Spinoza et le langage

Questions et débats touchant à la nature et aux limites de la connaissance (gnoséologie et épistémologie) dans le cadre de la philosophie spinoziste.
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bardamu
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Messagepar bardamu » 11 janv. 2003, 02:52

Salut, Laurent.

On s'tutoie ?

Alors, par rapport à mon intervention précédente :
je ne crois pas du tout à un langage transparent au contraire, aussi je ne suis peut-être pas du tout sur la position de Laurendeau et peut-être n'ai-je rien compris à ton résumé (je n'ai pas relu Laurendeau...).
Je crois que le langage est un malentendu permanent.
Et donc, je vais a priori chercher ce qui voulait se dire derrière les mots, je ne prends les mots que comme des signes d'un réel qui cherche à se manifester.
C'est un peu la position psychanalytique et je crois d'ailleurs que Freud a été influencé par Spinoza.
Donc, si le langage ne compte pas ce n'est pas parce qu'il est transparent, c'est au contraire parce qu'il est toujours opaque. Néanmoins, il signale du réel et c'est ça l'important. C'est ce qui se passe derrière le mur et qui fait du boucan qui compte pas le mur qui vibre.
Cela demande du travail de le saisir correctement, cela demande de ne pas trop interpréter, de ne pas trop imaginer mais plutôt d'expérimenter dans le même sens, taper sur un mur pour voir si on fait le même bruit, pour voir si ça correspond.

Ce serait essayer d'adoper le mode de pensée de l'auteur et voir si on produit le même langage. D'ailleurs sur ce forum, je trouve par exemple que les articles de Serge dénotent une connaissance de Spinoza mais ne correspondent pas à son mode de pensée. Ca ne sonne pas pareil mais j'ai du mal à isoler ce qui cloche. Je sens de la transcendance chez Serge et pas du tout chez Spinoza.

Et en fait, peu importe le nom de l'auteur du moment que le style, le mode de pensée sont les mêmes. C'est là que je vois le désir d'anonymat de Spinoza : il devait considérer qu'il manifestait un mode de pensée et que donc peu importait son nom, le mode existait avec d'autres noms, s'exprimait par d'autres corps.
Attention, je ne veux pas parler de modèles dont on serait les dérivés, pas de rapport hiérarchique à la Platon, que des dérivés. Il s'agit simplement de ressemblances, de résonnances mais sans qu'il n'y ait de source et sans considération chronologique : Spinoza et Nietzsche manifestant parfois le même esprit, une même mentalité (et là je découvre l'intérêt de traduire ''mens'' par ''mentalité''...)

Et il n'y a pas pour moi ''une manière parfaitement accomplie et exemplaire d'être humain dans ce monde'', il y en a une par personne.
La position de Spinoza ne me semble pas celle de la recherce de la vérité humaine mais celle de la vérité de chacun. La nature humaine, d'ailleurs, il ne sait pas trop ce que c'est. Je crois qu'on retrouve-là Hobbes.

Sauf erreur, ma position, n'est pas la même que celle de Lupink notamment parce que je ne crois pas à la communicabilité du troisième genre de connaissance. Pour moi, l'Ethique n'apprend rien à qui n'entre pas dans la mentalité de Spinoza par lui-même, à qui n'est pas en résonnance (raisonnance ?). L'Ethique serait une invitation à s'exercer, comme un maitre d'art martiaux qui fait une démonstration pour séduire mais qui n'apprend rien à celui qui ne s'entraîne pas lui-même, une pédagogie par l'exemple, plutôt que l'énonciation de vérités.
N'est-ce pas ça l'éthique par rapport à la morale ? Exemple et conseils plutôt que lois et application.

Je sens que ce n'est pas exactement ce que je veux dire mais j'espère que tu comprendras l'esprit derrière les mots.

En d'autres termes :
l'Ethique n'est de la littérature que pour ceux qui n'entrent pas dans la mentalité de l'Ethique. Lorsque ça nous parle, ça ne nous parle pas de littérature, pas d'esthétique, mais de réel, d'affect, d'éthique.
Et c'est pareil pour toute chose, philosophie, art, science.

C'est mon sentiment...[size=50][ Edité par bardamu Le 11 January 2003 ][/size]

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Messagepar martinetl » 12 janv. 2003, 22:50

bonjour bardamu,

on se tutoie !
il me semble tout d'abord que tu fais une lecture toute personnelle de spinoza : et ce n'est pas du tout pour te blâmer, mais pour suggérer que le « contenu philosophique » d'une oeuvre comme celle de notre auteur favori n'existe pas abstraitement, dans un « règne du sens » mais est une affaire d'interprétation. nous faisons à un moment donné une lecture de spinoza qui nous amène à sa pensée. c'est par l'écriture d'un livre, l'Ethique, qu'il a communiqué. nous ne le rencontrons pas dans des sphères éthérées !

mais si je reste obsédé par l'existence indéniable de ce livre - en tant que livre et pas en tant que pensée - tu me reprocheras d'être comme l'idiot qui regarde le doigt du sage quand celui-ci lui montre la lune...

ce qui nous amène à cet autre point : qu'est ce que le langage pour la philosophie ? je ne crois pas du tout que le langage soit tout pour la philosophie. je dirais seulement que là où il y a de la philosophie, il y a du langage. et il y a aussi un travail sur le langage. bien sûr, il est des traditions orientales où le langage semble jouer à première vue un rôle moins important. le maître zen montre, suggère, reste muet. bien sûr, on a aussi fait de spinoza un oriental. il peut être rapproché par exemple des doctrines monistes de la philosophie indienne (a-dvaïta, non-dualité). bien sûr, c'est aussi pour ça qu'il nous plaît. mais bon : on n'y coupe pas, à un moment où à un autre, quand on est dans la spéculation (résonnance - raisonnance), on se retrouve dans le langage. à énoncer de subtils aphorismes par exemple. je vois donc le langage comme un compagnon fidèle de la philosophie, comme il est le compagnon fidèle de la pensée en général. d'ailleurs c'est pour moi le dialogue l'activité philosophique par excellence, le dialogue qui permet de clarifier ses pensées et de les faire évoluer. enfin, ce « mode de pensée » indicible que tu retrouves chez spinoza et chez nietzsche me semble un peu tiré par les cheveux.

pour finir, je relève quelques points dans ton message : ne vois-tu pas une contradiction à dire que spinoza « manifestait un mode de pensée » anonyme -donc s'adressant à un plus ou moins grand nombre d'individus- et qu'il y a une vérité pour chacun ?
spinoza et freud : oui, trois fois oui, il y a une influence. mais justement, la psychanalyse n'a-t-elle pas accordé au langage une importance énorme, qu'il n'avait pas auparavant ?
littérature et philosophie : je ne voulais pas dire que l'Ethique n'était que blabla « littéraire ». je voulais juste dire qu'en tant qu'écrit, elle appartenait au vaste domaine de la littérature, sous-genre philosophique. et il y a des choses très bien en littérature...

laurent

[size=50][ Edité par martinetl Le <br>12 January 2003 ][/size]

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Messagepar bardamu » 15 janv. 2003, 23:36

''nous faisons à un moment donné une lecture de spinoza qui nous amène à sa pensée.''
Je ne suis pas convaincu que ce soit si simple et Condillac par exemple, malgré sa lecture, ne me semble pas avoir accédé à la pensée de Spinoza tandis que d'autres ne font que retrouver leur pensée dans celle de Spinoza (cf lettre de Nietzsche à Overbeck dans Nietzsche et Spinoza).

Je suis peut-être plus spinoziste que Spinoza mais je mettrais l'analyse, la lecture, dans le 2e genre de connaissance et la véritable saisie de la pensée dans le 3e genre de connaissance.

Même débat qu'avec Lupink : quelle est donc cette science intuitive ?
Pour moi, entrer dans la mentalité de Spinoza, c'est avoir la science intuitive de son oeuvre, trouver son essence singulière qu'on n'obtient pas par l'analyse. Par l'analyse, on en reste à la comparaison historique, linguistique, au relativisme, un quelque chose d'assez abstrait qui ne se résout en éthique concrète que par le 3e genre de connaissance.
Donc, quand tu vois de l'abstraction dans mes propos pour cause de détachement du texte du livre, je vois de l'abstraction lorsqu'on en reste au texte du livre.

Je veux juste dire qu'une thèse sur l'Ethique ne fait pas vivre de manière ''éthique'' et que si on ne vit pas l'Ethique la compréhension est partielle.

''ne vois-tu pas une contradiction à dire que spinoza « manifestait un mode de pensée » anonyme -donc s'adressant à un plus ou moins grand nombre d'individus- et qu'il y a une vérité pour chacun ? ''
Non, la vérité de chacun est dans le rapport réel que nous avons au monde pas dans un mode de pensée que nous partageons avec un tel ou un tel.
La vérité de chacun n'est pas une compréhension intellectuelle de ce que nous sommes mais une découverte de l'adéquat ou l'inadéquat à la position de chacun.

''elle appartenait au vaste domaine de la littérature, sous-genre philosophique. et il y a des choses très bien en littérature... ''
Qu'on mette en littérature tout ce qui est écrit, je veux bien, mais c'est perdre la spécificité de la philosophie.
C'est un peu pour moi, comme mettre la Relativité d'Einstein en littérature sous-genre science parce qu'il a écrit un livre dessus.
D'ailleurs déjà dans le Phèdre de Platon l'écrit a une position assez ''faible'' et le rêve d'une langue logique, philosophique exprime bien le dépit de nombre de penseurs devant les insuffisances du langage. Hélas, il faut parler pour tenter de se faire comprendre...
Chez les zen, un coup de bâton ou un koan ''incompréhensible'' peut faire comprendre beaucoup de chose et je considère le zen comme de la philosophie.

''mais justement, la psychanalyse n'a-t-elle pas accordé au langage une importance énorme, qu'il n'avait pas auparavant ? ''
Elle a surtout accordé une place à l'expression, structurée en langage ou pas. Ensuite, les interprétations de l'inconscient tout en terme de langage me semblent abusives. Cf ''Anti-Oedipe'' Deleuze et Guattari.

''quand on est dans la spéculation (résonnance - raisonnance), ''
Ce n'est pas de la spéculation c'est l'expression peut-être insuffisante (faiblesse du langage...) d'un vécu.

Question : comment est-on passé d'une philosophie perçue comme science à une philosophie perçue comme littérature ?[size=50][ Edité par bardamu Le 15 January 2003 ][/size]

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Messagepar lupink » 17 janv. 2003, 20:35

En fait, je suis d'accord avec toi. Que le troisième genre de connaissance soit communicable ou non, je n'en sais rien. J'espère que oui, même si ce n'est pas au moyen d'un discours, ou même de paroles, il l'est peut-être par une "expression" du corps. Du moins si tu veux bien accepter qu'il ne s'agit pas de la seule puissance de l' entendement sans corps ni affect (sinon ne lis pas la suite). Il doit y avoir un langage des affects. Mais est-ce un autre langage que le langage naturel, si toutefois on le travaille comme une matière de façon poétique au sens de poiésis? Car, de fait, Spinoza tente de le communiquer en mots écrits à la fin de la cinquième partie de l'Ethique. Réussite ou échec de cette tentative? Vu la plupart des commentaires sur Spinoza, ce serait plutôt un échec. Mais les commentaires sont commis par des professionnels fatalement névrosés. Peut-être a-t-il cependant un effet salutaire sur les "cochers" (il y a une célèbre anecdote du cocher qui avait fort bien lu Spinoza, je ne sais plus qui la rapporte...). Si je dis qu'une pensée corporelle est communicable en mots, c'est seulement parce que je n'ai moi-même pas désespéré d'en communiquer ainsi : pas nécessairement celle de S, puisque cela dépend précisément de l'interprétation de son oeuvre écrite. Tout cela pose la question de la communicatoin en général. Mais ce que j'ai appris d'experience (forte), c'est qu'il est impossible de ne pas communiquer d'une manière ou d'une autre. Seulement l'effet est parfois inverse de ce que l'on attend (quitte à attendre qu'on vous foutte la paix) : réactions de peur, de jalousie, de méfiance, etc... C pas une solution non plus parce que cela fait appel aux affects inconnus d'autrui. Et si ça marche la plupart du temps, cela reste passager puisqu'il n'y à pas à proprement parler de sens exprimé que l'on puisse reproduire ad libitum. Et puis ça se paie, jusqu'à la folie, - voyez Nietzsche - cad ça se paie socialement. Ce n'est plus de mon âge. C'est pourquoi je ne désespère pas d'une communication en signes sonores ou écrits. Ceci pour circonscrire et expliquer notre désaccord, s'il y a. Pour le reste, je suis d'accord (en substance) avec toi.

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Messagepar bardamu » 17 janv. 2003, 23:04

Ce qu'on peut faire par la communication c'est sans doute de la signalisation.
Il n'y a pas de carte à lire mais on peut planter ici ou là des panneaux disant ''Attention danger, folie !'' ou ''L'amour de Dieu c'est par là'' ou ''Haine à 3 mots d'ici''...
On ne fait que poser des marques sur l'attribut Pensée pour ceux qui l'arpentent, à coup de signes sur papier et de mots en l'air.
Ceux qui ne voyagent pas, ceux qui ne regardent pas au bon endroit ou ceux qui ne savent pas lire manquent ces indications, le sens ?, mais ce n'est pas grave, s'ils ne bougent pas trop, s'ils restent en terrain connu, le bon sens, ils ne risquent rien.
Par contre, ceux qui poussent un peu loin l'exploration ont plutôt intérêt à être attentifs. On a vite fait de tourner en rond ou de tomber dans un gouffre quelconque. Leçon nietzschéenne ?
[size=50][ Edité par bardamu Le 18 January 2003 ][/size]

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Messagepar martinetl » 19 janv. 2003, 21:32

bonjour à tous les deux,

si c'est bien avec moi que es d'accord, lupink, je suis étonné et ravi. mais il me semblait bien que nos positions étaient relativement proches. je crois avec toi que le troisième genre de connaissance est communicable par une espèce de langage, ou n'est pas. l'objet de mon travail de maîtrise était précisément de montrer que l'on pouvait suivre le fil rouge du langage du début à la fin de l'Ethique, à travers les trois genres de connaissance.

je dois cependant avouer que ce troisième genre de connaissance n'a jamais été pour moi qu'une belle possibilité théorique. la "révolution spinoza" est toute dans son rationnalisme intrépide. mais la science intuitive ...

quant à toi, bardamu, je vois un relativisme bien peu spinoziste dans ta définition de la vérité. comment, il y aurait une vérité pour chacun ? il me semble aussi qu'en prenant "au pied de la lettre" l'existence de la "science intuitive", tu réintroduis carrément une transcendance dans le spinozisme. tu es prêt d'en faire une lecture quasi mystique ! c'est possible, évidemement, mais n'est-ce pas une sorte de "gouffre"? (clin d'oeil)

philosophie : science ou littérature ? mais la philosophie n'a jamais été une science. depuis toujours elle croît à côté de la science en profitant de ses insuffisances. mais c'est plutôt un art, art de vivre et art de penser, dont l'expression est systématiquement littéraire. de toutes façons on ne peut vraiment pas dire que l'Ethique est un ouvrage scientifique. par contre, en faisant exploser les cadres de pensée traditionnels (c'est à dire religieux), elle a sûrement accompagné et aidé le progrès scientifique dans les siècles qui ont suivis.

laurent m.

PS : je considère aussi que le zen est une philosophie - et que le rêve d'une langue logique est une bonne blague.
[size=50][ Edité par martinetl Le <br>19 January 2003 ][/size][size=50][ Edité par martinetl Le 19 January 2003 ][/size]

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Messagepar bardamu » 20 janv. 2003, 02:17

Salut Laurent,
pour ma position ce serait plus du perspectivisme que du relativisme. Et le mysticisme que je ne rejette pas n'est pas forcément un rapport transcendant au monde, cf le zen.

Dernier paragraphe de l'Ethique :

''Le Sage (...) ayant, par une certaine nécessité éternelle, conscience de lui-même, de Dieu et des choses, ne cesse jamais d'être et possède le vrai contentement."

Que signifie cette conscience de soi, de Dieu et des choses ?

Ma lecture n'est pas si originale que ça :
<!-- BBCode auto-link start -->[url=http://www.webdeleuze.com/TXT/240178.html]http://www.webdeleuze.com/TXT/240178.html[/url]<!-- BBCode auto-link end -->

"Le troisième genre de connaissance, ou la découverte de l'idée d'essence, c'est lorsque, à partir des notions communes, par un nouveau coup de théâtre, on arrive à passer dans cette troisième sphère du monde: le monde des essences. Là on connaît dans leur corrélation ce que Spinoza appelle - de toute manière on ne peut pas connaître l'un sans l'autre -, et l'essence singulière qui est la mienne et l'essence singulière qui est celle de Dieu, et l'essence singulière des choses extérieures.
Que ce troisième genre de connaissance fasse appel à, d'une part, toute une tradition de la mystique juive, que d'autre part ça implique une espèce d'expérience mystique même athée, propre à Spinoza, je crois que la seule manière de comprendre ce troisième genre, c'est de saisir que, au-delà de l'ordre des rencontres et des mélanges, il y a cet autre stade des notions qui renvoie aux rapports caractéristiques. Mais au-delà des rapports caractéristiques, il y a encore le monde des essences singulières. Alors, lorsque là on forme des idées qui sont comme de pures intensités, où ma propre intensité va convenir avec l'intensité des choses extérieures, à ce moment là c'est le troisième genre parce que, si c'est vrai que tous les corps ne conviennent pas les uns avec les autres, si c'est vrai que, du point de vue des rapports qui régissent les parties étendues d'un corps ou d'une âme, les parties extensives, tous les corps ne conviennent pas les uns avec les autres; si vous arrivez à un monde de pures intensités, toutes sont supposées convenir les unes avec les autres. A ce moment, l'amour de vous-même, est en même temps, comme dit Spinoza, l'amour des autres choses que vous, est en même temps l'amour de Dieu, est l'amour que Dieu se porte à lui-même, etc. Ce qui m'intéresse dans cette pointe mystique, c'est ce monde des intensités. Là, vous êtes en possession, non seulement formelle, mais accomplie. Ce n'est même plus là joie. Spinoza trouve le mot mystique de béatitude ou l'affect actif, c'est-à-dire l'auto-affect. Mais ça reste très concret. Le troisième genre, c'est un monde d'intensités pures.''

P.S. : pour la question de la place de la philosophie dans le champ de la connaissance, j'en discuterais bien dans le forum "Physique et Spinoza" que j'ai lancé mais c'est du boulot, d'expliquer tout ça. Notamment, l'importance de l'ontologie en science et par exemple de l'intérêt de l'ontologie de Spinoza pour la lecture de la physique contemporaine. Qu'est-ce qu'un corps ? Comment fonctionne le temps, l'espace, la causalité ?
Ce ne sont plus des évidences (si cela ne l'a jamais été...) pour les scientifiques depuis près d'un siècle.[size=50][ Edité par bardamu Le 20 January 2003 ][/size]

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Messagepar lupink » 20 janv. 2003, 19:20

Ben non ce n'est pas avec toi que je suis d'accord, Martineti, évidemment. Quand à la question du mysticisme, il faut encore s'entendre sur le terme. Je vois mal un Spinoza mystique comme Ste Thérèse ou St Jean de la Croix. Ce n'est pas parce qu'on a une vision ou une expérience difficile à communiquer que l'on est mystique. Et puis le troisième genre de connaissance est introduit par la joie active, qui est toujours un affect. Rien n'indique que le troisième genre de connaissance dépasse le niveau de l'affect - des intensités dirait Deleuze. Chez Nietzsche, un dieu n'est jamais qu'une intensité-affect portée à son maximum. En ce sens seulement, Spinoza est mystique, mais je ne crois pas que c un bon terme parce qu'il renvoit à une tradition religieuse. Un chrétien ne concevra pas un spinoza mystique, à moins de rabattre sa pensée sur celle de Descartes par exemple. Enfin, bon : je n'en suis pas encore à l'étude approfondie du troisième genre. Il y a tant d'interprétations différentes... Pour l'heure je tente seulement d'appréhender l'originalité de S par rapport aux représentationistes et à la tâche qu'ils dévoluent au signe et au langage. Et il faut remonter loin jusqu'à Augustin et à la ressemblance du Verbe et du verbe... à Hobbes aussi. Aussi rien n'indique que, chez Spinoza, la tâche du langage consiste à représenter la connaissance. La prolation est impulsion, appétit, conatus, et le signe simple association selon l'"ordre de la nature". Il n'y a pas chez S un volontarisme du mot comme chez Hobbes, de sorte que le langage est engagé dans la raison (non intuitive chez Hobbes). C pourquoi je pense que le langage, chez S indique un affect-constitution qui exprime Dieu. Il ne représente rien, ne se réfère à rien. Au mieux, son usage signifie une idée. Son usage et non lui-même. Car chez S, un mot ne signifie rien en dehors de son usage. Or, c'est le sujet d'énonciation (comme affect-constitution, voire disposition si son état perdure) qui en use dans un contexte d'usage collectif théologico-politique. Et le sujet n'a pas de statut chez S. Ce sont donc les affects-intensités qui signifient dans un ensemble théologico-politique. C'est en cela que Spinoza m'intéresse, par delà toutes les oppositions rationalisme-empirisme, herméneutique-formalisme, etc...


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