Immanence Dieu/monde ?

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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conatus
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Immanence Dieu/monde ?

Messagepar conatus » 23 févr. 2010, 14:38

à la question,ce qui est produit par dieu est produit en lui ou hors de lui?
le rabbin me répond "le monde n"est pas l'endroit de dieu,mais dieu est l'endroit du monde,cela signifie qu'il soutient tout et dans cette mesure tout est en lui.

quelles réflexions cela vous inspire t il

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sescho
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Messagepar sescho » 24 févr. 2010, 19:58

C'est osé pour un premier message de vouloir stimuler aussi sèchement - sur une excellente problématique, cela dit - les membres du forum...

Mais comme ce peut être aussi une façon déguisée (la plus simple) de faire faire une dissertation sans avancer quoi que ce soit, je vous propose d'étoffer significativement votre intervention...
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Miam
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Messagepar Miam » 26 févr. 2010, 13:17

Je trouve que cette réponse rabinique résume assez bien la complexité de la position divine dans la métaphysique spinozienne.

Tout est en Dieu, certes. Mais il y a quand-même une faille entre les natures naturante et naturée, entre la substance infiniment infinie et les modes, furent-ils infinis - entre l'indivisible et le divisible - entre le monde que perçoit un entendement humain : deux attributs seulement et d'autre part l'absolue nécessité d'une inifinité (indémontrée) d'attributs pour qu'il y ait seulement de l'être.

Si la métaphysique spinozienne décrivait une immanence absolue, il s'agirait d'un simple naturalisme. L'immanence spinozienne est limitée à l'infini par la question du fait de l'être. Cela ne veut pas dire qu'on y trouve une transcendance, du moins dans l'acception chrétienne ou musulmane de cette notion : Dieu n'est pas autre chose que ce qu'il produit. Néanmoins la raison de cette production demeure incompréhensible. Si l'on réfléchit bien, c'est précisément ce que signifie "causa sive ratio" : la cause est la raison parce qu'il n'y a pas de raison à cette cause. Il n'y a pas de raison qu'il y ait de l'être : c'est un fait. Voilà qui retourne complètement la lecture phénoménologique de cette formule.

Par ailleurs on ne peut nier la culture juive à la base de la pensée spinozienne. On y retrouve plus que dans toutes les autres religions monothéistes ce même paradoxe : Dieu est le Très-haut, au superlatif, dépassant par la même la transcendance des dieux chrétiens ou musulmans. Mais c'est là précisément le seul moyen de le rendre immanent sans verser dans l'idolâtrie consistant à l'identifier à un étant au monde. Le monde que nous percevons (deux attributs) ne rend pas compte de l'infinité infinie de Dieu : le monde n'est pas l'endroit de Dieu. Au contraire. Pourtant tout est immanent à Dieu, tout est en Dieu.

Il est assez déplorable que la plupart des "théologiens" et philosophes juifs détestent Spinoza. Sauf Atlan qui justement montre bien ce que je viens d'indiquer, notamment via Crescas, Schlomo Eliachoff, le Maharal de Prague, etc...

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Messagepar AUgustindercrois » 03 mars 2010, 10:43

Dieu est la nature naturée et la nature naturante.

Il est le Père, le Fils et le Saint Esprit.

Il est la Substance, qui est dedans et en dessous, et l'Esprit, et le Corps.

Mais il est aussi cet "infini d'infinis" dont parlent Miam et Spinoza au dbéut de l'Ethique, cette part si lumineuse qu'elle est totalement obscure.

Et j'espère que ton rabbin t'a parlé du Tikkoun Olam, haver!

http://fr.wikipedia.org/wiki/Tikkoun_olam

Haver shalom

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Messagepar spispy » 04 mai 2010, 12:15

bonjour chacune, chacun,

Je débute complètement ds l'étude de Spinoza, et suis nouveau sur le site. Je me donne environ un an pour non seulement comprendre son oeuvre, de vie et écrite, et l'intégrer, l'assimiler jusqu'au niveau de mon propre vécu.

Cela fait que j'ai pour l'instant plutôt des questions à poser que des réponses ou des commentaires fondés à apporter. je suis aussi, sur le plan philosophique, relativement profane également. Un "mr tt le monde" quoi.

La question qui pour l'instant me vient concerne le dépassement de Berkeley: que dit Spinoza qui prouve que le réel n'est pas seulement ds nos esprits? que le ''réel''n'existe pas uniquement ds l'esprit de Spinoza qui en fait l'expérience mais aussi à l'extérieur de lui et de ses perceptions?

Et si "Dieu est le lieu du monde", c'est à dire comme son territoire, le monde serait la ''carte géographique'' de Dieu c'est à dire sa pensée. N'est ce pas un simple anthopomorphisme de le formuler ainsi, en séparant Dieu d'une réalité "hors de Dieu"?

Au fond, en posant ainsi la question, j'ai bien conscience qu'elle est sans doute mal posée, et qu'en la posant simplement plus adéquatement, la réponse spinoziste ne peut manquer de se faire claire comme le jour, mais je ne parviens pas à la poser autrement. Merci d'avance à qui pourra m'éclairer un peu sur ce sujet.

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Messagepar sescho » 11 mai 2010, 10:20

La question du "réel seulement dans notre esprit" est pour moi une question "vide" (qui ne peut être soumise à la preuve - qui demande de toute façon des prémisses, indémontrées par nature -, d'autant moins que toute preuve passe par notre esprit.) Que pourrions-nous savoir en dehors de notre esprit puisque nous ne pouvons rien savoir que par lui?

Dieu-Nature est simple et l'homme en fait partie ; la vérité est norme d'elle-même, par les attributs de clarté et de distinction (pures), et les idées claires et distinctes sont vraies comme celles de Dieu-Nature même et en traduisent exactement la nature (pour ce qu'elles recouvrent.) Telles sont en substance les prémisses de Spinoza en la matière. Je ne vois rien qui répugne là à la simple Raison, et qu'il faille instiller un doute (que je juge maladif en l'occurrence) là-dedans.

Sur la hiérarchie ontologique : tout est en Dieu et se conçoit (non pas par soi mais) par Dieu. Il n'y a donc rien en dehors de Dieu (E1P15). Par ailleurs le « parallélisme » fait que les idées et les corps se correspondent parfaitement « en miroir », Etendue et Pensée étant attributs d’une nature unique : Dieu-Nature. L’Entendement infini (ou Idée de Dieu) est le miroir du Mouvement, l’essence duquel est aussi celle de tous les corps et affections de corps « possibles » (ceci dit sous le point de vue temporel.)

Ceci étant acquis, il y a néanmoins là une difficulté (ce point est en particulier l’objet principal des deux dialogues du CT, qui à mon goût ne sont pas pleinement convaincants) : Dieu est-il seulement substance ? Auquel cas, les modes ne pouvant pas se déduire de la substance – laissant de côté que, au sens commun, « substance » ne se comprend que par opposition à « mode » –, il faudrait en conclure que quelque chose s’ajoute à Dieu. Ou est-il aussi les modes de manifestation de cette substance (qui de toute façon ne se conçoivent que dans cette substance et pas ailleurs) ?

Une distinction existe aussi dans le Vedanta entre nirguna brahman (avec cette différence de la qualification par les attributs chez Spinoza) et saguna brahman, et dans le Christianisme ésotérique (au moins.)

La difficulté s’enracine dans l’ordre de l’entendement : les attributs sont concevables sans modes (et en outre par eux-mêmes, c’est-à-dire sans cause en dehors d’eux-mêmes), alors que les modes ne se conçoivent que dans leurs attributs. Les corps sont des manières d’être étendu, de même que les pensées sont des manières d’être pensé. On conçoit pourtant l’être étendu sans mode, et de même pour l’être pensé (que l’on peut expérimenter : conscience sans pensée, ou sous-jacente aux pensées.)

Dieu, étant en amont de tout, en soi et se concevant par soi, donc infini et éternel, ne peut être que substance… en premier lieu.

Mais les modes infinis (Mouvement et Entendement infini ou Idée de Dieu) sont ensuite posés (même si E1P21 me semble plutôt tautologique) comme infinis, éternels et donc immuables, découlant de la nature absolue des attributs. L’infinie modification de Dieu est affirmée a priori dès E1P16, et il est fait état à la suite (E1P17) des lois de la nature divine (ce qu’on trouve à de très nombreuses reprises, en particulier dans le TTP.) Or de quelles lois pourrait-il être question si ce n’est celles du Mouvement et de son parallèle pensé ?

Spinoza a écrit :E1D6 : J’entends par Dieu un être absolument infini, c’est-à-dire une substance constituée par une infinité d’attributs dont chacun exprime une essence éternelle et infinie.

E1P1 : La substance est antérieure en nature à ses affections.

E1P16 : De la nécessité de la nature divine doivent découler une infinité de choses infiniment modifiées, c’est-à-dire tout ce qui peut tomber sous une intelligence infinie.

E1P17 : Dieu agit par les seules lois de la nature et sans être contraint par personne.

E1P18 : Dieu est la cause immanente, et non transitive, de toutes choses.

Démonstration : Tout ce qui est, est en Dieu et doit être conçu par son rapport à Dieu (en vertu de la Propos. l5), d’où il suit (par le Coroll. 1 de la Propos. 16) que Dieu est la cause des choses qui sont en lui ; voilà le premier point. De plus, si vous ôtez Dieu, il n’y a aucune substance (par la Propos. 14), c’est-à-dire (par la Déf. 3) aucune chose qui, hors de Dieu, existe en soi ; voilà le second point. Donc, Dieu est la cause immanente et non transitive de toutes choses. C. Q. F. D.

E1P25C : Les choses particulières ne sont rien de plus que les affections des attributs de Dieu, c’est-à-dire les modes par lesquels les attributs de Dieu s’expriment d’une façon déterminée. Cela est évident par la Propos. 15 et la Déf. 5.

E1P28S : … Dieu ne peut être appelé proprement la cause éloignée des choses particulières, si ce n’est afin de distinguer cet ordre de choses de celles que Dieu produit immédiatement, ou plutôt qui suivent de sa nature absolue. Par cause éloignée, en effet, nous entendons une cause qui n’est liée en aucune façon avec son effet. Or tout ce qui est, est en Dieu et dépend tellement de Dieu qu’il ne peut être ni être conçu sans lui.

E1P29 : Il n’y a rien de contingent dans la nature des êtres ; toutes choses au contraire sont déterminées par la nécessité de la nature divine à exister et à agir d’une manière donnée.

Scholie : Avant d’aller plus loin, je veux expliquer ici ou plutôt faire remarquer ce qu’il faut entendre par Nature naturante et par Nature naturée. Car je suppose qu’on a suffisamment reconnu par ce qui précède, que par nature naturante, on doit entendre ce qui est en soi et est conçu par soi, ou bien les attributs de la substance qui expriment une essence éternelle et infinie, c’est-à-dire (par le Coroll. 1 de la Propos. 14 et le Coroll. 2 de la Propos. 16) Dieu, en tant qu’on le considère comme cause libre.
J’entends, au contraire, par nature naturée tout ce qui suit de la nécessité de la nature divine, ou de chacun des attributs de Dieu ; en d’autres termes, tous les modes des attributs de Dieu, en tant qu’on les considère comme des choses qui sont en Dieu et ne peuvent être ni être conçues sans Dieu.

E2P8 : Les idées des choses particulières (ou modes) qui n’existent pas doivent être comprises dans l’idée infinie de Dieu, comme sont contenues dans ses attributs les essences formelles de ces choses.

Je souligne « en tant que », car cela marque une vue partielle des choses. Le CT précise :

Spinoza a écrit :CT2Ch8 : … Par nature naturante, nous entendons un être qui, par lui-même et sans le secours d'aucune autre chose ..., peut être connu clairement et distinctement, tel qu'est Dieu : c'est en effet Dieu que les Thomistes désignent par cette expression ; mais la nature naturante comme ils l'entendaient était un être en dehors de toute substance.

La nature naturée se divisera en deux parties, l’une générale, l’autre particulière. La première se compose de tous les modes qui dépendent immédiatement de Dieu (nous en traiterons dans le chapitre suivant) ; la seconde consiste dans les choses particulières qui sont causées par les modes généraux, de telle sorte que la nature naturée, pour être bien comprise, a besoin d'une substance.

CT2Ch9 : (1) Quant à ce qui concerne la nature naturée générale, c'est-à-dire les modes ou créatures qui dépendent immédiatement de Dieu ou sont créées par lui, nous n'en connaissons pas plus de deux, à savoir le mouvement dans la nature et l’entendement dans la chose pensante, lesquels modes sont de toute éternité et subsisteront pendant toute éternité. Œuvre vraiment grande et digne de la grandeur de son auteur !…

Les modes apparaissent donc comme des modes de manifestation de leur attribut et dans leur attribut (image des vagues dans l’océan, ou - un peu plus juste - d’ondes de pression dans l’eau.) Les ondes sont dans l’eau, sont des modes de manifestation de l’eau, mais quand bien même le mouvement qui se manifeste par les ondes fût-il de toute éternité et ne pouvant être absolument distingué de l’eau, l’entendement n’en conçoit pas moins l’eau sans ondes : l’eau est le substrat des ondes et seule (pour les besoins de l’exemple) substance.

Note : mais si l’on admet aujourd’hui « matière = énergie » en termes de « Etendue = Mouvement », alors il n’y a pas lieu de faire cette distinction (ce qui ne peut être vu en retour comme un problème concernant la pertinence de l’entendement que si celui-ci conduit à la fausseté, ce qui n’est pas le cas in fine), la relation Dieu / choses singulières est immédiate, c’est-à-dire sans saut ontologique Attributs ==> modes infinis.

Donc tout est en Dieu ; il n’y a rien en dehors de Dieu ; Dieu est tout, modes compris. Mais tout n’est pas Dieu (c’est la véritable portée sémantique de E2P10, C et S : l’essence de Dieu n’appartient pas à l’essence des modes, à tout le moins finis.) On peut probablement dire que tout est « du Dieu. »

Mais il y a néanmoins une hiérarchie qu’il est absolument essentiel de ne pas oublier : seul Dieu est sans cause et s’imposant de lui-même. Les modes finis sont des manifestations de la nature de Dieu, qui ne peuvent être considérés comme étant en eux-mêmes mais seulement comme étant en Dieu. Ils sont entièrement gouvernés par les lois de la nature divine. Le libre-arbitre n’existe pas, le « je substantiel libre auteur de ses actes » n’existe pas. L'homme n'est libre comme Dieu (en partie) que quand il est dégagé de ces erreurs et au contraire pleinement conscient de Dieu-Nature même.
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Messagepar spispy » 11 mai 2010, 12:13

Au fond, à l’idée d’un Dieu qui ‘’se retire’’ pour créer le monde et lui laisser ‘’de la place’’ (kabbale) un Dieu qui serait en quelque sorte le ‘’reste’’ du monde, Spinoza décrit le déploiement d’un Dieu qui prends au contraire tte la place, tte Sa place. Et à son image, au lieu d’un homme mis à l’écart, celle d’un homme pleinement vivant, déployé et intégré.

Ceci dit mon manque de culture philosophique m’empêche de comprendre facilement ce que tu dis sescho, particulièrement ton 2ème paragraphe. Et en quoi un doute serait maladif là où il s’agit de comprendre plus clairement ce qu’il en est du réel extérieur à moi, que certains appellent ‘’réalité du 1er ordre’’, par rapport aux interprétations que j’en fais (que chacun fait) ou « réalité du 2ème ordre‘’. Le constructivisme est il maladif?
Modifié en dernier par spispy le 13 mai 2010, 00:22, modifié 1 fois.

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Messagepar sescho » 12 mai 2010, 18:30

spispy a écrit :Au fond, à l’idée d’un Dieu qui ‘’se retire’’ pour créer le monde et lui laisser ‘’de la place’’ (kaballe) un Dieu qui serait en quelque sorte le ‘’reste’’ du monde, Spinoza décrit le déploiement d’un Dieu qui prends au contraire tte la place, tte Sa place. Et à son image, au lieu d’un homme mis à l’écart, celle d’un homme pleinement vivant, déployé et intégré.

C'est tout à fait juste de mon point de vue. J'ajouterais cependant que l'homme n'est vraiment homme que lorsqu'il est libre de l'imagination, du désir passif, des émotions (mais pas des sentiments - l'Amour avec un grand "A" tout spécialement -, bien au contraire, pour reprendre la distinction d'Arnaud Desjardins) et de la collection de passions qui en découlent. L'homme vraiment homme ne peut qu'être conscient de Dieu-Nature en tout, en amont de tout et de toute conception valide, avec toutes ses conséquences (ce qui n'est pas automatique, c'est le moins que l'on puisse dire...)

C'est pourquoi il y a bien un enjeu éthique chez Spinoza (il a d'ailleurs intitulé "Ethique" son œuvre majeure...) L'homme n'est qu'une partie de la Nature confrontée aux autres parties et de là est potentiellement (et massivement de fait) soustrait à l'expression de sa pure nature (ce qu'ailleurs on a appelé "péché originel.") Ceci alors même que tout sans exception - tout individu humain et tout acte humain compris -, est œuvre divine et à ce titre aussi "parfait" que Dieu même.

C'est paradoxal, mais absolument juste : Dieu a toute la place et toute Sa place. C'est le point de vue de Dieu, absolu. Un homme (il convient de s'interroger sur ce que l'on entend par là, car ce n'est pas du tout aussi clair que Dieu) ne prend toute sa place que quand il est "fils de l'Homme."

spispy a écrit :Ceci dit mon manque de culture philosophique m’empêche de comprendre facilement ce que tu dis sescho, particulièrement ton 2ème paragraphe. Et en quoi un doute serait maladif là où il s’agit de comprendre plus clairement ce qu’il en est du réel extérieur à moi, que certains appellent ‘’réalité du 1er ordre’’, par rapport aux interprétations que j’en fais (que chacun fait) ou « réalité du 2ème ordre‘’. Le constructivisme est il maladif?

Ma propre culture philosophique se limite à la Philosophie morale, en commençant par tous les Anciens. Si je ne regarde pas sur Internet, je n'ai même aucune idée de ce que sont une infinité de "-isme." Donc je n'en conteste aucun...

Il est certainement très bon de soumettre les choses à la question : tout mettre à l'épreuve. Maintenant il y a bien un doute maladif, qui consiste à tout remettre en cause pour tout remettre en cause, systématiquement, même ce qui s'impose clairement et distinctement (même Descartes a dû en revenir pour produire quelque chose au-delà de son cogito - qui valait cependant la peine en affirmant l'être par la conscience comme vérité première.) Je ne voulais pas signifier autre chose.
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Messagepar spispy » 13 mai 2010, 00:17

C'est vrai aussi pour moi que (se) remettre en questions perpétuellement est quasi maladif en ce sens que cela empêche certainement un déploiement de soi même plus large et la sérénité intérieure.

Je parlais plutôt, et simplement, d'une difficulté à saisir la réalité du monde sensible, la question, classique, de l'existence de l'être en dehors de la connaissance que ns en avons.
En continuant d'y réfléchir, ça ne m'apparait plus trop problématique, en prenant en compte le fait que pour un jeune enfant, sujet et objet ne sont pas encore bien distingués.
Puis, une distinction se fait, plus ou moins, et une sorte de ''carte'' subjective, une interprétation du monde se construit, partielle et partiale. Avec malgré tout des restes insaisissables. Nos actions cependant font leurs effets sur cette portion insaisissable et résistante.

En d'autres termes, l'homme, chacun(e), en termes de connaissance, saisit Dieu à sa façon, s'en fait une image, une carte, et, sur le plan de l'action, agit sur et avec les "portions" inconnaissables et résistantes de Dieu, de l'être (d'où les imprévus et les incertitudes de l'action, les risques même?)

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Messagepar sescho » 15 mai 2010, 20:11

spispy a écrit :C'est vrai aussi pour moi que (se) remettre en questions perpétuellement est quasi maladif en ce sens que cela empêche certainement un déploiement de soi même plus large et la sérénité intérieure.

Comme toujours le défaut est la déformation d'une qualité. Vouloir fermement la vérité et pas des "certitudes" à bon marché, c'est une qualité (assez rare.) Douter de la vérité quand on la tient en la polluant par des imaginations qui n'ont pas de solution, c'est un défaut... Je dirais quand-même qu'il vaut mieux douter un peu trop que s'engoncer dans de fausses certitudes à vie...

spispy a écrit :Je parlais plutôt, et simplement, d'une difficulté à saisir la réalité du monde sensible, la question, classique, de l'existence de l'être en dehors de la connaissance que ns en avons.

C'est certainement une des plus grandes questions, sinon la plus grande. C'est celle à laquelle Spinoza répond (comme le Védanta et les stoïciens, par-delà des stoïciens...) Tout tient dans la distinction (et en même temps l'intime "mixité") de l'être en soi et l'être en autre chose. Ce que nous percevons est bien de l'être, mais seul Dieu (substance et modes infinis) est éternellement existant, pas les choses singulières - impermanentes et interdépendantes - ; en même temps, les essences des choses singulières sont partie de l'essence de Dieu en tant que modifié.

spispy a écrit :En continuant d'y réfléchir, ça ne m'apparait plus trop problématique, en prenant en compte le fait que pour un jeune enfant, sujet et objet ne sont pas encore bien distingués.

Il se trouve que j'ai des souvenirs de la (super) prime enfance. Je dirais que l'être premier est la conscience - sans doute d'elle-même et - des corps environnants (par la vue - trouble en ombre chinoise pour commencer - et l'ouïe, surtout.) Nous retrouvons Descartes. La conscience du corps est alors inexistante. Je me souviens de l'incroyable révélation - source d'une émotion assez intense - que les pieds que j'attrapais devant moi faisaient partie de mon "être"... (j'avais donc cependant manifestement assimilé auparavant que mes mains faisaient partie de cet "être.") Je me souviens encore que, pleurant car voulant être porté alors que j'avais été couché, j'ai ressenti comme une profonde trahison de ne pas l'être, avant que le sommeil ne m'emporte - à la manière d'une anesthésie générale (appréciation postérieure bien entendu.) Ceci montre que la conscience de soi par rapport aux autres vient très tôt.

Je crois que surtout l'enfant en bas âge a cette qualité d'observation pure qui est un trait de la Sagesse ("être comme le petit enfant..." chez l'adulte accompli.)

spispy a écrit :Puis, une distinction se fait, plus ou moins, et une sorte de ''carte'' subjective, une interprétation du monde se construit, partielle et partiale. Avec malgré tout des restes insaisissables. Nos actions cependant font leurs effets sur cette portion insaisissable et résistante.

Le problème c'est que l'éducation (délibérée ou non) commence à faire son œuvre... Il devient difficile de faire le tri (maintenant, si la capacité à l'erreur n'était pas fondamentalement dans la nature humaine, elle n'aurait jamais apparu ; autrement dit; on devrait quand-même pouvoir se tromper dans l'hypothèse d'une absence totale d'éducation.) Je me demande par exemple si le stade d'appropriation, vers 2 ans et demi, est incontournable (ou presque)...

spispy a écrit :En d'autres termes, l'homme, chacun(e), en termes de connaissance, saisit Dieu à sa façon, s'en fait une image, une carte, et, sur le plan de l'action, agit sur et avec les "portions" inconnaissables et résistantes de Dieu, de l'être (d'où les imprévus et les incertitudes de l'action, les risques même?)

Il n'est pas inéluctable que chacun ait de Dieu une image "à sa façon." Au contraire, la Raison est commune à tous les hommes, car elle est indissociable de la nature humaine, et sa source et sa colonne vertébrale est précisément l'idée de Dieu, qui est innée, ou du moins inhérente à la sensation (ce qui ne change pas grand chose, puisque la sensation survient très tôt.)

Le "devoir" de l'homme, fixé par la Nature, est de retrouver la simplicité de l'idée de Dieu, en se débarrassant de l'amas (éventuellement très largement inconscient) d'imaginations perturbatrices qui s'est constitué lors de la phase de "maturation existentielle" de l'esprit, achevée vers 6 ans.
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