Immanence Dieu/monde ?

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Louisa
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Messagepar Louisa » 24 août 2010, 17:49

QueSaitOn a écrit :L'idée est un concept que l'Esprit forme. C'est une notion dynamique qui excède donc le langage (comme le dit Spinoza, elle ne réside pas dans les mots, ni dans les images car il ne s'agit pas d'une peinture muette sur un tableau).

Cela dit le terme "concept" renvoie, il est vrai au langage ...


Juste rapidement ...

Sans vouloir être sexiste, je pense que l'idée que la pensée est d'essence langagière est peut-être principalement due au fait que longtemps la très grande majorité des philosophes étaient des hommes. Je m'explique.

Dans le cerveau, l'hémisphère gauche est dit être "langagier" et "séquentiel", ce qui signifie que l'élaboration langagière de nos pensées se situe principalement de ce côté-là. L'hémisphère droite fonctionne différemment (notamment par associations simultanées).

Les deux hémisphères sont actifs lorsqu'on pense ou fait quelque chose, mais on sait que chez les femmes, le corpus callosum, une sorte de faisceau de cables reliant les deux hémisphères et mettant l'un au courant de ce qui se passe chez l'autre, est beaucoup plus épais. Autrement dit, les deux hémisphères communiquent beaucoup plus chez les femmes que chez les hommes. Cela implique que les hommes ont en général (avec de grandes exceptions, bien sûr) plus de difficultés à mettre des mots sur leurs "sentiments" que les femmes, chez qui les deux opérations du cerveau se connectent plus facilement.

Cela pourrait avoir comme conséquence (hypothèse) qu'un homme a plus tendance à penser que ce qui n'est pas mis en mots n'existe pas, et donc que la pensée elle-même est un processus langagier.

Alors que si l'on y réfléchit un instant, on sait tous que comprendre quelque chose peut passer par le langage, mais le moment "suprême" de la compréhension reste un pur sentiment non langagier: soudain, on a compris une démonstration mathématique, et on pourra certes expliquer la démonstration, mais on ne pourra pas dire comment on a fait pour comprendre ce que 5 minutes avant on ne comprenait pas du tout.

Pour les gens qui ont un hémisphère droit dominant (car dans la plupart des cas l'un des deux hémisphères domine l'autre), il est évident que l'essentiel de la pensée n'est jamais langagier. Leur pensée ne se déroule pas de manière "séquentiel" (= résoudre d'abord un problème avant de s'attaquer à un autre) mais simultanément sur différentes pistes parallèles. Les connexions neuronales qui mènent à la solution d'un problème servent en même temps à résoudre d'autres. Après, une fois qu'on a "vu" la solution, il faut commencer à essayer à la traduire en mots, mais c'est une véritable traduction dont il s'agit, et non pas l'inverse (les mots qui seraient responsables pour la pensée ou la solution elle-même). Certains artistes ne passent même jamais à ce stade langagier puisque l'oeuvre ne le demande pas (un compositeur doit résoudre des problèmes sonores, et non pas langagiers, et pourtant cela demande un effort de pensée énorme).

Enfin, ceci n'est pas exactement ce que Spinoza dit au sens où l'on réfère quand même à des processus cérébraux c'est-à-dire corporels pour "expliquer" la pensée, tandis que chez lui la pensée n'a rien de corporel, il n'y a aucune communication entre pensée et corps (les deux se déroulent simultanément, en parallèle). Mais il me semble que cela permet néanmoins de mieux comprendre ce que pourrait être une pensée non langagière.

Quant à la notion de concept: je ne vois pas pourquoi elle devrait être langagière. Con-cipere signifie littéralement "prendre ensemble". L'hémisphère droit produit des conceptions (association de deux images (au sens non spinoziste) par exemple) tout autant (si ce n'est pas plus) que l'hémisphère gauche, langagier.

Plus d'info:

http://frank.mtsu.edu/~studskl/hd/hemis.html

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Messagepar AUgustindercrois » 24 août 2010, 17:50

"C'est comme une sorte de mouvement dynamique lié à l'intellect (puisque c'est à partir de l'intellect que Spinoza définit la pensée, lorsqu'il définit les attributs en E1)."

As - tu pensé à ce qu'on peut lire en EII, déf.3?
Et surtout l'idée du concept?

Il est adéquat relier cette notion de concept au concept des concepts, Dieu, en I, déf.3.

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Messagepar Miam » 24 août 2010, 18:03

Aucune chose singulière ne peut être contenue dans un seul attribut. Tout mode de l'étendue a son correspondant dans l'attribut pensée.
Le mot fait partie de l'étendue en tant que signifiant. Mais certainement pas en tant que mot avec sa signification. Sans quoi on ne pourrait pas signifier. Pour la sémantique spinozienne, voir II 18s et II 40s2.
C'est un peu plus compliqué que tu le crois.
Tu lis l'Ethique comme certains intégristes lisent la Bible.

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Messagepar aldum » 24 août 2010, 21:15

AUgustindercroix a écrit :Penser sans penser est le but de la pensée, aldum. Cela s'appelle le troisième genre de connaissance.




et vous, personnellement, accédez-vous régulièrement à ce genre d'expérience ?
vous dites que la pensée sans pensée est un objectif; mais un objectif ne peut être considéré comme la chose réalisée, avant d'être atteint; (se situer d'emblée, « d'un seul coup » dans le 3e genre ? )vous suggérez, comme Louisa en d'autres termes, un dépassement du langage, mais dépasser n'est pas l'équivalent de « s'en passer »

j'accorde volontiers qu'il y a sensation et perception sans formulation langagière ( je me pique le doigt et n'ai nul besoin de discours pour le sentir; le nourrisson aspire au sein de sa nourrice, (heureux bambin...) il a faim et il s'agit aussi d'une affection du corps, et donc pas davantage; je perçois cette table, il s'agit d'une perception de la conscience « primaire » qui ne requiert pas l'assistance du discours; (sauf, selon moi, si cette conscience se fait reflexive, et que je prenne conscience de "voir" cette table) et lorsque la conscience devient réflexive, ou ouvrière ( pour planter un clou ou ciseler un concept) elle ne peut se passer du langage; psychisme "libéral" ou non (tiens, c'est péjoratif, ça ?)

incidemment, la musique, évoquée par Louisa ( et question combien intéressante à mes yeux..) passe aussi par la médiation, pour le compositeur, d'un langage; essayez-vous, pour voir, à la composition en ignorant tout des règles de l'harmonie...rien qu'en improvisant un air et en le fredonnant...

je sais bien avoir l'air un peu obtus, mais je ne tiens nullement, contre les apparences, à la prégnance du langage dans la pensée;
d'une façon générale, j'accepte volontiers, pour me convaincre, les références à des penseurs d'exception, mais de préférence lorsque je peux concevoir clairement ce qu'ils affirment;

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Messagepar QueSaitOn » 24 août 2010, 21:25

Tu lis l'Ethique comme certains intégristes lisent la Bible.

... Mais tu lis les messages comme cetains intégristes qui lisent de travers :D. J'ai bien écrit pourtant, que le mot appartenait à l'attribut Etendue sous l'aspect du signifiant en évoquant le dichotomie de Saussure. Je sais bien que c'est plus compliqué en ce qui concerne le signifié. [/b]

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Messagepar QueSaitOn » 24 août 2010, 21:37

je perçois cette table, il s'agit d'une perception de la conscience « primaire » qui ne requiert pas l'assistance du discours;


En réalité, pas exactement. Il y a perception par le corps (et son équivalent dans l'attribut Pensée), mais il ne s'agit pas à ce stade de "conscience". La conscience est comme un écran de contrôle Radar, toujours en retard sur le réel (j'emprunte cette image à M. Benasayag dans son ouvrage "Connaître est agir"). La perception précède l'aperception;


L'Aperception signifie les images construites à partir de la conscience. Y compris lorsqu'il s'agit d'autres choses que la vision. Par exemple, en présence d'une source de chaleur, nous produisons une image de telle source en dernier ressort. Nous n'avons pas à disposition ce genre d'images par exemple s'agissant de la radioactivité (je reprends ici les exemples de Benasayag). Ou encore, lorsqu'on se promène le long d'une plage, notee corps perçoit les goutelettes, mais c'est note conscience qui utilise l'image de la vague associée. En d'autre terme, la conscience "suit" la perception corporelle. Elle "énecte" (projette) des images. Il n' y pas de perception passive de la conscience.

J'espère que je n'ai pas lu Benasayag en intégriste ... :D

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Messagepar aldum » 24 août 2010, 22:18

QueSaitOn a écrit :
en réalité, pas exactement. Il y a perception par le corps (et son équivalent dans l'attribut Pensée), mais il ne s'agit pas à ce stade de "conscience"



d'accord; il y a écart sur les termes, pas sur la signification; ce que j'ai nommé "conscience primaire" correspond pour moi à l"'idée dans l'âme" spinozienne;
cette "idée" ou conscience primaire que les jansénistes refusaient aux animaux, qui pouvaient ainsi souffrir sans souffrir.

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Messagepar aldum » 24 août 2010, 22:34

j'observe, depuis quelque temps, la présence, pour moi seul !, d'un bouton "éditer" , dans le cadre de mes messages;
s'agit-il d'une faveur ou d'une discrimination ? que dois-je en faire ? c'est angoissant de se sentir traité différemment du reste de la collectivité, lorsqu'on est de surcroit un parfait béotien en informatique...
d'avance merci

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Messagepar AUgustindercrois » 25 août 2010, 00:43

LOL.

Je suggérais des pistes, seulement.

Après, je m'en tiendrais à Wittgenstein: "Wovon..."

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Messagepar QueSaitOn » 25 août 2010, 11:14

Salut aldum,

Pour corroborer ce qu'a écrit Louisa au sujet de l'apprentissage et des mots, ci dessous, un extrait du poète philosophe Michel Serres, tiré d'un ouvrage très spinoziste:

Que de fois me suis je éveillé en m'écriant ""Le loup et l'agneau" ou tel théorème de Cauchy voulaient donc dire cela !" Je comprenais enfin, vingt ans après. En somme la compréhension dépend moins de l'explication donnée au moment de l'apprentissage qu'elle ne change, évolue, se perd, revient, meurt ou s'épanouit. Cela vaut même pour les mathématiques, excellence double de la raison translucide et de l'enseignement: prendre, apprendre, comprendre, voila l'ordre de l'apprentissage; inversez le et vous piétinerez, car des premiers nombres eux mêmes, la clarté projette une ombre ou une profondeur infinies. Allze, courez, la foi ou le corps s'en débrouillera. Le savoir s'enfonce en lui et de lui resurgit. Tapi dans l'ombre, il assimile lentement le simulé. (Michel Serres, "Variations sur le Corps").


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