des manuels pédagogiques genre "Apprendre à apprendre" etc.

Donc si tu veux qu'il s'agit d'un avantage qui n'est pas simplement lié au fait que le cerveau humain a une grande plasticité (et donc un jour a découvert comment faire pour construire un projet, puis a commencé à l'apprendre aux enfants etc), mais qui serait "inné", c'est-à-dire toujours déjà là car sélectionné naturellement, ne faudrait-il pas que tout homme a d'office déjà envie d'avoir un projet de vie, de s'y invester etc?

Bref, pour moi le problème avec cette idée d'avantage évolutif, c'est que dans le cas d'une espèce comme celle de l'homme, le fait même de la plasticité du cerveau le rend extrêmement difficile de savoir ce qui est inné et ce qui est acquis. Par exemple: l'homme sait construire non seulement des projets de vie mais aussi des systèmes GPS. Or le système GPS n'était PAS encore là, il y a des centaines de milliers d'années, quand notre génome a été formé. Pourtant, il s'agit clairement d'un avantage. Alors comment juger pour les autres avantages, surtout lorsqu'il est clair qu'il faut les apprendre aux enfants, sinon ils ne les auront pas ... ? Au moment où notre génome a été formé, ou lors des différents moment de "sélection", les hommes avaient-ils déjà appris comment créer des projets de vie, comment les élaborer etc, ou non? Comment pourrait-on savoir ce genre de choses?

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Messagepar nepart » 22 août 2008, 11:35

Je n'ai pas dit que c'est propre à l'homme, c'est propre à presque tout les espèces.

Cela pourrait être du à une mutation qui a fait que le plaisir de notre futur moi nous procure du plaisir, au même titre que le plaisir d'un autre être nous procure du plaisir et vice versa pour la douleur.


Un peu comme le gout sucré qui est agréable, surtout pour les enfants, car les sources de glucides ayant très souvent un gout sucré il me semble.

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Messagepar Sinusix » 26 août 2008, 19:12

Louisa a écrit :Bonjour Nepart,

ceci juste pour te dire qu'en ce qui me concerne, le sujet me semble être certes très intéressant, mais fort compliqué, sachant que Spinoza ne se prononce pas vraiment sur la question (le spinozisme n'est pas une "philosophie du moi", en tout cas pas explicitement, au sens où le moi ou ego n'y est jamais l'objet explicite, texto d'une réflexion; il s'agit bien plutôt d'essences de choses singulières dont l'homme, et de choses qui même si elles appartiennent à ces essences, n'y appartiennent que du point de vue de la durée et non pas du point de vue de l'éternité/réalité (comme par exemple les idées inadéquates)).

Pour te répondre, il faut donc reconstruire soi-même toute une interprétation de passages qui y réfèrent "en oblique", ce qui prend pas mal de temps, temps que je n'ai hélas pas pour l'instant (c'est pourquoi répondre à une question concernant l'interprétation de telle ou telle proposition est beaucoup plus facile, ou du moins peut se faire plus rapidement, quitte à devoir nuancer/développer/corriger/... par après). Or il y a ici des gens qui lisent Spinoza via la notion du moi. Peut-être qu'ils t'expliqueront comment ils y arrivent. D'autre part, tu as déjà lancé quelques pistes intéressantes toi-même ci-dessus, donc n'hésite pas à continuer à les développer, même si tu n'as pas encore beaucoup de réponses, car peut-être que cela donnera une idée à l'un ou l'autre parmi nous et qu'on aura envie de participer plus activement.
A bientôt!
L.


Bonjour, Louisa et encore merci de votre patience explicative et souvent nocturne

Sans m'appuyer sur une problématique évolutionniste, qui est néanmoins certainement de la partie, je reste néanmoins troublé quand je cherche à comprendre, dans la vision spinoziste, à quel moment (sur l'échelle des êtres), l'âme, à savoir "l'idée du corps" va déboucher sur "l'idée de cette idée du corps", à savoir donc le sentiment de l'objet corps qu'on appelle le moi.
Car, si j'ai bien compris, le moindre sac poubelle, par exemple, a pour âme l'idée du sac poubelle.
Or, s'agissant de l'idée d'une chose singulière, il ne faut pas la chercher, si j'ai bien compris, dans la pensée infinie de Dieu, mais dans le mode que constitue le sac poubelle. Où est l'endroit mystérieux où se loge l'idée du sac, donc son âme.
La réponse à cette question, nous ramènera à la même lancinante question : y a-t-il particularité humaine (autre que de simple puissance spinoziste)? Quel en est le fondement, Spinoza ne laissant aucune piste visible pour moi dans les propositions E2 - X à XIII.

A bientôt

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Messagepar Louisa » 31 août 2008, 21:00

Sinusix a écrit :Sans m'appuyer sur une problématique évolutionniste, qui est néanmoins certainement de la partie, je reste néanmoins troublé quand je cherche à comprendre, dans la vision spinoziste, à quel moment (sur l'échelle des êtres), l'âme, à savoir "l'idée du corps" va déboucher sur "l'idée de cette idée du corps", à savoir donc le sentiment de l'objet corps qu'on appelle le moi.
Car, si j'ai bien compris, le moindre sac poubelle, par exemple, a pour âme l'idée du sac poubelle.
Or, s'agissant de l'idée d'une chose singulière, il ne faut pas la chercher, si j'ai bien compris, dans la pensée infinie de Dieu, mais dans le mode que constitue le sac poubelle. Où est l'endroit mystérieux où se loge l'idée du sac, donc son âme.


Bonjour Sinusix,

sans prétendre avoir tout compris à ce sujet moi-même, voici ce que j'en pense pour l'instant.

D'abord, il ne faut pas une idée d'une idée pour qu'il y ait une âme ou un sentiment du corps. Tout Individu a un esprit et un corps, et l'esprit n'est rien d'autre que l'idée ayant le corps pour objet. Cet esprit toujours n'aura que des idées des affections du corps comme perceptions ou sentiments de ce corps. L'idée y d'une idée x n'est qu'une idée ayant la forme de l'idée x comme objet, sans tenir compte de l'objet (du contenu) de l'idée x. Dans le cas d'une idée adéquate, cette idée y est toujours déjà là, dès que nous avons l'idée x (dans le cas d'une idée inadéquate peut-être aussi, mais là je suis moins certaine). Dès lors, en principe on ne peut pas avoir une idée adéquate sans en avoir une idée. Mais, dit Spinoza, il n'est pas nécessaire d'avoir une idée y d'une idée adéquate x pour savoir que celle-ci est bel et bien adéquate.

A partir de ce moment-là, la conscience spinoziste n'a plus grand-chose à voir avec la conscience au sens ordinaire du terme. J'aurais tendance à croire qu'il s'agit davantage d'une con-science au sens littéral du terme, donc d'une possibilité de diriger son attention vers au moins deux idées à la fois, le sage étant celui qui est maximalement conscient "et de soi-même, et des choses, et de Dieu", c'est-à-dire celui qui sait penser ensemble un maximum d'idées à la fois.

Sinon je ne vois pas pourquoi il faudrait attribuer un "lieu" à ce qui par définition n'appartient pas à l'attribut de l'étendue. A mon avis chez Spinoza l'esprit ou l'âme se trouve littéralement "nulle part", puisqu'il n'a aucune étendue, il n'est même pas un "point" dans l'espace, il est simplement une idée.

Or justement, toute idée fait partie de la pensée infinie de Dieu. Cela ne signifie rien d'autre que le fait que toute idée et donc aussi tout esprit est un mode de l'attribut de la Pensée. Le mode qui exprime tel ou tel sac de poubelle selon l'attribut de la pensée constitue donc effectivement tel ou tel sac singulier, ensemble avec le mode corporel qui exprime ce même sac singulier dans l'attribut de l'Etendue. Mais ces deux modes ne sont pas "hors" Dieu, ils expriment tous les deux leur attribut respectif, ils sont donc "du Dieu" eux aussi, au sens où ils font partie de Dieu.

Sinusix a écrit :La réponse à cette question, nous ramènera à la même lancinante question : y a-t-il particularité humaine (autre que de simple puissance spinoziste)? Quel en est le fondement, Spinoza ne laissant aucune piste visible pour moi dans les propositions E2 - X à XIII.


à mon sens, la singularité se définit effectivement par la puissance. Mais la puissance elle-même se définit de multiples façons, notamment par le fait de pouvoir être affectée et de pouvoir affecter d'un maximum de manières différentes possible. Et en effet, on voit bien qu'un sac de poubelle a moins de capacités de, ou est moins "apte", comme le dit Spinoza, à être affecté et à affecter que la majorité des animaux. Son esprit sera donc plus "pauvre" que celui d'un homme ayant une certaine "culture" (scientifique, artistique, sociale, ...), c'est-à-dire il contiendra forcément moins d'idées.

Ce qui signifie, bien sûr, qu'on ne peut plus voir l'"Humanité" comme étant au sommet de l'évolution naturelle (exit l'idée aristotélicienne d'une "échelle" des espèces humaines), tandis que ce n'est pas le cas non plus que chaque homme serait d'office doté d'une conscience de soi maximale ou beaucoup plus grande que n'importe quel autre Individu non humain. Spinoza le dit quelque part: l'homme est apparu par hasard. Par conséquent, rien n'exclut que dans l'avenir il y aura des Individus capables de plus de "conscience" que l'homme le plus conscient de l'humanité, tout comme un jour il n'y aura peut-être plus d'hommes. La distinction entre l'homme et les autres animaux n'étant qu'une distinction de "degré" (degré de conscience, degré de réalité, degré de puissance, ...), il n'y a pas de séparation absolue entre l'homme et les autres choses singulières.
Mais encore une fois, ceci ne sont que des hypothèses de travail, hypothèses à vérifier.
A bientôt!
L.

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Messagepar Sinusix » 02 sept. 2008, 18:50

Louisa a écrit :
Sinusix a écrit :Sans m'appuyer sur une problématique évolutionniste, qui est néanmoins certainement de la partie, je reste néanmoins troublé quand je cherche à comprendre, dans la vision spinoziste, à quel moment (sur l'échelle des êtres), l'âme, à savoir "l'idée du corps" va déboucher sur "l'idée de cette idée du corps", à savoir donc le sentiment de l'objet corps qu'on appelle le moi.
Car, si j'ai bien compris, le moindre sac poubelle, par exemple, a pour âme l'idée du sac poubelle.
Or, s'agissant de l'idée d'une chose singulière, il ne faut pas la chercher, si j'ai bien compris, dans la pensée infinie de Dieu, mais dans le mode que constitue le sac poubelle. Où est l'endroit mystérieux où se loge l'idée du sac, donc son âme.


Bonjour Sinusix,

sans prétendre avoir tout compris à ce sujet moi-même, voici ce que j'en pense pour l'instant.

D'abord, il ne faut pas une idée d'une idée pour qu'il y ait une âme ou un sentiment du corps. Tout Individu a un esprit et un corps, et l'esprit n'est rien d'autre que l'idée ayant le corps pour objet. Cet esprit toujours n'aura que des idées des affections du corps comme perceptions ou sentiments de ce corps. L'idée y d'une idée x n'est qu'une idée ayant la forme de l'idée x comme objet, sans tenir compte de l'objet (du contenu) de l'idée x. Dans le cas d'une idée adéquate, cette idée y est toujours déjà là, dès que nous avons l'idée x (dans le cas d'une idée inadéquate peut-être aussi, mais là je suis moins certaine). Dès lors, en principe on ne peut pas avoir une idée adéquate sans en avoir une idée. Mais, dit Spinoza, il n'est pas nécessaire d'avoir une idée y d'une idée adéquate x pour savoir que celle-ci est bel et bien adéquate.

A partir de ce moment-là, la conscience spinoziste n'a plus grand-chose à voir avec la conscience au sens ordinaire du terme. J'aurais tendance à croire qu'il s'agit davantage d'une con-science au sens littéral du terme, donc d'une possibilité de diriger son attention vers au moins deux idées à la fois, le sage étant celui qui est maximalement conscient "et de soi-même, et des choses, et de Dieu", c'est-à-dire celui qui sait penser ensemble un maximum d'idées à la fois.

Sinon je ne vois pas pourquoi il faudrait attribuer un "lieu" à ce qui par définition n'appartient pas à l'attribut de l'étendue. A mon avis chez Spinoza l'esprit ou l'âme se trouve littéralement "nulle part", puisqu'il n'a aucune étendue, il n'est même pas un "point" dans l'espace, il est simplement une idée.

Or justement, toute idée fait partie de la pensée infinie de Dieu. Cela ne signifie rien d'autre que le fait que toute idée et donc aussi tout esprit est un mode de l'attribut de la Pensée. Le mode qui exprime tel ou tel sac de poubelle selon l'attribut de la pensée constitue donc effectivement tel ou tel sac singulier, ensemble avec le mode corporel qui exprime ce même sac singulier dans l'attribut de l'Etendue. Mais ces deux modes ne sont pas "hors" Dieu, ils expriment tous les deux leur attribut respectif, ils sont donc "du Dieu" eux aussi, au sens où ils font partie de Dieu.

Sinusix a écrit :La réponse à cette question, nous ramènera à la même lancinante question : y a-t-il particularité humaine (autre que de simple puissance spinoziste)? Quel en est le fondement, Spinoza ne laissant aucune piste visible pour moi dans les propositions E2 - X à XIII.


à mon sens, la singularité se définit effectivement par la puissance. Mais la puissance elle-même se définit de multiples façons, notamment par le fait de pouvoir être affectée et de pouvoir affecter d'un maximum de manières différentes possible. Et en effet, on voit bien qu'un sac de poubelle a moins de capacités de, ou est moins "apte", comme le dit Spinoza, à être affecté et à affecter que la majorité des animaux. Son esprit sera donc plus "pauvre" que celui d'un homme ayant une certaine "culture" (scientifique, artistique, sociale, ...), c'est-à-dire il contiendra forcément moins d'idées.

Ce qui signifie, bien sûr, qu'on ne peut plus voir l'"Humanité" comme étant au sommet de l'évolution naturelle (exit l'idée aristotélicienne d'une "échelle" des espèces humaines), tandis que ce n'est pas le cas non plus que chaque homme serait d'office doté d'une conscience de soi maximale ou beaucoup plus grande que n'importe quel autre Individu non humain. Spinoza le dit quelque part: l'homme est apparu par hasard. Par conséquent, rien n'exclut que dans l'avenir il y aura des Individus capables de plus de "conscience" que l'homme le plus conscient de l'humanité, tout comme un jour il n'y aura peut-être plus d'hommes. La distinction entre l'homme et les autres animaux n'étant qu'une distinction de "degré" (degré de conscience, degré de réalité, degré de puissance, ...), il n'y a pas de séparation absolue entre l'homme et les autres choses singulières.
Mais encore une fois, ceci ne sont que des hypothèses de travail, hypothèses à vérifier.
A bientôt!
L.


Bonsoir Louisa.

Merci de cette contribution en laquelle je reconnais votre pédagogie spinoziste et une rigueur déductive et formelle que ma qualité de non "philosophe professionnel" ne me permet pas d'atteindre. Je vous suis donc totalement dans vos précisions et propos, lesquels me paraissent dépasser le stade de simple hypothèse de travail et reflètent la "logique expresse" du texte. Mais je rebondis sur cette présentation conclusive pertinente, à savoir : soit la question posée concernant le "moi" peut être analysée en respectant le "spinozisme", soit elle ne le peut pas. Or, pour ce qui me concerne, cette pensée est tellement "mon truc" sur de nombreux points (substance, intelligibilité de "l'étendue", degrés de la connaissance, etc.) que je cherche à l'envie à raccrocher les thèmes qui fonctionnent moins bien (les rapports de fonctionnement n'étant pas la moindre des pertinences du "système").
Comment oublier certains attendus de la conclusion de Victor Delbos dans son petit opuscule, et notamment celle-ci: "Si étroitement qu'ils soient associés par Spinoza aux idées de l'entendement ou de l'imagination, les sentiments n'en ont pas moins une façon d'agir qui n'est point celle des idées, et ils introduisent dans le développement de la vie mentale, l'influence de ces facteurs subjectifs que le spinozisme s'est appliqué à rejeter. Par cette valeur réelle qu'il attribue aux sentiments le spinozisme réintègre donc plus ou moins confusément le fait de la concentration des états d'âme individuels dans la conscience : fait qu'il avait sacrifié à la notion de l'âme-idée, à la notion de l'âme constituée essentiellement par la connaissance d'un objet".
Le problème que j'ai posé, sans la rigueur formelle nécessaire, est donc de savoir si le concept de puissance permet de répondre à la "spécificité" humaine apparente, à savoir : en l'homme se situe un "siège" des idées (même si, nous en sommes d'accord, le fonctionnement neuronal relève de l'attribut étendue), particularité qui amènera à dire là "je pense, donc je suis", ici j'ai accès, par "ma pensée", au 3ème genre de connaissance.
Or, si l'idée du sac poubelle est bien l'âme dudit sac, il reste à s'interroger sur la capacité du sac à avoir le sentiment que je le déchire par exemple (le sentiment étant l'idée de l'affection du corps du sac en laquelle consiste son déchirement, purement passif, nous en conviendrons).
A supposer qu'on ne se réfère pas à la vision "mécaniciste" du monde animal chez Descartes par exemple, on pourrait s'attaquer à un exemple plus complexe, mais intéressant en termes de "gradation évolutionniste", à savoir la présence "manifeste" des sentiments chez l'animal, à savoir sa capacité manifeste pour l'homme, par exemple, à souffrir.
De fait, même si on s'oblige à sa libérer avec raison, comme vous le faîtes, d'une vision anthropocentriste, même si on gomme d'un trait, pour l'occasion, l'éventuelle importance primordiale de l'apparition de la parole dans la "réification" des idées ailleurs que dans le seul "Dieu", il n'en reste pas moins que l'échelle de l'évolution, avec son stade actuel du "moi" (et nous savons bien que l'homme va disparaître, bien avant les trois milliards d'années que lui laisse encore le soleil avant de faire passer la température à 400°C) porte en soi un "saut technologique" dans l'appareil spinozien, sauf à ce que tous les sacs poubelles du monde s'insurgent soudain du sort quotidien lamentable qui leur est fait.
Puisque donc le monde est intelligible, comment distinguer cette part de l'étendue, quasiment tout l'univers, qui ne dépend pas du tout de l'épiphénomène humain mais sur laquelle ce dernier cherche à avoir des idées adéquates, et cette petite planète, dont le réchauffement actuel montre bien que les lois (la nécessité, les rapports) s'appliquent, peuplée de ces corps à la puissance si particulière qu'ils sont les seuls à être capables, par leur action commune inadéquate, de mettre en cause le "conatus".
Je cherche donc, en dépit de vos précisions, à progresser sur la qualification de la "conscience", dont nous ne chercherons pas le siège dans la glande pinéale, dont nous ne chercherons nulle part le siège, mais dont j'aimerais bien connaître le caractère particulier en tant qu'idée et, puisque donc elle sera présente en Dieu, ne m'oblige pas à retomber dans le piège trinitaire que d'aucuns pourtant, ai-je lu quelque part, ont finalement trouvé sous-jacent dans la pensée spinoziste.
J'accueillerai volontiers des orientations de lecture.
A suivre et merci à tous.

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Messagepar nepart » 05 sept. 2008, 13:36

J'ai trouvé dans l'article wikipedia sur David Hume la même interrogation, mais pas de réponse.

Nous avons tendance à penser que nous sommes toujours la même personne, que notre moi actuel est le même qu'il y a cinq ans, malgré les changements qui affectent de nombreux aspects de notre personnalité. Nous pourrions à partir de là rechercher un soi sous-jacent, qui demeure le même sous les autres changements, et nous demander quelle est sa nature et ce qui le distingue des accidents qui nous affectent.

Mais Hume nie que nous puissions faire la moindre différence entre un tel moi mystérieux et les changements dont on prétend qu'ils lui appartiennent ou qui en découlent. Donc, lorsque nous nous examinons nous-mêmes, nous ne pourrons seulement percevoir que des ensembles d'idées et de sentiment. Donc, étant donné que l'âme est quelque chose de trop subjectif, l'introspection ne permet jamais de percevoir une substance que nous pourrions appeler « MOI ».

Le moi n'est rien d'autre qu'un agrégat de perceptions liées, et, selon Hume, ces perceptions n'appartiennent à rien. L'âme est ainsi une communauté qui possède une certaine identité, non en vertu de son essence, mais par la composition d'éléments changeant continuellement. Le problème de l'identité du moi est alors pour Hume le problème de la cohésion de l'expérience individuelle. Or, il fera remarquer dans l'appendice du Traité que cette explication du moi ne le satisfait pas, mais il ne s'en expliqua jamais !

Selon lui l'identité personnelle pourrait bien n'être qu'une simple fiction philosophique.


http://fr.wikipedia.org/wiki/David_Hume

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Messagepar nepart » 08 sept. 2008, 00:55

Cependant Hume n'est pas devenue fou, interessant.

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Messagepar nepart » 08 sept. 2008, 21:50

j'ai l'impression que ce sujet vous effraie :D

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Messagepar Louisa » 19 sept. 2008, 04:50

Sinusix a écrit : Mais je rebondis sur cette présentation conclusive pertinente, à savoir : soit la question posée concernant le "moi" peut être analysée en respectant le "spinozisme", soit elle ne le peut pas. Or, pour ce qui me concerne, cette pensée est tellement "mon truc" sur de nombreux points (substance, intelligibilité de "l'étendue", degrés de la connaissance, etc.) que je cherche à l'envie à raccrocher les thèmes qui fonctionnent moins bien (les rapports de fonctionnement n'étant pas la moindre des pertinences du "système").


Bonjour Sinusix,

je crois qu'on peut toujours essayer d'opérer ce genre de "raccrochements", mais je ne sais pas s'ils peuvent réellement aboutir. Une théorie toujours ne porte que sur certains problèmes, et pas sur tous. Demander à une théorie qu'elle résolve d'autres problèmes que ceux en vue desquels elle a été créée ... cela serait-il raisonnable?

Sinusix a écrit :Comment oublier certains attendus de la conclusion de Victor Delbos dans son petit opuscule, et notamment celle-ci: "Si étroitement qu'ils soient associés par Spinoza aux idées de l'entendement ou de l'imagination, les sentiments n'en ont pas moins une façon d'agir qui n'est point celle des idées, et ils introduisent dans le développement de la vie mentale, l'influence de ces facteurs subjectifs que le spinozisme s'est appliqué à rejeter. Par cette valeur réelle qu'il attribue aux sentiments le spinozisme réintègre donc plus ou moins confusément le fait de la concentration des états d'âme individuels dans la conscience : fait qu'il avait sacrifié à la notion de l'âme-idée, à la notion de l'âme constituée essentiellement par la connaissance d'un objet".


j'avoue que je ne comprends pas très bien ce passage de Delbos ... appeler cet aspect des sentiments qui n'est pas une idée quelque chose de "subjectif" ne me semble pas être très spinoziste, puisque ce qui dans un affect n'est pas de l'ordre d'une idée, est de l'ordre d'une affection du Corps. Or celle-ci enveloppe toujours aussi la nature du corps extérieur qui vient de l'affecter. Donc je ne vois pas en quoi elle serait le "lieu" de la subjectivité. Bien sûr, Spinoza dit bel et bien que l'idée de cette affection indique plus l'état de notre Corps que la nature du corps extérieur, mais justement, ce côté "subjectif" (même si Spinoza ne l'appelle pas ainsi, et à mon sens à raison) ne se trouve avant tout qu'au niveau des idées, de l'Esprit.

Sinusix a écrit :Le problème que j'ai posé, sans la rigueur formelle nécessaire, est donc de savoir si le concept de puissance permet de répondre à la "spécificité" humaine apparente, à savoir : en l'homme se situe un "siège" des idées (même si, nous en sommes d'accord, le fonctionnement neuronal relève de l'attribut étendue), particularité qui amènera à dire là "je pense, donc je suis", ici j'ai accès, par "ma pensée", au 3ème genre de connaissance.


ne faudrait-il pas plutôt dire que cette "spécificité" que tu cites n'est qu'une idée humaine parmi un tas d'autres idées concernant cette spécificité, et que ... pour l'instant rien ne la prouve, ce qui fait qu'on peut tout aussi bien essayer de voir ce que cela donne, concrètement, lorsqu'on essaie de penser le monde sur le mode spinoziste, c'est-à-dire en attribuant à TOUT être des idées, et non pas aux hommes seuls?

Sinusix a écrit :Je cherche donc, en dépit de vos précisions, à progresser sur la qualification de la "conscience", dont nous ne chercherons pas le siège dans la glande pinéale, dont nous ne chercherons nulle part le siège, mais dont j'aimerais bien connaître le caractère particulier en tant qu'idée et, puisque donc elle sera présente en Dieu, ne m'oblige pas à retomber dans le piège trinitaire que d'aucuns pourtant, ai-je lu quelque part, ont finalement trouvé sous-jacent dans la pensée spinoziste.


à mon sens, il n'est pas exclu que cette question, cette problématique d'une "conscience" qui séparerait inévitablement tout être humain des autres formes de vie sur terre, est une question "située", qui ne prend sens qu'à l'intérieur de certaines théories humaines, et non pas "en soi". Pour Spinoza, en tout cas, elle semble être fonction de la capacité du corps d'être affecté de manières différentes. Or il reconnaît lui-même que cette capacité, lorsqu'il s'agit d'un bébé, n'est rien comparé à un adulte humain, tandis que le sage dispose à son tour d'une aptitude à être affecter et à affecter beaucoup plus grande encore que celle de n'importe quel adulte. A mon sens, cela signifie que dans un monde spinoziste, il n'y a pas de distinction radicale entre les différentes espèces animales. Tout est fonction d'un "degré" de réalité/perfection/puissance, et seul l'individu existe.
Amicalement,
L.


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