Spinoza et le langage

Questions et débats touchant à la nature et aux limites de la connaissance (gnoséologie et épistémologie) dans le cadre de la philosophie spinoziste.
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Messagepar lupink » 09 sept. 2002, 20:52

Quel est le statut du langage - ou plutôt du discours - dans la philosophie de Spinoza ? Si répondre vous semble trop fastidieux, pouvez-vous au moins me faire connaître les textes où il traite de la question ? <IMG SRC="images/forum/smilies/icon_rolleyes.gif">

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Messagepar Krishnamurti » 09 sept. 2002, 21:23

[i]Eth.[/i]III, Déf. des Aff. XX, Explication

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Messagepar lupink » 10 sept. 2002, 13:22

Merci Kris. Il y a aussi EIIp18scol. et EII40scol.2, bien qu'il s'agisse là moins des "mots" que des "signes". Il y a aussi bien sûr le TTP, où il est plutôt question de "paroles" et "figures", mais le TTP est sans doute moins valide dans le domaine strictement spéculatif (bien que c'est à voir).

En réalité cette question du langage est directement liée à mes autres questions. Je me demande si, comme Macherey et beaucoup d'autres, on peut traduire "percevoir" par "représenter", "idée" par "représentation", ou du moins établir leur équivalence, parce que ce dernier terme n'apparaît que peu de fois et en des endroits précis du texte.
Comme "représenter", dans l'Ethique, est rapportée en quelque manière à la notion de "signe" d'une part et de "trace" ou de "vestige dans les parties molles" d'autre part, plutôt que uniquement à la notion d'affection. Comme par ailleurs S distingue les idées confuses des idées les plus confuses (quant aux transcendentaux et universaux en EIIp40scol.). Comme aussi il y a deux usages de l'imagination dans la mesure où celle-ci est souvent valorisée dans son fonctionnement normal (même si elle produit des idées confuses). Comme enfin je ne vois pas pourquoi Spinoza avait besoin des "parties molles" pour expliquer le fonctionnement général de l'imagination qui permet à l'âme de "percevoir" les affections du corps, "indiquer" la nature de ce corps et "envelopper" (ou "impliquer") la nature des corps extérieurs même si elle ne l'"explique" pas. Bref, pour toutes ces raisons, je me demande parfois s'il n'y a pas deux fonctionnement de l'imagination et partant deux sortes de mémoire, ou du moins deux usages de ces "facultés" (car S parle peu du fonctionnement dans la mesure où, comme il le dit lui-même, la physiologie n'est pas assez développée).

Par ailleurs si l'on compare ce relatif désintérêt pour le langage, ou du moins sa dévalorisation, avec la confiance totale de Descartes pour ce même langage, la survalorisation de celui-ci chez Hobbes où il distingue l'homme de l'animal bien plus que la simple cogitatio, et enfin la notion de caractéristique universelle chez Leibniz, de sorte que pour ces trois un langage clair établit immédiatement une science vraie - si l'on compare donc Spinoza à ceux-là en cette matière, Spinoza semble une véritable anomalie.

Si tu as quelqu'idée sur la question, fais-le moi savoir car je suis encore au stade des simples hypothèses. D'ailleurs je vais mettre le problème de côté afin de le digérer plus convenablement et passer de façon plus précise aux affects que tu semble examiner actuellement. A bientôt.
[size=50][ Edité par lupink Le 10 September 2002 ][/size]

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Messagepar Krishnamurti » 10 sept. 2002, 17:43

Je crains de ne rien pouvoir examiner avant l'été prochain <IMG SRC="images/forum/smilies/icon_frown.gif">

Bonne digestion :wink:

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Messagepar lupink » 11 sept. 2002, 19:07

Il y a aussi la définition de l'idée où il distingue percevoir de concevoir, d'une part par le degré d'activité et d'autre part en faisant référence à l'obscurité du langage, puisqu'il n'y a pas de différence de nature entre les significations de ces termes dans la mesure où toute idée humaine est à la fois active et passive.

Si cela intéresse quelqu'un, on vient de me faire savoir qu'il existe un ouvrage sur la matière qui nous préoccupe ici : "Spinoza, poème de la pensée", d'Henri Meschonnic.

Enfin, outre les querelles stériles dignes de forums "cafés philo" généralistes, j'ai de plus en plus l'impression de rester seul. Aussi, et ce n'est pas plus mal, je ne bombarderai plus ces pages de questions sans avoir préalablement m'être fait une idée plus claire des problématiques qui m'occupent aujourd'hui de façon toute intuitive, cad sans la médiation d'une écriture sur support papier (et si tout le monde s'en fout, c'est pas grave).

Donc : à plus, tous.
Votre dévoué Lupink

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Messagepar Krishnamurti » 11 sept. 2002, 20:05

J'espère bien retrouver un forum avec plein de discussions fécondes, et aussi des stériles, à mon retour (dans 9 mois) :wink:

Il faut lui laisser un peu de temps à ce forum...

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Messagepar martinetl » 25 sept. 2002, 22:25

bonjour,
l'utilisation que fait spinoza du langage me passionne depuis longtemps. je crois qu'elle est à la fois une caractéristique de sa philosophie et une de ses limites en tant que système. s'il effectue un travail sur le vocabulaire, il ne remet jamais en cause la fonction prédicative du langage, c'est à dire sa prétention à dire le vrai. je crois que c'est sur cette prétention finalement problématique que se fonde son "Ethique" en dernier recours, ce qui la rattache plus étroitement à une tradition gnomique qu'au rationalisme. ou au "géométrisme" qui n'est finalement qu'un effet de style.

sur le sujet, voir le texte d'un linguiste canadien, paul laurendeau, à propos de la critique de spinoza par condillac : CONDILLAC CONTRE SPINOZA: UNE CRITIQUE NOMINALISTE DES GLOTTOGNOSES (http://www.yorku.ca/paull/articles/2000b.html)

je serais heureux d'avoir votre avis sur la question.
[addsig]

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Messagepar lupink » 30 sept. 2002, 19:57

Bonjour Laurent,
Je ne sais à qui vous vous adressez par "votre avis". Toujours est-il que je viens de lire le texte sur la critique de Spinoza par Condillac et vous remercie infiniment de me l'avoir fait parvenir. Il m'intéresse au plus haut point. Je ne pourrai pas encore vous répondre aujourd'hui mais cela ne saurait tarder. L'échange entre les pensées anglo-saxonnes et continentales ne peut être que profitable, eu égard aux grandes différences de traditions philosophiques (même si vous êtes Français).

Lorsque vous dites que Spinoza ne dépasse pas la relation fondamentale et scolastique sujet-prédicat, cela m'étonne, surtout que vous considérez le "more geometrico" comme "effet de style" (je préfèrerais le terme "masque"). Je ne vois pas cela non plus dans le texte de Lourendeau (ou un nom approchant, je ne l'ai pas à portée de main). Mais bon. Si le "more geometrico" est un masque pourquoi pas le recours à la relation sujet-prédicat ? Dans l'Ethique, le cogito cartésien (et donc aussi le "je suis pensant" = "je pense") devient "homo cogitat" sans exclusive (il n'est pas dit que seul l'homme pense. Pour Hobbes, les animaux pensent). A mon avis présent, "l'homme pense" ne signifie pas "l'homme est une chose pensante". Il est seulement un mode de l'activité de la substance sous l'attribut "pensée". Du moins c'est comme cela que je vois les choses pour l'instant. Mais je vous répondrai plus précisément à la fin de cette semaine.
A bientôt.
Amicalement. Lupink.

[size=50][ Edité par lupink Le <br>30 September 2002 ][/size][size=50][ Edité par lupink Le 30 September 2002 ][/size]

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Messagepar martinetl » 02 oct. 2002, 21:08

bonjour lupink,

tout d'abord, à qui je m'adressais : à vous, bien sûr, ainsi qu'à toute personne que ce thème de "spinoza et le langage" plutôt négligé, parce que généralement tenu pour totalement accessoire, pourrait intéresser.

en effet, spinoza passe du "cogito" de descartes à un "homo cogitat". pour moi, le spinozisme se caractérise par ce passage du subjectivisme à une structure prédicative généralisatrice, qui inlassablement répétée, fait de l'Ethique une sorte de poésie objective.

le "more geometrico": je ne dirais pas qu'il est superficiel dans l'Ethique. ce livre a été pensé de cette manière, construit de cette manière. cependant, je pense qu'il est secondaire par rapport à "l'os" de l'Ethique, c'est à dire à la structure prédicative (structure prédicative que je n'associe pas forcément à la scholastique, mais plutôt au langage naturel ou ordinaire). c'est cette "os" qui fait la cohérence du livre, pas la géométrie.

je vous indiquais le texte de paul laurendeau parce qu'en fait je suis d'un avis tout contraire à lui, qui tente de disculper la philosophie de spinoza de toute contamination par le langage naturel. voilà l'adresse de mon travail à ce sujet : [url=http://www.respublica.fr/martinet_l/spinoza.htm]mode indicatif[/url]

je rejoins donc les critiques de condillac, (en gros, spinoza se paye de mots) tout en restant le fervent admirateur d'un spinoza "déconstruit" qui nous ouvre des fenêtres sur "le réel".

amicalement,
laurent

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Messagepar bardamu » 03 oct. 2002, 14:47

Bonjour,
[quote] je ne dirais pas qu'il est superficiel dans l'Ethique. ce livre a été pensé de cette manière, construit de cette manière. cependant, je pense qu'il est secondaire par rapport à \"l'os\" de l'Ethique.

[/quote], dites-vous, parlant du ''more geometrico''.
Il me semble que l'usage de la deuxième forme de connaissance est indispensable lorsque l'on a un projet éducatif ce qui me semble être l'objet même de l'Ethique. Les démonstrations sont les yeux de l'âme (je n'ai pas la référence...) et ''L'effort ou le désir de connaître les choses par le troisième genre de connaissance ne peut naître du premier genre de connaissance, mais bien du deuxième'' (E5P28). La connaissance est difficile à atteindre et il est nécessaire, indispensable, de passer par la deuxième forme de connaissance et le langage correspondant, le ''géométrique''.
J'ajouterai : la troisième forme de connaissance n'est pas communicable, elle n'a pas de langage horizontal, d'une chose à l'autre, d'un émetteur à un récepteur. Elle est un rapport vertical et individuel : monter à Dieu (où s'enrichit, se ''transmute'' l'information originale) et redescendre aux choses (avec une autre information). Les ''sages'' se parlent peu.
Je concluerai : le ''more geometrico'' est secondaire pour le ''sage'' premier pour l'étudiant, comme le moyen par rapport au but.
P.S.: j' énonce mes vérités mais n'y voyez pas là des Vérités. Affaire de style. :wink:


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