D'une Substance, deux physiques?

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar sescho » 07 mars 2009, 14:21

Sinusix a écrit :... Il ne s'agit donc pas, effectivement, d'accepter une parole explicative déjà mâchée mais de ressentir la pertinence d'un processus dynamique de recherche personnelle. L'adhésion, en l'occurrence, ne signifie donc pas application et militantisme de recettes. Il s'agit bien d'une adhésion à la force de proposition sous-jacente, celle de l'expérimentation.

C'est bien l'esprit de ce que j'ai écrit plus haut. Il n'y a rien de vrai pour un individu particulier qui ne soit profondément vécu comme tel par lui. Fondamentalement, il n'y a de vérité que dans le fait même et les mots n'ont strictement aucun sens en eux-mêmes : ils n'en ont vraiment que sublimés en ressenti profond dans un esprit particulier. C'est là le troisième genre de connaissance.

Maintenant, malgré cela, une certaine communication est possible : les mots et la logique permettent de désigner quelque chose qui peut orienter ou préciser la vision intuitive, ouvrir une porte à la lumière (sinon pourquoi lire, écrire et discuter ; mais c'est une évidence pure, ne serait-ce pour qui a déjà consulté un guide quelconque.) Mais certes ce pouvoir est limité : encore faut-il passer du pointeur au fait (le sage montre la lune), sans que l'imagination ne s'en empare au quart mâché pour partir dans ses délires habituels. La force de permanence dans l'être des mouvements psychiques, dont les idées inadéquates, est manifestement très puissante. Personne ne peut être contraint à la vérité.

Jusqu'à présent, et pour ce qui concerne le macroscopique, je n'ai pas entendu qu'on ait mis en cause la Mécanique classique en découvrant que de nouvelles lois de la Nature s'y étaient substituées (sur son domaine d'application même.) Et la théorie peut en être consignée en mots dans un ouvrage. Que même si personne n'en connaît plus rien, ou est incapable d'en tirer quoi que ce soit, cela n'empêche pas un être intelligent futur de repenser le tout sur la base de ce livre ; et cela correspondra toujours à la réalité, ou presque, des phénomènes mécaniques.

Sinusix a écrit :Telle est d'ailleurs la raison pour laquelle je m'inscris personnellement en faux contre deux présupposés sous-jacents à la réponse que me fait Sescho, à savoir celui d'une soi-disant vérité éternelle de la psyché humaine...

Ah oui? Déjà, le terme même "humaine" suppose l'identification là d'une essence de genre, donc d'une communauté de nature, et donc de lois exprimées. Pensez-vous que la psyché humaine ne répond à aucune loi (auquel cas la compatibilité de votre point de vue avec celui de Spinoza est très faible ; voir les extraits ci-dessus et sur Les lois de la Nature), ou seulement que l'homme n'y atteint pas la perfection ? Dans le second cas, c'est aussi pour moi une évidence ; malgré cela, "pas tout" ne veut pas dire "rien", comme toute science le montre.

Sinusix a écrit :... et, en corollaire, la présence d'invariants auxquels la philosophie aurait de tous temps eu accès indépendamment du mouvement de l'histoire.

Je n'ai pas dit "de tout temps" mais "depuis longtemps." Toute perception de loi réelle est un invariant puisque les lois sont éternelles. Et le problème éthique, de par son importance primordiale évidemment, a été le plus tôt et le mieux étudié, en particulier dans les cultures les plus anciennes.

Sinusix a écrit :Non, le mouvement de la philosophie n'est pas celui de la pensée pure, mais celui de la vie réelle et je m'efforce personnellement de garder en arrière plan, en essayant de les débrouiller, les rapports effectifs entre la Philosophie et l'ensemble du mouvement historique, eux-mêmes conditionnés, selon les croyances de chacun, au développement de la production matérielle et des rapports sociaux, eux-mêmes inséparables de l'avancement des sciences.

Paul Diel montre que c'est une erreur de confondre "culture" (spirituelle) avec "civilisation" (matérielle.)

Quoiqu'il en soit, c'est bien dans l'esprit scientifique que s'inscrit Spinoza, et il dénonce lui-même on ne peut plus nettement les dérives de l'imagination, autrement dit là de la superstition. Ce n'est pas parce que l'imagination existe que l'entendement vrai n'existe pas. "Pas tout" ne veut pas dire "rien". Et en général c'est l'entendement qui garde une trace durable ; l'imagination, elle, se renouvelle en permanence, de par sa nature volatile propre.

Spinoza se base sur la rigueur mathématique, car elle seule est représentative de la vérité pure accessible à l'entendement humain ; tout le reste relève du premier genre. Les notions communes ou axiomes et la Logique sont le fonds de vérité accessible à l'Homme. Les développements de la Physique (ou actuellement des techniques) n'ont rien à faire là-dedans. L'Occident s'est presque suicidé d'avoir cru que le salut était de rejeter tout le religieux - y compris le fond donc, avec l'eau du bain de la superstition - pour le matériel. A tel point que Freud a fait révolution avec ce qui était sans discontinuité vivant en Orient depuis plus de deux millénaires. Les obscurantistes modernes sont ceux qui, sous prétexte de science - qui n'est cependant pas mise en cause par elle-même par-là - ont perdu et fait perdre le sens éthique. Et les relativistes de tout poil, aussi. Autant l'ouverture et le souci de la vérification expérimentale me semble une qualité, autant le relativisme systématique me semble une perversion de l'esprit. Et si rien n'est universellement vrai, pourquoi discuter ?

Spinoza inaugure la psychologie scientifique. Qui peut y contredire sur le fond, c'est-à-dire de façon sainement argumentée ? Voilà la vraie question.

Spinoza dit : je vis la béatitude, et elle est accessible par le chemin logique que je montre, qui satisfait l'entendement (condition indispensable.) De quoi s'agit-il alors ? De chercher là où le bât blesse, tout ce qui pourrait être mis en cause, être conjoncturel, ou d'essayer de comprendre puis de voir en soi ce qui est signifié. De chercher l'os en vertu de ses présupposés posés en vérités ? Ou, avant de commenter et d'extrapoler, de commencer par essayer de comprendre au fond, en mesurant intuitivement en soi ce que le grand auteur a indiqué ?


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Serge
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Messagepar Enegoid » 08 mars 2009, 19:22

Bardamu a écrit :Peut-être que je me trompe mais j'ai l'impression que pour toi les sciences actuelles donnent la Vérité Vraie et que tout ce qui a précédé est faux si c'est différent. Newton s'est trompé parce qu'Einstein a donné une théorie qui englobe la sienne ? Spinoza s'est trompé parce que la physique actuelle englobe sa physique élémentaire ? Le concept d'"atome" de Démocrite ou celui d'Etendue de Spinoza sont faux parce que la physique actuelle ne part pas d'eux ?

Tu te trompes.
Je n’ai pas de problème avec l’évolution des théories physiques.
Newton ne s’est pas trompé parce qu’Einstein a découvert la relativité.
Par contre la notion d’atome de Démocrite est à réinterroger. Pourquoi pas le concept d’étendue ?

Bardamu a écrit :La physique quantique n'a pas plus de conséquence pour la philosophie de Spinoza qu'elle n'en a pour l'usage habituel de la mécanique newtonienne


Tu donnes ta conclusion, après, manifestement beaucoup de temps passé à réfléchir. Je vais, moi qui n'en suis qu'au début continuer à lire pour me forger une opinion.

Je peux cependant préciser la question que je me pose : est-ce que les axiomes 3 et 4 de Et 1, ainsi que les propositions Et1 26,27, et 28 sont (ou non) contredits par la physique ?

Je vais poursuivre ma réflexion


Enegoid a écrit:
le formalisme mathématique propre à la physique quantique est reconnu, apparemment, comme particulièrement contre intuitif

Bardamu a écrit :Par contre intuitif, on veut dire qu'il développe une représentation qui n'est pas celle du quotidien....C'est ce dont parle Bitbol dans l'article cité plus haut, la différence entre nos habitudes psycho-motrices qui déterminent notre représentation quotidienne et le monde abstrait du formalisme quantique.
Pour le reste, comme dit Spinoza, rapportons-nous-en aux mathématiciens qui ne se sont jamais laissé arrêter par des arguments de cette qualité, quand ils avaient des perceptions claires et distinctes.
Le formalisme est clair, ce n'est que les tentatives d'en faire quelque chose correspondant à notre quotidien qui échouent.
L'intuition intellectuelle de Spinoza n'est pas une capacité à s'imaginer les choses, c'est plutôt une capacité à penser les choses sans avoir besoin d'images, penser en "mathématicien". Poincaré est d'ailleurs intéressant sur ce rôle de l'intuition en mathématiques.
Au passage, même un jeu télévisé peut impliquer des choses particulièrement contre intuitives : cf le problème de Monty Hall



Je ne suis pas d’accord avec toi. Contre intuitif est plus que « contraire au quotidien ». Il y a de l’intuition en mathématiques, comme tu le dis toi-même, et pourtant les mathématiques sont largement au delà du quotidien. Pour moi, contre intuitif signifie quelque chose du genre « contraire à la façon dont nous pouvons agencer/subsumer des concepts conformément à la logique, ou à la nature de notre esprit ».

Et, d’accord, l’intuition n’est pas l’imagination.

Dans le jeu de Monty Hall (merci pour ce lien), il y a deux intuitions possibles. La simple, basée sur une analyse (2ème genre) insuffisante du problème, et la sophistiquée, basée sur la prise en compte des probabilités conditionnelles (2ème genre aussi). La sophistiquée est vraie.
Deux connaissances intuitives, l’une vraie, l’autre fausse.
Cet exemple montre pour moi la facilité avec laquelle nous pouvons nous tromper avec l’intuition.

Tu crois vraiment que la béatitude dépend de la connaissance de la physique quantique ?


Le formalisme quantique interdit toute connaissance intuitive de la structure du monde (de Dieu). Il conduit à un vide/absence de connaissance intuitive. En ce sens il est susceptible de remettre en cause l’idée d’une connaissance intuitive de Dieu, base de la béatitude spinozienne.


Le débat reste ouvert, pour moi. Merci pour les références.

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Messagepar bardamu » 12 mars 2009, 21:52

Enegoid a écrit :J’ai du mal à comprendre que tu puisses ne pas comprendre que l’on éprouve de l’intérêt à (essayer) de confronter la physique moderne à Spinoza. D’après les fils de 2004 sur ce forum, tu y as pourtant consacré toi-même bien du temps et des efforts !

Re-bonjour Enegoid,
je réponds ici à cette remarque de l'autre discussion, ce qui favorisera sans doute ma compréhension de ta démarche.

Plus haut, j'ai posé 3 questions :
1- Newton s'est trompé parce qu'Einstein a donné une théorie qui englobe la sienne ?
2- Spinoza s'est trompé parce que la physique actuelle englobe sa physique élémentaire ?
3- Le concept d'"atome" de Démocrite ou celui d'Etendue de Spinoza sont faux parce que la physique actuelle ne part pas d'eux ?

Les 2 premières parlent de physique. La physique de Spinoza est relativement primaire, il dit même des trucs qu'on trouvera ridicule dans ses lettres si on ne le prend pas d'un point de vue historique (cf les particules pointues qui donnent sa saveur au salpêtre), mais bon, ce qu'il y a de scientifiquement correct le reste.

La 3e question parle de concept. "Atome" signifie "insécable". Ca n'a pas grand chose à voir avec ce qu'on appelle "atome" aujourd'hui, c'est un concept d'arrêt de la division à l'infini. Cela correspond à une logique qu'on pourra retrouver dans certaines idées de physique (caractère "granulaire" de l'espace-temps par exemple).
L'Etendue chez Spinoza est la version "corporelle" de la substance, c'est-à-dire un rapport à la réalité selon des critères "corporels". Conceptuellement, je dirais que l'Etendue est ce qui correspond à la description de nos rapports sensori-moteurs au monde. Il conçoit ça dans une sorte de bio-mécanique avec des rapports de composition, assimilation, décomposition, chocs etc.
Je pense qu'on trouvera assez facilement des correspondances avec la biologie, l'écologie, qu'on y trouvera un même état d'esprit.

En fait, je fais une différence assez simple entre le scientifique et le philosophique. Les scientifiques ont pour langage les mathématiques et sorti de ce langage se pose le problème du sens de tout ça, de la correspondance avec l'expérience (qu'est-ce qu'on a formalisé ?), du sens physique, de la manière dont cette connaissance peut s'intégrer à notre relation au monde, du comment on en fait une conception du monde.

L'idée de base de la Relativité Générale revient à se poser la question : est-ce qu'un physicien dans un ascenseur saura qu'il est dans un champ de gravitation plutôt que tiré par un câble vers le haut ?
C'est sans doute ce que tu appelles l'"intuitif", un rapport simple à notre expérience, et on comprend qu'il n'y ait pas trop de difficulté à concevoir cela. Pour l'anecdote, quand même, demander à un spécialiste de relativité générale ce qu'est la masse, ça peut donner : "le scalaire de Lorentz associé à la norme du quadrivecteur impulsion total". C'est pas tout à fait le kilo de patates de Mme. Michu...

Avec la quantique, ça se gâte parce qu'il n'y a pas vraiment de principe physique simple à partir de laquelle elle s'est établie. Le formalisme s'est construit de manière assez aventureuse, on a vu que ça marchait, mais on ne sait pas trop ce que ça décrit. Et quand pour rendre ça intuitif on se met à plaquer des images communes, on peut être sûr à 99% que c'est faux, insuffisant pour décrire les résultats d'expérience.

Ce qu'il manque à la quantique c'est un "méta-discours" unanime, une interprétation sur laquelle tout le monde soit à peu près d'accord.
C'est, à mon sens, là-dessus que la philosophie a un intérêt, non pas dans une sorte de concurrence où on se demanderait si une équation contredit l'Etendue de Spinoza, l'atome de Démocrite ou la monade de Leibniz, mais dans une complémentarité où la philosophie offre une diversité de visions du monde qui sortent de l'ordinaire. Si la physique se trouve face à une théorie qui ne correspond pas à l'idée commune, "naïve" du monde, alors elle peut éventuellement voir du côté de pensée rationnelles mais plus bizarres. Schrödinger s'est intéressé aux Vedanta et cite à l'occasion Spinoza dans ses ouvrages. Cet intérêt n'avait sans doute pas en arrière-plan l'idée que les inégalités d'Heisenberg pouvaient ruiner les Vedanta ou Spinoza. C'était plutôt l'idée qu'il fallait compléter la physique par un cadre conceptuel lui donnant du sens, lui donnant une place dans notre relation au monde.

Donc, si Spinoza m'intéresse par rapport à la physique quantique, c'est sur des problèmes précis.

> de quoi parle la physique quantique ?
La quantique n'est plus une "physique" au sens commun, ce n'est plus un matérialisme simple. Dans les années 50-60, on s'est pas mal interrogé sur le "rôle de l'observateur", avec même des physiciens invoquant une action de la conscience sur le physique. Le retour de la glande pinéale de Descartes, pour le plus grand bonheur des "paranormalistes" et leur goût pour la télékinésie...
Avoir une conception du rapport corps-esprit, savoir comment on produit une connaissance, ce qui appartient au langage mathématico-logique et ce qui dépend d'une donnée des sens, comprendre l'engagement de l'expérimentateur dans l'expérience en cessant d'adhérer à l'idée d'observateur neutre, causes de la nécessité de probabilités etc. En gros, détermination des conditions de connaissance, de l'objet des idées et à quelle puissance on doit les rapporter, quelle logique elles suivront : action selon les critères du "bouger" ou action selon les critères du penser, logique du sensori-moteur ou logique "pure".

> quelle ontologie ou onto-logique est adaptée à la quantique
- Non-séparabilité, holisme,
- ni ondulatoire/étendu ni discret/localisé,
- "particules" pensées comme classes de mode d'existence sans relation au temps ou au lieu, être électronique, être neutronique etc.
- modèle de la corde vibrante en théorie quantique des champs,
- réalité associée au vecteur d'état c'est-à-dire à la description formelle d'une tendance des choses (dispositif expérimental) à produire un effet (gamme de mesure) ; formalisation de l'expérience, d'une cause efficiente concrète, d'une puissance d'effet permettant des prédictions en dépit de l'ignorance de la mécanique exacte, de l'effet précis à attendre ; le vecteur d'état a pour composantes les mesures à attendre, une mise en espace vectoriel du réel

En gros, une ontologie qui n'est pas celle du mécanisme "vulgaire". Plutôt que des effets de parties à parties, de rapports d'extériorité censés produire un tout, on aurait des effets internes à l'expérience qui est le tout et la cause. Une cause qui est représentée par ses puissances d'agir concrètes, ses mesures. Tout cela avec une conception "ondulatoire" du réel où des effets réels (mesures déterminées à 100% servant à définir les axes du vecteur d'état) sont composés (évolution avec superposition d'états) pour donner un effet réel résultat de la composition (mesure finale) et ceci en dépit de l'ignorance du mécanisme interne. Et cette logique des compositions de puissance du réel peut se prendre du côté du corps sur les parties où les sens donnent la détermination voulue (mise en place instrumentale, mesure) et du côté de l'esprit là où les sens sont dépassés (évolution du vecteur d'état).

Bon, c'est ma petite ontologie personnelle quanto-spinozienne, et elle ne va pas forcément emporter beaucoup de suffrages, pour autant qu'elle soit compréhensible...

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Messagepar Enegoid » 12 mars 2009, 22:47

Je réponds rapidement, sans préjuger d'une réponse plus approfondie :

L'église catholique réunit de temps en temps des physiciens pour confronter son dogme à la science, et ne pas recommencer Galilée etc. Pensez-vous que le spinozisme soit totalement à l'abri de découvertes qui remettraient sa conception de Dieu en cause ?

J'ai cru comprendre que vous n'aimiez pas beaucoup Stephen Hawkings dont je suis en train de lire "Une brève histoire du temps". Il pose des questions sur Dieu, etc.Etes-vous toujours dans les mêmes dispositions vis à vis de cet auteur qu'en 2004/2005 ?

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Messagepar Enegoid » 15 mars 2009, 19:11

"Je voudrais souligner la convergence entre les résultats de la thermodynamique de non équilibre et les philosophies de Bergson ou Whitehead. Le possible est plus riche que le réel. La nature nous présente en effet l'image de la création, de l'imprévisible nouveauté"


Ilya Prigogine. La fin des certitudes.

Citation extraite du contexte, donc discutable et interprétable de millers de manières. Je cite simplement pour montrer le grain à moudre entre science et philosophie.

Entre science et Spi aussi, donc...

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Messagepar bardamu » 15 mars 2009, 23:26

Enegoid a écrit :
"Je voudrais souligner la convergence entre les résultats de la thermodynamique de non équilibre et les philosophies de Bergson ou Whitehead. Le possible est plus riche que le réel. La nature nous présente en effet l'image de la création, de l'imprévisible nouveauté"


Ilya Prigogine. La fin des certitudes.

Citation extraite du contexte, donc discutable et interprétable de millers de manières. Je cite simplement pour montrer le grain à moudre entre science et philosophie.

Entre science et Spi aussi, donc...

Oui, Prigogine a su faire de la philosophie autour des sciences. Bien que ce soit peut-être Isabelle Stengers (spécialiste de Whitehead notamment) qui ait apporté l'essentiel de la philosophie...
D'ailleurs, l'introduction de "Process et réalité" de Whitehead est intéressante pour qui veut faire de l'ontologie aujourd'hui.
Au passage, je suis d'accord que Bergson a à voir avec la thermodynamique d'où ses difficultés avec le temps d'Einstein (cf "Durée et simultanéité").

Concernant Hawking, je n'ai trouvé dans une "Brêve histoire du temps" que quelques petites phrases qui m'ont semblé plus proche du marketing que de la philosophie. Il a peut-être fait mieux ailleurs mais je ne l'ai pas lu. Ou plutôt, je suis tombé sur un de ses papiers où affirmer que l'univers venait du néant ne semblait pas le déranger. Du vrai néant, même pas du "vide" quantique. C'est sans doute une forme d'humour so british...

Mais bon, je serais mal placé pour juger d'une absence d'intérêt des sciences pour la philosophie (et vice-versa) pour autant qu'on sache les articuler, sans les confondre.
Mon sentiment est que tu sembles juger qu'il faut choisir entre les sciences et Spinoza, que si son Etendue ne suit pas les critères de tel ou tel domaine de la physique actuelle alors elle est "falsifiée" (au sens de Popper). C'est pour ça que je te demandais ce que tu attendais d'une confrontation des sciences à Spinoza vu que ça me semblait essentiellement négatif.

Au demeurant, que choisir entre les inégalités d'Heisenberg, le déterminisme spatio-temporel d'Einstein ou le chaos déterministe de Prigogine ? Est-ce que ça fonctionne sur les mêmes concepts ? Peut-on passer d'une théorie à l'autre, dans quelle mesure sont-elles incommensurables, incomparables, parce que fonctionnant sur des paradigmes différents, sur des bases conceptuelles incompatibles ?
Pour autant qu'il y ait possibilité d'unification des sciences, et je doute que ce soit possible, on en est loin. La physique concerne les objets les plus simples des sciences, et même à ce niveau il n'y a pas d'unité. Les cosmologistes ne parviennent qu'à faire des "toy models" en enlevant ce qui est trop compliqué, et le fonctionnement d'une bête bactérie est un gouffre de complexité.

Comme je partage ses vue, je te mets l'introduction de "Aux contraires" de J.-M. Lévy-Leblond concernant le rapport aux sciences :
En cette fin de siècle [le XXe...], le précédent lui survit, et son scientisme a la vie dure : la Science encore reste l'idéal de la connaissance. Il n'est guère de recherche, de méthode, de théorie qui n'aspire à s'accoler l'épithète "scientifique" comme label de qualité. Critère de prestige aux yeux des producteurs, garantie de sérieux à ceux des consommateurs, la scientificité reste l'un des meilleurs arguments publicitaires sur le marché des biens matériels - et donc souvent, comment s'en étonner, sur celui des produits intellectuels. Certes, depuis un siècle, les slogans se sont un peu raffinés. Les triomphes de la science classique sont loin ; la machine à vapeur est oubliée, l'électronique banalisée et le nucléaire n'a plus trop bonne presse.
Mais la biologie est venue à point nommé prendre le relais de la physique pour fournir fantasmes de toute-puissance technique et de progrès social, en même temps que métaphores théoriques et paradigmes philosophiques, voire inspirations esthétiques. Et les sciences humaines ne demandent qu'à prendre la relève. Quant aux quelques discours qui récusent cette référence à la technoscience c'est en général avec l'illusion de pouvoir l'ignorer, voire de s'en débarrasser.
Mieux vaut utiliser la possibilité neuve d'un certain recul par rapport à l'impérialisme intellectuel de la science, non pour nier son importance ou son intérêt et tenter son impossible occultation, mais, au contraire pour essayer d'enfin la voir, de loin, et lui assigner une place propre dans le paysage culturel.
Il serait dérisoire de nier l'efficacité et la portée du savoir scientifique, il serait absurde de refuser l'utilisation de ses instruments de pensée.

Encore faut-il décider qu'en faire.

Je rappelle qu'il est physicien mais il a une perspective intéressante sur les sciences comme élément culturel parmi d'autres en évitant le fétichisme du technoscientifique. A vrai dire, si les ingénieurs ont besoin de "vrai", les chercheurs aiment bien tomber sur du faux, ça ouvre des champs de recherche et parfois ça fait des révolutions scientifiques.

Pour résumer ce qui m'intéresse chez Spinoza par rapport à la quantique : ce n'est pas la physique proprement dite mais son cadre conceptuel, ce n'est pas de savoir si il faut prendre les inégalités d'Heisenberg comme démonstration expérimentale d'un hasard ontologique, c'est de savoir si on a dans la quantique un état d'esprit en rapport avec Spinoza, avec la logique du non-séparable (unité substantielle / variation modale), la détermination des choses par le tout plutôt que la partie, la connaissance résultant d'une action au coeur des choses et pas d'une observation depuis une position de spectateur "transcendant" l'expérience, l'attention aux modes de connaissances, aux paramètres qui leurs reviennent (durée/éternité, localité/non-localité...) et à leurs puissances (détermination/indétermination), etc.
Bref, c'est "affaiblir" au sens logique le formalisme quantique, c'est-à-dire lui enlever les contraintes dépendant de son usage proprement scientifique, dépendant des exigences de la pratique scientifique, pour en tirer les concepts "purs" pour voir si il y a des résonnances avec une pensée philosophique.
La notion scientifique peut être prise dans une pensée philosophique en tant qu'expression particulière, comme la thermodynamique peut éventuellement exprimer la Durée de Bergson. Mais cette même pensée peut très bien s'exprimer dans une éthique de vie, une attitude intellectuelle etc., l'idée philosophique ne tire pas sa consistance des sciences, la notion scientifique est juste une porte vers autre chose, ni plus ni moins qu'une oeuvre artistique, qu'une expérience personnelle etc.
On peut entrer dans la philosophie en passant par les sciences et vice-versa, idem pour d'autres champs de pensée.

J'ai encore fait long, mais ça peut être intéressant de fixer sa position sur le rapport sciences/philosophie.

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Messagepar Enegoid » 16 mars 2009, 19:19

Merci pour Lévy-Leblond.



"Nul n'entre ici s'il n'est géomètre" disait Platon

et Spi :
et cela eût suffi pour que la vérité restât cachée au genre humain, si la science mathématique n'eût appris aux hommes un autre chemin pour découvrir la vérité



...Hommages de la philosophie à la mathématique.

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Messagepar hokousai » 17 mars 2009, 14:37

Combien de mathématiciens sur ce forum ?

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Messagepar hokousai » 17 mars 2009, 15:53

à Bardamu

Il me semble avoir compris que vous désiriez quelques contributions académiques
J’ai donc posté sur un autre fil des contributions ( nolens volens )de Marcel Conche .
1) académique :on l’a dit tel
2) sur cet autre fil : on en a parlé tout en avouant ne pas bien connaître .
3) cet autre fil est censé regrouper les idées de Korto , je n’en ai pas encore pas encore vu passer .J’y apporte donc les idées d’un autre , des idées de qualité , vous apprécierez ou pas .

Des idées de korto !! vous en avez vues vous ?

J’ai vu passer un vol de merguez ..

à par ça …

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Messagepar Sinusix » 17 mars 2009, 18:24

Bonsoir à tous,

Enegoid a écrit :Merci pour Lévy-Leblond.



"Nul n'entre ici s'il n'est géomètre" disait Platon

et Spi :
et cela eût suffi pour que la vérité restât cachée au genre humain, si la science mathématique n'eût appris aux hommes un autre chemin pour découvrir la vérité


Dans le contexte de cet échange, je viens de lire un article, déjà ancien, de Jean Petitot, et un peu difficile il est vrai par endroit, intitulé Philosophie transcendantale et objectivité physique. Visite intéressante sur le sujet abordé en passant par un territoire Kantien.

J'ai trouvé cet article sur Erudit, à l'adresse suivante : id.erudit.org/iderudit/027459ar

Amicalement


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