Du sentiment même de soi.

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Louisa
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Messagepar Louisa » 20 sept. 2008, 17:09

Sinusix a écrit :Avec mes excuses pour n'avoir pas encore trouvé la méthode de réponse adossée à citations, je poursuis brièvement les aventures de mon sac poubelle dans le monde spinoziste, sur la base de départ qui était le sentiment du "moi", lequel peut aider à éclairer le problème de l'individu.


Bonjour Sinusix,
voici comment on m'a expliqué la procédure pour citer un passage d'un message. Supposons que je veux citer la phrase xxxxx, que j'ai lue dans un message à toi. Il suffit de la sélectionner, copier, puis coller dans mon propre message, et d'écrire ceci avant et après la phrase, mais SANS les espaces:

[ q u o t e = " nom de l'auteur cité, p.ex. Sinusix " ] xxxxx [ / q u o t e ].

Sinusix a écrit :Si j'ai tendance à suivre Louisa dans sa vision de degrés de réalité/perfection/puissance (que l'on peut plus facilement rattacher à la préoccupation évolutionniste), je n'en demeure pas moins interrogatif devant les deux "sauts technologiques" que représentent le monde animé en premier lieu, l'homme en second.


à mon sens, le problème se situe en amont de cela: l'idée d'un "saut technologique" est avant tout une idée humaine. Cela signifie qu'il est possible de penser autrement, aussi longtemps que rien n'en prouve la vérité. On peut donc tout aussi bien penser en termes de continuité au lieu de penser en termes de sauts, et c'est ce que semble faire Spinoza

Spinoza a écrit :Or, cette particularité humaine, même si elle ne fait pas sortir de l'enchaînement parallèle des causes et des effets sur l'attribut étendue et l'attribut pensée, reste manifestement une particularité, bien marquée chez Spinoza à de multiples endroits, et notamment : E2, Axiome II (l'homme pense, et nous ne confondrons pas avec le Cogito), E2, propositions importantes XI, XII et XIII qui parle de l'Esprit Humain, spécificité que l'on retrouve dans toute la suite et dont les deux composantes se trouvent par exemple en E3, proposition IX : l'Esprit A des idées et l'Esprit est CONSCIENT de son effort.


je ne crois pas qu'on puisse déduire de ces passages une quelconque "particularité" humaine, puisque dès le début de l'E2, Spinoza dit qu'il ne va traiter que de l'homme, si bien que lorsqu'il dit que le fait que l'homme pense est une notion commune, une vérité évidente (un axiome), il ne dit rien par rapport à une quelconque différence entre l'homme et un autre étant, il ne parle que de l'homme. Qui plus est, en E2P13 scolie il dit explicitement que tout ce qu'il vient de "dire de l'idée du Corps humain, il faut le dire nécessairement de l'idée d'une chose quelconque".

Sinusix a écrit :Il s'agit bien donc de distinguer, puisque l'âme est l'idée du corps (donc toute chose singulière exprime Dieu sous les deux formes Etendue et Pensée), les individus chez lesquels le mode pensée s'exprime avec une puissance supplémentaire (le saut technologique) à savoir l'Esprit, seule idée de l'idée qui a des idées.


dans le TIE, Spinoza dit que l'idée du corps, c'est l'essence objective de la chose, tandis que le corps lui-même en est l'essence formelle. L'essence objective est l'idée que la chose EST. Cette idée est toujours vraie. Or ce qui caractérise les idées vraies, c'est qu'il y a toujours aussi une idée vraie ayant cette idée vraie ou essence objective comme objet (il y a toujours aussi une idée de l'idée, donc), puisque cette idée de l'idée n'est rien d'autre que la forme de l'idée vraie, sans faire attention à son contenu. Par conséquent, je ne vois pas ce qui empêche le sac poubelle d'avoir une idée de l'idée qu'il est, d'un point de vue spinoziste.

Inversement, je ne vois pas non plus ce qui permettrait d'appeler "Esprit" seulement cette idée de l'idée. Le scolie de l'E2P13 me semble être clair: toute chose a un esprit, l'homme aussi bien que le sac poubelle. L'esprit n'est pas l'idée ayant une idée comme objet, l'esprit d'une chose est l'idée ayant le corps de la chose comme objet.

Sinusix a écrit :Dans ma lecture de Spinoza, je n'arrive pas à gommer cette impression d'un "saut" inexpliqué, qui laisse pendant le problème principal de savoir pourquoi (et si), du fait que son Esprit A des idées, l'homme est le seul à avoir accès à l'intelligibilité du monde. Autrement dit, l'idée de l'idée du sac poubelle, donc de son âme, fait-elle l'objet de l'idée de l'Esprit (non révélé à nous) du sac poubelle, ou bien cette idée ne peut-elle "loger" que dans l'Esprit de l'homme (étant entendu qu'elle appartient à la pensée infinie de Dieu, formule à la représentation "réelle" de laquelle nous ne pouvons accéder).


peut-être que ces questions ne deviennent pertinentes qu'à partir du moment où l'on parviendrait à démontrer ce qu'elles présupposent: que l'Esprit humain soit non pas l'idée ayant le Corps comme objet, mais l'idée ayant cette idée comme objet?
Amicalement,
L.

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Messagepar hokousai » 20 sept. 2008, 18:59

à Louisa


Or ce qui produit un effet, est par définition une chose singulière.


Par exemple la pesanteur ( ou n'importe quelle force de cohésion ) est- elle une chose singulière ?
L'infinité des conditions requises pour qu'une plante croisse et qui se ramène ( par intellection ) à une condition qui est un environnement requis ( et je passe sur le programme génétique ) est -il une chose singulière .

A partir de quand un balai composé d’un manche et d’une brosse devient- il une chose singulière ? D’une certaine manière le composé de deux choses est là aussi efficace que l'individu
Je dirais même qu’une seule partie ( le manche ou la brosse) est moins efficace .

Le balai pas plus que le moteur d’une automobile ne sont en soi des choses singulières . Vous me direz que le silex des cro magnon ou un peigne ou sans doute une cuillère et certaines choses de ce genre sont des chose singulières et techniquement efficace .

Quel sens il y a –t-il à parler d âmes pour un silex ou de deux âmes pour un balai ?Toute cette problématique me semble déraisonnable .


hkous

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Messagepar Louisa » 20 sept. 2008, 22:11

louisa:
Or ce qui produit un effet, est par définition une chose singulière.

Hokousai:
Par exemple la pesanteur ( ou n'importe quelle force de cohésion ) est- elle une chose singulière ?
L'infinité des conditions requises pour qu'une plante croisse et qui se ramène ( par intellection ) à une condition qui est un environnement requis ( et je passe sur le programme génétique ) est -il une chose singulière .

A partir de quand un balai composé d’un manche et d’une brosse devient- il une chose singulière ? D’une certaine manière le composé de deux choses est là aussi efficace que l'individu
Je dirais même qu’une seule partie ( le manche ou la brosse) est moins efficace .


pour moi Spinoza est tout à fait explicite à cet égard: dès que deux individus concourent pour produire ensemble un effet, ils constituent une chose singulière, dont l'essence (= la puissance) se définit précisément par le fait d'être capable de produire cet effet. Le balai est donc sans aucun doute une chose singulière (le cocktail avec olive aussi, d'ailleurs, car il produit un autre effet sur celui qui le boit que le cocktail sans olive).

Quant à la pesanteur: je ne crois pas que chez Spinoza elle existe. La pesanteur n'est qu'une abstraction, un être de raison. Ce qui existe, ce sont des choses singulières, des corps, en l'occurrence, qui ont notamment comme propriété d'exercer un certain effet d'attirance sur d'autres corps, en fonction de leur masse respective.

Hokousai a écrit :Quel sens il y a –t-il à parler d âmes pour un silex ou de deux âmes pour un balai ?Toute cette problématique me semble déraisonnable .


comme j'ai déjà essayé de dire, dès que l'on veut attribuer au mot "âme" le sens que ce terme revêt d'habitude pour nous, Occidentaux du XXIe siècle, prétendre qu'un balai ou un sac de poubelle ait une âme est absurde, déraisonnable, tout ce que l'on veut. Or l'intérêt d'un animisme universel consiste à mon sens précisément dans le fait de nous obliger de repenser la signification même du mot "âme".
L.

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Messagepar hokousai » 20 sept. 2008, 23:14

à Louisa


Personnellement je n’accorde aucune signification ( autre que poétique ) au mot âme même si je comprend le sens que les religieux lui donnent .

Parlons de l’esprit , le seul que nous connaissions est le notre comme idée du corps . Nous avons accès à cette idée (et conscience de cette idée ).
Je doute que les objets inanimés aient une idée de l’idée de leur corps , aient même une idée tout simplement de ce corps .

Ou bien c’est le sens du mot idée qu’il faut revisiter mais cela est difficile, le sens du mot idée est assez prégnant .

S’il faut qu’ à tout corps réponde une idée alors on se rapproche de la notion de forme , on réintroduit la distinction aristotélicienne entre la matière et la forme ,distinction qui suppose la matière. L’existence de la matière me semble plus que problématique et pour le coup être une fiction .

hoku.

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Messagepar Durtal » 20 sept. 2008, 23:16

Louisa a écrit :
Durtal a écrit :Tu recules. La question n'est pas de savoir si un sac poubelle "existe" (oui bien sur: cela existe) la question est de savoir si un sac poubelle est un individu au lieu d'être simplement un agrégat (d'autres individus).


non je ne recule pas. Mon raisonnement était le suivant: rien ne peut exister, dans le spinozisme, sans produire un effet. Or ce qui produit un effet, est par définition une chose singulière. Et puisqu'il faut une certaine "puissance" pour pouvoir produire un effet, ce qui définit une chose singulière est une certaine essence, un certain degré de puissance, donc quelque chose qui effectue le rapport de mouvement et de repos caractéristique pour cette chose. Par conséquent, la chose en question doit être capable aussi d'être affectée, c'est-à-dire de conserver le rapport qui la caractérise quand elle est affectée. Et c'est ainsi qu'on définit l'individu spinoziste. Conclusion: tout ce qui existe et qui n'est pas un corps simple, est un individu.



Bah il me semble pourtant que si! Tu me parles ici de production des effets en général mais cela ne suffit pas. Ce que je dis est que le degré de puissance par lequel une chose produit des effets doit être sien -non pas pour que ce qui la compose existe- mais pour que cette chose soit un individu. Or qu'est ce qui peut définir cette caractéristique (d'individualité) ? Le seul critère possible est celui de l'activité ou le fait que la chose est cause adéquate des effets qu'elle produit. En tant qu'elle subit, en effet, la chose est une partie d'une autre chose et sous ce rapport ne se comporte plus comme et n'est plus un individu. Pourtant elle ne laisse pas d'exister dans l'un et l'autre cas et si l'on veut de "produire des effets" dans l'un et l'autre cas.

Considère l'exemple suivant: je me blesse avec un couteau, la blessure est l'effet du couteau, mais un tel effet ne s'explique certainement pas par la seule nature du couteau, cette dernière n'est que la cause partielle de l'effet total, car c'est moi qui maniait l'instrument et qui lui ait "fait faire" ce qu'il a fait. Il a agit uniquement au titre qu'il faisait partie d'un individu, celui que je constituais au moment de m'en servir, et non de lui même comme s'il était un individu. Quels sont les effets qui résultent de la nature seule d'un couteau de cuisine? A peu près aucun je pense, tous les effets qu'un tel objet est susceptible de produire sont du même ordre: il intervient en tant que cause partielle et il est de la nature même d'un instrument d'être une cause partielle. Je reviendrai plus bas là dessus mais je pense en effet que Spinoza ne tient pour chose véritable que les individus. Qu'en est-il alors de ces choses qui n'ont pas les caractéristiques des individus (pierre, sac poubelle…) pour ce qu'elle paraissent entièrement passives, inertes et dépourvues d'activité propre? Et bien, elles ne sont pas d'authentiques choses. Qu'en est-il des cas où des choses qui ont les caractéristiques des individus pâtissent? Et bien elles acquièrent à leur tour ce statut de pseudo chose, dans l'exacte mesure et à proportion des effets qu'elles produisent tandis qu'elles subissent.

Exemples : Différence d'un Etat en situation de paix civile et en situation de guerre civile. Même ensemble d'individu (humain en l'occurrence) dans les deux cas mais unité caractéristique (fonctionnelle) de l'individu dans le premier cas, et agrégat sans unité dans le second.
Différence pour un même homme donné agissant soit sous la conduite de la raison soit sous la conduite des passions, qui dans un cas maintient et renforce sa caractéristique individuelle et dans l'autre la voit se défaire au profit de l'action des causes extérieures. Dans les deux cas on peut continuer à décrire le même sous ensemble (existant et produisant des effets), alors que le degré d'unité de l'ensemble, en revanche, n'est pas le même.



Quoiqu'il en soit, ton critère selon lequel il suffit à une chose de produire des effets pour être dite "un individu" laisse donc entièrement de coté la question de savoir si ces effets résultent de la nature de la chose ou non. Et tu vois bien que les deux questions sont étroitement connectées , puisqu'un acte qui n'est causé que partiellement par une chose, suppose par définition le caractère "non individuel" de l'acte en question (elle suppose qu'une deuxième chose interfère et constitue partiellement la nature de la cause) ce qui veut dire inversement que la causation adéquate sera le propre de ce qui agit individuellement, de ce qui est donc un individu.

Louisa a écrit :[ce n'est pas ainsi que Spinoza définit l'individu (voir sa défintion dans les lemmes E2). Il ne faut pas être cause adéquate des effets produits pour être un individu, il faut simplement conserver le rapport caractéristique quand on est affecté, et c'est tout.


Bravo….mais pour conserver ce rapport il faut certes être cause adéquate des actions qui le maintiennent. Car justement, cela ne se fait pas tout seul. Puisqu'à l'inverse la passion ou l'état de passivité exprime l'activité d'autres choses qui tendent à défaire ce même rapport, c'est à dire qui tendent à intégrer les parties de la chose qui subit à leurs propres rapports.
De manière plus générale on ne peut pas se contenter de chercher des solutions seulement en terme de définition, il y a un moment où il faut essayer de faire fonctionner le système, puisqu'il est là pour ça. Au moment où Spinoza donne la définition de la forme d'un corps, il n'a pas encore traité des affects, mais il est facile de voir le rapport rétrospectivement entre ces deux choses. (Par exemple E4 prop 38 et 39. E4 en général d'ailleurs)


Je reviens sur le statut ontologique des pseudos-choses (pierre, couteau de cuisine, sac poubelle). Tous les états qu'adoptent ces choses expriment l'activité d'autres choses sur elles et elle n'ont aucune unité fonctionnelle ou interne. Si donc on retreint le terme extrêmement vague de "chose" a ce qui est proprement une chose savoir un individu, ces "choses" n'en sont pas. Ce qui veut dire: elles peuvent et doivent être analysées (réduites) en des complexes d'effets de choses différentes qui elles en revanche ont de l'unité ou de l'individualité a divers degrés mais qui n'ont pas ce rapport entre elles. Voici ce que je veux dire:
Spinoza explique par exemple que la réunion des efforts de deux individus humain compose un individu deux fois plus puissant. Mais cette réunion doit elle même posséder une caractéristique d'individualité réelle et fonctionnelle. Si par exemple je décide de considérer les efforts convergents de deux hommes qui n'interagissent pas et vivent sur des continents différents, il ne serait pas correct de dire que je ne pense rien, (je considère réellement ces deux hommes et leurs actions convergentes) mais je ne conçois pourtant pas cette unité individuelle deux fois plus puissante qui résulterait de la réunion réelle des efforts. Une pierre ou un sac poubelle expriment de cette façon les puissances d'un grand nombre de choses dont la simple conjonction les ont causés à exister comme ils existent. Mais comme dans le cas de nos deux hommes séparés par un continent, ces causes n'ont pas concouru ensemble pour donner lieu à une individualité, ou à un "foyer" unique d'activité. Cela ne veut pas dire que notre pierre est "une apparence" ou qu'elle "se volatilise" dans le néant, cela veut dire que si nous en faisons une analyse conceptuelle suffisante, notre perspective sur son "unité" se modifiera. Pour ce qui est donc de son "esprit", certes il y a en Dieu une idée de cette pierre, mais en même temps qu'il constitue les idées d'un grand nombre de choses différentes en même temps qu'elle, ce qui revient à dire qu'il n'a probablement pas d'idée distinguée et singulière d'une pierre en tant que telle c'est à dire donc pas comme il peut avoir une idée distinguée et singulière d'un être actif ou d'un individu dont un des aspects ontologiques de ce morceau de pierre fera en revanche partie. Par conséquent une pierre n'a pas d'âme au sens d'un esprit individualisé, qui pourrait "se concevoir par soi sans les autres".

Et cela d'autant plus qu'un grand nombre (mais pas toutes) des déterminations contenues dans l'objet que nous appelons une "pierre" ou un "sac poubelle"se composent en réalité d'affections de notre imagination. Ne pensons par exemple qu'à la couleur du sac poubelle (dont l'analyse conceptuelle montre qu'il ne s'agit pas de la propriété simple et unique d'un objet, mais d'un complexe d'effets mettant simultanément en jeu toute une série d'objets et de propriétés disparates, lesquelles n'expriment pas une unité réelle, bien qu'ils se rencontrent en cette occasion: les rayons lumineux, l'œil humain, la composition du plastique…L'unité supposée "de la couleur du sac" vole ainsi en éclat et disparaît à l'analyse.)

Enfin et surtout, déclarer qu'un sac poubelle a un esprit, ou une âme cela ne veut ne rien dire. J'ai beau chercher, je ne vois pas. Je rappelle d'ailleurs, à toutes fins utiles, qu'il ressort de la lettre à Tirchnauss que Spinoza n'a pas l'air de croire qu'une pierre pense . Puisqu'il présente ceci comme une fiction . Et il ne sert à rien d'expliquer à ce sujet ""dans la vie de tous les jours certes, cela ne veut rien dire, mais dans le "Spinozisme"" cela a une signification". Car si je n'ai aucune espèce d'idée de ce que cela signifie pour un sac poubelle d'avoir une âme, je n'ai non plus aucune idée de ce que je raconte moi-même lorsque je dis: "Dans le spinozisme, un sac poubelle a une âme".



D.

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Messagepar Louisa » 21 sept. 2008, 00:06

Durtal a écrit :Je rappelle d'ailleurs, à toutes fins utiles, qu'il ressort de la lettre à Tirchnauss que Spinoza n'a pas l'air de croire qu'une pierre pense . Puisqu'il présente ceci comme une fiction.


une réponse plus détaillée arrive sous peu, en attendant juste ceci: je viens de parcourir rapidement (trop rapidement?) les lettres à Tschirnhaus, mais je n'ai pas trouvé l'endroit auquel tu réfères. Pourrais-tu préciser de quelle lettre il s'agit plus exactement? Merci déjà!

Durtal a écrit :Enfin et surtout, déclarer qu'un sac poubelle a un esprit, ou une âme cela ne veut ne rien dire. J'ai beau chercher, je ne vois pas. (...) Et il ne sert à rien d'expliquer à ce sujet ""dans la vie de tous les jours certes, cela ne veut rien dire, mais dans le "Spinozisme"" cela a une signification". Car si je n'ai aucune espèce d'idée de ce que cela signifie pour un sac poubelle d'avoir une âme, je n'ai non plus aucune idée de ce que je raconte moi-même lorsque je dis: "Dans le spinozisme, un sac poubelle a une âme".


En effet, si on attribue au terme "âme" le sens "moderne" (cartésien, kantien, ...) du mot, on ne voit pas ce que cela pourrait vouloir dire lorsque Spinoza écrit que toute chose quelconque a une âme. Mais j'avoue que prendre cela comme critère de compréhension d'une phrase pour moi est assez étrange ... . Longtemps, on attribuait un sens tel au mot "soleil" que dire que la terre tourne autour du soleil ne voulait rien dire. N'empêche que quelqu'un un beau jour a décidé que rien ne nous oblige à accorder tel ou tel sens à un mot, que le sens d'un mot n'est qu'une convention, et qu'on peut donc tout aussi bien lui donner un autre sens. Alors on a décidé de donner au mot "soleil" le sens "objet céleste autour duquel tourne la planète terre", pour ensuite essayer de trouver des conséquences concrètes, pratiques, de cet énoncé. Une fois qu'on les a réellement trouvées, on a pu changer le sens du mot "soleil" définitivement.

Bref, changer le sens conventionnel des mots me semble être une pratique tout à fait cruciale pour tout processus d'apprentissage et d'accumulation de connaissance. C'est pourquoi je ne vois pas en quoi ton objection (qui est la même que celle de Hokousai, si je l'ai bien comprise) pourrait être pertinente.

Enfin, pour déjà anticiper ma réponse à ce que tu écris ci-dessus: je ne vois pas pourquoi exclure le sac poubelle des choses singulières pour en faire une "pseudo-chose". Car comment nier que c'est bel et bien le sac poubelle lui-même qui persévère dans son être quand on le remplit ... ? Comme tout individu, il communique une affection (une mise en mouvement d'une partie des corps singuliers qui le constituent) au reste de son corps, de telle sorte que beaucoup d'affections du sac poubelle laisseront sa forme intacte, tandis que seulement certaines affections précises sont capables de détruire le rapport qui le caractérise (jeter une bouteille dedans non, en couper un morceau avec des ciseaux oui). Du coup, je me demande si tu n'es pas en train d'oublier que Spinoza définit un degré de puissance notamment par l'aptitude d'un corps d'affecter et d'être affecté? Un sac poubelle persévère avec une certaine force dans son être, et est apte à être affecté de diverses manières. Dès lors, sachant qu'il suffit de conserver sa forme quand on est affecté pour être appelé "Individu", je ne vois pas pourquoi exclure le sac poubelle du domaine des Individus?
A bientôt,
L.

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Messagepar Louisa » 21 sept. 2008, 02:53

Hokousai a écrit :Parlons de l’esprit , le seul que nous connaissions est le notre comme idée du corps . Nous avons accès à cette idée (et conscience de cette idée ).
Je doute que les objets inanimés aient une idée de l’idée de leur corps , aient même une idée tout simplement de ce corps .

Ou bien c’est le sens du mot idée qu’il faut revisiter mais cela est difficile, le sens du mot idée est assez prégnant .


peut-être faudrait-il commencer par essayer de définir le sens du mot "esprit" d'une telle façon qu'il existe des objets "inanimés"?

Hokousai a écrit :S’il faut qu’ à tout corps réponde une idée alors on se rapproche de la notion de forme , on réintroduit la distinction aristotélicienne entre la matière et la forme ,distinction qui suppose la matière. L’existence de la matière me semble plus que problématique et pour le coup être une fiction .


on pourrait effectivement définir l'idée par la forme au sens aristotélien. Or chez Spinoza, la "forme" d'un individu ne désigne que l'union entre les corps qui ensemble composent l'individu. Cette union est-elle matérielle ou "spirituelle"? Cela ne me semble pas être tout à fait clair. J'ai plutôt l'impression qu'il s'agit d'une façon de définir l'essence de cet individu, sans distinguer entre l'aspect formel ou objectif. Tout au plus peut-on dire qu'il s'agit d'un "rapport de mouvement et de repos". Conclusion: je ne crois pas qu'on puisse transposer sans reste le modèle aristotélicien à la façon spinoziste de concevoir l'individu.
L.

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Messagepar Louisa » 21 sept. 2008, 20:14

Durtal a écrit :Bah il me semble pourtant que si! Tu me parles ici de production des effets en général mais cela ne suffit pas. Ce que je dis est que le degré de puissance par lequel une chose produit des effets doit être sien -non pas pour que ce qui la compose existe- mais pour que cette chose soit un individu. Or qu'est ce qui peut définir cette caractéristique (d'individualité) ? Le seul critère possible est celui de l'activité ou le fait que la chose est cause adéquate des effets qu'elle produit. En tant qu'elle subit, en effet, la chose est une partie d'une autre chose et sous ce rapport ne se comporte plus comme et n'est plus un individu. Pourtant elle ne laisse pas d'exister dans l'un et l'autre cas et si l'on veut de "produire des effets" dans l'un et l'autre cas.


pourtant Spinoza définit l'Individu par le fait que les corps qui le constituent communiquent entre eux les mouvements qu'une affection les a fait prendre selon un certain rapport précis. Le critère est la possibilité de cette communication selon un certain rapport, il me semble, non?

Or si je t'ai bien compris, tu dis que ce genre de communications n'est possible que s'il y a déjà une essence, donc un degré de puissance, qu'exprime ce rapport. Je suis tout à fait d'accord avec cela, mais pour l'instant je ne vois pas en quoi cela permettrait d'inverser les critères, au sens où seules les actions faites par une puissance pourraient "individualiser" une chose, et non pas ses passions. Certes, dans le cas d'une passion la chose n'est que cause partielle. N'empêche que l'affection qu'elle subit est bel et bien SON affection à elle, et l'idée de cette affection (idée confuse) n'existe que dans son esprit à elle. Que cette idée enveloppe la nature des deux causes (la nature de la chose affectée et la nature du corps extérieur qui l'affecte) n'efface pas la différence entre les deux natures, qui restent chacune tout aussi individualisée qu'avant. Ce n'est que dans l'idée confuse que l'esprit de la chose affectée a de son affection que les frontières entre les deux natures sont brouillées, mais non pas en réalité.

Durtal a écrit :Considère l'exemple suivant: je me blesse avec un couteau, la blessure est l'effet du couteau, mais un tel effet ne s'explique certainement pas par la seule nature du couteau, cette dernière n'est que la cause partielle de l'effet total, car c'est moi qui maniait l'instrument et qui lui ait "fait faire" ce qu'il a fait. Il a agit uniquement au titre qu'il faisait partie d'un individu, celui que je constituais au moment de m'en servir, et non de lui même comme s'il était un individu.


pourtant, dans la définition de la chose singulière, Spinoza dit bel et bien qu'il s'agit d'INDIVIDUS qui concourent pour produire un seul et même effet. L'ensemble [toi - couteau] doit dans ce cas effectivement être considéré comme chose singulière, mais cela n'enlève rien à l'individualité du couteau (ni à la tienne). Sinon, si l'on suivait ton raisonnement, il n'y aurait qu'un véritable individu dans l'univers, et ce serait Dieu, là où Spinoza dit clairement que Dieu, tout en étant un individu, est composé d'une infinité d'autres individus, qui eux aussi sont infiniment composés d'individus etc. (scolie de l'E2 lemme 7).

Autrement dit: qu'est-ce qui te fait penser que toute cause partielle perdrait son individualité quand elle produit son effet?

Durtal a écrit : Quels sont les effets qui résultent de la nature seule d'un couteau de cuisine? A peu près aucun je pense, tous les effets qu'un tel objet est susceptible de produire sont du même ordre: il intervient en tant que cause partielle et il est de la nature même d'un instrument d'être une cause partielle. Je reviendrai plus bas là dessus mais je pense en effet que Spinoza ne tient pour chose véritable que les individus.


en tout cas, il est intéressant d'essayer d'expliciter davantage en quoi pourrait constituer la différence entre un individu et une chose singulière, si différence il y a. Si l'on ne se base que sur les définitions (définition figurant parmi les lemmes de l'E2 pour l'individu, définition 7 de l'E2 pour la chose singulière). Ce qu'on peut conclure de la déf.7, c'est que plusieurs Individus peuvent composer une seule chose singulière. Mais la même définition remplace déjà le mot Individua par Singularia. C'est ce qui me fait penser (à vérifier) que tout ce qui n'est pas composé est toujours une chose singulière (est toujours un mode ou une affection d'un attribut, possédant par là même une essence singulière) mais non pas un Individu, tandis que tout ce qui est composé d'une telle façon que les composants expriment un seul et même rapport, est non seulement une chose singulière (capable de produire des effets) mais également un Individu.

Durtal a écrit :Qu'en est-il alors de ces choses qui n'ont pas les caractéristiques des individus (pierre, sac poubelle…) pour ce qu'elle paraissent entièrement passives, inertes et dépourvues d'activité propre? Et bien, elles ne sont pas d'authentiques choses. Qu'en est-il des cas où des choses qui ont les caractéristiques des individus pâtissent? Et bien elles acquièrent à leur tour ce statut de pseudo chose, dans l'exacte mesure et à proportion des effets qu'elles produisent tandis qu'elles subissent.


justement, tout ce qui produit un effet doit avoir un degré de puissance propre, et donc une essence singulière, non? Car même un effet produit sous l'influence d'une affection subie a besoin d'un "support", d'un "substrat" à partir duquel l'effet peut être produit, tandis que l'affection elle-même, la passion, a besoin de quelque chose qui est "à affecter", sinon il n'y aurait même pas d'affection.

Prenons une pierre. A l'intérieur d'elle-même, les molécules sont sans cesse en mouvement, mais le rapport qu'ils expriment reste le même: celui qui caractérise telle ou telle pierre. Si la pierre subit l'affection "pluie", au début les corps qui la composent n'effectueront pas un autre rapport. Si le contact avec l'eau est en revanche plus durable (disons quelques siècles), alors à partir d'un certain moment, la pierre aura perdu tellement de corps sans que ceux-ci soient remplacés par d'autres qui effectuent le même rapport, qu'il ne s'agira plus de la même pierre, que la pierre aura change de "forme" (au sens spinoziste du terme, donc non pas la figure mais l'union qui caractérise un individu).

Durtal a écrit :Exemples : Différence d'un Etat en situation de paix civile et en situation de guerre civile. Même ensemble d'individu (humain en l'occurrence) dans les deux cas mais unité caractéristique (fonctionnelle) de l'individu dans le premier cas, et agrégat sans unité dans le second.
Différence pour un même homme donné agissant soit sous la conduite de la raison soit sous la conduite des passions, qui dans un cas maintient et renforce sa caractéristique individuelle et dans l'autre la voit se défaire au profit de l'action des causes extérieures. Dans les deux cas on peut continuer à décrire le même sous ensemble (existant et produisant des effets), alors que le degré d'unité de l'ensemble, en revanche, n'est pas le même.


est-ce que tu n'es pas en train de confondre affection et passion? L'individu n'est caractérisé que par le fait de communiquer l'effet d'une affection au reste du corps d'une telle façon que ce corps continue à effectuer le rapport caractéristique d'une essence singulière. Ne faut-il pas dire que ceci se fait indépendamment de la CAUSE de l'affection (l'homme lui-même seul, ou l'homme lui-même seulement partiellement)? Si quelqu'un m'affecte de Joie, est-ce que mon individualité se défait, ou est-ce que ma puissance singulière augmente encore? Bref, il me semble qu'il nous faudrait essayer de clarifier davantage les concepts d'individualité et de singularité.

Durtal a écrit :Quoiqu'il en soit, ton critère selon lequel il suffit à une chose de produire des effets pour être dite "un individu" laisse donc entièrement de coté la question de savoir si ces effets résultent de la nature de la chose ou non.


en effet. Au sens où de toute façon, tout effet résulte AUSSI de la nature de la chose. Sans cette nature, l'effet en question n'aurait jamais eu lieu. Il faut donc qu'une puissance propre à elle entre en jeu, et qui dit puissance propre dit essence singulière.

Durtal a écrit : Et tu vois bien que les deux questions sont étroitement connectées , puisqu'un acte qui n'est causé que partiellement par une chose, suppose par définition le caractère "non individuel" de l'acte en question (elle suppose qu'une deuxième chose interfère et constitue partiellement la nature de la cause) ce qui veut dire inversement que la causation adéquate sera le propre de ce qui agit individuellement, de ce qui est donc un individu.


de nouveau, je crois qu'il nous faudrait peut-être essayé de préciser les notions d'individuel et de singulier. Un acte est-il un Individu au sens spinoziste du terme? Peut-il être dit individuel ou non individuel, et si oui, qu'est-ce que cela pourrait vouloir dire?

Louisa a écrit:
ce n'est pas ainsi que Spinoza définit l'individu (voir sa défintion dans les lemmes E2). Il ne faut pas être cause adéquate des effets produits pour être un individu, il faut simplement conserver le rapport caractéristique quand on est affecté, et c'est tout.

Durtal:
Bravo….mais pour conserver ce rapport il faut certes être cause adéquate des actions qui le maintiennent.


je ne sais pas ... pour conserver ce rapport il faut deux choses:
1) avoir un conatus, ou une essence (qui tend spontanément à persévérer dans son être)
2) ne pas rencontrer dans la nature une chose plus puissante capable de défaire l'union des corps qui effectue ce rapport.

Une Action, au sens spinoziste du terme, est une Joie active, c'est-à-dire une augmentation de la puissance causée par la puissance ou le conatus qui était déjà là avant de produire l'Action. Pour conserver son être, je ne crois pas qu'il faut des Actions, il suffit d'avoir un conatus et de ne pas rencontrer d'obstacle. Or ce conatus n'est pas causé par la chose singulière elle-même, elle le reçoit d'une autre chose. On n'est donc jamais "responsable" pour son propre conatus. On n'est "responsable" que de ce qui fait activement augmenter notre puissance. Autrement dit: on n'est PAS la cause adéquate de son propre conatus (= de ce qui définit la singularité et individualité?), on n'est la cause adéquate que de ce qui fait augmenter activement sa propre puissance.

Durtal a écrit :Car justement, cela ne se fait pas tout seul. Puisqu'à l'inverse la passion ou l'état de passivité exprime l'activité d'autres choses qui tendent à défaire ce même rapport, c'est à dire qui tendent à intégrer les parties de la chose qui subit à leurs propres rapports.


c'est oublier que les effets des corps extérieurs sur nous peuvent être tout à fait positifs, non? Un tas de choses extérieures nous affectent de Joie (ou sont tout simplement nécessaires pour nous maintenir en vie, comme le rappelle Spinoza). Tu dirais au contraire que toutes les Joies passives tendent non pas à augmenter notre degré singulier de puissance, mais à le défaire .. ? Si oui, pour quelle raison?

Durtal a écrit :De manière plus générale on ne peut pas se contenter de chercher des solutions seulement en terme de définition, il y a un moment où il faut essayer de faire fonctionner le système, puisqu'il est là pour ça.


bien sûr, tout à fait d'accord.

Durtal a écrit :Au moment où Spinoza donne la définition de la forme d'un corps, il n'a pas encore traité des affects, mais il est facile de voir le rapport rétrospectivement entre ces deux choses. (Par exemple E4 prop 38 et 39. E4 en général d'ailleurs)


en effet, lors de la définition de la forme d'un Individu (ou d'un corps composé), il n'y a pas encore question d'affects. Or les affects ne sont que des cas particuliers d'affections. La définition d'un Individu est donc plus "large" qu'une définition d'une union de corps qui ne se baserait que sur des affects. Un tas d'affections d'un Individu ne changent pas sa puissance, et donc ne sont pas des affects (ni des Passions, ni des Actions). Aussi longtemps que les corps qui composent l'Individu continuent à communiquer entre eux les mouvements induits par l'affection d'une partie d'entre eux, l'Individu maintient sa forme. Autrement dit: que Spinoza définit l'Individu par la notion d'affection et non pas par celle, plus restreinte, d'affect, à mon sens n'est donc pas innocent.

Durtal a écrit :Je reviens sur le statut ontologique des pseudos-choses (pierre, couteau de cuisine, sac poubelle). Tous les états qu'adoptent ces choses expriment l'activité d'autres choses sur elles et elle n'ont aucune unité fonctionnelle ou interne.


si c'était le cas, le couteau de cuisine devrait se désintégrer dès qu'il n'est pas utilisé, non?

Durtal a écrit : Si donc on retreint le terme extrêmement vague de "chose" a ce qui est proprement une chose savoir un individu, ces "choses" n'en sont pas.


ok, mais la définition spinoziste d'une chose singulière dit bel et bien qu'être cause partielle d'un effet est tout à fait compatible avec le fait d'être un Individu (E2 Déf.7). Sa définition d'une chose singulière n'est donc pas si vague que cela, il me semble.

Durtal a écrit : Ce qui veut dire: elles peuvent et doivent être analysées (réduites) en des complexes d'effets de choses différentes qui elles en revanche ont de l'unité ou de l'individualité a divers degrés mais qui n'ont pas ce rapport entre elles. Voici ce que je veux dire:
Spinoza explique par exemple que la réunion des efforts de deux individus humain compose un individu deux fois plus puissant. Mais cette réunion doit elle même posséder une caractéristique d'individualité réelle et fonctionnelle.


en effet. A mon sens c'est le fait même de produire, en tant qu'individu composé de deux individus humains, un effet précis A, qui "individualise" cet individu composé, au moins au moment même de la production de A.

Durtal a écrit :Si par exemple je décide de considérer les efforts convergents de deux hommes qui n'interagissent pas et vivent sur des continents différents, il ne serait pas correct de dire que je ne pense rien, (je considère réellement ces deux hommes et leurs actions convergentes) mais je ne conçois pourtant pas cette unité individuelle deux fois plus puissante qui résulterait de la réunion réelle des efforts. Une pierre ou un sac poubelle expriment de cette façon les puissances d'un grand nombre de choses dont la simple conjonction les ont causés à exister comme ils existent. Mais comme dans le cas de nos deux hommes séparés par un continent, ces causes n'ont pas concouru ensemble pour donner lieu à une individualité, ou à un "foyer" unique d'activité.


je ne sais pas ... je n'arrive pas à saisir l'essentiel de ton raisonnement/argument. TOUT individu, tout conatus, est l'effet d'au moins une mais souvent d'un concours de causes tout à fait externes à cet individus (tu es toi-même l'effet du concours de tes parents, par exemple). Cela ne vaut pas seulement pour la pierre, cela vaut pour toute chose existant dans la durée. Et cela n'empêche nullement la pierre de conserver son être singulier, et cela même pendant beaucoup plus de temps que sait le faire un être humain.

Durtal a écrit : Cela ne veut pas dire que notre pierre est "une apparence" ou qu'elle "se volatilise" dans le néant, cela veut dire que si nous en faisons une analyse conceptuelle suffisante, notre perspective sur son "unité" se modifiera. Pour ce qui est donc de son "esprit", certes il y a en Dieu une idée de cette pierre, mais en même temps qu'il constitue les idées d'un grand nombre de choses différentes en même temps qu'elle, ce qui revient à dire qu'il n'a probablement pas d'idée distinguée et singulière d'une pierre en tant que telle c'est à dire donc pas comme il peut avoir une idée distinguée et singulière d'un être actif ou d'un individu dont un des aspects ontologiques de ce morceau de pierre fera en revanche partie. Par conséquent une pierre n'a pas d'âme au sens d'un esprit individualisé, qui pourrait "se concevoir par soi sans les autres".


cela me semble être peu probable. Le jour où notre pierre se casse en dix morceaux (par exemple parce qu'un rocher tombe dessus), plus aucun ensemble de corps n'effectuera son rapport singulier à lui, et de cet événement, Dieu a forcément une idée. Or comment Dieu pourrait-il savoir que cette pierre, qui peut-être existait déjà depuis 2000 ans, maintenant vient de se désintégrer, s'il n'avait pas avant eu l'idée ou l'essence objective de l'essence formelle qu'est cette pierre ... ?

Durtal a écrit :Et cela d'autant plus qu'un grand nombre (mais pas toutes) des déterminations contenues dans l'objet que nous appelons une "pierre" ou un "sac poubelle"se composent en réalité d'affections de notre imagination. Ne pensons par exemple qu'à la couleur du sac poubelle (dont l'analyse conceptuelle montre qu'il ne s'agit pas de la propriété simple et unique d'un objet, mais d'un complexe d'effets mettant simultanément en jeu toute une série d'objets et de propriétés disparates, lesquelles n'expriment pas une unité réelle, bien qu'ils se rencontrent en cette occasion: les rayons lumineux, l'œil humain, la composition du plastique…L'unité supposée "de la couleur du sac" vole ainsi en éclat et disparaît à l'analyse.)


:?:

La couleur d'une chose ne correspond-elle pas à une longueur d'onde tout à fait précise ... ? Et cette longueur d'onde n'est-elle pas une propriété physique d'un ensemble singulier de matériaux? Certes, il faut une certaine "puissance" précise pour pouvoir "percevoir" (en tant que chose extérieure à la chose colorée) cette longueur d'onde, puissance dont pas toutes les choses singulières ne disposent ... mais de là à dire que la couleur n'exprime pas une unité réelle ... je ne vois pas comment y parvenir. L'oeil humain ne sait pas percevoir les ondes UV, par exemple, ce qui ne les empêche pas d'exister et d'avoir des propriétés tout à fait singulières.

Durtal a écrit :Enfin et surtout, déclarer qu'un sac poubelle a un esprit, ou une âme cela ne veut ne rien dire. J'ai beau chercher, je ne vois pas.


il faut peut-être qu'on cherche un peu plus longtemps ... ? :D

Durtal a écrit :Je rappelle d'ailleurs, à toutes fins utiles, qu'il ressort de la lettre à Tirchnauss que Spinoza n'a pas l'air de croire qu'une pierre pense . Puisqu'il présente ceci comme une fiction . Et il ne sert à rien d'expliquer à ce sujet ""dans la vie de tous les jours certes, cela ne veut rien dire, mais dans le "Spinozisme"" cela a une signification".


dans l'espoir que tu veuilles bien donner la référence exacte .. je ne crois pas qu'il s'agit d'opposer la "vie de tous les jours" au spinozisme. Il s'agit plutôt, à mon sens, de constater que les pensées qui fonctionnent avec un animisme universel (Spinoza, Leibniz, certaines pensées africaines, ...) sont différentes des pensées avec lesquelles on a plutôt l'habitude de fonctionner en Occident pour l'instant. Aussi longtemps qu'on utilise l'une façon de penser en tant qu'"étalon" pour essayer de comprendre l'autre, je ne crois pas qu'on peut aboutir à quelque chose de censé. C'est pourquoi je viens de dire à Hokousai qu'à mon sens, si l'on veut comprendre ce que Spinoza veut dire quand il dit que "toute chose quelconque" a un esprit à partir de l'idée qu'on a d'habitude de ce que c'est qu'un esprit, ce serait peut-être déjà pas mal d'essayer de définir ce qu'on veut dire par ce mot "esprit".
L.

PS: j'ai été pas mal de fois interrompu en écrivant ce message et ne pourrai plus le retravailler immédiatement, donc je l'envoie néanmoins tel quel, désolée pour la longueur.

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Messagepar nepart » 23 sept. 2008, 09:02

Moi qui espérais avoir une réponse à mon interrogation en voyant tout ces nouveau messages :/ :lol:

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Messagepar bardamu » 24 sept. 2008, 17:35

Petite info de modération : vu le niveau du dernier message de Korto, celui-ci et les réponses qui y ont été donné ont été supprimés.


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