Cher Hokousai,
En préambule, je vous rappelle que mon intérêt pour ce site provient de l'exceptionnelle plateforme (en étendue et en puissance) de questionnements fondamentaux que permet la lecture de l'Ethique. Ceci dit, les confrontations d'idées (confrontation étant pris dans son sens pacifique) me paraissent devoir être
reclassées dans une triple perspective :
- Les idées interprétatives de la pensée de Spinoza, pour lesquelles j'apprécie l'apport des spécialistes, en ce compris le Professeur de Philosophie, ès-qualité ;
- Les idées qui mettent en cause la pensée de Spinoza, position à laquelle j'arrive "souventes fois", laquelle peut d'ailleurs éventuellement se trouver bien d'une correction par les spécialistes ;
- Les idées qui n'ont pas de connexion visible avec la pensée de Spinoza, que chacun gère comme il l'entend, dans le respect de la charte et sous le contrôle des administrateurs.
En bref, ni thuriféraire, ni sacrilège.
Lequel préambule a pour unique objet de recadrer mes remarques ci-dessous.
hokousai a écrit :là on ne sera pas d'accord.
Ce qui peut prétendre à être "universellement" compris de manière univoque, c'est la la vérité des mathématiques .Encore que, l’ecole de bourbaky l' a montré, des compréhensions différentes d'autres, puissent être logiquement construites.
En vous exprimant ainsi, vous balayez d'un revers de main tout le spinozisme puisque, me semble-t-il, il repose sur l'universelle vérité des idées adéquates (notions communes, du 2ème genre, et idées/vérités issues de la déduction génétique par les causes, du 3ème genre).
En bref, les idées adéquates étant les mêmes
en nous (c'est-à-dire en tout être humain, quel qu'il soit, mais pour autant qu'il ait lesdites idées adéquates) et
en Dieu, il n'y a aucune différence qualitative, ou formelle, entre ces idées, quelle que soit l'âme qui a ces idées (la différence entre les âmes, c'est-à-dire entre les êtres, est liée
au nombre d'idées adéquates qu'elles ont).
Il y a donc bien, pour Spinoza, matière à compréhension universelle univoque de la notion de Dieu, et conséquemment de toutes les idées adéquates qui en découlent (la totalité de la connaissance attachée à l'attribut Etendue donc), telle est en tout cas sa conviction.
Est-ce que je la partage est une autre histoire ?
hokousai a écrit :A la limite c'est comme la logique les mathématiques ne disent rien sur le monde.
Je ne partage pas ce point de vue, mais ceci, pour une raison simple évoquée plus bas et qui s'inscrit dans le droit fil de la remarque judicieuse de Bardamu : je cite :
Certains utilisent la peinture pour illustrer une philosophie, d'autres peuvent utiliser les mathématiques, la physique, la biologie etc.En effet, il n'est écrit nulle part que Dieu ait un langage particulier pour "réifier" les idées, de telle sorte que les êtres pensants puissent communiquer entre eux. Pourquoi le langage serait-il la seule "transcription" dans l'étendue permettant de ce faire ?
hokousai a écrit :Voyons des distinctions de Carnap (pour changer de Wittgenstein )et je vous cite un professeur ( Stéphane Vial )
Selon Carnap, en effet, il faut distinguer trois types d’énoncés : les énoncés analytiques (ou « tautologiques » selon Wittgenstein), qui ne disent rien sur le réel, comme les formules de la logique et des mathématiques
Si les mathématiques (mais c'est vrai d'autres langages, comme le suggère Bardamu) ne disent rien sur le réel, comment expliquer leur efficacité pour envoyer Armstrong sur la Lune. C'est bien qu'il y a, et ce n'est pas la seule, une expression mathématique de l'Etendue.
hokousai a écrit :les énoncés empiriques, qui sont fondés sur des observations et des vérifications, comme les énoncés des sciences expérimentales ;
et enfin les énoncés qui ne sont ni analytiques ni empiriques et sont donc dépourvus de sens, comme les énoncés de la métaphysique.
Nous sommes là très loin de Spinoza.
Il serait intéressant de savoir quel est le statut "ontologique" attribué à l'énoncé chez Carnap car je crains que le chat ne se morde la queue. Poser la question : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? est-il un énoncé empirique ou métaphysique ? N'est-ce pas plutôt les deux à la fois ?
hokousai a écrit :Carnap ne voyait pas de sens aux énoncés métaphysiques, plus précisément il voyait qu'ils étaient dépourvus de sens et encore plus précisément il comparait avec ce qui pour lui avait du sens.
Pour moi Carnap s' était auto- amputé d'un hémisphère du sens , d 'un hémisphère qui nous est naturellement attribué.
Cette conclusion me soulage.
hokousai a écrit :Les mathématiques, en général, reposent sur une construction génétique , ce n'est pas propre aux mathématiques modernes .Toutes les sciences reposent sur des construction génétiques.
Cela nous entraînerait trop loin, mais je ne crois pas que cette affirmation soit fondée, ou bien nous n'employons pas génétique au sens de l'irréfragable nécessité logique dans lequel l'emploie Spinoza, en s'inspirant justement du
mos geometricus.
hokousai a écrit :Spinoza enchaîne des concepts de l'esprit (des idées ) ..
Essentiellement dans sa démarche il ne traite pas d'idées mathématiques.
Le langage utilisé est le latin, un peu de Néerlandais, mais la méthode est, pour lui, d'esprit géométrique. La difficulté de ce problème des idées est que, nous ne pouvons faire autrement, nous confondons le véhicule langagier et la
syntaxe démonstrative.
hokousai a écrit :Si je n’ai guère d’appétence pour les philosophes mathématiciens (Leibniz ,Husserl…. ,Badiou par exemple ou Desanti ou Vuillemin ( j’ excepte Poincaré), c’est parce que ayant enseigné les mathématiques je sais ce qu'elles ont de si différent du monde qu’on ne finit plus par y parler du monde naturel, mais d’un autre monde.
Je comprends fort bien ce que vous voulez dire. Mais le problème ne peut provenir des mathématiques, mais bien plutôt des êtres réels que sont les "mathématiciens". La même banalité peut être dite de tous, y compris des philosophes. Qu'est-ce au demeurant que le monde naturel ?
hokousai a écrit :On a chez Spinoza une métaphysique qui se réincorpore le monde, tout le monde, ce qui ma foi est assez rare dans la philosophie . Peut-on même parler de métaphysique spinoziste ? il y a spéculation, c’est une philosophie spéculative au sens où Whitehead la définit en début de « procès et réalité ».
"la philosophie spéculative est l’entreprise qui se donne la tâche de bâtir un système cohérent, logique et nécessaire, d’idées générales où chaque élément de notre expérience puisse prendre place et sens"
Là je vous donne quelques armes car Whitehead était un mathématicien.
Oui, car cette définition me paraît se rattacher au profond optimisme qui inonde l'Ethique, ce qui aurait tendance à accréditer qu'il doit y avoir, en maints endroits, des erreurs de raisonnement.
Amicalement