Pouvons-nous connaître les essences singulières ?

Questions et débats touchant à la nature et aux limites de la connaissance (gnoséologie et épistémologie) dans le cadre de la philosophie spinoziste.
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Vanleers
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Re: Pouvons-nous connaître les essences singulières ?

Messagepar Vanleers » 20 avr. 2015, 16:14

A Miam

Avant de poursuivre la discussion, je vous envoie cet extrait des Essais de Montaigne sur son art de lire les auteurs.

Bien à vous

Le jugement est un outil à tous sujets, et se mêle partout. A cette cause, aux essais que j’en fais ici, j’y [aux essais (j’emploie toutes sortes d’occasions à faire des essais de mon jugement)] emploie toute sorte d’occasion. Si c’est un sujet que je n’entende point, à cela même je l’essaie, sondant le gué de bien loin ; et puis, le trouvant trop profond pour ma taille, je me tiens à la rive ; et cette reconnaissance de ne pouvoir passer outre, c’est un trait de son effet, voire de ceux de quoi il se vante le plus. Tantôt, à un sujet vain et de néant, j’essaie voir s’il trouvera de quoi lui donner corps et de quoi l’appuyer et étançonner [étayer] ; tantôt je le promène à un sujet noble et tracassé [rebattu], auquel il n’a rien à trouver de soi, le chemin en étant si frayé qu’il ne peut marcher que sur la piste d’autrui. Là il fait son jeu à élire [choisir] la route qui lui semble la meilleure, et, de mille sentiers, il dit que celui-ci ou celui-là, a été le mieux choisi. Je prends de la fortune [au hasard] le premier argument [sujet (le premier sujet qui se présente)]. Ils me sont également bons. Et ne desseigne [n’ai dessein, ne me propose] jamais de les produire entiers. Car je ne vois le tout de rien. Ne font pas ceux qui [Ceux-là ne le voient pas non plus, qui] promettent de nous le faire voir. De cent membres et visages qu’a chaque chose, j’en prends un tantôt à lécher seulement, tantôt à effleurer, et parfois à pincer jusqu’à l’os. J’y donne une pointe, non pas le plus largement, mais le plus profondément que je sais. Et aime plus souvent à les saisir par quelque lustre [point de vue] inusité. Je me hasarderais de traiter à fond quelque matière si je me connaissais moins. Semant ici un mot, ici un autre, échantillons dépris [enlevés] de leur pièce, écartés, sans dessein et sans promesse [Semant… sans but, sans engagement (vis-à-vis du lecteur)], je ne suis pas tenu d’en faire bon [de traiter sérieusement ma matière], ni de m’y tenir moi-même sans varier quand il me plaît ; et me rendre [et (je puis) me rendre (idée implicitement contenue dans « je ne suis pas tenu »)] au doute et incertitude, et à ma maîtresse forme, qui est l’ignorance.
Essais I,50
Mis en français moderne par C. Pinganaud (Arléa 2002) p. 222
Eclaircissements supplémentaires de P. Villey (PUF 1965) p. 301

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Re: Pouvons-nous connaître les essences singulières ?

Messagepar Vanleers » 20 avr. 2015, 16:53

A Miam

1) A mon point de vue, la connaissance du troisième genre consiste à comprendre le lien direct entre les choses singulières et Dieu et non à considérer ces choses comme des parties des modes infinis. Il n’y a donc pas de « via les modes infinis », comme vous l’écrivez.

2) Henrique écrit en :

viewtopic.php?f=12&t=654

« Connaître intuitivement l'essence d'un corps, ce n'est donc rien d'autre qu'y être attentif en étant débarrassé des préjugés issus de l'imagination, qui font ordinairement obstacle à la conscience de l'immanence de l'infini dans le fini. »

Je serais assez d’accord pour dire que l’imagination doit périr (E V 40 cor.), non pas après cet événement particulier que sera la destruction de notre corps mais à tout moment, pour que nous vivions vraiment. Car vivre vraiment, c’est penser de façon adéquate et c’est d’abord connaître Dieu et savoir que notre esprit est en Dieu et se conçoit par Dieu (E V 30).

Bien à vous

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Re: Pouvons-nous connaître les essences singulières ?

Messagepar hokousai » 20 avr. 2015, 18:36

vanleers a écrit :Pascal Sévérac effectue une synthèse, éclairante et convaincante, des thèses de Rousset et de Gueroult sur ce qu’il faut entendre par essence de chose singulière dans la définition de la connaissance du troisième genre (Spinoza Union et Désunion – Vrin 2011).

Je ne vois donc pas l'utilité d' en discuter.

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Re: Pouvons-nous connaître les essences singulières ?

Messagepar Vanleers » 21 avr. 2015, 14:36

Ce que nous avons signalé dans les posts précédents montre que ni la connaissance du deuxième genre, ni celle du troisième genre ne nous font connaître les essences singulières des choses singulières, ce qui suggère un rapprochement avec le Scepticisme grec.
Citons le célèbre fragment attribué à Aristoclès de Messène, péripatéticien du début de notre ère et témoin essentiel du scepticisme pyrrhonien :

« Il est nécessaire, avant tout, de faire porter l’examen de notre pouvoir de connaissance, car si la nature ne nous a pas faits capables de connaître, il n’y a plus à poursuivre l’examen de quelque autre chose que ce soit.
Il y a eu, effectivement, autrefois, des philosophes pour émettre une telle assertion, et Aristote les a réfutés. Cependant Pyrrhon d’Elis aussi soutint en maître cette thèse. Il est vrai qu’il n’a laissé aucun écrit, mais Timon, son disciple, dit que celui qui veut être heureux a trois points à considérer : d’abord quelle est la nature des choses ; ensuite dans quelle disposition nous devons être à leur égard ; enfin ce qui en résultera pour ceux qui sont dans cette disposition.
Les choses, dit-il, il [Pyrrhon] les montre également in-différentes, im-mesurables, in-décidables. C’est pourquoi ni nos sensations, ni nos jugements, ne peuvent, ni dire vrai, ni se tromper.
Par suite, il ne faut pas leur accorder la moindre confiance, mais être sans jugement, sans inclination d’aucun côté, inébranlable, en disant de chaque chose qu’elle n’est pas plus qu’elle n’est pas, ou qu’elle est et n’est pas, ou qu’elle n’est ni n’est pas.
Pour ceux qui se trouvent dans ces dispositions, ce qui en résultera, dit Timon, c’est d’abord l’aphasie, puis l’ataraxie… » (traduction de Marcel Conche in Pyrrhon ou l’apparence – PUF 1994)

Il n’est pas question d’étendre la portée de ce texte à l’ensemble de la connaissance mais de la restreindre à la connaissance des essences singulières des choses singulières.
Si ces essences sont inconnaissables, alors cela nous dispense de chercher à savoir ce que sont essentiellement les choses singulières, et nous en particulier. Recherche vaine et d’ailleurs éthiquement inutile puisqu’il suffit de se savoir en Dieu pour connaître la béatitude.
Il s’agit, mutatis mutandis, d’être, vis-à-vis de ces essences singulières, dans l’attitude pyrrhonienne, que l’on pourrait qualifier de « docte ignorance », dont résultera, non pas l’aphasie ni l’ataraxie mais la joie la plus haute que promet l’Ethique.

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Re: Pouvons-nous connaître les essences singulières ?

Messagepar Henrique » 26 mai 2015, 13:27

Je n'ai pas encore lu en détail le contenu de ce sujet, mais note pour plus tard, si comme cela semble admis par Vanleers, il n'y a pas de connaissance des essences singulières mais seulement de la relation fini/infini (qui est de quel ordre d'ailleurs : concaténation, identité, enveloppement...), comment le troisième genre de connaissance est-il possible s'il se définit comme cela "Et ce genre de connaître procède de l’idée adéquate de l’essence formelle de certains attributs de Dieu vers la connaissance adéquate de l’essence des choses. " ? Comment saisir le lien entre l'idée adéquate de l'étendue et la connaissance adéquate de l'essence de mon corps, par exemple, si je ne connais pas adéquatement l'essence singulière de mon corps ?

Rousset me semble jouer sur l'expression "essence des choses", comme s'il s'agissait ici d'une essence unique des choses au pluriel alors qu'il sait bien que "Ce qui est commun à toutes choses, ce qui est également dans le tout et dans la partie, ne constitue l'essence d'aucune chose singulière." (E2P37) et que cela concerne le second genre de connaissance et non le troisième. Et quand Spinoza parle plus précisément de ce troisième genre de connaissance, il dit bien dans la démonstration d'E2P45 "L'idée d'une chose singulière et qui existe en acte enveloppe nécessairement tant l'essence que l'existence de cette chose", il y a donc bien idée, c'est-à-dire connaissance de l'essence singulière. Et cette connaissance est adéquate dès lors qu'est saisie son rapport avec l'attribut dont elle procède : en ayant l'idée de mon corps, j'ai l'idée de son étendue, c'est-à-dire de Dieu même comme cela même qui me fait persévérer dans mon être : E1P24C (sans étendue, je ne suis plus ce corps). Ici, ce n'est pas Dieu qui appartient à mon essence, c'est mon essence qui appartient à celle de Dieu.

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Re: Pouvons-nous connaître les essences singulières ?

Messagepar NaOh » 26 mai 2015, 13:37

A Henrique

C'est agréable de vous voir participer un peu...vraiment.

cdt.

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Re: Pouvons-nous connaître les essences singulières ?

Messagepar Vanleers » 27 mai 2015, 14:56

A Henrique

J’ai cité, dans un post précédent, cette phrase de vous :

« Connaître intuitivement l'essence d'un corps, ce n'est donc rien d'autre qu'y être attentif en étant débarrassé des préjugés issus de l'imagination, qui font ordinairement obstacle à la conscience de l'immanence de l'infini dans le fini. »

D’autre part, vous avez décrit, sur un autre fil, la démarche concrète en quoi consiste, selon vous, la connaissance du troisième genre de notre essence individuelle. C’est en :

viewtopic.php?f=14&p=21566#p21566

Il semblerait, si je vous ai compris, que vous assimiliez l’essence d’une chose au fait d’être. Vous rejoindriez ainsi Pascal Sévérac, lorsqu’il écrit :

« […] le terme « essence » (essentia) […] renvoie en premier lieu au fait d’« être » (esse). » (op. cit. p. 92)

Si l’essence d’une chose consiste en cela, alors nous pouvons effectivement connaître notre essence singulière.

Ce qui me chagrine, c’est ceci, et je m’appuierai sur un petit ouvrage de Lorenzo Vinciguerra : Spinoza – Hachette Prismes 2001.

Spinoza écrit dans le TRE :

« Pour qu’une définition soit dite parfaite elle devra exprimer l’essence intime de la chose et nous prendrons garde qu’à la place de cette essence, nous ne mettions certaine propriétés de la chose » (p. 75)

Plus loin, il précise :

« I. S’il s’agit d’une chose créée, la définition devra, comme nous l’avons dit, comprendre en elle la cause prochaine. » (p. 76)

Dans la lettre 60 à Tschirnhaus, il avait écrit :

« […] il faut que l’idée, ou la définition, fasse connaître la cause efficiente de la chose. » (p. 74)

Il me paraît alors clair que connaître l’essence d’une chose est équivalent à connaître sa définition génétique, celle qui exprime l’essence intime de la chose et qui comprend sa cause prochaine.
Mais, ici, je ne vois pas comment nous pourrions connaître notre propre définition. Nous pouvons connaître l’essence de choses très simples mais pas d’une chose aussi complexe qu’un être humain.
L. Vinciguerra écrit d’ailleurs :

« Quant à savoir par quel « regard » il nous est permis de « voir » l’essence intime de la chose que doit apporter une bonne définition, bien que Spinoza nous livre les règles que celle-ci doit observer, il n’en dévoile cependant pas le secret. » (p. 75)

Bien à vous

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Re: Pouvons-nous connaître les essences singulières ?

Messagepar Henrique » 31 mai 2015, 20:48

Vanleers a écrit :Il semblerait, si je vous ai compris, que vous assimiliez l’essence d’une chose au fait d’être.

Je crains que non. L'essence d'une chose, c'est d'abord ce qu'elle est, sa quiddité comme disait l'école. Le fait d'être, c'est son existence.

On peut concevoir que l'essence d'un cercle est la figure formée par un segment de droite dont une extrémité seulement est en mouvement sans pour autant reconnaître son existence. Aussi on peut à peu près connaître discursivement, c'est-à-dire définir l'essence des objets que nous fabriquons artificiellement : le pain, c'est de la farine, un peu de levure et d'eau mélangées et cuites ; mais cette essence n'enveloppe pas son existence.

En revanche quand je conçois l'étendue, j'en perçois l'essence, c'est-à-dire ce qu'elle est concrètement en voyant ce qui est commun à tous les corps sans pouvoir ni d'ailleurs avoir à la définir pour en avoir une idée claire et distincte. Mais j'ai l'intuition de cette essence sans pouvoir la concevoir inexistante : je peux imaginer, si ce n'est concevoir, une réalité vide de tout corps, mais ce vide, qui est certes ici une fiction, reste étendu (et pour cause mon âme n'est qu'idée de mon corps et donc de l'étendue). Et puisque l'étendue ne saurait être produite par la pensée ou tout autre réalité d'une nature différente ni par des corps qui sont eux-mêmes étendus, elle est cause de soi, c'est-à-dire que son inexistence est impossible. En ce sens, l'essence en vient à pouvoir être identifiée à l'existence, mais la distinction reste possible.

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Re: Pouvons-nous connaître les essences singulières ?

Messagepar Vanleers » 31 mai 2015, 21:45

A Henrique

La définition génétique d’une chose singulière définit sa quiddité, c’est-à-dire son essence au sens de l’Ecole.
L’expérience concrète que vous avez décrite sur un autre fil et que je rappelle ci-dessus ne me fait pas connaître ma quiddité, car elle est beaucoup trop complexe, mais autre chose que j’ai appelé mon être-là.
Vous soutenez pourtant que cette expérience me fait connaître mon essence.
Je suis perplexe

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Re: Pouvons-nous connaître les essences singulières ?

Messagepar Henrique » 02 juin 2015, 11:13

Une définition génétique vise certainement la quiddité, ce qu'est une chose, mais cela ne signifie pas que l'essence ne puisse être connue que si on peut la définir. On peut ainsi définir génétiquement l'essence d'un cercle à partir de concepts plus simples. En ce sens la définition explique l'essence (par sa cause immédiate, cf. TRE § 52 (Ap.)) plutôt qu'elle n'en donne des propriétés mais elle n'est pas l'essence pour autant. Le cercle n'est ni le segment de droite, ni le mouvement de l'une des extrémités tandis que l'autre reste immobile, c'est le résultat de cela. La définition génétique ne fait que mettre clairement en évidence ce qui ne peut pas ne pas former un cercle. Mais on savait déjà intuitivement ce qu'était un cercle avant d'en donner la définition génétique. C'est qui faisait qu'on ne le confondait pas avec le carré ni même avec l'ovale. En fait une définition génétique est la délimitation claire et distincte de ce qui suffit à générer une essence donnée, elle n'est pas cette essence.

Et l'essence singulière n'est pas à confondre avec l'effet qui ne peut être connu adéquatement qu'à partir de ses causes, l'essence d'une chose singulière comme le cercle se définit génétiquement à partir d'autres choses qu'elle même et c'est l'existence de ces autres choses qui rend possible son existence. Mais on peut concevoir un cercle sans qu'il existe, connaître assez bien sa nature pour savoir qu'il ne peut être carré sans avoir à en connaître la définition génétique (TRE §64), et même comme dans l'idée vraie du globe sans se référer à la façon dont les globes sont réellement formés dans la nature (TRE §72). L'essence réelle d'une chose singulière peut donc être connue sans la définition génétique, intuitivement. Référence à creuser aussi en ce sens : TRE §34.

Par ailleurs, on ne peut définir l'étendue à partir de quelque chose de plus simple puisqu'elle est la simplicité même. Et pourtant nous connaissons ce qu'elle est, sa quiddité, en la considérant intuitivement. Dire qu'elle est ce qui est composé de largeur, profondeur etc. n'est pas génétique mais en donne seulement des propriétés ou l'extension qui supposent la connaissance de l'étendue. Ce serait comme dire qu'un oiseau, c'est une autruche, un aigle ou une poule.

Quant aux choses singulières, ce que vous appelez l'être-là, ne serait-ce pas tout simplement l'existence ?
L'essence se confond avec l'existence dans les attributs. Cela signifie surtout que connaître l'essence de l'étendue ou de la pensée, c'est savoir que ces attributs existent car il va de soi que connaître leur existence, c'est connaître leur essence. Certes l'essence des choses singulières n'enveloppe pas leur existence. Cela signifie qu'on peut concevoir l'idée vraie d'un cercle sans qu'il n'en existe nulle part. Mais c'est pareil pour les objets artificiels comme une horloge, un horloger pourra en former une idée vraie s'il conçoit un système de rouages qui permettront de faire tourner des aiguilles au rythme des journées. Pourtant cette définition de l'essence de l'horloge pourra n'exister nulle part dans la durée connue, tant qu'elle n'aura pas été fabriquée. Mais un informaticien pourra trouver un tout autre moyen d'indiquer efficacement la succession des heures et des minutes, qui sera une idée vraie si la définition se comprend clairement et distinctement, mais qui pourra aussi ne pas exister. En revanche, une fois que l'horloge existe, mécanique ou numérique, on a nécessairement l'idée de son essence en y pensant, qu'on soit horloger, informaticien ou pas. On n'aura certes pas une idée adéquate de sa production, de ses causes qui en expliqueraient clairement et distinctement les limites, mais on saura clairement et distinctement ce qu'elle est en y étant attentif : une horloge et pas un chronomètre ou un nuage.

C'est ainsi que Spinoza démontre E2P45 en disant : "L'idée d'une chose singulière et qui existe en acte enveloppe nécessairement tant l'essence que l'existence de cette chose" Il renvoie alors à E2P8C qui ne justifie pas qu'avoir l'idée d'une chose singulière, c'est nécessairement avoir l'idée, autrement dit la connaissance, de son essence : c'est tellement évident qu'il n'y a pas à le démontrer. Ce que justifie cette référence à ce corollaire, c'est seulement qu'avoir l'idée d'une chose singulière, c'est aussi avoir l'idée de son existence, même si elle n'appartient pas à cette "sorte d'existence" par laquelle elle a une durée actuelle, elle existe tout de même en tant qu'elle est comprise dans l'un des attributs de Dieu.


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