Du sentiment même de soi.

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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hokousai
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Messagepar hokousai » 19 sept. 2008, 20:04

lorsqu'on essaie de penser le monde sur le mode spinoziste, c'est-à-dire en attribuant à TOUT être des idées, et non pas aux hommes seuls?.............. il n'y a pas de distinction radicale entre les différentes espèces animales. Tout est fonction d'un "degré" de réalité/perfection/puissance, et seul l'individu existe.


Louisa
Il me semble que vous évacuez prestement des « êtres « toutes les choses inanimées , lesquelles posent un sérieux problème relativement à leur supposée idée corrélative de leur corps .

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Messagepar Louisa » 19 sept. 2008, 21:43

louisa:
lorsqu'on essaie de penser le monde sur le mode spinoziste, c'est-à-dire en attribuant à TOUT être des idées, et non pas aux hommes seuls?.............. il n'y a pas de distinction radicale entre les différentes espèces animales. Tout est fonction d'un "degré" de réalité/perfection/puissance, et seul l'individu existe.

Hokousai:
Il me semble que vous évacuez prestement des « êtres « toutes les choses inanimées , lesquelles posent un sérieux problème relativement à leur supposée idée corrélative de leur corps .


Cher Hokousai,

j'essayais plutôt de dire l'inverse: nous, "modernes", avons pris l'habitude de penser le monde par le biais d'une "évacuation" des êtres dits "inanimés" du domaine des choses douées de conscience (avec comme problème "concomitant" celui de savoir où tracer la ligne entre les deux), là où Spinoza semble faire de l'idée ayant pour objet un corps composé quelconque (animal ou non) l'esprit de ce corps (raison pour laquelle je viens d'écrire "TOUT être").

A partir de ce moment-là, la question n'est plus de savoir s'il faut attribuer un esprit à un sac de poubelle ou non (question qui n'a du sens que dans une optique "moderne"), la question devient: quel degré de réalité (= de puissance d'agir ET de penser) attribuer à tel ou tel sac de poubelle?

A mon sens, cela signifie que Spinoza a créé une philosophie qui aborde un AUTRE problème que celui dont vous parlez (et qui implicitement présuppose déjà que seuls certains êtres ont une conscience). C'est pourquoi on ne peut que chercher en vain une "solution" de ce problème dans ses écrits: c'est que le problème que vous soulevez part d'une notion de "conscience" où ce terme réfère avant tout à la façon de penser proprement humaine, à un "esprit" tel que nous le vivons nous-mêmes. Et de ce point de vue, il est assez absurde de supposer un animisme universel, puisque cela signifierait alors qu'un sac de poubelle pourrait penser comme nous, êtres humains, pensons. Or dans le spinozisme le problème n'est plus de savoir comment un sac de poubelle pourrait penser comme nous pensons, mais bien plutôt de savoir comment redéfinir la notion d'esprit et de conscience afin de pouvoir l'attribuer aussi bien à un sac de poubelle qu'à un être humain, la différence n'étant plus qu'une différence de degré.
L.

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Messagepar hokousai » 19 sept. 2008, 22:20

mais bien plutôt de savoir comment redéfinir la notion d'esprit et de conscience afin de pouvoir l'attribuer aussi bien à un sac de poubelle qu'à un être humain, la différence n'étant plus qu'une différence de degré
.

La réponse est certes intelligente mais j’avoue que vous m’avez fait écarquiller les yeux .

Voila un étrange projet ( peut être écologique ) qui consiste à vouloir attribuer un degré de conscience aux sacs poubelles .Après tout que le sac soit dans ma conscience (que j’en ai ainsi une idée) suffit peut être à assurer son existence( et son degré de réalité ) sans qu’il soit besoin de lui accorder autre chose .

Qu’ est- il en soi ce sac poubelle ? j ai bien peur de ne pas trop en saisir la forme d’ existence en dehors des sensations qui m’en forme un portrait et ainsi une idée et qui pourrait être développable à l’infinie en fonction de sensations en nombre infinie mais aussi être réduit à rien en fonction de la vacuité de mes sensations .

( vous savez que j’ai toujours eu une tentation Berkeléienne laquelle prédomine en ce moment , n’insistons pas la question semble insoluble )

Hks

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Messagepar Durtal » 19 sept. 2008, 23:13

La question est de savoir il me semble: un sac poubelle est-il ou non un individu?


D.

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Messagepar Louisa » 20 sept. 2008, 00:17

Durtal a écrit :La question est de savoir il me semble: un sac poubelle est-il ou non un individu?


question intéressante en effet. J'aurais tendance à répondre: oui, il est un individu. Pourquoi? Parce que d'abord il est évident que le sac poubelle produit des effets. Il est donc une chose singulière, existant en acte. Il doit ainsi avoir un degré de puissance, et une essence. Puis effectivement, quand il est affecté du dehors par un autre corps (Corps humain, par exemple), la chose singulière qu'est ce sac communique cette affection à tous les corps qui le composent, d'une telle façon qu'ils continuent à effectuer le rapport qui caractérise ce sac singulier (lorsque par exemple j'y jette quelques bouteilles vides, le sac prendra une autre "figure", mais il restera le même sac). Par conséquent, il me semble qu'il faut dire que le sac poubelle est un individu, au sens spinoziste du terme, non?
L.

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Messagepar Durtal » 20 sept. 2008, 00:42

Louisa a écrit :
question intéressante en effet. J'aurais tendance à répondre: oui, il est un individu. Pourquoi? Parce que d'abord il est évident que le sac poubelle produit des effets. Il est donc une chose singulière, existant en acte.


Un sac poubelle produit des effets? Un sac poubelle est-il la cause adéquates des effets qu'il produit?

Je pense qu'un sac poubelle, n'est pas un individu (nous le tenons pour tel par un effet de langage, "dénomination extrinsèque") et je pense qu'un sac poubelle n'a pas d'âme. (Au contraire peut être des molécules et des atomes qui le font "tenir".).

D.

(je suis dans une fête...je ne peux pas développer.)

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Messagepar Louisa » 20 sept. 2008, 00:54

Durtal a écrit :Un sac poubelle produit des effets? Un sac poubelle est-il la cause adéquates des effets qu'il produit?


je ne crois pas que lorsque Spinoza dit que tout ce qui existe produit des effets, il veut dire par là qu'il faut produire des effets dont on est la cause adéquate avant de pouvoir exister. Etre capable de maintenir ensemble un tas d'objets disparates me semble donc suffire pour remplir le critère "produire des effets", non?

Durtal a écrit :Je pense qu'un sac poubelle, n'est pas un individu (nous le tenons pour tel par un effet de langage, "dénomination extrinsèque") et je pense qu'un sac poubelle n'a pas d'âme. (Au contraire peut être des molécules et des atomes qui le font "tenir".).


c'est ce que tu penses toi-même, ou c'est ce que selon toi on peut déduire de l'Ethique?

Bonne fête! :D
L.

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Messagepar Durtal » 20 sept. 2008, 01:39

Louisa a écrit :je ne crois pas que lorsque Spinoza dit que tout ce qui existe produit des effets, il veut dire par là qu'il faut produire des effets dont on est la cause adéquate avant de pouvoir exister. Être capable de maintenir ensemble un tas d'objets disparates me semble donc suffire pour remplir le critère "produire des effets", non?


Tu recules. La question n'est pas de savoir si un sac poubelle "existe" (oui bien sur: cela existe) la question est de savoir si un sac poubelle est un individu au lieu d'être simplement un agrégat (d'autres individus). Et non je ne crois pas que Spinoza dise que tout ce qui existe est un "individu" (rappelles toi la remarque de vie ordinaire sur le martini: il est possible de prendre n'importe quelle paire (ou ensemble) d'objet et de penser leur "unité". On fabriquera alors un individu auquel on donnera le nom que l'on voudra (par exemple "sac poubelle"), cela n'en fera pas pour autant un "individu"). Le concept d'individu impliquant une détermination supplémentaire, précisément d'être à un degré quelconque (y compris minime) cause adéquate des effets qu'il produit (à comparer avec la def. de "chose singulière")


Louisa a écrit :c'est ce que tu penses toi-même, ou c'est ce que selon toi on peut déduire de l'Ethique?


Disons l'un et l'autre. Je ne fais pas grand cas de mes "opinions personnelles" en ces matières (ie en matière de problèmes conceptuels). Mais je te dirais peut être de quoi je dérive ceci. Si tu es sage.

D.

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Messagepar Louisa » 20 sept. 2008, 02:00

Durtal a écrit :Tu recules. La question n'est pas de savoir si un sac poubelle "existe" (oui bien sur: cela existe) la question est de savoir si un sac poubelle est un individu au lieu d'être simplement un agrégat (d'autres individus).


non je ne recule pas. Mon raisonnement était le suivant: rien ne peut exister, dans le spinozisme, sans produire un effet. Or ce qui produit un effet, est par définition une chose singulière. Et puisqu'il faut une certaine "puissance" pour pouvoir produire un effet, ce qui définit une chose singulière est une certaine essence, un certain degré de puissance, donc quelque chose qui effectue le rapport de mouvement et de repos caractéristique pour cette chose. Par conséquent, la chose en question doit être capable aussi d'être affectée, c'est-à-dire de conserver le rapport qui la caractérise quand elle est affectée. Et c'est ainsi qu'on définit l'individu spinoziste. Conclusion: tout ce qui existe et qui n'est pas un corps simple, est un individu.

Durtal a écrit :Et non je ne crois pas que Spinoza dise que tout ce qui existe est un "individu" (rappelles toi la remarque de vie ordinaire sur le martini: il est possible de prendre n'importe quelle paire (ou ensemble) d'objet et de penser leur "unité". On fabriquera alors un individu auquel on donnera le nom que l'on voudra, cela n'en fera pas pour autant un "individu"). Le concept d'individu impliquant une détermination supplémentaire, précisément d'être à un degré quelconque (y compris minime) cause adéquate des effets qu'ils produit (à comparer avec la def. de "chose singulière")


ce n'est pas ainsi que Spinoza définit l'individu (voir sa défintion dans les lemmes E2). Il ne faut pas être cause adéquate des effets produits pour être un individu, il faut simplement conserver le rapport caractéristique quand on est affecté, et c'est tout.

Sinon en effet, je ne me souviens pas non plus d'un endroit où Spinoza dit littéralement que tout ce qui existe est un individu. Ce qui existe, dans l'attribut de l'étendue, est ou bien un corps simple, ou bien un corps composé. Seuls ces corps composés qui conservent le rapport qui les caractérise sont appelés "individus". Or tout ce qui produit un effet est un tel corps composé (puisqu'en tant que chose singulière il a une essence singulière), c'est pourquoi il faut à mon sens nécessairement conclure que dans le spinozisme, tout corps composé est un individu. Des "agrégats" qui ne produiraient pas d'effets n'existent pas (ou n'existent que dans notre Esprit).

Louisa a écrit:
c'est ce que tu penses toi-même, ou c'est ce que selon toi on peut déduire de l'Ethique?

Durtal:
Disons l'un et l'autre. Je ne fais pas grand cas de mes "opinions personnelles" en ces matières (ie en matière de problèmes conceptuels). Mais je te dirais peut être de quoi je dérive ceci. Si tu es sage.


"être sage" n'a jamais été mon point fort ... :D
L.

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Messagepar Sinusix » 20 sept. 2008, 13:38

Avec mes excuses pour n'avoir pas encore trouvé la méthode de réponse adossée à citations, je poursuis brièvement les aventures de mon sac poubelle dans le monde spinoziste, sur la base de départ qui était le sentiment du "moi", lequel peut aider à éclairer le problème de l'individu.
Si j'ai tendance à suivre Louisa dans sa vision de degrés de réalité/perfection/puissance (que l'on peut plus facilement rattacher à la préoccupation évolutionniste), je n'en demeure pas moins interrogatif devant les deux "sauts technologiques" que représentent le monde animé en premier lieu, l'homme en second.
Or, cette particularité humaine, même si elle ne fait pas sortir de l'enchaînement parallèle des causes et des effets sur l'attribut étendue et l'attribut pensée, reste manifestement une particularité, bien marquée chez Spinoza à de multiples endroits, et notamment : E2, Axiome II (l'homme pense, et nous ne confondrons pas avec le Cogito), E2, propositions importantes XI, XII et XIII qui parle de l'Esprit Humain, spécificité que l'on retrouve dans toute la suite et dont les deux composantes se trouvent par exemple en E3, proposition IX : l'Esprit A des idées et l'Esprit est CONSCIENT de son effort.
Il s'agit bien donc de distinguer, puisque l'âme est l'idée du corps (donc toute chose singulière exprime Dieu sous les deux formes Etendue et Pensée), les individus chez lesquels le mode pensée s'exprime avec une puissance supplémentaire (le saut technologique) à savoir l'Esprit, seule idée de l'idée qui a des idées.
Dans ma lecture de Spinoza, je n'arrive pas à gommer cette impression d'un "saut" inexpliqué, qui laisse pendant le problème principal de savoir pourquoi (et si), du fait que son Esprit A des idées, l'homme est le seul à avoir accès à l'intelligibilité du monde. Autrement dit, l'idée de l'idée du sac poubelle, donc de son âme, fait-elle l'objet de l'idée de l'Esprit (non révélé à nous) du sac poubelle, ou bien cette idée ne peut-elle "loger" que dans l'Esprit de l'homme (étant entendu qu'elle appartient à la pensée infinie de Dieu, formule à la représentation "réelle" de laquelle nous ne pouvons accéder).
Merci de votre approche.


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