Bonjour à tous,
Je me permets de regretter, une fois encore, cher Alcore, que vous ne mettiez pas
un minimum de rigueur formelle dans votre argumentation, ce qui me (nous) permettrait de rejeter plus aisément certaines des préventions bien senties de PhiPhilo.
Ce préambule étant assumé, et preuve qu'on peut, sinon penser, du moins faire réfléchir sur et par Internet, je reviens sur quelques une de vos observations que j'ai eu le bonheur de croire pouvoir comprendre.
alcore a écrit :bardamu a écrit :Je suppose que c'est ce que veut dire alcore : partir de Dieu comme composition absolument infinie dont l'unicité n'est qu'une propriété parce qu'il n'y a pas d'Autre.
Oui !
A une nuance près c'est que je fais une distinction (reste à voir si Spinoza la fait aussi clairement) entre ce qui est autre et ce qui est extérieur.
Il me semble que cette distinction est omniprésente dans l'Ethique et constamment enveloppée dans le
commerce causal.
Remarquons deux choses :
1/ La
causalité externe, laquelle s'accompagne de la distinction numérique, n'a de sens qu'à l'égard des modes finis.
2/ Sur le plan de l'essence, il n'y a pas de causalité extérieure (les essences étant indépendantes de toute détermination par les causes extérieures).
Analysons ceci à la lumière de :
1/ E1 Axiome V, selon lequel :
Les choses qui n'ont rien de commun entre elles ne peuvent pas non plus se comprendre l'une par l'autre, autrement dit, le concept de l'une n'enveloppe pas le concept de l'autre. J'en conclus, compte tenu de E2P7, que la réalité (l'existence) de l'une n'enveloppe pas la réalité (l'existence) de l'autre.
2/ E1P3, selon laquelle :
Des choses qui n'ont rien de commun entre elles, l'une ne peut être cause de l'autre.
3/ E1P17 Scolie, selon lequel :
Le causé diffère de sa cause précisément par ce qu'il tient d'elle.
Synthétiquement résumé, ceci me semble bien signifier que, dans le commerce des choses, il ne peut jamais y avoir de causalité adéquate de A vers B, dans l'expression A cause B ; par conséquent, s'il y a bien
extériorité de A vers B, sur le plan des existences, il n'y a pas, du fait du mode de fonctionnement du monde des essences, depuis la tour de contrôle qu'est la substance,
d'altérité au niveau des essences, la plage de recouvrement se situant, selon les cas, à un plus ou moins haute niveau de complexité. C'est d'ailleurs en ce sens que, personnellement, je ne crois pas à l'essence singulière de la chose singulière, mais à l'essence de genre de la chose singulière.
alcore a écrit :Il me semble que l'affirmation : rien n'est hors de la substance, n'est pas équivalente à : rien n'est autre que la substance, puisque précisément la substance est autre que les modes et les modes autres que la substance (c'est la définition même du mode)
Il me semble que ce qui est DANS la substance peut très bien être autre chose que la substance, sans quoi on ne voit pas où s'arrêterait la substance et commenceraient les modes.
On pourrait imaginer ceci de la façon suivante.
Supposons que (étant précisé que les modalités rendant possible l'expérience pourraient contredire le principe "philosophique) je place dans un même récipient ad hoc 2N atomes d'hydrogène pris dans une lointaine galaxie, et N atomes d'oxygène pris sur notre bonne vieille terre, alors même que "les histoires" desdits atomes se sont éloignées depuis plusieurs milliards d'années, nous devrions obtenir N molécules d'eau (c'est ainsi que je comprends la référence à l'eau dans E1P15 Scolie). Quelle que soit la façon dont on "interprète" le phénomène (totalité de l'information universelle présente dans toute chose singulière ou "présence universelle indivisible" des lois), il y a bien mise en jeu d'un principe situé DANS la substance, tout en étant AUTRE que la substance, ou plutôt n'étant qu'une partie de la substance. J'observe qu'on ne peut restreindre ce principe de la Loi à un attribut (par exemple la Pensée au sens de l'intelligibilité de la Loi), mais que "la Loi" en question, porte bien entendu effet sur tous les attributs simultanément.
Quelque simpliste que soit cet exemple (pas plus que la quatrième proportionnelle), il permet "d'imager" ce qu'il faut comprendre par cause immanente, les molécules d'eau n'étant que la forme nouvelle, extérieure à eux, de la collection d'atomes mis en présences, placés sous la férule inévitable des lois indivisibles de la substance indivisible, c'est-à-dire, malgré cette extériorité, constitutifs d'un mode distinctement organisé de la même réalité sous-jacente.
C'est pourquoi, me semble-t-il (la causalité émanative étant provisoirement mise de côté, qui pourrait être considérée comme dissociation de l'unité indivisible de la substance entre "ses lois" et la partie d'elle même sur laquelle elle ferait porter ces lois, en "l'évacuant" d'elle-même), la notion de cause transitive se limite à une classe particulière d'effets, ou d'affections.
J'aurais en effet inclination à chercher à distinguer, comme je l'ai déjà exprimé et ce qui pose maints problèmes d'analyse, le commerce des choses débouchant sur un
être nouveau (hydrogène + oxygène ; fruit humain de la rencontre de Pierre et Marie) et celui débouchant sur une
situation nouvelle entre êtres ayant conservé, nonobstant l'affection mutuelle, leur identité (le coup de pied dans le ballon). A partir du moment où, dans le deuxième cas, aucunes essences nouvelles autres que celles du pied et du ballon ne sont appelées à intervenir (sous réserve des attendus contextuels du jeu de ballon), il est facile de parler de cause transitive puisque la tour de contrôle n'intervient pas et que, de mon point de vue, le déterminisme Spinoziste n'intervient qu'au seul niveau du rapport entre la trajectoire du ballon et les caractéristiques du coup de pied donné.
alcore a écrit :L'altérité n'est pas l'extériorité.
Dont acte.
alcore a écrit :En outre, cette distinction n"invalide pas la possibilité plus difficile à évaluer chez Spinoza d'une extériorité INTERNE à la substance, sans laquelle je ne vois pas comment comprendre la divisibilité des modes.
C'est là qu'on peut vous reprocher de tomber dans le galimatias.
alcore a écrit :En effet, quand Spinoza dit que les effets de l'attribut sont DANS l'attribut, que signifie ce "dans" ?
N'est-ce pas tout simplement que la conjugaison de deux pensées est encore une pensée, ou que l'effet dans l'Etendue de la rencontre d'un astéroïde et de la terre va être constaté dans l'Etendue.
alcore a écrit :La lecture spontanée est soit spatialisante soit aristotélicienne. on se représente un espace DANs lequel les modes seraient ou bien un sujet dans lequel les modes seraient.
Avec le minimum de rigueur formelle, que deviendrait cette phrase, s'il vous plaît.
alcore a écrit :Mais précisément les modes ne sont DANS la substance que dans la mesure où ils sont des EFFETS ; or un effet est toujours distinct de sa cause ; la cause pose un effet comme distinct d'elle. La causalité consiste précisément à poser de l'extériorité et en même temps a reprendre l'effet en le rattachant à la substance comme un mode. Etre DANS la substance cela signifie: ETRE DANS LA CAUSALITE, cad être pris dans la force qui pose.
C'est ce que j'ai essayé de développer ci-dessus, si j'ai bien compris cette phrase un peu ésotérique à première lecture.
alcore a écrit :D'où une double distinction à mon sens :
a) altérité-extériorité
b) extériorité absolue-extériorité relative
Les modes sont autres que la substance et extérieurs à la cause tout en étant DANS la substance.
Après analyse, on a l'impression de concevoir/comprendre ce que vous voulez dire. Mais l'impression seulement.
C'est pourquoi je pense, comme PhiPhilo, qu'il faut un minimum de rigueur formelle et/ou explicative, car il me semble illusoire, sauf à tomber dans le "jeu de mots" de vouloir résumer en une ligne ce qui exige, pour être conçu/compris, la manipulation de nombreuses démonstrations.
alcore a écrit :Sans quoi, encore une fois, d'où viendrait la divisibilité des modes ? Où s'arrête la substance ?
La substance ne s'arrête nulle part. Quel que soit le mode qu'un entendement infini puisse concevoir, il est "en puissance" déjà là.
C'est cela l'infini en acte.
Amicalement