Spinoza et le langage

Questions et débats touchant à la nature et aux limites de la connaissance (gnoséologie et épistémologie) dans le cadre de la philosophie spinoziste.
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bardamu
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Messagepar bardamu » 27 oct. 2002, 22:13

Merci de tes explications, je comprends un peu mieux l'objectif de ces études. Je suis toujours inquiet que l'on perde l'esprit à trop regarder la lettre.
Mais bon, c'est vrai que si on peut pointer les limites interprétatives ce n'en sera qu'au bénéfice de la fidélité à l'auteur.

Pour M. Martinet Laurent, je te trouve un peu dur. C'est vrai que j'ai trouvé cette insistance sur l'indicatif un peu excessive notamment concernant l'ensemble des scholies qui jouent souvent sur un autre registre mais il n'y a quand même pas que des mauvaises choses dans ce mémoire.
L'indicatif comme marqueur de l'atemporalité... pourquoi pas ?

Bon, je vais essayé de trouver ce forum où on parle physique et S.

A bientôt.
µ[size=50][ Edité par bardamu Le 27 October 2002 ][/size]

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lupink
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Messagepar lupink » 28 oct. 2002, 19:39

Tu as piqué ma curiosité quant au rapport physique quantique - Spinoza. Est-ce à dire que pour celui-ci et contrairement à Descartes et consort, la lumière n'aurait pas une vitesse infinie? Cela paraît en effet logique eu égard à ce qu'il dit des corps dans l'Ethique. Mais cela se trouve-t-il affirmativement ailleurs, dans les PPD ou quoi? C'est étonnant car la vitesse dela lumière n'a été montré qu'en 1675 par Roemer. Tiens-moi au courant. Si je me souviens bien, ce forum anglophone est de couleur bleue.

Remanere, en latin cicéronien qui est le même que celui du 17è, signifie selon le dico : 1. s'arrêter, demeurer, séjourner. 2. rester, subsister, durer.
On trouve remanere en Vp34s et remanet en IIIp55s1, Vp23, p38D, p38s (s=scolie, D = démonstration) et p40corol.

Sur la représentation chez S, je te répondrai plus précisément plus tard. Mais, en gros, je dirai que toutes les idées, y compris dans leur réalité objective, sont issues de l'activité divine, de la causa sui, cause effective et productive. Les propositions spinozistes ne suivent pas l'ordre des raisons comme chez Descartes mais l'ordre des causes. Les définitions sont génétiques, comme chez Hobbes. Et il n'y a nulle série graduée de perfections prenant son départ en une intuition extra-langagière. S identifie perfection et réalité. Il y a bien des degrés de réalités ou perfections dans le Court Traité. S'il y en a dans l'Ethique, c'est en identifiant réalité, perfection et puissance. Tout cela donc comme production de la causa sui qui est la première définition génétique (par les causes). C une idée vraie parce que hyper-génétique, non une intuition. D'où pleins de conséquences quant au corps, à l'imagination et au langage- conséquences qui nous font sortir de ce que je nomme "représentation". Et ceci aussi comme effet du "parallèlisme". Mais bon c'est là une exposition un peu courte et confuse. Aussi, j'y reviendrai.

A l'avenir j'essaierai d'être plus mou.

A+[size=50][ Edité par lupink Le 28 October 2002 ][/size]

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Messagepar martinetl » 28 oct. 2002, 22:15

bonjour messieurs,

très heureux d'avoir obtenu un peu de votre attention, mais pas d'accord pour etre considéré comme un formaliste -linguiste ou logique. l'esprit m'a toujours plus interessé que la lettre, et spinoza m'intéresse dans la mesure où sa philosophie a des effets sur moi.

il est vrai, lupink, qu'en faisant ce travail je ne voyais pas bien où je voulais en venir. et alors ? mon idée centrale - redonner une place de choix au langage dans la philosophie de spinoza - me semble exactement celle de votre professeur robinet, ainsi que celle que meschonnic affirme avec emphase dans son "spinoza poème de la pensée", que je vous recommande, ainsi qu'à bardamu.

quant à l'argument malgache, il ne tient pas car par "mode indicatif" j'entendais tout mode verbal servant à exprimer le fait - le fait que le langage soit un instrument de description du réel -, et je ne désignais pas vraiment une particularité grammaticale latine ou française.

l'influence fondamentale de cette démarche étant effectivement la philosophie analytique, et wittgenstein, auquel je trouve des liens de parenté avec spinoza.

ce n'est certainement pas parce qu'on s'intéresse au langage qu'on se désintéresse du "contenu" de la philosophie.

votre,
laurent martinet

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Messagepar lupink » 30 oct. 2002, 19:42

Vous savez, pour Robinet, il ne fallait pas prendre mes déclarations sentimentales au sérieux. Je le trouve respectable en tant que chercheur, c'est tout. D'ailleurs j'ai les yeux fort secs et pleure très difficilement.

Quant à votre travail, le problème est que je n'en vois ni la thèse, ni la méthode, ni même dans quelle discipline elle s'inscrit. Sinon Spinoza-Wittgenstein: pourquoi pas ? Mais alors où se trouve la référence chez Spinoza ? Et qu'est-ce que Heidegger a à voir avec le formalisme logique ? Et la réflexivité, cheval de bataille de Misrahi ?

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Messagepar martinetl » 05 janv. 2003, 19:49

plus de renseignements ici :[url=http://martinetl.free.fr/maisencore.htm]mais encore[/url].

laurent m.

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Messagepar lupink » 07 janv. 2003, 17:32

Franchement, j'ai parfois l'impression que tu renverses les perspectives. L'originalité de S consiste selon moi de refuser l'usage analytique du langage pour enraciner celui-ci dans le physico-existentiel, c'est-à-dire l'affectif et le politique. La parole n'est-elle pas rapportée à l'impulsion, à l'appétit et donc au conatus en III2s? Dès lors le lanngage n'est pas pour lui un "canal" qui ne fait pas problème. Ce serait plutôt le cas pour Condillac qui l'hypostasie en le ramenant à une langue primitive immédiatement signifiante. Au contraire, chez S, il est problématisé, même et surtout dans l'Ethique. Mais il l'est par rapport au corps qui n'est pas le simple réceptacle des sensations des choses et aussi au sujet d'énonciation qui n'est pas un sujet cartésien , ni une âme liée au Verbe divin. Le langage devient alors matériau dans une grammato-pratique de son usage commun, donc dans une politique. S use d'un langage commun. Il en use, et donc le transforme. Justement, à l'inverse de ses contemporains, il ne vise nulle réforme ni formalisation qui permettrait de retrouver la présence d'un verbe divin créateur des choses-mêmes. Par ailleurs, le TTP n'est pas l'analyse d'"un langage, celui des écriture", mais l'analyse historique de l'usage d'une langue où est posé pour la première fois la question du sujet d'énonciation et de la finalité "performative" et politique de la profération.

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Messagepar bardamu » 07 janv. 2003, 19:52

Quelques commentaires sur les textes de votre site.

''Mais la discussion tourne vite court, mes interlocuteurs s'accordant pour accessoiriser le langage.''

Pour ma part, je serais plutôt dans la position de Laurendeau que vous décrivez ''le langage n'est qu'un canal dont l'usage est parfaitement maîtrisé par le philosophe. Son statut est ''ancillaire'', ''corollaire''. Le spinozisme est ailleurs, dans le non-langagier, voire dans le vrai.''

Donc, effectivement, le langage de S m'intéresse peu. Pour moi l'Ethique évoque avant tout un rapport physique au monde où l'abstrait des mots doit s'effacer devant le concret des affects. D'où mes interrogations sur la traductibilité de l'Ethique : je pense que l'Ethique est traduisible en toute langue parce que ce n'est pas de la littérature, l'essentiel n'est pas dans les mots, le style, mais dans ce que ça change dans la vie, lorsqu'on a compris l'Ethique.

''Revaloriser la part du non-philosophique dans la philosophie de Spinoza, alors que celui-ci apparaît comme le type même du philosophe abstrait : cette idée ne nous est pas propre. ''
Personnellement, je n'ai jamais perçu Spinoza comme un philosophe abstrait au contraire de Descartes par exemple. Un philosophe qui traite du ''chatouillement'' est pour moi dans le concret. Ceci dit, je ne sais pas comment Spinoza est enseigné en faculté. Au demeurant, sauf enseignement par un philosophe plutôt qu'un professeur de philosophie, il semble que la philosophie impose le style ''technicien et sacerdotal'' que vous évoquez.

''L'Éthique n'est pas l'Éthique, elle n'est qu'un des discours possibles sur le sujet. ''
Aïe, aïe, aïe...
Ca, ça me fait mal.
Quel sujet ?
Où voyez-vous une Ethique dont il s'agirait de parler ? Vous croyez aux Idées ?
Pour ma part, il y a l'Ethique de Spinoza, qui n'a qu'un rapport nominal et/ou de convention (définition du mot ''éthique'' dans le dictionnaire) à l'Ethique à Nicomaque par exemple. Les problèmes ne sont pas forcément les mêmes en dépit des mots, il s'agit de pensées singulières fonctionnant selon leur mode propre.
Comprendre la philosophie comme un commentaire sur des thèmes ''bien connus'' me semble à peu près aussi intéressant que les sujets du bac : un examen d'efficacité rhétorique.

Mais bon, votre intention semble de garder Spinoza sur terre, près du lecteur, ce qui n'est pas pour me déplaire. Par contre, je ne suis pas certain que vous y parveniez...

µ
[size=50][ Edité par bardamu Le 07 January 2003 ][/size]

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Messagepar lupink » 08 janv. 2003, 18:45

Salut Bardamu, cela faisait longtemps.

C juste sur les rapports de l'Ethique avec celle de Nicomaque. Je voudrais juste faire remarquer que cette dernière, comme celle de S est fondée sur un rapport aux corps (si on excepte la théorie du juste milieu). Pour le reste bien entendu c fort différent puisqu'il s'agit chez A de pondérer les régimes comportementaux, alimentaires etc... bref, ce que Foucault nommerait le "soucis de soi", par rapport au statut de l'individu dans la cité. Tandis que chez S l'Ethique précède logiquement le politique. Mais les deux s'opposent à l'usage contemporain que l'on fait du terme "éthique" en l'identifiant à la morale comme ensemble de valeurs régulatrices pour une conscience sensée être autonome (cf. comités d'éthique, problèmes éthiques, etc... qui sont en fait des problèmes moraux renvoyant à des valeurs transcendantes au moins implicitement).

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Messagepar martinetl » 08 janv. 2003, 23:12

bonjour,

je suis très heureux de pouvoir continuer cette discussion avec vous. c'est l'occasion de clarifier mes pensés, qui peuvent être quelquefois - toujours ? - confuses ou triviales, comme vous n'avez pas manqué de le remarquer. je répondrai tout d'abord à bardamu, car cela m'est plus facile, sa position étant plus tranchée que celle de lupink.

votre position est donc celle de paul laurendeau, telle que je la résume rapidement sur ma page. je la résume même si rapidement que j'ai peur de la caricaturer. en gros, le langage est un voile transparent : quand on appréhende spinoza, la forme ne compte pas, on va directement au fond « philosophique ». son esprit communique directement avec le nôtre, en quelque sorte, et c'est pur accident si un livre se trouve mêlé à cette opération miraculeuse. spinoza, dit même laurendeau « soumet les mots aux choses ». le problème est qu'un tel exploit est tout bonnement impossible, même pour un philosophe aussi sublime que spinoza. personne ne peut soumettre les mots aux choses, car cela voudrait dire qu'on a inventé une sorte de langage parfait, scientifique, inhumain. mais dans l'Ethique le langage humain reste l'inquestionné irréductible, le matériau indispensable. l'Ethique n'est pas un ouvrage scientifique. c'est bel et bien, par défaut, de la littérature, comme toute la philosophie d'ailleurs.

et c'est là que j'en viens à l'idée que l'Ethique n'est pas l'Ethique. elle ne devrait pas vous choquer, car elle a quelque chose d'évident : s'il y a une « Ethique », c'est à dire une manière parfaitement accomplie et exemplaire d'être humain dans ce monde, aucun livre ne peut la contenir entièrement et systématiquement. le thème déborde les possibilités d'expression humaines. vous le savez sans doute, spinoza voulait que son livre soit publié sans nom d'auteur. il le considérait apparemment comme un ouvrage parfait de la raison. un monument d'objectivité. mais c'est cela qui est impossible. un jour, un homme a écrit un livre. c'est l'Ethique de spinoza. ce n'est pas l'Ethique tout court.

voilà. je ne crois pas que l'on puisse opposer « l'abstrait des mots » au « concret des affects », une forme qui ne serait que forme à un fond qui ne serait que fond.

laurent m.

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Messagepar martinetl » 09 janv. 2003, 22:08

bonjour,

ma réponse à lupink maintenant : tu as très bien vu où je voulais en venir. effectivement, ma lecture de spinoza est un « renversement des perspectives ». une lecture déviante ! mais ce renversement peut être futile, gratuit et détestable ou il peut avoir un sens.

je suis d'accord avec toi pour dire que « L'originalité de S consiste à refuser l'usage analytique du langage pour enraciner celui-ci dans le physico-existentiel ». je suis également d'accord pour dire qu'il y a problématisation du langage dans l'Ethique. je suis encore d'accord pour dire que « Le langage devient alors matériau dans une grammato-pratique de son usage commun ».

mais mon idée est que l'on peut prendre spinoza au piège de son usage du langage commun. on peut l'amener de cette manière à côtoyer - malgré lui - un philosophe analytique comme wittgenstein. je base ma lecture sur cette phrase du TTP « Par toutes ces raisons nous nous persuaderons aisément qu'il n'a pu venir à l'esprit de personne de corrompre une langue ». c'est là que spinoza rend les armes devant le langage. un homme, même un philosophe, ne peut se rendre parfaitement maître du langage. il l'utilise et c'est tout. je ne veux pas dire par là que c'est le langage qui est le maître, mais que les relations entre « utilisateur » et « utilisé » sont plutôt complexes. pas plus qu'un homme ne peut maîtriser complètement le langage celui-ci ne peut rendre compte complètement de l'expérience humaine. et surtout pas dans un livre, un seul, qui la résumerait. à la limite, pour être l' « Ethique » un livre devrait contenir tous les discours écrits et oraux depuis l'origine de l'humanité. pour moi, l'Ethique de spinoza n'est lisible qu'explosée en une multitude de phrases - des propositions - qui sont toutes au même niveau et qui expriment toutes la même idée : l'homme est. et, aussi sublime soit ce livre, il est hautement tributaire du langage.

si le langage ordinaire m'intéresse, c'est que je suis à la recherche d'une philosophie possible, effective, qui ne serait pas seulement une théorie. une philosophie devrait avoir deux versants : celui de l'action (elle est une vie) et celui de l'expression, de la théorisation, qui a nécessairement à voir avec le langage. travailler sur le langage ordinaire c'est essayer de ramener l'un à l'autre ces deux versants : le langage que nous utilisons tous les jours est à la jonction de notre pensée et de notre vie.

quant à ta remarque sur le TTP, je n'y répond pas car je ne vois pas bien où sont nos divergences.

laurent m.

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