E5P40S : signification ?

Questions et débats touchant à la nature et aux limites de la connaissance (gnoséologie et épistémologie) dans le cadre de la philosophie spinoziste.
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Shub-Niggurath
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Messagepar Shub-Niggurath » 15 mars 2012, 09:45

Je ne forme pas le monde en ajoutant des zéros, car les corps les plus simples qui sont infiniment petits existent bel et bien, même si aucun instrument de mesure ne nous les fera jamais percevoir. Je n'ai fait que reprendre, sous une autre forme, ce que dit Spinoza dans la partie 2 de l'Ethique à propos des corps les plus simples.

D'autre part vous persistez à employer cette expression fausse "d'espèce d'éternité" qui est très éloignée de ce que dit réellement Spinoza. L'espèce de l'éternité, ce n'est pas une espèce d'éternité, qui n'aurait aucun sens.

Par ailleurs je ne suis pas Spinoza, et il m'arrive souvent de me tromper au sujet de sa philosophie, qui comme le dit fort justement Lemarinel est très difficile à comprendre.

Enfin pour vous, comme il n'existe ni substance ni essence des modes, il ne doit rien, par suite exister d'éternel, mais seulement du temporaire et de l'impermanent. Je ne vois donc pas en quoi ce problème de l'éternité en serait un pour vous. Si l'on prétend que les modes finis, ou choses singulières, sont éternels, parce qu'ils sont déterminés à exister par des causes nécessaires, c'est à mon avis se tromper complètement sur la véritable éternité chez Spinoza, qui encore une fois ne concerne pas l'existence des modes, mais seulement leurs essences singulières.
Modifié en dernier par Shub-Niggurath le 15 mars 2012, 12:58, modifié 1 fois.

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Messagepar hokousai » 15 mars 2012, 11:13

à Shub

Enfin pour vous, comme il n'existe ni substance ni essence des modes,
<b>sur ce fil</b> je ne dis rien de ma philosophie personnelle, j' essaie de comprendre Spinoza .

....................
D'autre part vous persister à employer cette expression fausse "d'espèce d'éternité" qui est très éloignée de ce que dit réellement Spinoza.


il y a : "sub quandam spécié aeternitatis "quandam traduit par certain
(et sub hac aeternitatis spécié)( prop44/2)
et sub "spécié aeternitatis"
Les deux formes sont à mon avis équivalentes. Chantal Jaquet commente dans ce sens .
.........................
je ne pense pas qu'il y ait ( chez Spinoza ) deux sortes d'éternités et précisément pas du tout deux sortes d éternité.
il ya en revanche deux manières de penser
1)sub duratione
2)sub spécié aeternitatis

il ya des chose qu'on ne peut comprendre dans la durée et immédiatement( sans médiation) on les comprend sous l'éternité .( la substance, ses attributs les modes infinis éternels )

Et puis les choses qu'on peut comprendre sous la durée ou sous une espèce d'éternité . Toutes ces choses qui durent il est moins evident de les comprendre sous un espèce d'éternité . Mais la raison etc

Ces choses durent.
Il y a une distinction entre la nature naturante et la naturée.
Mais les deux sont nécéssaires enveloppent donc l' éternité .
............

<b>Ce qui vous gène est que je pense que Spinoza attribue l'éternité aux corps .</b> Sûr que ça choque les spinozistes mais je prends le risque .

Je redis ce qui est écrit par Spinoza " et par suite notre esprit en tant qu'il se conçois <b>ainsi que le corps</b> ( prop 3O/5)

et dans la prop 23
cette idée qui exprime l'essence du corps est une manière de penser précise et qui nécessairement est éternelle .

la suite est très intéressante
" nous ne pouvons nous souvenir d'avoir existé
1) parce qu'il n'y en a pas de traces dans le coprs ;
2) <b>puisque l'éternité ne peut se définir par le temps</b> .

Ce qui signifie pour moi que l'éternité du corps ne peut apparaitre dans la temporalité .
Ce qui n exclut pas du tout l'éternité du corps . Il y a simplement qu'elle ne peut produire de signes corporels observables .
La raison procède donc autrement que dans l'observation de signes corporels ( et/ou de mémoire )
Maintenant qu'est qui peut penser qu'il a une partie de lui qui est éternelle ? Ce nest pas le corps puisqu' il ne pense pas, il est étendu.
Ce nest pas parce qu'il ne le pense pas qu' il ne l'est pas( éternel) .

Si on estime qu'il ne l'est pas alors on doit abandonner tout le parallélisme et les considérations sur la même chose vue sous deux attributs différents .

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Messagepar hokousai » 15 mars 2012, 11:29

à lemarinel

Il m'est arrivé de lire des commentateurs (c'était une boutade).

Mais Spinoza est un auteur très difficile que l'on ne parvient à comprendre qu'en lisant des auteurs qui l'ont étudié toute leur vie ou une bonne partie de leur vie.


Et comment ont- ils fait ces commentateurs ? En en lisant d'autres ? Probablement oui, mais essentiellement en lisant Spinoza.
Le paradoxe est le suivant : les commentateurs ne sont compréhensibles que si on a bien lu Spinoza.
Mon objectif premier est de comprendre Spinoza pas un ou des commentateurs.
Lire Spinoza demande du temps mais pas plus que de lire des commentateurs. Question de gestion de son temps.

Lire Spinoza , certes ! Si une fois suffit très bien . Mais à moi 1OO fois on peut- être été nécéssaires.

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Messagepar Lemarinel » 15 mars 2012, 11:43

à Hokusaï,

C'est tout à votre honneur de lire Spinoza avant tout, mais je vous conseille de ne pas négliger les commentaires. Nous ne sommes pas des génies philosophiques, et cela se voit dans nos échanges, quand nous peinons à comprendre une notion. Et surtout nous ne sommes pas des spécialistes, or il y a des profs de fac ou des maitres de conf qui accompagnent à longueur d'années des thésards. Or on est plus intelligents à plusieurs que seul face à un texte difficile. La vérité est plutôt entre nous deux : il fait lire, je crois, et Spinoza et les commentaires (lesquels peuvent nous aider à éviter des contre-sens ou à mieux appréhender une notion difficile comme celle d'éternité).

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Messagepar Shub-Niggurath » 15 mars 2012, 18:04

Le corps n'est pas éternel, il n'est que lieu dans lequel s'accomplissent des rapports éternels de mouvement et de repos, de rapidité et de lenteur entre particules infiniment petites. Son essence est quelque chose comme une puissance limitée et finie de la puissance divine. Le corps s'est formé et se décomposera, selon les lois qui gouvernent toutes les choses existant dans l'attribut étendu. Seule l'idée qui exprime l'essence de ce corps est éternelle, elle a toujours existé et existera toujours dans l'idée infinie de Dieu. Son actualisation réponds à des causes nécessaires que nous sommes condamnés à ignorer à cause de la faiblesse de notre intellect. Qui peut dire si les causes qui ont produit l'existence du corps se reproduiront dans l'avenir ? L'essence est-elle vouée à n'exister perpétuellement que dans l'intellect éternel et infini de Dieu ? Ou bien doit on affirmer que toutes les essences de tous les corps existants produiront éternellement une actualisation de cette essence dans l'un quelconque des infinis attributs divins ?

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Messagepar Lemarinel » 15 mars 2012, 19:35

Qu'est-ce qu'être éternel ? Peut-on dire que le mode est une idée de Dieu ?

Il est facile de savoir ce que n'est pas l'éternité pour Spinoza (pas l'immortalité car pas la durée, même indéfinie), mais difficile de savoir ce qu'elle recouvre positivement, et pourquoi. Il est facile de noter que l'éternité n'est pas une essence vide de toute existence, mais l'existence même, selon la définition spinoziste 8 du De Deo qui, au passage, est une mauvaise définition (ce qui prouve qu'il y a des failles dans le spinozisme qui n'a que l'apparence d'une architecture parfaite) parce que définition de l'éternité à partir du mot [b]éternel [/b, ce qui ne nous avance pas, car qu'est-ce qu'être éternel ?. Il est plus difficile en revanche donc de savoir ce qu'est "une chose éternelle". Et la raison en est, au moins, pour une part, qu'on ne doit pas concevoir l'éternité comme une perpétuité, comme une durée indéfinie, ce qui est difficile pour nous autres qui vivons quotidiennement dans la durée.

Je comprends très bien que l'esprit étant l'idée du corps, et que le corps devant mourir, l'esprit est aussi déterminé à mourir. Je comprends aussi que ces considérations de durée concernant respectivement le corps et l'esprit ne sauraient préjuger de leur éternité ou de leur non-éternité : puisqu'il n'y a aucun rapport entre l'éternité et la durée et que celle-là ne peut être comprise par celle-ci. On peut donc concevoir quelquechose qui serait mortel tout en étant éternel d'un autre point de vue. Mais quand Spinoza ajoute ensuite qu'il y a quand même une "partie de l'esprit" qui est éternelle, je ne comprends pas bien cette maladresse d'expression qui introduit un dualisme entre deux parties de l'âme (c'était bien la peine de critiquer le dualisme cartésien corps / âme pour retomber dans un autre dualisme, certes subtil). Il faut donc, pour qu'il soit possible de concilier sans contradiction le point de vue du temps et celui de l'éternité, je veux dire pour que l'éternité soit le fait d'un mode (même) fini, qui par ailleurs est temporel, - il faut donc, dis-je, qu'il y ait une autre définition de l'esprit (et du corps) qui permette de comprendre pourquoi quelquechose est éternel en nous, et que cette définition ne soit plus tributaire du corps persévérant dans la durée mais qu'elle se réfère à quelquechose d'éternel comme Dieu. Si l'esprit est L'idée du corps, peut-on dire aussi, dans une optique spinoziste, que le mode est UNE idée de Dieu ? Si l'esprit est mortel étant idée du corps, peut-on dire que le mode est éternel en tant qu'idée de Dieu ?
Merci de me répondre à cette question, car cela m'aiderait à comprendre COMMENT l'éternité est possible (et réelle) pour nous.

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Messagepar Picrate » 16 mars 2012, 00:00

Lemarinel a écrit :Qu'est-ce qu'être éternel ? Peut-on dire que le mode est une idée de Dieu ?

Il est facile de savoir ce que n'est pas l'éternité pour Spinoza (pas l'immortalité car pas la durée, même indéfinie), mais difficile de savoir ce qu'elle recouvre positivement, et pourquoi. Il est facile de noter que l'éternité n'est pas une essence vide de toute existence, mais l'existence même, selon la définition spinoziste 8 du De Deo qui, au passage, est une mauvaise définition (ce qui prouve qu'il y a des failles dans le spinozisme qui n'a que l'apparence d'une architecture parfaite) parce que définition de l'éternité à partir du mot [b]éternel [/b, ce qui ne nous avance pas, car qu'est-ce qu'être éternel ?. Il est plus difficile en revanche donc de savoir ce qu'est "une chose éternelle". Et la raison en est, au moins, pour une part, qu'on ne doit pas concevoir l'éternité comme une perpétuité, comme une durée indéfinie, ce qui est difficile pour nous autres qui vivons quotidiennement dans la durée.

Je comprends très bien que l'esprit étant l'idée du corps, et que le corps devant mourir, l'esprit est aussi déterminé à mourir. Je comprends aussi que ces considérations de durée concernant respectivement le corps et l'esprit ne sauraient préjuger de leur éternité ou de leur non-éternité : puisqu'il n'y a aucun rapport entre l'éternité et la durée et que celle-là ne peut être comprise par celle-ci. On peut donc concevoir quelquechose qui serait mortel tout en étant éternel d'un autre point de vue. Mais quand Spinoza ajoute ensuite qu'il y a quand même une "partie de l'esprit" qui est éternelle, je ne comprends pas bien cette maladresse d'expression qui introduit un dualisme entre deux parties de l'âme (c'était bien la peine de critiquer le dualisme cartésien corps / âme pour retomber dans un autre dualisme, certes subtil). Il faut donc, pour qu'il soit possible de concilier sans contradiction le point de vue du temps et celui de l'éternité, je veux dire pour que l'éternité soit le fait d'un mode (même) fini, qui par ailleurs est temporel, - il faut donc, dis-je, qu'il y ait une autre définition de l'esprit (et du corps) qui permette de comprendre pourquoi quelquechose est éternel en nous, et que cette définition ne soit plus tributaire du corps persévérant dans la durée mais qu'elle se réfère à quelquechose d'éternel comme Dieu. Si l'esprit est L'idée du corps, peut-on dire aussi, dans une optique spinoziste, que le mode est UNE idée de Dieu ? Si l'esprit est mortel étant idée du corps, peut-on dire que le mode est éternel en tant qu'idée de Dieu ?
Merci de me répondre à cette question, car cela m'aiderait à comprendre COMMENT l'éternité est possible (et réelle) pour nous.


Il s'agit à un certain moment de se dégager du piège du langage.

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Messagepar hokousai » 16 mars 2012, 01:11

à Shub
Je comprends très bien votre émoi mais je n'ai jamais prétendu que les corps duraient sempiternellement.

Si" Seule l'idée qui exprime l'essence de ce corps est éternelle, elle a toujours existé et existera toujours dans l'idée infinie de Dieu.", on tombe dans<b> l'idéalisme </b>.

L' ordre de l' enchainement des idées est le même que l'ordre et l' enchaînement des choses , ils sont déterminés nécessairement mais selon vous <b>ne sont pas pas éternels</b>.
Or tous les décrets de Dieu ont été arrêtés par Dieu de toute éternité .( prop 38/1 scolie 2)

Il y a chez vous une forte dévaluation de l'attribut étendue et pout tout dire de la matérialité du monde. Moi ce que j' en dis c' est que ce n'est pas vraiment Spinoza .
Vous commettez une erreur idéaliste symétrique à celle des matérialistes des lumières ( voir Diderot ). Il n' y a pas d' actualisation des essences chez Spinoza, il faudrait alors que Dieu ait pensé le monde avant de le créer

bien à vous
hokousai

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Messagepar hokousai » 16 mars 2012, 01:30

à lemarinel
Vous voyez des difficultés réelles encore que vous soyez un peu sévère.

Pour Spinoza l' existence actuelle (au sens de factuelle dans la durée ) n'est pas vraiment son problème. Car nous ne pouvons pas savoir adéquatement pourquoi tel état des choses apparait dans la présence/maintenant ( notre intelligence des causes est limitée ).
En revanche nous pouvons adéquatement comprendre le déterminisme et la nécessité donc <b>l'éternité</b>.

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Messagepar Shub-Niggurath » 16 mars 2012, 09:05

Pourtant Deleuze parle bien des essences qui passent à l'existence :

http://www2.univ-paris8.fr/deleuze/arti ... article=24

Dieu ne pense pas le monde avant de le créer, puisque les essences des choses singulières ne cessent jamais d'être effectuées, c'est-à-dire qu'elles doivent toujours nécessairement exister dans l' un quelconque des infinis attributs de Dieu. Puisqu'en effet les essences sont des parties de la puissance de Dieu, et que d'une part la puissance de Dieu est son essence même, et que d'autre part l'essence et l'existence de Dieu sont une seule et même chose, il faut bien affirmer que toutes les essences singulières doivent nécessairement exister toujours. C'est que l'immanence nous force à considérer l'essence de Dieu comme constituée d'une infinité d'essences singulières, qui toutes coexistent en lui. Dieu est les choses singulières, et les choses singulières sont Dieu, et par suite on ne peut pas séparer la puissance de Dieu de la puissance de l'infinité des modes finis. Donc les essences ne cessent jamais de passer à l'existence, d'un attribut à l'autre. Voir les paragraphes 2 et 3 du chapitre 2 du traité politique.


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