Interrogation sur la substance et ses attributs

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Florent3875
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Interrogation sur la substance et ses attributs

Messagepar Florent3875 » 25 sept. 2008, 16:50

Je me pose une question en ce moment concernant la substance et ses attributs. En effet, je pense avoir plus ou moins saisi la pensée de Spinoza en ce qui concerne la première partie de l'éthique, mais une question reste en suspens.

Ma question est la suivante: la matière est un mode de l'attribut de l'étendue, une idée un mode de l'attribut de la pensée (etc.), mais qu'en est-il des ondes, des champs magnétiques, de l'électricité?

Sur Wikipédia est écrit au sujet de l'onde que "Elle transporte de l'énergie sans transporter de matière."


Si quelqu'un peut me fournir des éléments de réponses...

Je vous remercie d'avance.

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Sinusix
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Messagepar Sinusix » 25 sept. 2008, 19:01

Bonjour,

Travaillant sur le site en ce moment, je tombe sur votre question à laquelle je me permets, non pas de répondre philosophiquement parlant, car je n'ai pas qualité pour le faire, ni sur le plan des principes de ce site, qui ne me semblent en l'occurrence pas respectés au niveau de votre réflexion préalable.
Ce texte de l'Ethique a été écrit, pour faire court, au milieu du 17ème siècle, et malgré tout, comme d'autres textes philosophiques, il reste un des plus féconds qui soient, à qui s'en imprègne, en dépit de la révolution scientifique ultérieure.
Dans ces conditions, et comme toujours, car tel est le piège dans lequel on tombe ou fait tomber, vouloir rapprocher le passé et le présent, comme vous le faîtes, oblige à mieux maîtriser, à la fois le contenu philosophique de E1 mais également le substrat scientifique auquel vous le confrontez.
Pour faire bref : à ce jour, matière = énergie = ce qui EST dans l'étendue.
Les ondes, les champs magnétiques, l'électricité ne sont que des concepts de l'entendement, appuyés sur un corpus mathématique mis au point au fur et à mesure justement ds progrès scientifiques, à partir desquels l'homme essaye d'accéder à "l'intelligibilité" de la nature (de Dieu ici), par la formalisation de lois (les "rapports" entre les choses singulières). Ces concepts relèvent donc, de mon point de vue, de l'Attribut Pensée.
Point de vue personnel d'ailleurs, tout le problème de la recherche scientifique fondamentale, au stade où elle se trouve (les limites concernant la "constitution" de la matière/énergie ont été repoussées à un point extrême avec les théories actuelles cherchant à unifier les quatre "forces" fondamentales. Je mets des guillemets à "force" car c'est encore un concept, donc une idée associée à une relation entre corps) est qu'il devient de plus en plus difficile de saisir où est la "matière" et où est "l'intelligible" dans la mesure où les conditions de l'expérience, au niveau "infra-atomique" amènent à raisonner essentiellement sur des modèles mathématiques, à constater des phénomènes dont la perception relève d'une lecture adaptée, et où la notion de causalité (déterminisme) n'est même plus considérée comme pertinente.
Donc, puisque vous êtes certainement jeune et étudiant, attention à bien distinguer, surtout quand on est scientifique de formation comme je le suis, dans tout ce qu'on apprend et manipule (pour sa réflexion personnelle), ce qui relève de l'un ou de l'autre des deux attributs, sachant que, par construction, à part donc la matière et l'énergie, "assimilables", au stade actuel, à l'Etendue du temps de Spinoza/Descartes (je dis bien au stade actuel car la recherche du boson de Higgs entreprise au CERN par exemple peut faire évoluer le modèle actuel si réponse est donnée à l'énigme du couple matière/antimatière), tout le reste, de mon point de vue, relève de "lintelligible", donc de l'attribut Pensée.
Amicalement et avec l'indulgence des modérateurs et Administrateurs du site.

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Louisa
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Messagepar Louisa » 26 sept. 2008, 00:31

Florent a écrit :Ma question est la suivante: la matière est un mode de l'attribut de l'étendue, une idée un mode de l'attribut de la pensée (etc.), mais qu'en est-il des ondes, des champs magnétiques, de l'électricité?

Sur Wikipédia est écrit au sujet de l'onde que "Elle transporte de l'énergie sans transporter de matière."


je ne sais pas si l'on peut dire que la matière est un "mode" de l'attribut de l'étendue. Y a-t-il un endroit où Spinoza le dit explicitement?

Sinon je crois me souvenir (sans avoir la référence exacte en tête) que Spinoza dit préférer parler d'"étendue" au lieu d'utiliser la notion de "matière" parce que pour lui "matière" suggère une chose "inerte", tandis que l'attribut de l'étendue a comme conséquence immédiate le mouvement et le repos (mode immédiat infini, voir la lettre 64 à Schuller). Sur base de cela, j'aurais tendance à penser que chez Spinoza tout ce qui relève du domaine des forces physiques doit être conçu comme étant des "propriétés" des corps singuliers, donc de ces modes qui sont des affections de l'attribut de l'étendue (à vérifier), et non pas comme étant elles-mêmes des modes.

Enfin, contrairement à Sinusix (si je l'ai bien compris), je ne dirais pas que les forces physiques ne sont que des "idées" humaines, dans le spinozisme, au sens où je crois que la distinction pertinente à ce sujet se trouve ailleurs. En vertu du parallélisme, tout idée s'accompagne nécessairement d'un mode de l'étendue, si bien qu'il n'y a pas d'idées sans "contrepartie" extensive (et inversement, les idées étant d'ailleurs elles-mêmes des "êtres physiques", comme le dit le TIE). Et partant, lorsqu'il s'agit de "forces physiques", à mon avis il faut plutôt tenir compte du fait que seuls existent des attributs et des modes, ce qui signifie qu'il n'y a que des forces singulières (vis dans le langage spinoziste, voir par exemple la "force" de tel ou tel affect), là où probablement la science ne traite que de "généralisations". Or pour l'instant différentes interprétations du statut de ces généralisations "co-existent" sur ce forum (vérités éternelles référant à des réalités ou simples "êtres de raison"?), sans que quelqu'un ait déjà pu trouver un argument capable de convaincre tout le monde.
Amicalement,
L.

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Florent3875
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Messagepar Florent3875 » 26 sept. 2008, 01:51

Tout d’abord, je tiens à vous remercier de vos réponses. Celles-ci sont très intéressantes et enrichissantes et m’aident beaucoup. Comme vous le faites très justement remarquer Sinusix, une connaissance et une maîtrise du modèle et de ce qu’on lui confronte est nécessaire. Et, compte tenu de mes études qui ne s’orientent ni vers la philosophie, ni vers un domaine scientifique, ma compétence en ces deux domaines reste limitée.

Pour répondre à votre question Louisa, il me semble qu’il n’y ait aucun endroit où Spinoza parle de la matière comme mode de l’attribut étendue. Le choix que j’ai fait de ce terme est maladroit et non approprié. Il résulte d’une interprétation personnelle hâtive de sa pensée.

Louisa je suis d’accord avec vous en ce qui concerne le fait que les forces physiques ne sont pas que des idées, et qu’elles s’accompagnent d’une cause dans l’étendue.

Pour ce qui est des forces physiques comme propriétés des modes de l’attribut de l’étendue, est-ce que cela signifie par exemple que l’on peut considérer la force d’attraction d’un aimant sur un autre corps comme étant une propriété de l’aimant? Peut on considérer alors que cette propriété fait partie intégrante de l’étendue ? Où est-ce que je généralise et cherche à classifier des choses hâtivement… ?

Comme vous pouvez le constater mes questions sont un peu tarabiscotées et ma maîtrise des concepts pas tout à fait au point…

Je vous remercie de votre aide.

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Messagepar Faun » 26 sept. 2008, 09:55

Le concept d'énergie étant absent de la pensée de Spinoza, de même que ce celui de matière, cela rend les rapprochements hasardeux avec les concepts qu'utilisent les scientifiques actuels. Le concept de puissance correspond-il à celui d'énergie ? De même ceux d'effort (conatus), de force, ou de vie, peuvent s'en rapprocher.
Dans ce cas, ce qui correspond à l'énergie, c'est la substance même, et comme les attributs ne sont rien d'autre que les natures de la substance, on a donc une application du concept d'énergie tant aux corps (substance étendue=matière=énergie) qu'aux idées (substance pensante=pensée=énergie).
Dans tous les cas c'est toujours la vie ou l'énergie de la substance qui s'exprime, qu'on s'intéresse aux corps ou aux idées.
Autrement dit c'est l'énergie (=la puissance) qui est première, les expressions de cette puissance sont des modifications à l'intérieur de cette énergie infinie, produites par cette énergie.
Mais peut être les scientifiques actuels ont-ils une idée plus "matérielle" de cette énergie, alors que pour Spinoza, les corps et leurs propriétés ne sont qu'un des infinis aspects de cette énergie vivante et productrice d'une infinité d'effets.

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Messagepar Durtal » 26 sept. 2008, 17:23

Bah y a quand même de l'énergie cinétique chez Spinoza: du mouvement et des transmissions de mouvement. Non ?

D.

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Messagepar Florent3875 » 26 sept. 2008, 18:09

Certes, mais il me semble que le terme énergie est absent de ses œuvres (à préciser je n'ai pas encore tout lu). Énergie cinétique, si je suis le raisonnement de Sinusix, correspond à un concept de l'entendement.

Faun, pourriez vous m'éclaircir sur la phrase que vous avez écrite:

faun a écrit :Autrement dit c'est l'énergie (=la puissance) qui est première, les expressions de cette puissance sont des modifications à l'intérieur de cette énergie infinie, produites par cette énergie.


Merci.
Modifié en dernier par Florent3875 le 26 sept. 2008, 21:20, modifié 1 fois.

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Messagepar Durtal » 26 sept. 2008, 20:26

Florent3875 a écrit :Certes, mais il me semble que le terme énergie est absent de ses œuvres (à préciser je n'ai pas encore tout lu). Énergie cinétique, si je suis le raisonnement de Sinusix, correspond à un concept de l'entendement.


Il y a un joli petit dessin dans l'ethique qui représente un corps qui frappe un plan et qui est réfléchi, qui "rebondit"...Enfin moi je dis ça comme ça. Donc le concept d'énergie cinétique, si ce n'est le terme ne lui était pas si étranger que cela. En bref: Spinoza connaît la théorie des chocs de Descartes et les lois (fausses d'ailleurs) que celui ci en a donné.

Ensuite je ne crois pas que Spinoza estime que le mouvement soit un mode de la Pensée. Ou alors va falloir m'expliquer certaines choses... Le CONCEPT de mouvement est un mode de la pensée, mais pas ce dont ce concept est le concept. Dans le même ordre d'idée ce n'est pas la THEORIE de Newton qui fait tourner la lune autour de la terre, mais ce que décrit cette théorie, ni le CONCEPT de force électromagnétique qui fait tourner les particules dans un accélérateur.

Enfin tout ce qui distingue les corps (c'est à dire ce qui les produit) s'origine dans le mouvement et le repos. Et Spinoza a plus ou moins dans l'idée que le mouvement est en effet interne à la "matière" ou à l'étendue, et non injecté du "dehors" par Dieu, comme chez Descartes. Cela dit Spinoza a toujours dit qu'il n'avait pas pu développer son concept d'étendu jusqu'au point où il l'aurait voulu.

D.

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Messagepar Florent3875 » 26 sept. 2008, 21:20

durtal a écrit :Le CONCEPT de mouvement est un mode de la pensée, mais pas ce dont ce concept est le concept.


Si je vous comprends c'est le terme "énergie cinétique" en tant que concept qui fait partie de l'attribut de la pensée, et le mouvement que décrit ce terme qui fait partie de l'attribut de l'étendue. (désolé si c'est un peu confus...)

durtal a écrit :Et Spinoza a plus ou moins dans l'idée que le mouvement est en effet interne à la "matière" ou à l'étendue, et non injecté du "dehors" par Dieu, comme chez Descartes.


Vous rejoignez donc Louisa lorsqu'elle écrit (si je comprends bien) que les forces physiques sont des propriétés des corps?

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Messagepar Durtal » 26 sept. 2008, 22:09

Florent3875 a écrit :
durtal a écrit :Le CONCEPT de mouvement est un mode de la pensée, mais pas ce dont ce concept est le concept.


Si je vous comprends c'est le terme "énergie cinétique" en tant que concept qui fait partie de l'attribut de la pensée, et le mouvement que décrit ce terme qui fait partie de l'attribut de l'étendue. (désolé si c'est un peu confus...)


Mais oui mon ami, vous me comprenez très bien :D le concept de triangle n'est pas lui même une chose triangulaire!!!! C'était simplement une remarque qui visait à rectifier la façon de s'exprimer de Sinuxis, qui pouvait ici prêter à confusion.

Florent3875 a écrit :
durtal a écrit :Et Spinoza a plus ou moins dans l'idée que le mouvement est en effet interne à la "matière" ou à l'étendue, et non injecté du "dehors" par Dieu, comme chez Descartes.


Vous rejoignez donc Louisa lorsqu'elle écrit (si je comprends bien) que les forces physiques sont des propriétés des corps?


Pour une fois en effet il se pourrait que je sois d'accord avec Louisa. :D. Du moins pour ce qui concerne les forces physiques qui était reconnues à l'époque, c'est à dire: le mouvement.

D.


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