hokousai a écrit :
Là où vous parlez d'entendement je parlerais aussi de[b] mémoire car il me semble évident que sans mémoire aucune conduite du raisonnement n'est possible.
Ce qui est présent à ma mémoire peut excéder la présence empirique des choses dans l'étendue (encore que leur perception demande aussi une mémoire ) .
Je dirais que la mémoire nous permet de nous attacher à la présence .
En mathématiques Les hypothèses tout comme la démonstration et sa conclusion sont maintenue dans une présence (de même la chose qui se déplace dans l'étendue est maintenue dans une présence mémorielle ).
Comment accorder de la pertinence à votre explication de ce qu'est une sphère si vous avez oublié ce que vous cherchiez à expliquer ?
L 'activité logique déplie un objet ( hypothèse ) instant après instant en le conservant et en l'enrichissant de démonstrations diverses . La démonstration ce n'est pas l' hypothèse mais vous n'oubliez rien de l'hypothèse ni du mouvement qui conduit à la conclusion .Vous étiez dans la présence d'une seule hypothèse vous êtes en présence d'une conclusion .
Tout cela se décrit comme on le ferait d'un train qui passe .
Oui, c'est l'argument de Descartes: puisqu'on ne peut raisonner sans mémoire, il faut un garant extérieur de la vérité des pensées écoulées, d'où la position d'un Dieu vérace qui maintient dans l'être, hors de la pensée actuelle, la vérité de ce qui n'est plus actuellement perçu.
Ce qui est étrange c'est que cet argument vous conduirait directement à supposer un substrat en soi ! Ou alors, il faudrait réduire ce substrat, contre Descartes, à un produit de l'imagination. Ce substrat serait l'analogie d'une présence réelle; le raisonnement ne se tiendrait que de la position d'une quasi chose sous les démonstrations qui contrecarrerait l'effet dissolvant du temps. Bref, ce serait une illusion nécessaire au développement logique, tout comme peut être d'ailleurs, la présence réelle de telle chose, n'est qu'une illusion de l'imagination qui rend possible que nous parlions de Choses, bien distinctes, etc.
Cet accent mis sur la notion de présence ne conduit il pas aux antipodes du phénoménisme ?
Spinoza répondrait plutôt: le raisonnement n'est qu'une connaissance du 2ème genre; dans le 3ème tout est tota simul.
Je dirais donc que la mémoire peut au mieux nous attacher à un pseudo substrat quasi présent, quelque chose comme une matière que la mémoire opposerait à l'écoulement et à laquelle les démionstrations seraient raccrochées.
Oui bien sûr les hypothèses sont maintenues, mais toute la question est de savoir si elles le sont dans l'esprit ou dans une chose.
Mais, même en admettant qu'elle le soit dans une chose existante, rien ne permet d'identifier existence et présence.
Spinoza, je crois, cherche à fonder le statut des idéalités mathématiques autrement qu'en les justifiant comme des possibilités, ou des êtres en puissance. Tout ce que nous concevons avec vérité qui n'existe pas actuellement est rapporté à l'attribut qui lui même est attribut d'une substance nécessairement existante.
Peut être faut il chercher dans la substance elle-même le fondement de la permanence des enchaînements idéaux.
L'entendement est la loi de la pensée; la loi est le concept d'une permanence dans la succession des idées; cette loi,à son tour, puise son fondement, pour Spinoza, dans l'actualité de la substance. De son côté, la substance est l'actualité de la loi qui pose, dans chaque attribut, la multiplicité des modes.
Ainsi, me semble t il, la substance n'est elle pas un substrat de l'imagination placée sous l'enchaînement, mais plutôt la production réglée de certains effets.
DAns cette hypothèse, ce n'est pas la mémoire qui rend compte de la permanence de l'enchaînement; la mémoire est elle-même relative, non à une donnée présente, toujours contingente et incapable d'assurer la permanence d'un mouvement nécessaire, mais à la substance, cad à la loi de production des pensées dans l'entendement (infini,puis fini).
On a ainsi:
LA substance: ses lois (s'exprimant dans des essences différentes, les attributs)- les modes (infinis, puis finis), l'enchaînement de ces modes.
A ce niveau, je crois bien, Spinoza n'a en vue aucune présence, mais un pur lien dynamique qui ne se soutient d'aucune Chose.
Ensuite: la mémoire constitue, sur le modèle des choses de la perception, un substrat qui lui permet de tenir psychologiquement ensemble les maillons d'une chaîne qui, de toute façon, tient déjà toute seule par la vertu du dynamisme causal.
Enfini: l'imagination, dans la perception sensible, pose sous chaque mode, un tel substrat, et, en le séparant radicalement de la substance, croit illusoirement à son existence en soi, et prend sa "présence", simple abstraction (identique à sa durée) pour une chose absolue de laquelle il est impossible de sortir.
Voilà je crois avoir répondu et en même temps donné la genèse de l'illusion dont procède la question.