D'une Substance, deux physiques?

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Hipparque
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D'une Substance, deux physiques?

Messagepar Hipparque » 05 févr. 2009, 10:08

Bonjour,

N'ayant pas eu de réponse à une précédente question sur les "modalités de l'étendue", je me dis que celle-ci est, soit inepte, soit mal posée ou mal formulée, voire tout cela à la fois. Et j'essaie donc à nouveau.

Je m'interroge donc sur la compatibilité de la doctrine Spinoziste avec la physique moderne, où les lois régissant l'infiniment petit (mécanique quantique) et l'infiniment grand (relativité générale) ne sont pas les mêmes.

Ma question est donc : s'il n'est qu'une seule substance, et qu'elle exprime adéquatement toute son essence en chacun de ses modes (en l'occurence ici l'attribut de l'étendue s'exprimant à travers les corps, leurs mouvement et repos), comment deux mondes si distincts (macrocosme et microcosme) peuvent-ils cohabiter dans la nature naturée?

Je sais que des cosmologistes s'efforcent encore d'unifier les deux grandes théories physiques. Peut-on pour autant, d'un point de vue spinoziste, les appréhender comme des connaissances du second genre, ou connaissance des rapports, donc nécessairement vraies?

Par ailleurs, les lois de la physique peuvent-elles être considérées comme des modes de la Pensée? Là encore, même question : comment la Pensée, attribut d'une substance unique, peut-elle s'exprimer de façon si manifestement duelle?

Bien cordialement.

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Messagepar Enegoid » 05 févr. 2009, 11:22

    En réponse rapide, je trouve qu'il y a là une excellente question

    Tout bêtement, la, maintenant, je ne sais pas du tout comment l'aborder

    Il faut un minimum de connaissance de Spinoza et de la physique pour commencer à faire des liens. Personnellement, en physique, je n'ai que des connaissances de culture générale, ma formation (scientifique) étant un peu lointaine !

    Si vous-même avez des connaissances physiques, peut-être pourriez-vous expliciter un peu ? (Apparemment, vous avez des connaissances de Spinoza)

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bardamu
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Re: D'une Substance, deux physiques?

Messagepar bardamu » 06 févr. 2009, 00:23

Hipparque a écrit :(...)
Je m'interroge donc sur la compatibilité de la doctrine Spinoziste avec la physique moderne, où les lois régissant l'infiniment petit (mécanique quantique) et l'infiniment grand (relativité générale) ne sont pas les mêmes.
(...)

Bonjour Hipparque,
il y a eu plusieurs tentatives de discussion sur ces sujets et pour ma part je ne m'y suis pas lancé parce que ça risque de demander beaucoup de temps et de mise au point sur ce dont on parle.
Les difficultés viennent pour moi de la vision "vulgarisée" qu'on a de la quantique qui diverge de ce qu'on peut tirer d'une analyse des concepts en jeu.
A mon sens, il y aurait toute une réflexion épistémologique à mener avant de parler de quantique.

Pour qu'on puisse à peu près s'entendre, je recommande la lecture de cet article "Le corps matériel et l’objet de la physique quantique" dont la conclusion est : la matière n’est pas l’objet universel des investigations du physicien. (...) le physicien ne peut plus être dit “chercher à percer les secrets de la matière”. Son travail consiste plutôt à articuler des invariants performatifs de plus en plus étendus lui permettant de maîtriser anticipativement ceux des phénomènes qui, à son échelle et dans un cadre de pré-compréhension qui est celui de l’activité et du langage humains, se manifestent comme des indications au sujet des propriétés de corps matériels.

Je reviendrais dès que possible pour me lancer dans des développements que j'espère suffisamment synthétiques pour qu'apparaisse de manière claire mon évaluation du positionnement de Spinoza par rapport à la physique d'aujourd'hui.

Je peux dire par avance que la petite physique de Spinoza me semble peu intéressante sur ces questions et que c'est surtout dans un rapport entre logique de la Pensée (selon l'éternité) et logique de l'Etendue (selon la durée) que je vois un intérêt.
Le problème sera en fait de savoir si la quantique est dans une logique purement "corporelle" ou si en fait elle intègre une logique de la pensée, c'est-à-dire des conditions de connaissance expérimentale.

P.S. : pour les plus courageux, il y a aussi ce papier, Contexts in quantum, classical and partition logic, qui évoque une idée d'un rapport à la nature par question-réponse à partir de la question du probabilisme quantique : "Nevertheless, if one forces an agent to answer a question it is incapable to answer, the agent might throw some sort of “fair coin”—if it is capable of doing so—and present random answers."

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D'une substance, deux physiques

Messagepar Hipparque » 06 févr. 2009, 10:24

Bonjour, et merci de ces réponses,

Celles-ci me font pour l'heure surtout entrevoir l'infinité de ce que je ne connais pas... Et pourraient donc me permettre d'avancer.
Je vais lire l'article de Bitbol et essayer de reformuler encore ce qui me pose question. Je ne doute pas une seconde qu'une approche fondée sur une vulgate de la physique moderne soit génératrice de confusion...
Pour autant, l'irréductibilité de la logique quantique à la relativité générale semble elle-même irréductible, quelle que soit l'acuité avec laquelle on comprend ces deux pans de la physique. Et, encore une fois, c'est ce dualisme, cet antagonisme au sein de la nature naturée qui me semble contradictoire avec le "monisme" de Spinoza, quand bien même ce monisme est gros d'une infinité d'infinis.
Pour ce qui est de la question quantique, j'ai pu lire dernièrement que justement, Einstein lui-même récusait l'indétermination fondamentale au nom d'une vision spinoziste d'une Nature où seule se manifeste une universelle nécessité... D'où son fameux "Dieu ne joue pas aux dés".

Au plaisir de lire vos éventuels développements...

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Messagepar sescho » 07 févr. 2009, 12:58

De mon point de vue, Spinoza prend les choses le plus en amont possible, d'une part, et considère clairement l'esprit humain comme limité, d'autre part (il n'est qu'une partie de la Nature, et nullement la Nature tout entière ; de ceci découle sans discussion possible que l'esprit humain doit se trouver confronté à ses propres limites, indépassables.) Dans ce cadre, je ne vois pas bien ce qui pourrait le contredire...

La Nature est immuable et tout se produit en elle (disons suivant ses lois immuables). Dans ce cadre, même l'indétermination quantique et par exemple le cas le plus simple de la radioactivité (aucune prévision possible de l'émission d'un neutron sauf en termes statistiques) relève des lois de la Nature (que nous ne les connaissions pas n'est pas une objection recevable.)

S'agissant de la Grande Unification, je n'ai pas entendu qu'on ait définitivement prouvé qu'elle était impossible. Mais de toute façon, le problème ainsi posé me semble bancal : de deux choses l'une, soit une des deux théories prédit convenablement une observation (discriminante) et l'autre non, et la dernière doit céder sur ce terrain (le problème étant ici que la force de gravité est si faible qu'on n'est pas près d'isoler un graviton), soit ce n'est pas le cas, et je ne vois pas pourquoi on en viendrait pour autant à parler de mondes parallèles distincts tant qu'une telle observation discriminante, quoique théoriquement possible, n'est pas faite. L'intelligence humaine logée dans deux mondes distincts ? !

En bref : la Nature est en amont de l'intelligence humaine, pas en aval. Je ne vois pas qu'on contredise jamais à cela.


Serge
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Messagepar Enegoid » 08 févr. 2009, 20:30

J’espère un déroulement intéressant du débat (malgré le « circulez, y a rien à voir » ci-dessus).

En première approche (avant d’avoir lu ce qui s’est déjà dit sur le site) il me semble qu’on pourrait au moins s’interroger sur la notion de loi chez Spinoza, et sur la notion de corps.

La notion de loi de la nature n’est pas claire selon moi chez S. Qu’est-ce qu’une loi ? Un mode de la pensée ? Un mode fini ? Infini ? Elle devient encore moins claire si nous sommes en présence de catégories de lois différentes, voire inconciliables ( ?)

La notion de corps comme mode fini et déterminé de l’étendue, ne devrait-elle pas être revue ?


Mais Spinoza a écrit une éthique pour les hommes, qui relèvent bien de la physique « normale ». Peut-on imaginer une conséquence « éthique » de la physique quantique ?

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Re: D'une substance, deux physiques

Messagepar bardamu » 09 févr. 2009, 14:46

Hipparque a écrit :(...)
Pour autant, l'irréductibilité de la logique quantique à la relativité générale semble elle-même irréductible, quelle que soit l'acuité avec laquelle on comprend ces deux pans de la physique. Et, encore une fois, c'est ce dualisme, cet antagonisme au sein de la nature naturée qui me semble contradictoire avec le "monisme" de Spinoza, quand bien même ce monisme est gros d'une infinité d'infinis.
(...)

Bonjour Hipparque,
Je commence le boulot.

Première question : les propriétés correspondant aux attributs

Dans la lettre 36, Spinoza renvoient la durée, la situation et la grandeur à l'Etendue. La Raison est quant à elle censée procéder de l'éternité.
La question est donc : les attributs étant ce qui se conçoit par soi, les propriétés qui leur sont attribués s'excluent-elles ?
La pensée doit-elle être conçu comme se développant sans durée, sans lieu (non-localité), sans grandeur (d'après la mécanique du XVIIe grandeur pourrait être équivalent de "quantité de matière") ?

Deuxième question : les caractéristiques de la Relativité Générale et de la quantique

La Relativité Générale est plus ou moins l'aboutissement d'une conception mécanique, c'est-à-dire d'une conception provenant des corps en mouvement. Position, temps, vitesse, énergie etc. sont en fait considérés spontanément comme des réalités ontologiques parce que leur détermination se fait dans un cadre où on a un "observateur neutre", un observateur dégagé de ce qu'il observe. On peut sans difficulté y séparer les éléments d'expérience à partir des coordonnées spatio-temporelles et les conditions de vitesse limite de transmission d'un effet énergétique (vitesse de la "lumière"). Au passage, juste pour le plaisir, le négatif (qui n'est rien) peut aller plus vite que le positif, une ombre peut aller plus vite que la lumière.

La physique quantique a un fonctionnement tout à fait différent.
Le fonctionnement de base est le suivant :
préparation instrumentale => construction d'une représentation formelle de la préparation (vecteur d'état) => calcul de l'évolution du vecteur d'état => probabilités de mesure => mesure
On a 2 systèmes parallèles :
- préparation instrumentale et mesure correspondent à l'espace psycho-moteur commun, au laboratoire où on place des instruments, où on regarde ce qu'il se passe, où on a des objets séparés. Ce sont les caractère empiriques.
- a contrario, vecteur d'état, évolution du vecteur et probabilités de mesure, se déroulent dans un espace abstrait qui n'a pas de lien direct avec l'espace-temps. Ce ne sont pas des propriétés spatio-temporelles que l'on suit, ce sont les propensions du système expérimental à donner telle ou telle réponse selon les conditions qu'on lui impose, et ceci dans un point de vue holistique du système expérimental, sans séparabilité des éléments. Et ici l'expérimentateur est engagé dans l'expérience parce que formellement, dans la vue holistique, il n'est pas séparé de son système expérimental. Dans la théorie de base, on a un paramètre d'évolution identifié au temps commun mais pas de trajectoire, pas de "corps mobile".

Les modes de connaissance chez Spinoza
Je ne traiterais pas du 3e genre de connaissance qui me semble surtout concerner l'adhésion à la réalité des choses que le système des sciences expérimentales.

> le premier genre de connaissance (Imagination) se constitue à partir des idées des affections du corps, c'est-à-dire à partir de ce que nous livrent les sens. Les images sont la base empirique. En ce sens, on comprend que la physique de Spinoza soit une mécanique de base, celle qui correspond au cadre d'évolution empirique produisant les données des sens.

> le second genre de connaissance (Raison) ordonne les sensations de manière cohérente. Cela détermine des lois, des systèmes logiques desquels ont doit pouvoir déduire les causes de notre Imagination.
Déjà, un point sur l'épistémologie spinozienne : Spinoza reste réservé sur ce qu'on peut obtenir par l'expérience. Son mode de pensée est plutôt celui d'un théoricien de la physique qui part de principes rationnels, déroule ce qu'ils impliquent et regarde si cela correspond aux données expérimentales. Sur ce plan, Einstein me semble assez spinoziste dans sa manière de construire ses théories.

On a ensuite deux manières de concevoir la connaissance des corps.

De manière très cohérente, Einstein tenait à conserver l'idéal scientifique qui est la détermination des choses et pas l'évolution dans l'indéterminé. Pour lui, la quantique n'était pas fausse mais elle était incomplète tant qu'elle ne donnait pas des réponses déterminées sur des événements individuels. Il s'avère que dans certaines conditions, on peut obtenir des réponses déterminées sur des événements individuels. Par contre, le formalisme quantique ne fonctionne pas particulièrement sur les variables de la mécanique. Ce qui n'est pas possible (pour l'instant) c'est de décrire les expériences quantiques de la même manière que la "mécaniques" standard (temps, position, impulsion etc.) ne serait-ce que par incompatibilité de certaines observables. Les inégalités d'Heisenberg qui indique les limites de précision pour des mesures simultanées d'observables non-commutatives (désolé pour la technique...), par exemple mesure de la position et de l'impulsion, ou mesure de l'énergie et du temps.

Il y a donc deux attitudes possibles : on peut insister pour que notre connaissance des corps suive les conditions correspondant à notre échelle sensorielle ou admettre que les conditions de la physique quantique ne permettent pas de conserver ces conditions.

Au niveau de Spinoza, la distinction portera sur le mode de conceptualisation par la Raison de l'Etendue :
- l'approche de base est d'organiser les sensations en lois "mécaniques", c'est-à-dire suivant les conditions de connaissance à notre échelle,
- l'approche plus évoluée sera d'organiser les sensations (manipulations de laboratoire) dans un cadre théorique qui prend en compte les conditions de connaissance elles-mêmes. Il y a là une réflexivité de la Raison qui prend en compte les conditions d'Imagination et construit par un espace de représentation abstrait de quoi obtenir des réponses cohérentes des sens en dépit de certaines de leurs limites. Il ne s'agit plus de simplement suivre la trajectoire d'une bille ou le mouvement d'une onde sur l'eau, il ne s'agit plus de reproduire dans la pensée la logique des sens, il s'agit de construire le formalisme nécessaire pour que dans un cadre expérimental donné (contextualisme), on puisse prédire autant que possible les résultats.
A ce niveau, étant donné qu'on n'est plus dans la logique des sens, il est normal qu'on sorte des propriétés de l'Etendue telles que déterminées par Spinoza pour correspondre à notre expérience sensorielle. On entre dans une logique de l'entendement "pur", plus large que l'ordre des sens, et où on peut sortir des idées de séparabilité, de localité et de déterminisme absolu de notre connaissance des corps.

Dès que je pourrais, je tenterais de traiter plus en détail un cas étrange de la correspondance de Spinoza :
Spinoza, Lettre XVII à P. Balling a écrit :Un père, dirai-je (pour prendre un exemple tel que vous-même), aime son fils de telle façon que lui-même et le fils qu'il chérit font un seul et même être. Et comme il doit y avoir nécessairement dans la pensée (ainsi que je l'ai démontré ailleurs) une idée de l'essence des affections propres au fils et de leurs conséquences, que d'autre part, en raison de son union avec son fils, le père est une partie du fils, il est nécessaire aussi que l'âme du père participe de l'essence idéale du fils, de ses affections et de leurs conséquences ; cela aussi je l'ai plus complètement démontré ailleurs. Puisque maintenant l'âme du père participe idéalement de tout ce qui découle de l'essence du fils, le père peut, ainsi que je l'ai dit, imaginer parfois quelqu'une des choses qui en découlent aussi vivement que si elle se présentait à lui

Curieux, l'ordre de séparation des corps, des images, n'est pas respecté. Un "père" est une partie du "fils" par le biais d'une "essence idéale".
Il n'est pas sûr que cela corresponde à la pensée dernière de Spinoza mais je crois qu'on peut y voir une logique de l'entendement "pur" se distinguant de la pensée des êtres par les corps.

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Messagepar bardamu » 09 févr. 2009, 14:56

J'ai oublié :
la base de ma réflexion consiste à intégrer dans la pensée ontologique une réflexivité de la pensée sur elle-même, c'est-à-dire une réflexion sur les conditions de connaissance. La réflexivité est la méthode prônée par Spinoza dans le Traité de la Réforme de l'Entendement.

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Messagepar hokousai » 09 févr. 2009, 23:05

à Serge

En bref : la Nature est en amont de l'intelligence humaine, pas en aval. Je ne vois pas qu'on contredise jamais à cela.


Spinoza dit (en 1664)""en revanche les effets de l'imagination qui tirent leur origine de la constitution de l'âme peuvent être des présages de quelque chose de futur ..""( fameuse lettre 17)

je partage ce point de vue(en 2009) .

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Re: D'une substance, deux physiques

Messagepar Sinusix » 10 févr. 2009, 15:10

Bonjour à tous

Merci d'abord à Bardamu pour son effort de clarté et pour l'article de Michel Bitbol, autorisé s'il en est.

Je me limite pour l'instant à deux interrogations complémentaires, par rapport aux seuls extraits ci-dessous auxquels je les adosse :

bardamu a écrit :
Hipparque a écrit :(...)
Pour autant, l'irréductibilité de la logique quantique à la relativité générale semble elle-même irréductible, quelle que soit l'acuité avec laquelle on comprend ces deux pans de la physique. Et, encore une fois, c'est ce dualisme, cet antagonisme au sein de la nature naturée qui me semble contradictoire avec le "monisme" de Spinoza, quand bien même ce monisme est gros d'une infinité d'infinis.
(...)


Première question : les propriétés correspondant aux attributs

Dans la lettre 36, Spinoza renvoient la durée, la situation et la grandeur à l'Etendue. La Raison est quant à elle censée procéder de l'éternité.
La question est donc : les attributs étant ce qui se conçoit par soi, les propriétés qui leur sont attribués s'excluent-elles ?
La pensée doit-elle être conçu comme se développant sans durée, sans lieu (non-localité), sans grandeur (d'après la mécanique du XVIIe grandeur pourrait être équivalent de "quantité de matière") ?

Les modes de connaissance chez Spinoza

> le second genre de connaissance (Raison) ordonne les sensations de manière cohérente. Cela détermine des lois, des systèmes logiques desquels ont doit pouvoir déduire les causes de notre Imagination.

Il y a donc deux attitudes possibles : on peut insister pour que notre connaissance des corps suive les conditions correspondant à notre échelle sensorielle ou admettre que les conditions de la physique quantique ne permettent pas de conserver ces conditions.

A ce niveau, étant donné qu'on n'est plus dans la logique des sens, il est normal qu'on sorte des propriétés de l'Etendue telles que déterminées par Spinoza pour correspondre à notre expérience sensorielle. On entre dans une logique de l'entendement "pur", plus large que l'ordre des sens, et où on peut sortir des idées de séparabilité, de localité et de déterminisme absolu de notre connaissance des corps.

je crois qu'on peut y voir une logique de l'entendement "pur" se distinguant de la pensée des êtres par les corps.


Compte tenu des quelques éclaircissements apportés par Bardamu, et de ce qu'on peut en connaître, je ne vois pas en premier lieu que le souci se situerait au niveau d'un dualisme au sein de la nature naturée qui s'opposerait au monisme de Spinoza. En effet, ce monisme est d'ordre métaphysique, au delà de l'observateur que nous sommes, et je ne vois pas que l'opposition entre microcosme et macrocosme puisse l'atteindre. Au demeurant, le jeu des rapports de mouvement et de repos étant aggrégatif en fonction de la complexité de la construction du réel, des rapports différents de mouvement et de repos régissent l'infiniment petit et l'infiniment grand (autrement dit "l'essence" d'un boson ou d'un fermion, eux-mêmes aggrégats, s'exprime dans des rapports caractéristiques, dans un espace dimensionnel donné, au delà duquel d'autres rapports règlent les rencontres d'autres aggrégats, et ainsi de suite).

En revanche, l'exposé de Bardamu met en évidence deux difficultés majeures au regard de notre connaissance, le paradigme spinoziste identifiant notre entendement à celui de Dieu, là où nous avons des idées adéquates. Or sur ce point, il apparaît que :
1/ Dans son accès à la connaissance, le sujet cherchant à connaître modifie l'objet à connaître, ou plutôt oblige le système à lui présenter un état déterminé (le chat de Schrödinger) ; il n'y a pas d'état défini s'il n'y a pas d'observateur. On pourrait dire qu'il s'agit là du problème plus général du lien entre la structure du monde et celle de la conscience qui l'observe ;
2/ Devant les difficultés et les obstacles, le sujet connaissant est conduit à formuler l'hypothèse d'une logique de l'entendement "pur" qui lui permettrait de sortir des contradictions auxquelles le conduit la pensée des êtres par les corps.

Or, sur ce dernier point par exemple, comment ne pas retomber toujours sur le même problème du temps. Car en effet, il ne s'agit pas seulement, en matière de lois physiques, que l'homme soit conduit à penser en termes de durée, il s'agit aussi de comprendre qu'il doit le faire parce qu'il ne peut penser l'instantané (une des critiques kantiennes de certaines affirmations du spinozisme en matière d'infini).
Or, s'agissant de connaître les choses, donc d'avoir à leur sujet des idées adéquates, les mêmes que celles qui sont en Dieu même si elles sont moins exhaustives, nous ne pouvons opérer qu'en respectant le parallélisme, et ceci dans la chaîne des causes.
Or, qu'il s'agisse de la gravitation (mais le "graviton" reste encore au stade des espoirs), ou des trois autres interactions connues, l'instantanéité n'existe pas puisque les "lois" régissant les "forces" en présence sont aujourd'hui associées à des échanges de particules (les fameux bosons), lesquelles, dans le meilleur des cas, pour celles qui n'ont pas de masse, s'échangent au maximum à la vitesse c. Autrement dit, la pensée, si elle veux connaître adéquatement ce qui se passe, ne peut pas faire abstraction du temps (qui continue cependant à n'avoir aucun statut "réel").
Je pose donc la question : Est-il concevable d'aboutir à une connaissance adéquate à partir d'une logique de l'entendement pur définie comme se distinguant de la pensée des êtres par les corps, sans mettre à mal le principe fondamental de la réplication idée/objet base du parallélisme ?
De manière générale, et en pensant à la discussion que nous avons eue avec Sescho sur un autre fil, on en vient à se demander si le concept d'objet, ou de corps, chez Spinoza, en tant que spatio-temporel, ne relève pas plutôt du phénomène, c'est-à-dire de ce à quoi on peut attribuer un début et une fin observables dans l'étendue.
Somme toute, on bloque sur le même hiatus entre les deux approches (relativité et quantique) que vous exposez, à savoir le statut de la chose singulière, objet ou phénomène/événement dépendant de l'observateur, autrement dit on retombe sur deux courants philosophiques concurrents, puisqu'à ma connaissance non synthétisés.

Amicalement


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