Du sentiment même de soi.

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar hokousai » 05 oct. 2008, 00:01

A Faun

Et c'est également vrai des modes, qui différent entre eux autant les uns des autres que les attributs diffèrent entre eux.

Je ne voudrais pas vous faire de peine mais il me semble qu’une table et une pomme diffèrent moins entre elles qu’une pomme mangeable ne diffère de l’idée de pomme .Autrement dit les corps étendus ne diffèrent pas entre eux comme les corps diffèrent des idées de corps .Les modifications de l’étendue ne diffèrent pas entre elles tels que les attributs diffèrent entre eux .

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Louisa
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Messagepar Louisa » 05 oct. 2008, 01:35

Durtal a écrit :Quoiqu'il en soit nous tournons autour du même problème. Je m'accorde pour dire avec toi que l'être du mode n'est rien d'autre que l'être de la substance "en tant que". C'est précisément l'idée à laquelle je suis attaché. Cependant nous n'avons pas l'air d'en tirer les mêmes conséquences. Ainsi je te retourne la question: quel sens donnes-tu as cette "trinité" Substance/attributs/modes? Ou à cette "distribution" de réalité? Est-ce qu'il s'agit de différentes "échelles" ou de différents "types" de réalité, ou plus simplement trois façon de parler toujours exactement de la même réalité? Ma propre manière de voir étant naturellement la seconde.


petite remarque en passant (je devrais avoir résolu mon problème d'ordinateur fin de cette semaine-ci, et pourrai alors reprendre la discussion sur la durée-éternité et autres).

Je ne vois pas comment Durtal et Bardamu peuvent penser que l'être du mode n'est rien d'autre que l'être de la substance "en tant que". L'être de la substance ne constitue PAS la forme de l'homme. Ce qui veut dire, dit Spinoza littéralement, que "l'être de la substance enveloppe l'existence nécessaire", tandis que l'existence qui caractérise les modes n'a pas du tout cette caractéristique. Autrement dit, on ne parle PAS de la même "réalité" lorsqu'on parle de la substance ou d'un de ses modes, puisque la substance a une réalité infinie, là où le mode n'a qu'un "degré" (gradus) de réalité.

Lorsque donc Deleuze parle de l'univocité de l'être, à mon sens il ne parle QUE de l'être de la substance: on pourrait croire qu'il y a une plurivocité de l'être non pas parce qu'il y a une infinité de modes, mais uniquement parce qu'il y a une infinité d'attributs (on serait alors dans une sorte de "polythéïsme" tel que l'on le reprochait déjà à Anselme de Cantorbery, où les trois "personnes" divines deviennent selon ses détracteurs trois substances, détruisant par là l'univocité de Dieu).

Or qu'il y ait univocité de l'être signifie non pas qu'il n'y a pas une infinité de modes ayant chacun une essence différente. L'univocité de l'être signifie que les attributs ne sont pas attribués à quelque chose qui serait ontologiquement différent (ou différent secundum essendi, selon l'être) de l'attribut lui-même, et par là même "transcendant" à l'attribut. Dans le spinozisme, les attributs "constituent" bien plutôt ce à quoi ils sont attribués (la Substance ou l'essence divine), et c'est en cela qu'il y a immanence (voir Spinoza et le problème de l'expression, chapitre II). Sans cela (donc si les attributs ne constituaient pas ce à quoi ils sont attribués), on aurait non seulement une distinction entre la substance et ses attributs, mais les attributs eux-mêmes perdraient leur unité (puisque chacun se conçoit par définition par soi). Ce qui condamnerait le spinozisme à une plurivocité de l'être, ou à un polythéïsme, rendant l'idée d'un Dieu unique ou d'une substance unique inconcevable.

D'autre part, ce qui constitue une chose singulière, encore une fois, ce n'est PAS un attribut, c'est un (ou plusieurs) modes. C'est pourquoi l'être (la manière d'exister) d'un mode est différent de l'être de la substance: ce qui est constitué de modes ou de modifications d'un attribut, existe d'une autre façon que ce qui est constitué d'attributs (l'un existe en autre chose, l'autre existe en soi; l'un est susceptible d'un "degré" d'être, l'autre n'a pas de degré mais possède l'être infini). Il s'agit de deux types d'existence ou d'être différents. Sinon (donc si l'on croit que c'est l'essence même de Dieu qui constitue les modes, et non pas une affection de cette essence), comme le dit Deleuze, on "confond constamment les essences de créatures et l'essence de Dieu" (pg. 38).
A bientôt,
L.

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Messagepar vieordinaire » 05 oct. 2008, 03:37

Chere Louisa,
Bonne chance avec votre ordinateur.


Vous vous acharnez avec votre definition d'essence en tant que degree. Lorsque je vous avais demande votre raison il y a plusieurs mois, vous m'avez fournit un embryon de demonstration. Malheuresement, votre 'demonstration' contenait plusieurs erreurs. J'aimerais en souligner deux (de memoire):

Votre interpretation d'un degree depend d'une traduction fort probablement erronee de l'expression 'quantum in se est'; au lieu d'obtenir un traduction qui n'a probablement de support reel que votre imagination et la confusion qui vous convient d'un adverbe pour un adjectif, je vous conseil en autre la lecture suivante par exemple:
"quantum in se est": Newton's concept of inertia in relation to Descartes and Lucretius" par I. Bernard Cohen (Professor of History of Science, Harvard University)
http://www.jstor.org/pss/3519849

Le deuxieme etait, si je me souvient bien, votre erreur d'interpretation de ce qu'est la perfection ou la realite d'un mode; vous parliez de 'degree' de perfection, comme d'un degree d'essence. Cela semble plus ou moins consistent avec votre dernier post ou vous utilisez l'expression (assez vague) de 'degree' de realite. Si c'est le cas vous n'avez aucune idee de ce qu'est pour Spinoza perfection ou realite d'un mode fini, ou etre particulier. Je vais vous laisser avec ce passage:
Spinoza a écrit :"Les choses, en effet, qui naissent des causes extérieures, soit qu'elles se composent d'un grand nombre ou d'un petit nombre de parties, doivent tout ce qu'elles ont de perfection ou de réalité à la vertu de la cause qui les produit, et par conséquent leur existence dérive de la perfection de cette cause, et non de la leur." 1p8

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Messagepar Louisa » 05 oct. 2008, 11:34

Louisa a écrit :Vous vous acharnez avec votre definition d'essence en tant que degree. Lorsque je vous avais demande votre raison il y a plusieurs mois, vous m'avez fournit un embryon de demonstration. Malheuresement, votre 'demonstration' contenait plusieurs erreurs. J'aimerais en souligner deux (de memoire):

Votre interpretation d'un degree depend d'une traduction fort probablement erronee de l'expression 'quantum in se est';


Cher Vieordinaire,

comme je le dis dans mon message ci-dessus, "degré" traduit le latin gradus, et non pas le quantum in se est. C'est également ce que j'avais écrit lors de ma réponse à votre question à ce sujet, à l''époque. Je chercherai le message en question, afin de rendre possible une critique du raisonnement exacte.
L.

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Messagepar Louisa » 05 oct. 2008, 11:40

Le voici (je n'ai pas réussi à créer un lien qui va directement au message en question, on tombe plutôt sur votre réponse à ce message; l'explication du terme gradus ou degré se trouve donc dans le message juste au-dessus de celui qui apparaît lorsqu'on clique sur le lien ci-dessous):

http://www.spinozaetnous.org/ftopicp-8512-.html#8512

A bientôt,
L.

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Messagepar vieordinaire » 05 oct. 2008, 13:40

Merci beaucoup pour avoir retrouver votre post.


Spinoza a écrit :"Toutefois, on ne s'en formera une idée adéquate et distincte qu'à condition de connaître premièrement la nature de notre corps, tout ce qui a été exposé jusqu'à ce moment étant d'une application générale et ne se rapportant pas plus à l'homme qu'aux autres individus de la nature ; car tous à des degrés divers sont animés."
(Nam ea, quae hucusque ostendimus, admodum communia sunt, nec magis ad homines, quam ad reliqua individua pertinent, quae omnia, quamvis diversis gradibus, animata tamen sunt.)


C'est votre evidence!!! Le passage presente assez d'ambivalences qu'il n'y a seulement une interpretation possible--car les notions d'"animation" et de "degree" ne sont pas definies mais utilisees dans un contexte particulier. Vous etres tres pretentieuse si vous imaginez que votre interpretation elle l'a seule possible: je ne vois pas en quoi "on est donc obligé d'admettre" vos theses. Peut-etre dans votre tete sommes-nous obliges d'admettre cela mais pas dans un monde conatusale.

Comme j'ai dit l'expression 'degree de realite' est bien vague qu'elle peut dire bien des choses. Mais de la facon dont vous l'utiliser semble etre a contrepoint avec certaines idees de Spinoza. Encore fois, vos arguments reposent sur une vision et selection bien partielle de passages de l'Ethique. Votre interpretation, soit dans votre post recent ou celui avec votre explication, semble etre inconsistente avec le passage suivant:

Spinoza a écrit :
Les choses, en effet, qui naissent des causes extérieures, soit qu'elles se composent d'un grand nombre ou d'un petit nombre de parties, doivent tout ce qu'elles ont de perfection ou de réalité à la vertu de la cause qui les produit, et par conséquent leur existence dérive de la perfection de cette cause, et non de la leur." 1p8


Vous remplacez la precision de certaines expressions et idees de Spinoza avec le flou et a la confusion de vos idees, lesquelles s'appuient sur une lecture de l'Ethique qui est bien partielle et de convenance.

Louisa a écrit :"comme je le dis dans mon message ci-dessus, "degré" traduit le latin gradus, et non pas le quantum in se est."


Vous aviez utilisez neanmoins l'expression de quanta pour justifier votre idee de degree et de relation de quantite. Car sans cette interpretation et ajout, votre argument, bien que faible des le depart, devient presque inexistant.

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Messagepar sescho » 05 oct. 2008, 15:32

Spinoza a écrit :PM1Ch2 : … l'Être de l'Essence n'est rien d'autre que la façon dont les choses créées sont comprises dans les attributs de Dieu.

… l'essence formelle n'est point par soi et n'est pas non plus créée ; car l'un et l'autre impliqueraient une chose existant en acte ; mais qu'elle dépend de la seule essence divine où tout est contenu ; et qu'ainsi en ce sens nous approuvons ceux qui disent que les essences des choses sont éternelles. …

… les essences des modes non existants [sont] comprises dans leurs substances et … leur être de l’essence y [est] contenu …

PM1Ch3 : … les choses créées n’ont d’elles-mêmes aucune nécessité : puisqu’elles n’ont d’elles-mêmes aucune essence et n’existent pas par elles-mêmes. …

… L’essence dépend des seules lois éternelles de la Nature, l’existence de la succession et de l’ordre des causes. …

TRE : 92. … il importe à notre fin dernière que toute chose soit conçue ou pour sa seule essence, ou par sa cause immédiate. En effet, si la chose existe en soi, ou, comme on dit ordinairement, si elle est sa propre cause à elle-même, elle ne peut être comprise alors que par sa seule essence ; si au contraire elle n'est pas en soi, mais qu'elle ait besoin d'une cause étrangère pour exister, alors c'est par sa cause immédiate qu'elle doit être comprise : car, en réalité, connaître l'effet n'est pas autre chose qu'acquérir une connaissance plus parfaite de la cause. …

CT1Ch1 : (2) … Les essences des choses sont de toute éternité et demeureront immuables pendant toute éternité. …

CT1Ch6 : (7) … en Dieu la vraie perfection consiste à donner à toutes choses depuis les plus petites jusqu'aux plus grandes, leur essence, ou, pour mieux dire, à posséder en lui toutes choses d’une manière parfaite.

CT2Ch5 : (10) ... Nous savons par expérience que Dieu seul a une essence et que les autres choses n'en ont pas, mais ne sont que des modes ; or les modes ne peuvent être bien compris sans l'essence dont ils dépendent immédiatement …

CT2Ch18 : (7) … comment craindrions-nous Dieu, qui est le bien suprême et par lequel toutes choses qui ont une essence sont ce qu’elles sont, et par lequel nous sommes nous-mêmes, nous qui vivons en lui.

CT2Ch24 : (12) … Dieu est la cause de notre connaissance et de toute essence des choses particulières, dont aucune ne peut ni exister ni même être conçue sans lui. Bien plus, toute chose particulière dont l'essence est nécessairement finie, nous fût-elle plus connue que Dieu, nous ne pouvons pas cependant par elle arriver à la connaissance de Dieu, car comment pourrait-il se faire que, d'une chose finie, on pût conclure à une chose infinie et illimitée ?

CTApp1P4Dém. : – La vraie essence d'un objet est quelque chose de réellement distinct de l’idée de cet objet ; et ce quelque chose, ou bien existe réellement (par l'ax. III), ou est compris dans une autre chose qui existe réellement et dont il ne se distingue que d'une manière modale et non réelle. Telles sont les choses que nous voyons autour de nous, lesquelles, avant d'exister, étaient contenues en puissance dans l’idée de l’étendue, du mouvement et du repos, et qui, lorsqu'elles existent, ne se distinguent de l'étendue que d'une manière modale et non réelle. …

Corollaire : La nature est connue par soi et non par aucune autre chose. Elle est constituée par un nombre infini d’attributs dont chacun est infini ou parfait en son genre, et tel que l'existence appartient à son essence, de telle sorte qu'en dehors d'elle il ne peut y avoir aucune essence et aucun être, et qu’elle se confond absolument avec l'essence auguste et bénie de Dieu.

CTApp2 : (10) … l'essence de toutes les modifications est contenue dans ces attributs…

... Dieu … renferme objectivement l’essence formelle de toutes les choses et … n'est jamais ni augmenté ni diminué. … l'essence des propriétés et des modifications contenues dans ces propriétés sont l'essence d'un seul être infini.

E1P8S2 : … nous pouvons nous former des idées vraies de certaines modifications qui n’existent pas ; car, bien qu’elles n’aient pas d’existence actuelle hors de l’entendement, leur essence est contenue dans une autre nature de telle façon qu’on les peut concevoir par elle. Au lieu que la substance, étant conçue par soi, n’a, hors de l’entendement, de vérité qu’en soi. …

E1P17S : … l’essence formelle des choses, n’est ce qu’elle est que parce qu’elle existe objectivement dans l’intelligence de Dieu. Par conséquent, l’intelligence de Dieu, en tant qu’elle est conçue comme constituant l’essence de Dieu, est véritablement la cause des choses, tant de leur essence que de leur existence …

E1P25 : Dieu n’est pas seulement la cause efficiente de l’existence des choses, mais aussi de leur essence.

Démonstration : Si vous niez cela, Dieu n’est donc pas la cause de l’essence des choses ; par conséquent (en vertu de l’Axiome 4) l’essence des choses peut être conçue sans Dieu, ce qui est absurde (par la Propos. 15). Dieu est donc la cause de l’essence des choses.

Scholie : Cela résulte plus clairement encore de la Propos. 16, par laquelle, la nature divine étant donnée, l’essence des choses, aussi bien que leur existence, doit s’en conclure nécessairement, et pour le dire d’un seul mot, au sens où Dieu est appelé cause de soi, il doit être appelé cause de tout le reste, ce qui d’ailleurs va ressortir avec la dernière clarté du corollaire suivant.

Corollaire : Les choses particulières ne sont rien de plus que les affections des attributs de Dieu, c’est-à-dire les modes par lesquels les attributs de Dieu s’expriment d’une façon déterminée. Cela est évident par la Propos. 15 et la Déf. 5.

E2Pré : Je passe maintenant à l’explication de cet ordre de choses qui ont dû résulter nécessairement de l’essence de Dieu, l’être éternel et infini. Il n’est pas question de les expliquer toutes ; car il a été démontré (dans la Propos. 16 de la première partie), qu’il doit y en avoir une infinité, modifiées elles-mêmes à l’infini, mais celles-là seulement qui peuvent nous mener, comme par la main à la connaissance de l’âme humaine et de son souverain bonheur. …

E2D1 : J’entends par corps, un mode qui exprime d’une certaine façon déterminée l’essence de Dieu, en tant qu’on la considère comme chose étendue (voyez le Coroll. de la Propos. 25 part. 1).

E2P8 : Les idées des choses particulières (ou modes) qui n’existent pas doivent être comprises dans l’idée infinie de Dieu, comme sont contenues dans ses attributs les essences formelles de ces choses.

E2P11Dm : Ce qui constitue l’essence de l’homme (par le Corollaire de la Propos. précédente), ce sont certains modes des attributs de Dieu, savoir (par l’Axiome 2, partie 2) des modes de la pensée …

E2P49CS : … ce qui constitue l’essence des mots et des images, ce sont des mouvements corporels …

E5A2 : La puissance d’un effet se définit par la puissance de sa cause, en tant que l’essence de cet effet s’explique ou se définit par l’essence de sa cause.

E5P22Dm : Dieu n’est pas seulement la cause de l’existence de tel ou tel corps humain, il l’est aussi de son essence (par la Propos. 25, part. 1), laquelle doit en conséquence être conçue nécessairement par l’essence même de Dieu (par l’axiome 4, part. l), et cela en vertu d’une nécessité éternelle (par la Propos. 16, part. 1) …

E5P29S : Nous concevons les choses comme actuelles de deux manières : ou bien en tant que nous les concevons avec une relation à un temps ou un lieu déterminés, ou bien en tant que nous les concevons comme contenues en Dieu et résultant de la nécessité de la nature divine. Celles que nous concevons de cette seconde façon comme vraies ou comme réelles, nous les concevons sous le caractère de l’éternité, et leurs idées enveloppent l’essence éternelle et infinie de Dieu ...

E5P30Dm : … concevoir les choses sous le caractère de l’éternité, c’est concevoir les choses en tant qu’elles se rapportent, comme êtres réels, à l’essence de Dieu, en d’autres termes, en tant que par l’essence de Dieu elles enveloppent l’existence. …

5P36S : … nous devons comprendre très clairement de quelle façon et par quelle raison l’essence et l’existence de notre âme résultent de la nature divine et en dépendent continuellement…

TTP4 : … quand nous ne sommes attentifs qu’à ce seul point, savoir : que la nature du triangle est contenue de toute éternité dans la nature divine, à titre de vérité éternelle, nous disons alors que Dieu a l’idée du triangle, ou bien qu’il entend la nature du triangle ; mais si nous venons à concevoir que la nature du triangle est ainsi contenue dans la nature divine par la seule nécessité de la nature divine, et non par la nécessité de l’essence et de la nature du triangle ; bien plus encore, si nous considérons que la nécessité de l’essence et des propriétés du triangle, prises comme des vérités éternelles, dépend de la seule nécessité de la nature et de l’entendement divin, et non de la nature du triangle, il arrive alors que, ce que nous appelions entendement de Dieu, nous l’appelons volonté divine ou décret divin. …

… Je ne dois point passer ici sous silence un passage de Paul, dans le chap. Ier, vers. 20, de l’Épître aux Romains, où il est dit (je me sers de la traduction donnée par Tremellius d’après le texte syriaque) : " Les profondeurs invisibles de Dieu, sa puissance et sa divinité éternelles, sont devenues visibles dans ses créatures depuis le commencement du monde, et ainsi ceux qui ne les voient pas sont inexcusables. " …


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Messagepar Durtal » 05 oct. 2008, 17:34

Salut,

Déjà je propose de laisser Deleuze hors du coup. Il en a été question uniquement parce j'ai pensé que Bardamu me prêtait une allusion à lui que je ne faisais pas. C'est tout. Car si en plus du texte de Spinoza on se met à discuter du texte de Deleuze...On est pas sorti de l'auberge. De toute façon les confusions que l'on fait sur l'auteur cible ont toutes les chances d'être transposées et reconduites dans le texte du commentateur. (Tout particulièrement quand ce commentateur est…. Deleuze :D )

Louisa a écrit : Je ne vois pas comment Durtal et Bardamu peuvent penser que l'être du mode n'est rien d'autre que l'être de la substance "en tant que". L'être de la substance ne constitue PAS la forme de l'homme. Ce qui veut dire, dit Spinoza littéralement, que "l'être de la substance enveloppe l'existence nécessaire", tandis que l'existence qui caractérise les modes n'a pas du tout cette caractéristique. Autrement dit, on ne parle PAS de la même "réalité" lorsqu'on parle de la substance ou d'un de ses modes, puisque la substance a une réalité infinie, là où le mode n'a qu'un "degré" (gradus) de réalité.



D'abord Louisa, tout le monde a très bien compris je pense que l'être de la substance ne constitue pas la forme de l'homme mais c'est toi qui manifestement a des difficultés avec la manipulation de cette proposition si tu penses qu'elle entraîne les "conséquences" que tu dis qu'elle entraîne.

Tu nous fais toute une montagne d'une phrase qui dit quoi? Qui dit : "l'homme n'est pas une substance, pour la raison qu'il est un mode". Ce que personne ne conteste. Il a été simplement défendu l'idée que la caractérisation de l'homme comme "mode" avait justement pour conséquence que toute la réalité qu'il pouvait avoir lui venait de la réalité de la substance. Si maintenant tu penses que dire "l'être du mode c'est l'être de la substance "en tant que" revient à dire la "substance et le mode sont une seule et même chose" et bien je ne peux guère que t'inviter à relire plus attentivement tant ce que j'ai écris, que ce que Bardamu a écrit, que ce que Sescho a écrit car sais-tu, je n'ai nullement l'intention de me répéter ad libitum.

Entendons nous bien: je ne te demande pas d'être "d'accord", nous mêmes apparemment ne sommes pas d'accord entre nous sur tous les points, mais d'être un peu plus sensible au problème que tu n'as l'air de l'être actuellement.

Il me semble en effet avoir déjà essayé de t'expliquer que la question n'était pas celle de l'identification entre mode et substance. Nous sommes tout aussi capable que toi je pense de saisir la différence, seulement ce n'est pas le fin mot de l'histoire: nous cherchons à travailler sur l'articulation mode/substance, autrement dit sur le sens précis que revêt cette différence. Dire la réalité du mode n'est pas autre chose que la réalité de la substance "en tant que", est dans ce contexte faire une proposition banale . C'est simplement dire qu'une chose singulière existant en acte a pour cause Dieu, non en tant qu'il est infini, mais en tant qu'on le considère modifié par une autre chose singulière existant en acte, modification dont Dieu est également la cause, en tant qu'on le considère modifié par une autre troisième et ainsi à l'infini . (tu auras reconnu sans doute E2p9 légèrement modifiée) Je te le donne en mille: cela veut dire que Dieu "se produit" dans les choses "finies" . Incroyable non?! Le concept de Dieu que développe Spinoza n'est pas transcendant aux choses….Découverte sidérante!

Et ce que tu en dis ("Autrement dit, on ne parle PAS de la même "réalité" lorsqu'on parle de la substance ou d'un de ses modes") est tout simplement farfelu et en contradiction flagrante avec tout ce que Spinoza essaye d'expliquer sur la question:
Ainsi au lieu d'agiter devant nos yeux, comme un totem protecteur, l'assertion selon laquelle l'essence des modes n'enveloppent pas l'existence (ce qui bien entendu est vrai mais n'a été remis en cause par personne) tu devrais te pencher sur le corollaire de cette proposition, c'est à dire sur l'énoncé par Spinoza de ce qu'elle implique : Que Dieu est la cause qui fait qu'elles persévèrent dans l'exister et pas seulement qu'elles ont commencé d'être par lui. Bien sûr! : Car si la cause de leur existence et de leur durée n'est pas dans leur essence, à moins qu'elles n'existent et ne durent sans cause, cette cause ne pourra être que dans l'essence de Dieu à la nature de qui seul appartient l'existence.

Les modes n'ont pas la "force propre" pour se donner l'existence à eux mêmes, Dieu à la "force propre" pour se donner à lui même l'existence, donc ou bien les modes n'existeront pas, ou bien ce sera par la force de Dieu qu'ils existeront et dureront. On ne peut pas, je crois, faire plus simple.

En résumé, et pour le redire encore, si de nouveau tu opposes à ceci l'idée par ailleurs juste, mais que personne ne remet en question selon laquelle l'essence de Dieu n'appartient pas à l'essence des choses finies, j'en conclurai ou bien que tu n'as plus rien à ajouter sur le sujet ou bien que tu ne saisis pas réellement de quoi il est question et ce qui est en discussion: A savoir que ce qui fait le fond et l'essence de toute chose finie, ce qui la crée, la fait être, la fait exister, c'est Dieu et nulle autre chose. Et là dessus, je veux dire étant donné cela , quel est le statut exact de ce que nous appelons la "finitude". Que devons nous dire et pourquoi?

D.

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Messagepar hokousai » 05 oct. 2008, 19:52

A vie ordinaire ( sur votre réponse à Louisa)
Lisez le scolie de la prop X partie 1
.""""et que plus il y a de réalité ou d être ,plus il y a d’ attributs , qui expriment et la nécessité autrement dit l’éternité ,et l’infinité ."""

Et scolie prop XI partie 1
""""""""Plus il appartient de réalité à la nature d’une chose ."""""""

Et Demonstr prop XVI partie 1
"""""" L’essence de la chose enveloppe plus de réalité """"""""""""

Il ne s’agit pas là de la nature même de l’existence mais de l’existence conçue comme une espèce de quantité , alors on peut bien parler de degré de réalité ( après tout la quantité est graduable ou scalairisable )

Je considère comme tout à fait spinoziste la distinction entre un quantum de réalité ( graduable sur une échelle des quantités possibles )attribuables aux choses singulières et l’existence( la force par laquelle chacune persévère dans l’exister ) des choses singulière (cf scolie prop 45 partie 2)

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Messagepar Louisa » 05 oct. 2008, 20:39

Durtal a écrit :Les modes n'ont pas la "force propre" pour se donner l'existence à eux mêmes, Dieu à la "force propre" pour se donner à lui même l'existence, donc ou bien les modes n'existeront pas, ou bien ce sera par la force de Dieu qu'ils existeront et dureront. On ne peut pas, je crois, faire plus simple.


Salut Durtal,

d'abord rassure-toi: je ne pars pas de l'hypothèse que ceux qui ne sont pas d'accord avec moi doivent être stupides et ne sont pas capables de comprendre les choses les plus basiques. Par conséquent, je n'ai jamais pensé que ceux qui disent qu'il n'y a qu'une sorte d'être aussi bien pour la substance que pour les modes, oublieraient par miracle toutes les distinctions basiques entre les deux. Le problème n'est donc pas là. Bien sûr, vous tenez compte des définitions du mode et de la substance, cela est évident.

La question essentielle me semble plutôt être: comment interpréter le terme "être", chez Spinoza? Quand j'essaie de vous comprendre, il me semble que vous identifiez "être" et "être divin" ou "être naturel". Bien sûr, tout ce qui existe est naturel, chez Spinoza, et donc divin. Votre conclusion: il n'y a donc qu'un seul type d'être dans le spinozisme.

A mon sens, ce qui réfute cette hypothèse, c'est le fait que l'être de la substance ne constitue pas la forme d'une chose singulière. Autrement dit: la forme d'une chose singulière n'est PAS constituée par l'être de la substance. Cela signifie que l'être de la substance ne constitue PAS tout ce qui existe. Or toute chose singulière tend à persévérer dans l'être, ou mieux: dans SON être. Je ne vois pas comment comprendre cela autrement qu'en identifiant non pas "être" et "être naturel", mais "être" et "exister" (comme c'était l'habitude dans la scolastique). A partir de ce moment-là, on devient obligé de distinguer deux types d'être: un mode a un autre type d'être qu'une substance, puisque l'un existe nécessairement en vertu de sa propre essence, tandis que l'autre n'existe qu'en vertu d'une autre essence que la sienne (autrement dit, c'est ce que tu écris ci-dessus qui impose une distinction entre deux façons d'être).

Bref, la question est à mon sens de savoir ce que Spinoza veut dire par "être", quand il dit que l'être de la substance n'appartient pas à l'essence d'une chose singulière. S'il s'agit d'une manière d'exister, on est obligé de reconnaitre que l'être de la substance est différent de l'être d'un mode (puisque la substance est "par soi" et "en soi", un mode est par autre chose et en autre chose). Si en revanche "être" ne signifie rien d'autre que "être divin/naturel", alors en effet, il n'y a qu'un seul et même être aussi bien pour la substance que pour ses modes. Mais à partir de ce moment-là, je ne vois pas pourquoi l'être de la substance ne constituerait PAS la forme des modes. Tu sembles répondre: ce qui constitue l'essence d'un mode, c'est un autre mode, et on est bien d'accord là-dessus. Mais dès que tu dis qu'il n'y a qu'un seul type d'être, l'essence de cet autre mode qui constitue le mode que je suis moi doit être tout à fait du même type d'être que l'être de la substance elle-même. Par conséquent, c'est toujours l'être de la substance qui me constitue. Donc cela ne résoud pas le problème, une telle réponse ne fait que la repousser. C'est pourquoi à mon sens on ne peut plus expliquer cette proposition E2P10 quand on présuppose qu'il n'y a qu'un type d'être.

Pour me convaincre du contraire, il faudrait donc pouvoir développer le mouvement de la démo de l'E2P10 d'une telle façon qu'elle fonctionne tout en supposant qu'il n'y a qu'une seule sorte d'être. Ce que je n'ai pas encore lu dans les messages précédents.
L.


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