E5P40S : signification ?

Questions et débats touchant à la nature et aux limites de la connaissance (gnoséologie et épistémologie) dans le cadre de la philosophie spinoziste.
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Shub-Niggurath
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Messagepar Shub-Niggurath » 14 mars 2012, 07:53

Il n'existe pas une "espèce d'éternité" qui appartiendrait aux modes finis, ou aux choses singulières, et une "éternité absolue" qui appartiendrait aux modes infinis et à Dieu. Ce qui appartient aux modes finis, c'est une existence déterminée, autrement dit une durée mesurable par le temps, tandis que ce qui appartient aux modes infinis et à Dieu, c'est une existence infinie, autrement dit une perpétuité non mesurable, car infinie de par sa nature.

C'est pourquoi Spinoza dit que nous ne pouvons concevoir l'éternité par la durée, car la durée est une manière d'imaginer, tandis que l'éternité ne peut être conçue que par l'intellect. Il est donc nécessaire pour l'intellect de concevoir les choses sous l'aspect de l'éternité, et en vérité l'intellect ne peut pas concevoir les choses autrement, puisqu'il appartient à la seule imagination de concevoir le temps, c'est-à-dire des parties mesurables dans la durée. C'est forcé puisque l'intellect ne conçoit que les notions communes et les essences des choses, et ces deux choses sont toujours des vérités éternelles. Concevoir les notions communes des corps, c'est saisir les rapports de mouvement et de repos, de rapidité et de lenteur qui existent dans les corps, et concevoir les essences des corps, c'est saisir les degrés de puissance ou de perfection qui appartiennent à chaque corps.

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Messagepar Lemarinel » 14 mars 2012, 09:41

à Shub,

J'ai beaucoup apprécié votre démonstration et il me semble qu'elle serait parfaite si vous ne confondiez temps et durée. Quand vous dites que "la durée est une manière d'imaginer ", je ne suis pas d'accord. C'est le temps qui est une manière d'imaginer car il est un "être de raison"; tandis que "la durée est la continuation indéfinie de l'existence". Pour ce qui concerne ladite proposition qui anime votre débat, il serait peut-être utile d'aller voir ce que Pierre Macherey en dit dans son commentaire de l'Ethique V (tome 5 aux PUF).

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Messagepar Shub-Niggurath » 14 mars 2012, 10:27

Lemarinel a écrit :J'ai beaucoup apprécié votre démonstration et il me semble qu'elle serait parfaite si vous ne confondiez temps et durée. Quand vous dites que "la durée est une manière d'imaginer ", je ne suis pas d'accord. C'est le temps qui est une manière d'imaginer car il est un "être de raison"; tandis que "la durée est la continuation indéfinie de l'existence".


Merci pour votre correction, qui me paraît tout à fait justifiée. Il est clair que l'on pense mieux à plusieurs que tout seul sur ces difficiles questions.

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Messagepar hokousai » 14 mars 2012, 11:27

à Shub

Il n'existe pas une "espèce d'éternité" qui appartiendrait aux modes finis, ou aux choses singulières, et une "éternité absolue" qui appartiendrait aux modes infinis et à Dieu.

Bon c'est votre avis .

Je vais aborder la question par une autre voie .
Après tout si c'est vous le spinoziste c'est à vous de m' expliquer Spinoza .

<b>Quel est le statut ontologique des choses singulières ?</b>
Admettons qu'elles sont dans une présence/ actuelle, un certain temps ... oui mais après?
Elles disparaissent ? Elles tombent dans le néant .. le néant chez Spinoza ? Elles se métamorphosent ?
Comment voyez vous la question ?
Mon idée est que pour Spinoza il est inconcevable que ce qui exitser ,ou a existé, ou existera disparaissent dans le néant .
Donc que l' expression infinie de Dieu disparaisse dans le néant .

Il faut donc si elles n'y disparaissent pas qu'elles aient une existence ontologique , laquelle nest pas dans la durée puisque elles y disparaissent. .

Si elle n'est pas dans la durée où est elle ?
Modifié en dernier par hokousai le 14 mars 2012, 21:39, modifié 1 fois.

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Messagepar hokousai » 14 mars 2012, 11:51

à Shub

remarque subsidiaire
vous dites <b>Ce qui appartient aux modes finis, c'est une existence déterminée, autrement dit une durée mesurable par le temps,</b>

une existence est déterminée c'est d'accord
mais <b>accessoirement</b> mesurée par une ceratine quantité de durée .Car la durée n 'est pas de leur essence donnée actuelle . Le conatus n' envelope pas un temps limité

donc Ce qui appartient aux modes finis, c'est une existence déterminée, enveloppant un temps, indéfini.(prop8/3)
................................

Je n'ose trop rien dire sur ce qui semble chez vous un platonisme puisqu' Henrique l' a déjà dit. Platonisme ou néoplatonisme quelque chose de cet ordre . Il est notable que chez vous l'expression dans la nature naturée est largement dévaluée à l'avantage d'un monde d'essences et de vérités éternelles .

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Messagepar Shub-Niggurath » 14 mars 2012, 13:57

Pour expliquer ce que sont les corps, il faut concevoir qu'ils sont des individus composés d'une infinité de particules étendues infiniment petites entrant les unes par rapport aux autres dans un certain rapport de mouvement et de repos, de rapidité et de lenteur. La vraie composition de l'attribut étendu est d'être composé d'une infinité de ces particules infiniment petites, dont les rapports de mouvement et de repos varient d'une infinité de façon, composant une infinité d'individus différents.
Tous les individus constituants des corps se composent et se décomposent les uns les autres, sans que change le substrat de base. L'attribut est éternel, les particules infiniment petites le sont aussi, mais pas les individus constituant les corps singuliers, qui eux sont modifiés en permanence, et qui apparaissent et disparaissent.
il doit en aller de même pour l'attribut pensant, qui est composé d'une infinité d'idées infiniment petites qui entrent les unes par rapport aux autres dans certains rapports correspondant à chacun des individus singuliers de tous les autres attributs. Les idées composées apparaissent et disparaissent, mais pas l'ensemble infini d'idées infiniment petites qui constitue l'attribut pensant. Cet ensemble infini d'idées est éternel, mais les idées complexes qui sont les idées des corps ne le sont pas.

Par exemple, on pourrait comparer l'attribut à un océan, composé d'une infinité de molécules d'eau, et les choses singulières à des icebergs composés eux aussi d'eau, mais sous un autre rapport que celui de l'océan lui-même. Quand les conditions météorologiques le permettent, les icebergs se forment, et quand la température augmente, ils fondent et retournent à l'océan.
Ou bien on pourrait comparer l'attribut avec l'atmosphère, et les choses singulières avec les nuages, qui sont composés des mêmes particules présentes dans l'atmosphère, mais entrant dans un autre rapport de mouvement et de repos. Quand les nuages disparaissent, ils ne disparaissent pas dans le néant, mais les molécules d'eau qui les constituent se fondent à nouveau dans l'atmosphère.

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Messagepar hokousai » 14 mars 2012, 22:46

cher Shub

Vous formez un monde <b>en ajoutant des zéros</b> .(cf lettre 12)

je cite Spinoza:" En outre personne ne doute que le temps aussi nous<b> l'imaginons</b>, à savoir, de ce que nous imaginons que certains corps se meuvent plus lentement que d'autres ou plus rapidement ou à la même vitesse .( scolie prop 44/2)

Le corollaire qui suit dit :"il est de la nature de la raison de percevoir les choses sous une<b> espèce d'éternité</b>" .

La démonstration qui suit dit :" en effet il est de la nature de la raison de contempler les choses comme <b>necessaires</b> et non comme contingentes . Et cette<b> nécessité</b> des choses elle, perçoit vraiment , c' est à dire comme elle est en soi. Mais cette <b> nécessité des choses </b> est la nécessité même de la nature<b> éternelle</b> de Dieu."
.......................

Je voudrais aussi vous faire remarquer au sujet de la guerre entre les choses ( les lions qui mangent les gazelles ) que ceci est fondé sur l 'axiome de la partie 4 " il n'y a pas de choses singulières, qu'il n'y en ait une autre plus puissante etc;.."
Au scolie de la prop 37/5 Spinoza dit que cet axiome regarde les choses singulières en tant qu'on les considèrent en relation à un temps et un lieu précis .
.........................
Ce qui permet de sortir du temps et de penser l'éternité c' est (chez Spinoza) le déterminisme .

Je ne lis que Spinoza ( et les participants de ce forum )
Je ne lis aucun commentateur universitaire (un peu mais si peu !). Si quelqu'un les lit qu'il me dise ce qu'ils en pensent de l'ETERNITE.( que ce soit Macherey, Moreaux Gueroult , Deleuze ...liste non exhaustive )

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Messagepar hokousai » 14 mars 2012, 23:28

à Shub

je reprends une de vos remarques

<b> Aussi je ne vois pas en quoi le fait de concevoir un chat sous l'aspect de l'éternité ferait de ce même chat un mode éternel de la pensée.</b>

Mais c'est quoi ce chat ? C 'est un mode de l'étendue et parallèlement un mode de la pensée .Oui ou non ?
C' est d'ailleurs la même réalité vue sous l' un ou l'autre des deux attributs.

Concevoir un chat sous l'aspect de l'éternité ne fera pas de ce chat un mode éternel de la pensée(ou pas seulement )
Ce n'est pas vraiment la question de<b> faire </b>quelque chose mais de penser quelque chose d' une certaine manière.(ie troisième genre de connaissance).

Ainsi de penser le chat comme un étant réel c'est à dire qu' il enveloppe l'existence.

Or l'éternité est l'essence même de Dieu en tant quelle enveloppe l'existence nécéssaire.
prop 30/5.
L'existence de ce chat est-elle<b> nécéssaire ou contingente</b>?
...............
Si nous le pensons sous une espèce d éternité nous avons une idée adéquate du chat.
Donc le chat, esprit et corps est éternel.

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Messagepar Lemarinel » 15 mars 2012, 08:55

à Hokusaï,

Je pense que c'est une erreur de ne pas lire ou vouloir lire les commentateurs, mais peut-être n'avez-vous pas le temps, ce que je peux bien comprendre. Mais Spinoza est un auteur très difficile que l'on ne parvient à comprendre qu'en lisant des auteurs qui l'ont étudié toute leur vie ou une bonne partie de leur vie. Surtout lorsqu'il s'agit de débattre comme vous le faites de l'éternité chez Spinoza, je pense que c'est une folie de vouloir se passer de commentaires. Un jour, je ne sais pas quand, je lirai "Spinoza L'expérience et l'éternité" de Moreau. En effet chez Spinoza, on voit bien ce que l'éternité n'est pas (l'immortalité), mais il est difficile de saisir ce qu'elle est vraiment. Misrahi dans Spinoza selon le coeur la définit comme "la validité permanente...", ce qui est proprement intelligible. Dommage pour un spécialiste de Spinoza : je me reporterai donc sur Moreau que je n'ai pas lu.

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Messagepar Lemarinel » 15 mars 2012, 08:57

Erratum : je voulais dire "inintelligible" au sujet de Misrahi.


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