Le sentiment même de soi II

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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hokousai
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Messagepar hokousai » 19 nov. 2008, 16:01

Mais, coup de génie proprement spinoziste (ce dont il est tout à fait conscient, comme le montre la fin du scolie du corollaire de l'E2P10), il y ajoute une deuxième condition, qui révolutionne totalement l'idée d'essence: ce qui appartient à l'essence d'une chose n'appartient qu'à l'essence de cette chose-là, et à aucune autre chose (appartient à l'essence ce qui sans la chose ne peut être ni être conçue).


il n'est pas le premier a penser en ce sens là ,ainsi Duns Scot (par exemple) .

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Sinusix
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Messagepar Sinusix » 19 nov. 2008, 16:18

Louisa a écrit :
Enegoid a écrit :Je relève les idées suivantes dans votre texte du 17/11 à 5 :18 (Ce sont les idées principales, me semble-t-il) :

Emettre une opinion n’est pas faire de la philosophie.
Le code génétique n’est pas immuable.


Ce qui resterait le même, c'est le nombre de chromosomes voire de gènes (à vérifier).

Bien sûr, nous avons des millions de cellules, donc si une centaines d'entre elles subissent chaque jour des mutations, il est bien possible que lors d'un prélèvement aujourd'hui et demain, on ne tombe sur aucune cellule mutée, et donc retrouve le même génome. Mais sur le long terme, par exemple si l'on compare un bébé avec un adulte de 50 ans ... ? Là la chance de trouver autre chose est déjà plus grande.

Puis les écrits de Kupiec, de Sonigo etc. sont pour moi aussi assez convaincants, et ils vont tous dans la même direction: le déterminisme génétique est faux.

il me semble que justement, plus que jamais nous sommes aujourd'hui en biologie moléculaire proche de l'idée spinoziste qu'il n'y a pas d'"essences de genre" dans la nature, que toute essence est singulière. Ce qui est commun à tous les individus appartenant à une même "espèce", ce ne sont que des choses qui ne lui sont pas essentielles, au sens où elles ne permettent pas de définir sa singularité. L'Homme n'existe tout simplement pas.

Supposer que ce qui caractérise une espèce ou un genre, c'est un ensemble de propriétés communes, propriétés qui sont là grâce à une certaine continuité causale entre les individus de cette espèce, ce n'est pas abolir les espèces, c'est juste permettre de distinguer la singularité et l'essence de ce qui constitue la continuité de l'histoire biologique humaine (phylogenèse) et ce qui est ce que tous les humains ont plus ou moins en commun.

Bref, tout ceci pour dire que mon opinion à ce sujet, c'est que le spinozisme pourrait éventuellement offrir les concepts dont ont besoin aujourd'hui les biologistes pour penser "l'homme" dans sa singularité, et cela précisément parce qu'on commence à reconnaître que notre idée commune du génome n'est pas correcte.

Supposer que lorsqu'on ne sait pas suffisamment argumenter et que l'autre préfère maintenir une opinion divergente (voire supposer que lorsqu'on n'a pas compris pourquoi quelqu'un dit ceci ou cela) l'autre fait preuve d'un défaut morale, à mon sens c'est ne pas tenir compte de la distinction opinion - philosophie, c'est faire comme si sa propre croyance suffit pour pouvoir juger moralement ceux qui ont une opinion différente. Or ces derniers temps les jugements moraux sont très présents sur ce forum, et sont souvent prononcés par ceux qui disent partager les mêmes croyances. Raison pour laquelle je le crois (peut-être à tort) utile de rappeler de temps en temps l'acte fondatrice de cette discipline même ... .
Cordialement,
L.

En revanche, après le plein accord, permettez-moi de vous dire que là, vous en faîtes beaucoup.
Pour ce qui concerne l'opinion, j'accepte la majorité de vos propos. J'observe, cependant, en la matière que le fait d'être sensible à quelques opinions divergentes (ce que vous me semblez faire en la matière génétique) par rapport à un certain "consensus", peut être révélateur d'un a priori de destination, celui-là même qui font dire à certains que les chambres à gaz n'ont pas existé ou qui remettent en selle le créationisme. Malheureusement, en matière humaine, et dans le domaine des idées, il n'y a pas de neutralité scientifique "stricto sensu" et il faut ajouter au démêlage des opinions les éventuèelles visées politiques et manipulatrices qui les sous-tendent.

Ceci dit, et pour savoir ce que vous avez derrière la tête, ou vos auteurs cités, que je n'ai pas lus (je me suis arrêté à Ruffier, Grassé, Jacob, Monod, etc.), serait-il possible de savoir ce que vous (ils) entendez (entendent) par déterminisme génétique. Un des auteurs que je cite n'a-t-il pas écrit, c'est tout dire : "le hasard et la nécessité".

Pour ce qui concerne le nombre de chromosomes, à part la trisomie 21 (qui reste néanmoins une "aberration fixe"), mon gendre et ma fille, médecins hospitaliers, interrogés tous deux, n'ont rien entendu sur le sujet depuis quinze ans qui contredirait ce que la communauté scientifique admet. Des articles à citer ?

Pour ce qui concerne la notion d'homme et d'espèce, je tombe des nues. Dieu lui-même nous (vous) donne la réponse, pour ce qui concerne les espèces, c'est ce qu'on appelle l'interfécondité. Que je sache, à part dans la mythologie, aucune femme n'a pu encore s'accoupler avec un taureau. La nature vous dit donc bien qu'il y a des rapports (jeu de mots involontaire) qui ne peuvent être effectués autrement qu'en respectant une définition d'espèce, donc de genre, etc. (pas au sens philosophique mais taxonomique).
Amicalement

Bref, au cas où je pourrais prendre votre dernier paragraphe à mon compte, ce que j'admets volontiers, j'avoue être absourdi par votre capacité de commencer sur le premier point, de mon point de vue, clairement, distinctement et brillamment, pour finir par un pseudo-discours révolutionnaire et provocateur sur un thème aussi important.

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Messagepar Enegoid » 19 nov. 2008, 16:19

A Louisa


Essence
Louisa a écrit :Cela ne veut pas dire que votre exemple d'une vallée qui serait commune à l'essence même de la montagne serait faux. Cela signifie juste que si on conçoit le terme essence d'une telle façon que ce mot désigne ce que différents Individus ont en commun, alors on prend la définition habituelle de l'essence, qui est incompatible avec la définition spinoziste de l'essence.

Ce n’est pas mon exemple d’une vallée. C’est un exemple de Spinoza lui-même. CT I, 1, note ("l'essence d'une montagne consiste en ce qu'elle a une vallée")
Je ne vois pas comment on peut continuer une discussion au cours de la quelle vous me dites qu’une définition donnée par Spinoza est incompatible avec une « définition spinoziste ». Expliquez-moi !


Opinions
Vous m'infligez un discours général sur la philosophie et les opinions. Il aurait été plus simple de réfuter simplement mon assertion. Ce que vous n’avez pas fait. (Mais que vous croyez avoir fait :
Je viens de vous donner l'argumentation qui à mes yeux prouve qu'un adulte chez Spinoza n'a plus la même essence qu'un bébé
Vous avez simplement montré que, apparemment, Spinoza est tenté de penser que la nature de l’enfant n’est pas la même que celle de l’adulte. Mais il ne le dit pas expressément. Et vous n'avez toujours pas mis le doigt sur ce qui interdirait de penser que les deux ont la même esssence. Donc vous n'avez pas réfuté.


ADN, génome
Compte tenu des impasses sur les deux thèmes précédents, assez simples, je ne me lance pas avec vous dans une question aussi complexe, en partant de vos lectures et conversations avec des tiers.

Cordialement

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bardamu
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Messagepar bardamu » 19 nov. 2008, 17:17

Louisa a écrit :(...)
Bref, tout ceci pour dire que mon opinion à ce sujet, c'est que le spinozisme pourrait éventuellement offrir les concepts dont ont besoin aujourd'hui les biologistes pour penser "l'homme" dans sa singularité, et cela précisément parce qu'on commence à reconnaître que notre idée commune du génome n'est pas correcte. Or, cette opinion ne pourra accéder à un statut de vérité un peu plus solide que si on approfondit la question, si j'essaie d'argumenter etc, bien sûr. En même temps, ce type d'exercice peut toujours tout aussi bien donner lieu au résultat inverse (que mon opinion s'avère être fausse). (...)

Bonjour Louisa et Enegoid,
juste un mot en passant : à mon avis, vous êtes dans un faux débat.

Spinoza part d'une idée, l'esprit de l'homme, pour ensuite en chercher l'objet qui sera un mode de l'Etendue, un corps.
Si on prend les définitions de biologistes qui partent de certaines idées sur le corps pour ensuite en extraire des idées sur l'esprit (généralement le fonctionnement du cerveau dans ce matérialisme), on prend le chemin inverse de Spinoza. Si on prend les définitions d'autres biologistes, éthologues (ou éthologistes ?), neuropsychologues..., on se rapproche déjà un peu plus du raisonnement de Spinoza puisqu'ils partent d'éléments plus proches de la notion d'esprit.

A vrai dire, actuellement, ce sont les approches entre le cognitif et le psychologique qui me semblent les plus proches de Spinoza (cf par exemple, ce questionnement sur le statut des sciences cognitives).
Mais de même qu'on peut donner plusieurs définition du cercle, on peut donner plusieurs définitions de l'homme, parler d'un "homme génétique", d'un "homme physiologique", d'un "homme cognitif" etc. selon le point de vue qui nous intéresse. Il est clair que dans une approche phylogénétique, un biologiste pourra se concentrer sur l'"homme génétique" alors que dans une approche ontogénétique il fera notamment la part entre le génétique et les facteurs environnementaux du développement.

En tout état de cause, vu le niveau des connaissances en physique et biologie de son époque, et vu son projet éthique, il me semble normal que Spinoza ait abordé la question de l'homme par ce qu'il jugeait être le mieux connu voire le plus connaissable : l'esprit.

Pour résumer, la première question que je me poserais est celui du rapport entre l'approche de Spinoza et les diverses sciences actuelles dans la définition de l'espèce homo sapiens sapiens ou de l'individu.
Est-ce que l'homme spinozien doit se définir plutôt par une biologie ou plutôt par une psychologie ? Plutôt par les sciences cognitives, comportementales, neuropsychologiques etc. ou plutôt par le génétique, le physiologique, l'anatomique etc. ?
A priori, c'est plutôt le cognitif-comportemental qui prime dans la définition d'un "homme éthique", quitte à ce qu'une partie du corps au sens biologique soit exclue de cette définition.

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Messagepar Louisa » 19 nov. 2008, 17:28

Enegoid a écrit :Essence
Louisa a écrit :
Cela ne veut pas dire que votre exemple d'une vallée qui serait commune à l'essence même de la montagne serait faux. Cela signifie juste que si on conçoit le terme essence d'une telle façon que ce mot désigne ce que différents Individus ont en commun, alors on prend la définition habituelle de l'essence, qui est incompatible avec la définition spinoziste de l'essence.


Ce n’est pas mon exemple d’une vallée. C’est un exemple de Spinoza lui-même. CT I, 1, note ("l'essence d'une montagne consiste en ce qu'elle a une vallée")
Je ne vois pas comment on peut continuer une discussion au cours de la quelle vous me dites qu’une définition donnée par Spinoza est incompatible avec une « définition spinoziste ». Expliquez-moi !


Cher Enegoid,

j'ai bien souligné que je ne parlais que de l'Ethique. On sait que sur pas mal de points, Spinoza prend d'autres positions dans l'Ethique que dans son oeuvre antérieure, le CT. La comparaison entre les deux livres est compliquée, raison pour laquelle je préfère ne pas me baser sur le CT pour expliquer ou essayer de mieux comprendre des passages de l'Ethique.

Or l'un des points sur lesquels Spinoza a très clairement évolué entre le CT et lEthique, c'est précisément la définition de l'essence. Dans le CT (qui en général est plus proche des autres philosophies non spinozistes que l'Ethique) Spinoza définit l'essence ainsi:

"cette nature déterminée par quoi la chose est ce qu'elle est, et qui ne peut être en aucune façon séparée, sans que la chose elle-même soit aussitôt anéantie (...)."

Il définit ici l'essence comme on l'a toujours fait pour une "essence de genre", en reprenant uniquement la première des deux conditions qu'il mentionne dans la définition de l'essence qui figure dans l'Ethique: appartient à l'essence (ici encore appelé systématiquement "nature") d'une chose ce sans quoi la chose ne peut ni être ni être conçue.

L'Ethique y ajoute que ce qui appartient à l'essence d'une chose c'est non seulement ce sans quoi la chose ne peut être. C'est ce qui en même temps ne peut être sans la chose. Ce n'est que lorsqu'on ajoute cette deuxième condition que l'essence de genre devient une idée purement fictive, et ne correspond plus à quelque chose de réellement existant.

Dire qu'une vallée appartient à l'essence de la montagne, c'est dire que sans vallée, une montagne ne peut être ni être conçue, selon la définition traditionnelle de l'essence, que le CT ne fait que reprendre. Mais lorsqu'on prend la définition de l'Ethique, la vallée ne peut plus du tout appartenir à l'essence de telle ou telle montagne, puisque lorsque par exemple un beau jour une comète tombe sur le Mont-Blanc et le détruit entièrement, il y aura toujours de nombreuses vallées dans le monde. Avoir une vallée est une propriété commune à toutes les montagnes. La vallée est donc ce qui peut sans aucun problème exister sans que le Mont-Blanc existe. Or la définition de l'essence proposée par l'Ethique exclut la possibilité pour une propriété d'à la fois constituer une essence et de pouvoir continuer à être et à être conçue même lorsque la chose singulière qui a cette essence est détruite. Avoir une vallée n'appartient donc pas à l'essence du Mont-Blanc (au sens que donne l'Ethique à ce terme), il s'agit d'une propriété commune à toutes les montagnes.

J'espère qu'ainsi j'étais plus clair ... ?

Enegoid a écrit :Opinions
Vous m'infligez un discours général sur la philosophie et les opinions. Il aurait été plus simple de réfuter simplement mon assertion. Ce que vous n’avez pas fait. (Mais que vous croyez avoir fait : Citation:
Je viens de vous donner l'argumentation qui à mes yeux prouve qu'un adulte chez Spinoza n'a plus la même essence qu'un bébé
Vous avez simplement montré que, apparemment, Spinoza est tenté de penser que la nature de l’enfant n’est pas la même que celle de l’adulte. Mais il ne le dit pas expressément. Et vous n'avez toujours pas mis le doigt sur ce qui interdirait de penser que les deux ont la même esssence. Donc vous n'avez pas réfuté.


d'abord, l'un des trois thèmes de notre message précédent, c'était précisément le rapport entre opinion et philosophie. On sait qu'en philosophie il y a pas mal de définitions de ce que c'est que la philosophie (certains défendent même l'idée qu'on ne peut pas la définir). Pour moi, pas mal des incompréhensions de ces derniers temps viennent de ce qu'on conçoit, implicitement ou explicitement, la philosophie différemment. J'avoue que je ne comprends pas très bien comment essayer de clarifier sa propre position à ce sujet pourrait donner l'impression de "l'infliger" au lecteur ... je ne demande pas qu'on accepte pour vrai tout ce que je dis, je demande simplement d'expliciter vos critiques, au cas où vous n'êtes pas d'accord. Puis je viens d'y ajouter que si vous n'êtes pas d'accord mais ne pouvez pas argumenter (ce qui souvent est difficile), je ne vais pas vous demander de changer d'idée, je respecte votre opinion et je demande à vous la même chose par rapport à moi. Je n'ai pas compris ce qui serait si "scandaleux" dans cela.

Par rapport au deuxième thème, celui du bébé versus l'adulte: à quoi bon sans cesse travailler avec l'hypothèse que l'interlocuteur ment ... ? Si je vous dis qu'à mes yeux je vous ai donné l'argumentation pro la thèse que chez Spinoza un bébé a une autre essence qu'un adulte, c'est simplement parce que selon moi c'est ce que j'ai fait. Vous pouvez ne pas être convaincu de cette argumentation, vous pouvez l'avoir oublié, vous pouvez ne pas l'avoir lu etc. Tout cela n'est pas grave du tout. Mais si vous dites que vous n'êtes pas d'accord, je demande simplement de me dire pourquoi, si possible. Si vous ne voyez pas où se trouve cette argumentation, il suffit de me le dire pour que j'aille la chercher et la recopie.

Voici donc de nouveau l'argumentation (message d'il y a quelques jours, que je recopie entièrement).

louisa a écrit :
Enegoid a écrit :
Louisa a écrit :
Si Spinoza dit que l'essence d'un bébé n'est pas la même que celle de ce même bébé devenu adulte (E4P39 scolie)


Spinoza ne dit pas que l'essence d'un bébé n'est pas la même...
Il dit qu'en général les hommes âgés croient que la nature de l'enfant est différente de la leur...et que cette croyance ne cesse que par conjecture en regardant les autres.

C'est un peu différent.


c'est vrai, c'est différent. Zourabichvili a même pu souligner combien tout ce scolie baigne dans une athmosphère d'incertitude peu habituelle pour l'Ethique: l'ênchaînement des idées est plutôt associatif, il se base sur un "entendu dire", etc. Or voici la conclusion provisoire de Zourabichvili: "Tout paraît finalement incertain, dans un texte qui partait pourtant d'une thèse tranchante (...). Nous verrons toutefois que ce scolie peut être lu autrement: comme un jaillissement de traits vifs et distincts qui dessinent avec netteté la configuration d'un problème" (pg.8).

Je crois me souvenir que par après, Zourabichvili montre effectivement que pour Spinoza l'essence d'un bébé n'est pas la même que celle de l'adulte. Or d'abord, en y réfléchissant je me rends compte qu'il ne s'agit que d'un vague souvenir (c'est-à-dire je peux me tromper), puis je ne me souviens plus de son raisonnement exacte. J'en avais principalement retenu que si l'on définit effectivement l'essence singulière par un degré de puissance et par une aptitude à affecter et à être affecté (je suppose qu'on est d'accord pour dire que c'est bel et bien ce que Spinoza fait?), on ne peut nier le fait que la puissance d'un adulte est infiniment plus grande que celle d'un bébé, ce qui implique qu'il y a au moins deux essences de l'un à l'autre. Puis le début du scolie semble être beaucoup plus affirmative: là Spinoza reconnaît qu'un corps peut mourir sans changer en cadavre, ce qui signifie (en vertu de la démo qui précède) qu'un Corps humain peut être détruite sans que le corps que l'on peut percevoir de l'extérieur ne cesse d'exister. A mon sens ceci constitue un deuxième argument pro l'idée qu'un corps humain peut changer d'essence, c'est-à-dire un jour effectuer l'essence x, un autre jour l'essence y (idée "générale" avec laquelle Durtal et toi-même êtes d'accord, si je l'ai bien compris (le désaccord entre l'interprétation de Durtal et la mienne ne portant principalement que sur la manière dont s'opère ce passage d'une essence à une autre)?).

A partir de ce moment-là, le fait que Spinoza laisse encore planer le doute sur ce qu'il pense lui-même au sujet du poète espagnol et du bébé, dans le scolie de l'E4P39, serait éventuellement avant tout motivé par ce qu'il dit lui-même à la fin du scolie: il ne veut pas inciter à la superstition. Quelle(s) superstition(s)? Il ne le dit pas. Mais on sait qu'il ne croit pas aux "spectres" (voir la lettre sur les spectres, dont la référence m'échappe) ... dire que l'adulte n'est pas la même "personne" que le bébé cela nourrirait-il trop des croyances par rapport à des "possessions" par des esprits etc. pour pouvoir aborder le sujet ouvertement?

Toujours est-il que dire que Spinoza lui-même dit dans ce scolie que les deux essences (du bébé et de l'adulte) ne sont pas les mêmes, c'est y aller trop vite. Il vaut mieux dire qu'il s'agit d'une conclusion d'un raisonnement interprétatif, voire d'une hypothèse, si quelqu'un ici pense à quelques arguments contre ce raisonnement.


ce que je dis ici, c'est qu'effectivement, on ne peut pas déduire de ce scolie E4P39 seul que pour Spinoza le bébé n'a pas la même essence que l'adulte. Raison pour laquelle mon argumentation (telle que je la donne ici) pro cette thèse a besoin d'autres passages (la définition de l'essence). L'argumentation est donc un raisonnement interprétatif. Cela signifie que si quelqu'un trouve que ce raisonnement est faux (ce qui par définition est toujours possible), il suffit de démontrer en quoi ses arguments ne sont pas correctes. Si en revanche on me dit qu'on préfère croire que pour Spinoza ce n'est pas certain que les deux essences soient différentes, sans pouvoir argumenter ou sans pouvoir réfuter l'argumentation que je viens de donner, encore une fois, pour moi il n'y a aucun problème. Je demande juste, dans ce cas, de m'accorder la même liberté que vous vous accordez vous-même, et de ne pas commencer à se lancer dans des spéculations par rapport à mon "intégrité morale" ... ou dans les termes de Spinoza, de ne pas me traiter comme un ennemi de Dieu, si en attendant des critiques précises je continue à croire en l'intérêt de mon interprétation à moi ... .
Cordialement,
L.

PS: je réponds bientôt aux autres messages.

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Messagepar Durtal » 19 nov. 2008, 21:57

Quelqu'un pourrait-il rappeler à Louisa que la plupart des choses qu'elle estime être "d'orthodoxie Spinoziste" ne sont rien d'autre que ses propres fantasmes & contre-sens de lecture?

Par conséquent qu'elle serait bien inspirée de la mettre, si j'ose dire, un peu "en veilleuse" ou du moins d'user avec une parcimonie extrême de "l'argument" selon lequel telle ou telle assertion serait ou ne serait pas "Spinoziste"....

Attendu que Louisa n'est surement pas mieux placée que quiconque ici , (sinon en vertu du privilège qu'elle s'accorde si généreusement à elle même), pour dire ce qui est "Spinoziste" et ce qui ne l'est pas.

Et, outre cela, que c'est la seule à user parmi nous de ce stratagème rhétorique exaspérant , sans apparemment parvenir à comprendre que, sauf mention expresse du contraire (comme cela arrive), tout ce qui se dit ici, est justement une prise de position quant à ce qui est "spinoziste" et quant à ce qui ne l'est pas et donc qu'elle n'a aucune espèce de légitimité particulière à tenter de fourguer ses propres interprétations en les assortissant du sceau imaginaire de la légitimité Spinoziste?

Car qu'est-ce d'autre que de présupposer sans arrêt ce qui fait toute la question?

Qu'elle se contente donc (comme tout le monde) de discuter franchement, en tenant pour acquis que tous autant que nous sommes, cherchons ce qu'est le "Spinozisme", que cela va de soi, et par conséquent que nous n'avons nul besoin de ces rappels naïfs et horripilants à je ne sais quel orthodoxie qui n'existe que dans l'imagination de l'intéressée. (Pour ne rien dire ici de ces rappels encore plus naïfs et encore plus horripilants aux règles de la bonne philosophie et de l'échange rationnel qu'elle commet régulièrement.)


D'avance merci,

(je ne peux pas le faire moi même parce que ça m'agace tellement que j'en saigne du nez)

D.

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Messagepar vieordinaire » 19 nov. 2008, 22:22

Tres bien dit Durtal ...

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Messagepar Louisa » 20 nov. 2008, 01:17

Durtal a écrit :Quelqu'un pourrait-il rappeler à Louisa que la plupart des choses qu'elle estime être "d'orthodoxie Spinoziste" ne sont rien d'autre que ses propres fantasmes & contre-sens de lecture?


cher Durtal,

ok, tu trouves que mon interprétation du spinozisme n'est pas correcte. C'est non seulement ton droit, il est même tout à fait possible que la tienne soit plus vraie (raison pour laquelle je n'ai jamais parlé d'une "orthodoxie spinoziste", bien sûr). Mais tu crois vraiment que juste rappeler que tu trouves que c'est toi qui as raison suffit pour pouvoir montrer cela ... ?

Comme tu le dis correctement dans la suite de ton message: nous sommes tous ici pour essayer de mieux comprendre le spinozisme. Par conséquent, personne ne peut demander à qui que ce soit d'accepter telle ou telle interprétation sans avoir été convaincu par des arguments.

C'est la raison même pour laquelle on ne peut pas s'en tenir à un simple "il suffit de bien lire pour pouvoir voir que mon interprétation est la seule correcte" (comme tu l'as dit récemment), ou à un simple "quelqu'un peut-il dire à X que son interprétation est fausse", voire à un simple soupçon de défauts moraux chez ceux qui défendent une interprétation divergente.

Inversement, lorsque je dis que ceci ou cela ne me semble pas être spinoziste, je ne suis pas déjà en train de donner un argument, je dis juste qu'à mon avis cette interprétation du spinozisme n'est pas correcte, et puis je donne les arguments pour lesquels je crois que c'est le cas. Je ne demande pas mieux que quelqu'un me dise qu'il n'est pas d'accord avec tel ou tel argument et pourquoi. Mais celui qui le dira le dira pour la même raison: parce qu'il croit qu'il est plus spinoziste de dire l'inverse de la thèse interprétative que je propose. C'est précisément parce que l'enjeu est d'essayer de mieux comprendre ce qui est spinoziste et ce qui pas, qu'on ne peut pas éviter de donner son opinion à ce sujet. Bref, dire qu'on trouve que ceci est spinoziste ou non n'a rien à voir avec un quelconque dogmatisme. Le dogmatisme consiste à dire que ceci doit être spinoziste et de refuser ensuite toute discussion permettant d'approfondir ou de mettre en question.

Enfin, je te demande avec insistance d'arrêter de te concentrer sans cesse sur ce que tu imagines être le "sentiment de soi-même de Louisa", et de reprendre la discussion concernant la notion du sentiment de soi-même chez Spinoza. C'est là qu'on aura tous l'occasion d'apprendre quelque chose, au lieu de devoir perdre du temps avec des accusations totalement non fondées et hors sujet. Non, je ne me vois pas du tout comme le "représentant" du spinozisme sur terre, et non je ne crois absolument pas tout savoir, bien évidemment. Mais comme on ne peut guère "démontrer" ce genre de choses, je te demande tout simplement de me (nous) faire le plaisir, JUSTE en ce qui concerne le seul sujet de mes intentions à moi, de me croire sur parole. C'est la condition nécessaire pour pouvoir discuter franchement et à fond de ce que chacun trouve réellement de Spinoza et pour pouvoir découvrir qui se trompe en quoi, sachant qu'on se trompe probablement tous quelque part un peu. Or discuter ainsi est très visiblement ce que tu souhaites faire, et si l'on a une chose en commun, c'est ce désir même. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi ce serait impossible.

En te remerciant par avance,
L.

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Messagepar Louisa » 20 nov. 2008, 02:56

Sinusix a écrit :
Louisa a écrit :
Enegoid a écrit :
Je relève les idées suivantes dans votre texte du 17/11 à 5 :18 (Ce sont les idées principales, me semble-t-il) :

Ce qui est commun ne peut constituer une essence.
Emettre une opinion n’est pas faire de la philosophie.
Le code génétique n’est pas immuable.



Cher Enegoid,

en effet, je crois que cela résume très bien ce que j'essayais de dire.

Enegoid a écrit:

1. Ce qui est commun ne peut constituer une essence
Toutes les montagnes ont en commun d’avoir une vallée. C’est pourtant ce qui constitue leur essence. Et la montagne est un genre de corps. Je ne saurais par contre définir l’essence du Mont-Blanc.
Vous trouverez, j’en suis sûr, l’explication du malentendu.


Et en effet, Spinoza n'a besoin de rien d'autre que cette définition de l'essence pour pouvoir démontrer que "Ce qui est commun (...) ne constitue l'essence d'aucune chose singulière" (E2P38).

Cela signifie que si quelqu'un croit qu'une essence qui désigne des propriétés communes (appelé ici par certains "essence de genre") est compatible avec la définition spinoziste de l'essence, qu'il faudrait montrer comment interpréter la définition 2 de l'E2 et l'E2P38 d'une telle façon qu'on doit en déduire nécessairement que ce qui est commun peut néanmoins constituer une essence, dans le spinozisme.

Quant à la définition d'une essence: à mon sens dans le spinozisme cela n'est pas possible. La définition est toujours une formulation discursive, et devrait donc appartenir au deuxième genre de connaissance, tandis que Spinoza dit clairement que seul le troisième genre de connaissance (connaissance non discursive) donne accès à des essences.



Chère Louisa,

J'ai la grande satisfaction d'être d'accord avec vous sur ce premier point et vais tenter, pour ce qui me concerne, d'utiliser le terme de "propriété commune" plutôt que celui d'essence de genre (bien que, vous l'aviez certainement compris, ceux qui utilisent cette expression l'utilisaient dans un tel sens). Pourquoi ?
Vous donnez vous-même partiellement la voie explicative. En effet, si E2P37 (et non E2P38) dit que ce qui est commun ne constitue l'essence d'aucune chose singulière, la proposition suivante est fondamentale, à savoir (E2P38) : les choses qui sont communes à tout, et sont autant dans la partie que dans le tout, ne peuvent se concevoir qu'adéquatement
Qu'est-ce à dire sinon que (de la même manière que, comme vous le rappelez fort justement, seule la connaissance intuitive immédiate du 3ème genre nous donne accès - ou nous permet de contempler - les essences singulières, ce que sous-entendaient certains de mes messages), la connaissance raisonnée du 2ème genre, celle seule au sujet de laquelle nous communiquons par mots au sein de ce forum, celle qui utilise les concepts de l'entendement, est adéquate, donc vraie, donc complète (ce qui ne veut pas dire exhaustive, débat philosophique lui aussi récurrent).


Cher Sinusix,

en effet, je citais bien l'E2P37 et non la P38, merci pour la rectification.

Sinon je suis en gros tout à fait d'accord avec ce que vous écrivez ici. Je dis "en gros" parce que je crois que Sescho par exemple (et si je l'ai bien compris) a tout de même envie d'aller plus loin, pour dire:
1) d'une part que nous n'avons pas de connaissance adéquate des essences singulières là où Spinoza à mon sens dit que nous avons tous au moins la connaissance adéquate de l'éternité de notre propre essence singulière (E5P33 scolie, E5P34 scolie) et pouvons augmenter le nombre de ces idées adéquates des essences singulières, et
2) d'autre part que connaître les propriétés communes des choses c'est déjà "d'une certaine manière" connaître leur essences singulières, ce qui me semble être impossible lorsqu'on sait que l'essence dans l'Ethique est toujours singulière.

Puis je ne suis pas certaine que deux autres "défendeurs" de l'idée d'essence de genre (Enegoid et Durtal) soient d'accord avec ce qu'on vient d'écrire ici, donc il est peut-être plus prudent d'attendre leurs commentaires avant de supposer qu'on soit déjà tous d'accord à ce sujet (d'ailleurs ils auront peut-être de bons arguments pour nous faire changer d'idée)?

Sinusix a écrit :Si donc l'utilisation du terme "essence" n'est légitime, au regard du texte spinoziste, que pour les choses singulières, ce sur quoi je vous donne acte, la majorité des raisonnements contradictoires antérieurs qui vous ont été apportés ne me paraît pas devoir être modifiée, pour autant que vous changiez "essence de genre" par propriété commune. Le différend ne portait, dans ces conditions, de mon point de vue que sur une définition de mots, et non de choses.


comme je n'avais pas encore compris que pour vous parler d'une essence de genre était en fait ne pas parler d'une essence mais juste des propriétés communes, il me faudrait relire tout ce qu'on a déjà écrit à ce sujet pour pouvoir comprendre autrement les critiques qu'on a apportées. Si par hasard vous croyez pouvoir les résumer, ce serait bien sûr intéressant, sinon j'essayerai de trouver le temps de relire le tout (je vais néanmoins donner priorité à la réponse à votre message d'il y a quelques jours dont j'avais dit qu'il abordait à mon sens une question tout à fait fondamentale; réponse que pour une fois j'aimerais faire non pas en "point à point", mais en essayant de systématiser ce que j'en pense pour pouvoir l'écrire le plus succinctement et le plus clairement possible ... ce qui prend nécessairement plus de temps que de répondre immédiatement et en détail).
A bientôt, aussi pour une réponse à votre deuxième message d'aujourd'hui,
Amicalement,
L.

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Louisa
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Messagepar Louisa » 20 nov. 2008, 05:28

Sinusix a écrit :En revanche, après le plein accord, permettez-moi de vous dire que là, vous en faîtes beaucoup.
Pour ce qui concerne l'opinion, j'accepte la majorité de vos propos. J'observe, cependant, en la matière que le fait d'être sensible à quelques opinions divergentes (ce que vous me semblez faire en la matière génétique) par rapport à un certain "consensus", peut être révélateur d'un a priori de destination, celui-là même qui font dire à certains que les chambres à gaz n'ont pas existé ou qui remettent en selle le créationisme. Malheureusement, en matière humaine, et dans le domaine des idées, il n'y a pas de neutralité scientifique "stricto sensu" et il faut ajouter au démêlage des opinions les éventuèelles visées politiques et manipulatrices qui les sous-tendent.


en effet, essayer de démêler ce qui relève de l'opinion et ce qui relève de la science me semble être essentiel, et la tâche souvent n'est pas facile. Seulement, n'y allons pas trop vite en croyant que toute idée divergeante serait déjà à blâmer et toute évidence scientifiquement prouvée. Il arrive régulièrement qu'une nouvelle découverte scientifique bouscule toutes nos évidences et tout ce que nous avait appris le sens commun à tel ou tel sujet. Cela ne rend pas pour autant cette découverte moins vraie. Tout comme le racisme peut faire partie des préjugés fondamentaux de la majorité d'un peuple (et constitue ainsi un "consensus"). Bref, si je suis tout à fait d'accord quant à l'importance d'essayer de bien distinguer opinion et science, je ne crois pas que la divergence par rapport à ce qu'on croit être un consensus soit un critère efficace.

Sinusix a écrit :Ceci dit, et pour savoir ce que vous avez derrière la tête, ou vos auteurs cités, que je n'ai pas lus (je me suis arrêté à Ruffier, Grassé, Jacob, Monod, etc.), serait-il possible de savoir ce que vous (ils) entendez (entendent) par déterminisme génétique. Un des auteurs que je cite n'a-t-il pas écrit, c'est tout dire : "le hasard et la nécessité".


il s'agit effectivement de la génération "post-Monod". Voici par exemple l'une des définitions que Kupiec et Sonigo donnent du déterminisme génétique dans Ni Dieu ni gène (pg. 9 de l'édition 2000, Seuil collection Points):

"Cette doctrine découle en fait, et de manière très cohérente, de la théorie génétique de l'hérédité. Elle explique chaque trait ou phénomène de la vie d'un organisme, telles la couleur de ses yeux ou de sa taille, mais aussi les maladies comme le cancer, ou les processus normaux comme le développement d'un oeuf jusqu'au stade adulte, par l'action sous-jacente d'un ou plusieurs gènes. Conséquemment, l'identification de ces gènes devrait permettre de donner la clef explicative de ces phénomènes. On cherchera alors à isoler le gène du cancer, le gène de l'intelligence, le gène du sport, ou encore celui de la schizophrénie. Les médias annoncent régulièrement des découvertes sensationnelles de ce genre. Le record semble avoir été récemment battu par la découverte du gène de la fidélité conjugale!"

Sinusix a écrit :Pour ce qui concerne le nombre de chromosomes, à part la trisomie 21 (qui reste néanmoins une "aberration fixe"), mon gendre et ma fille, médecins hospitaliers, interrogés tous deux, n'ont rien entendu sur le sujet depuis quinze ans qui contredirait ce que la communauté scientifique admet. Des articles à citer ?


tout dépend de ce que vous croyez que la communauté scientifique admet. Ce que j'ai dit moi-même, c'est qu'un professeur en médecine interne vient de me dire que le génome d'un individu subit sans cesse des mutations, dont la plupart sont immédiatement réparées, mais pas toutes. J'y ai ajouté qu'à mon sens cela signifie que ce ne sont pas les gènes qui restent identiques pendant toute la vie, mais plutôt le nombre de gènes ou de chromosomes. Or n'ayant pas les dernières données à ce sujet, j'ai dit qu'en ce qui me concerne c'est à vérifier.

Sinon le prof dont je parle fait principalement de la recherche de pointe, et est un des rares de sa spécialité à être au courant des maladies génétiques découvertes ces dernières 2-3 ans. Il m'a dit lui-même que la majorité des médecins spécialistes dans le domaine ne sont pas encore au courant de cela, simplement parce qu'un médecin en général n'a pas le temps de faire de la recherche, ni de lire toute la littérature.

Enfin, toujours est-il qu'il s'agit d'une "ouï-dire", bien sûr, qui vaut ce qu'il vaut. Seulement, il me semble qu'il est important de tenir compte du fait que dans la recherche médicale d'aujourd'hui, certains disent avoir découverts des mécanismes génétiques qui semblent être différents de ce à quoi on s'attendait communément, tandis que d'autre part la nouvelle génération des généticiens pour sa part refuse le déterminisme génétique et travaille avec des hypothèses tout à fait différentes elle aussi. A suivre donc.

Sinusix a écrit :Pour ce qui concerne la notion d'homme et d'espèce, je tombe des nues. Dieu lui-même nous (vous) donne la réponse, pour ce qui concerne les espèces, c'est ce qu'on appelle l'interfécondité. Que je sache, à part dans la mythologie, aucune femme n'a pu encore s'accoupler avec un taureau. La nature vous dit donc bien qu'il y a des rapports (jeu de mots involontaire) qui ne peuvent être effectués autrement qu'en respectant une définition d'espèce, donc de genre, etc. (pas au sens philosophique mais taxonomique).


je crois qu'il convient d'être extrêmement prudent lorsqu'il s'agit d'identifier nos idées à ce que Dieu ou la nature nous "dit". Pour autant que sache, seul l'homme parle. C'est une banalité de dire cela, mais je crois qu'elle nous permet de ne pas y aller trop vite lorsqu'on est confronté à des nouveaux résultats et hypothèses scientifiques.

Prenons par exemple ce que Kupiec et Sonigo disent dans le même livre à ce sujet (je rappelle que Sonigo est directeur de recherches à l'INSERM, et responsable du laboratoire génétique des virus à l'Institut Cochin (où il a déchiffré le génome du virus du SIDA), tandis que Kupiec est chercheur en biologie et épistémologie au Centre Cavaillès de l'ENS de la rue d'Ulm, Paris). Après avoir rappelé que la physique s'est depuis des siècles totalement débarrassé du concept d'espèce ou d'"essence spécifique" (dixit Kupiec et Sonigo), pour ne travailler qu'avec des lois en tant qu'invariants, ils passent ensuite à la question "l'homme existe-t-il?". Voici ce qu'ils en disent:

"L'espèce et l'appareillage conceptuel qui lui est associé ont disparu des systèmes d'explication du monde. En fait, nous avons parlé de l'émergence de la physique et non de la biologie. Qu'en est-il de l'espèce biologique? Doit-elle être considérée comme l'espèce en général, ou bien doit-elle subir un traitement particulier? Possède-t-elle une réalité que n'aurait pas l'espèce appliquée aux objets physiques? La question est importante parce que, selon la réponse apportée, on sera amené à construire des théories biologiques entièrement différentes. Si l'on transcende la problématiques des espèces, la biologie pourra peut-être se libérer du système d'Aristote, comme ce fut le cas en physique; si l'on opte pour le réalisme des espèces, on en restera à une théorie dérivée de cette ancienne métaphysique. De très nombreux auteurs, d'horizons et d'options philosophiques ou scientifiques extrêmement divers, ont opté pour le maintien du réalisme des espèces. Pour Bergson, par exemple:

"Les Anciens, en effet, ne se sont pas demandé pourquoi la nature se soumet à des lois, mais pourquoi elle s'ordonne selon des genres. L'idée de genre correspond surtout à une réalité objective dans le domaine de la vie, où elle traduit un fait incontestable, l'hérédité."

On peut citer également Ernst Mayr, l'un des fondateurs du néodarwinisme, très éloigné de Bergson:

"... je me souviens toujours d'une expérience que j'ai eue quand je vivais tout seul dans une tribu primitive de Papous dans les montagnes de la Nouvelle-Guinée. Ces superbes hommes des bois employaient 136 noms pour les 137 espèces d'oiseaux que je dénombrais (ils ne confondaient que deux espèces non encore décrites de fauvettes). Le fait que l'homme de l'âge de pierre reconnaisse dans la nature les mêmes entités que l'universitaire occidental expérimenté réfute de façon définitive l'idée suivant laquelle l'espèce ne serait que le produit de l'imagination humaine. Il en est évidememnt de même de la définition finde de l'espèce dans notre voisinage. Quand vous étudiez les oiseaux de vos forêts et de vos jardins, avez-vous jamais trouvé des formes intermédiaires entre les mésanges bleues et les grandes mésanges ou entre les grives et les merles ou entre les corneilles et les corbeaux? Bien sûr que non. Chaque espèce d'oiseaux, de mammifères ou d'autres animaux supérieurs est extraordinairement bien définie dans une localité donnée et l'hybridation ou un état intermédiaire n'y est qu'une exception rare. Les espèces sont le produit de l'évolution et non de l'esprit de l'homme."

Pour ces deux auteurs parmi beaucoup d'autres, l'espèce est une réalité objective parce qu'elle est produite naturellement par les processus biologiques. Mais on peut légitimement se demander pourquoi un processus biologique qui produit des organismes se ressemblant, et que l'on appelle hommes, lapins ou chênes, conférerait à ces regroupement une réalité plus grande que celle qu'un processus géophysique, tout aussi naturel, confère aux objets qui se ressemblent et que l'on appelle pierres, montagnes ou rivières? On peut également faire remarquer que l'argument d'évidence auquel ces deux auteurs font appel n'est pas un argument scientifique. C'est le même argument d'évidence qui fondait la physique d'Aristote. Au contraire, la science se constitue progressivement en se dégageant de l'évidence du sens commun. L'espèce est une évidence, mais une évidence métaphysique, y compris en biologie. Si l'on a du mal à s'en débarrasser, c'est probablement beaucoup plus par anthropomorphisme que pour des raisons logiques. En effet, s'il nous est relativement acceptable que l'espèce soit une notion arbitraire quand il s'agit de montagnes ou de rivières, cela devient beaucoup plus dangereux quand il s'agit d'animaux parce qu'on se rapproche de l'homme et qu'inévitablement on en viendra à questionner également sa spécificité. Douter de notre existence objective en tant qu'espèce nous est évidemment impensable et insupportable. Cependant, si notre objectif est de construire une théorie rationnelle de la biologie, nous sommes obligés d'analyser calmement cette question.
Nous allons maintenant retracer succinctement l'histoire de la problématique de l'espèce dans le cadre de l'évolutionnisme. Elle aboutit à une situation contradictoire. D'un côté la théorie de l'évolution n'a pu être élaborée complètement qu'après le rejet du réalisme de l'espèce et l'introduction d'une vision nominaliste. Cette révolution conceptuelle, analogue pour la biologie à ce qu'avait été la révolution copernicienne en physique, a duré un siècle et atteint son apogée avec Darwin. Mais, d'un autre côté, la génétique a brutalement réintroduit la spécificité, sans justification expérimentale, conduisant à une incohérence profonde de la théorie biologique.


Les auteurs continuent avec un exposé concernant les arguments de Darwin contre la réalité de l'espèce et pour le nominalisme, pour conclure que "Par cet abandon de la spécificité, Darwin a ouvert la possibilité d'une théorie biologique nouvelle, en rupture avec la métaphysique d'Aristote. Et c'est effectivement ce qu'il a fait en proposant la théorie de la sélection naturelle." (pg. 33-51)

Sinusix a écrit :Bref, au cas où je pourrais prendre votre dernier paragraphe à mon compte, ce que j'admets volontiers, j'avoue être absourdi par votre capacité de commencer sur le premier point, de mon point de vue, clairement, distinctement et brillamment, pour finir par un pseudo-discours révolutionnaire et provocateur sur un thème aussi important.


pourquoi parler d'un "pseudo-discours révolutionnaire et provocateur" ... ? Parce que j'ai mentionné une idée qui vous choque .. ? Mais pourquoi lorsque je dis quelque chose avec laquelle mon interlocuteur est d'accord je serais brilliant, tandis que lorsque je dis quelque chose qui pour l'interlocuteur par hasard est nouveau (voire contre-intuitif) je serais du coup plutôt quelqu'un d'assez vicieux, qui ne veut que choquer (je pose la question parce que ces derniers temps vous n'êtes pas le seul à réagir ainsi, il me semble) ... ?

En réalité, je ne fais que rapporter ce que j'ai lu. Pour le RESUMER:

Il se fait que la réalité objective de la notion d'espèce en biologie a déjà été abandonnée par Darwin (et beaucoup plus tôt en physique; on pourrait dire que la physique moderne abandonne l'idée d'une "espèce" de montagne plus ou moins à la même époque où Spinoza l'abandonne en passant du CT à l'Ethique; dans les deux cas il s'agit d'abandonner la physique aristotélicienne). Aujourd'hui, après que la génétique au XXe siècle l'avait réintroduit non pas en tant que donnée prouvée mais comme hypothèse, les généticiens eux-mêmes commencent au début de ce XXIe siècle à vouloir se débarrasser de nouveau d'une telle hypothèse à cause des contradictions et impasses auxquelles elle mène. Or comme Kupiec et Sonigo le disent très clairement, de prime abord, cela est effectivement choquant. N'empêche que le nominalisme que la biologie darwiniste a fait sien était déjà fort connu, purement philosophiquement, depuis le Moyen Âge, tandis que les commentateurs de Spinoza sont plutôt d'accord pour dire que le spinozisme est lui aussi un nominalisme (= seuls les individus sont réels, et non pas les espèces ou genres).

A mon sens, cela signifie que si l'on s'intéresse en général à la question de l'espèce ou de genre, on doit essayer de tenir compte de tous ces résultats. De manière critique, bien sûr, sans croire tout et n'importe quoi. Mais tout de même, il me semble que la thèse nominaliste ne date pas vraiment de hier, et a longtemps été défendu par des érudits et des chercheurs éminents. Par conséquent, je ne crois pas qu'on puisse l'écarter par un simple argument ad hominem. Il faudra l'examiner en détail, comparer les arguments pro et contra etc. Enfin, je ne dis pas que je demande à quelqu'un ici de faire cela, et je n'en suis pas vraiment capable moi-même. Je voulais juste montrer que lorsque je dis qu'il est possible de penser la réalité sans la notion d'espèce, je ne suis pas en train d'"inventer".

Toutefois (et pour déjà anticiper ma réponse à Bardamu), le fait même que la science moderne semble de plus en plus abandonner l'idée d'espèce ou de genre n'est bien sûr aucunement un argument pro l'idée que le spinozisme, tel que le développe l'Ethique, refuse la réalité des espèces ou des genres. Pour démontrer que c'est cela ce que Spinoza propose, il faut bel et bien pouvoir le déduire du texte de Spinoza seul. On a commencé à parler de biologie contemporaine seulement parce que Enegoid disait qu'il faut accepter la réalité de l'essence du genre dans le spinozisme "parce que" il y aurait de fait une espèce humaine que l'on pourrait définir par son génome.
Amicalement,
L.


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