Similitude et notions communes en E III 27

Questions et débats touchant à la nature et aux limites de la connaissance (gnoséologie et épistémologie) dans le cadre de la philosophie spinoziste.
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bardamu
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Messagepar bardamu » 23 janv. 2005, 13:55

Miam a écrit :Bon. Laissons tomber l'acosmisme, ce n'est pas le sujet et on eut y revenir plus tard.

Pour répondre à une de tes questions que j’ai oubliée hier, Bardamu : pourquoi la composition de rapports de mouvement est-elle inimaginable ? Parce que les notions communes sont constituées infinitairement et que l’infini est inimaginable.

E2P17 (j'avais écrit E3 plus haut, j'ai corrigé) et E2P18 indiquent que l'image enveloppe la nature du corps extérieur aussi bien que la nôtre.
Si l'infini n'est pas une image, les images enveloppent des choses constituées infinitairement (en supposant que par constitution infinitaire tu entends "plein", infiniment composé).
La notion commune est un rapport de composition fini (ou infini, ça dépend de ce à quoi elle se rapporte) entre choses infiniment composées.
Miam a écrit :(...) Et cette similitude est inimaginable parce que chaque « pendule » est infiniment composé.

Comme je l'ai déjà dit, la similitude se dit à partir d'un trait, d'un point particulier : tel pendule est similaire à tel pendule selon leur orientation nord-sud. Ils sont, globalement, sans entrer dans le détail de la moindre de leur partie, orientés de la même manière.
Similaire = identiques selon tel caractère particulier.
Tous les pendules sont pendus, ils sont similaires selon le caractère de la pendaison.
Si les choses sont infiniment composées, leur similitude ne se dit que d'une manière finie. Comme tu le faisais remarqué plus haut, ce n'est pas une identité.
Miam a écrit :Donc, selon moi, il ne s’agit pas d’une similitude et l’expression de Deleuze est maladroite. Bien sûr tu peux nier la constitution infinitaire de l’idée. Mais alors où se trouve l’infini dans l’épistémologie spinozienne ? L’infini serait confiné dans la nature naturante face à un monde fini, et cela n’est plus du Spinoza, mais une pensée de la transcendance.

Bis repetita : la similarité est entre choses infiniment composées. Ces choses infiniment composées composent un Absolu infini qui n'est similaire à rien puisqu'il est unique.
Miam a écrit : C’est pourtant toi qui a introduit les fractales. Et je suppose que ce n’est pas seulement par analogie avec la constitution infinitaire de la nature naturante. Imagines alors mon étonnement de te voir exclure l’infini épistémologique ! Je répète que je ne conteste pas le rôle de l’imagination et de la similitude dans la constitution des convenances vers les affects actifs. Mais ce rôle n’est pas immédiat et n’apparaît clairement qu’après la proposition 34 de la quatrième partie et, partant, la constitution politique de la communauté.

Je ne vois pas où j'ai exclu de l'infini vu que je ne fais que rajouter des rapports supplémentaires à des choses infiniments composés. Tu prends tout l'infini que tu as en tête et tu lui rajoutes des rapports de similitude, ça te donne un infini encore plus grand...
Dans les fractales, tu as des rapports de similarité entre tel et tel motif, et c'est même obligé du fait d'une génération par un facteur simple.
Sur la première figure ici, tu as 3 cubes similaires par leur nombre de faces (ce sont des cubes...), par leur taille, par leur horizontalité etc. du simple fait qu'ils sont créés par un générateur simple.
Mais ceci me semble tellement évident que je me demande pourquoi je l'explique. On peut comparer des choses, établir des points communs et des points de divergence, non ?
Et ces points communs et de divergences sont réels, non ?

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Messagepar Miam » 23 janv. 2005, 16:36

« Je ne lis pas ça dans III 27. » écrit Bardamu.

Dans la démonstration de III 27 (comme je l’ai écrit) : « Si donc la nature d’un corps extérieur est semblable à celle de notre Corps, l’idée du corps extérieur que nous imaginons enveloppera une affection (affectionem) de notre Corps semblable à l’affection du corps extérieur ».

Tris repetita placet (pour t’imiter).

Il écrit aussi :

« Il ne s'agit pas de considérer la similitude entre deux corps, il s'agit de partir de l'hypothèse : 2 corps similaires.
Si donc la nature du corps extérieur est semblable à la nature de notre corps, = Soit 2 corps semblables A et B... »

Mais tu ne peux par faire sans III 16, ni III 17 (« Par cela seul que nous imaginons quelque trait de ressemblance etc… ») ni surtout sans le scolie de III 22 : « mais aussi pour une chose à l’égard de laquelle nous n’avons eu d’affect d’aucune sorte, pourvu que nous la jugions semblables à nous (comme je le ferai voir plus bas) », qui anticipe III 27. Bis repetita etc…

Tous tes exemples de similarité concernent des images… sauf les deux premières qui ne concernent pas la similarité. Qui a dit que le terme de « genre » doit s’entendre comme une notion générale issue d’une image commune chez Spinoza ?
Et dans a définition après l’axiome 2 de la deuxième partie il s’agit d’ « eadem » = « le même » et non de similarité (« similis »)
II 18s distingue précisément les signes des images.
La phrase de la démonstration, et hypothèse, de la démonstration de III 16 se rapporte évidemment à l’hypothèse de la proposition : « Par cela seul que nous imaginons qu’une chose a quelque trait de ressemblance avec un objet affectant etc… »
III 27d : j’ai déjà montré l’aspect imaginaire-cartésien du terme « nature », bien qu’il convienne à la description langagière de l’essence, pour autant que les idées claires et distinctes découlent des notions communes.
Les occurrences de « nos semblables » sont la traduction de « nobis similem ». Ils ne concernent pas spécialement les hommes et s’insèrent toujours dans une dynamique de l’imagination.
Enfin la similarité de III 33, lorsqu’on considère la démonstration, résulte de III 29 qui concerne les hommes par hypothèse et donc des choses semblables par hypothèse. III 29 se réfère à III 27, mais dans ce dernier il ne s’agit plus d’hypothèse car il ne s’agit plus seulement d’hommes, comme je l’ai déjà expliqué plus haut (mais bon c’est trop compliqué…)
Etc…

Bardamu écrit : « Même avec le conatus sous-entendu, je ne vois pas trop ce que tu veux dire... »

Affect = affection + idée de cette affection + conatus

Bardamu écrit : « Certes les natures générales en tant que concept sont tirées des notions communes et elles correspondent à des similitudes, à des points communs. »

Justement non. La notion commune ne correspond pas à une similitude entre objets, mais à une composition de rapports entre objets. Il n’ a pas de « point commun » dans la notion commune comme il peut y en avoir dans une similitude ou image commune. Un point commun est une partie finie et la notion commune est constituée infinitairement. Selon moi la notion commune considère un « espace commun », si l’on veut bien considérer que l’étendue, chez Spinoza, est indivisible, continu et infini.

« Mais pour moi, la similitude se dit selon tel ou tel point et non pas selon une sorte d'essence générique. »

Alors, selon ta phrase précédente, la notion commune n’est pas « d’ essence générique » ? Mais comment bon Dieu les notions communes correspondent à des similitudes ?

« Une chose peut être de nature semblable à nous sans être un homme »

Certes, et si elle est de même nature, elle est un homme. (Pour ne pas confondre le même et le semblable)

« Tous les corps matériels sont de nature semblable du point de vue matériel »

Tous les corps matériels sont semblables dans la mesure où on imagine une similarité par association d’images ou simultanéité signitive.

« Le semblable est la condition pour une détermination du commun »

Comment ? Telle est la question. Et encore j’en doute de plus en plus. Ne serait-ce pas l’affirmation essentielle à la faculté imaginaire de l’Ame qui est cette condition bien plutôt que la similitude. C’est la question que pose l’occurrence de « semblable » en IV 34 d à comparer avec son scolie.

« Toute la troisième partie n'est-elle pas une déclinaison de notions communes aux hommes ?
Etonnement, Amour, Mépris, Chatouillement, Emulation, Cruauté... ne sont-elles pas des notions communes ? »

Sûrement pas, ce sont tous, dans la troisième partie, des affects passifs (on ne rencontre les affects actifs qu’en III 58 et 59). Or l’appréhension d’une notion commune suppose un affect actif. J’ai dit « l’appréhension » car évidemment, toute perception suppose des notions communes, mais celles-ci ne sont décelées qu’à la faveur d’une série de joie passives. Dans ces joies passives, certes la similarité peut jouer un rôle, mais sont rôle est toujours ambigu et conduit le plus souvent à la tristesse. C’est plutôt la puissance du conatus qui est à l’origine de ces joies.

« Toute l'Ethique est sous le régime des notions communes et c'est par l'expérience individuelle seulement qu'on entre dans la connaissance du 3e genre. »

Bien sûr mais le Spinoza qui écrit l’Ethique n’est pas le « nous » sujet de l’énoncé dans la troisième partie. Tu confonds le sujet de l’énonciation et le sujet de l’énoncé.

« Si les êtres déraisonables étaient privés du commun, il n'y aurait ni troupeau de mouton, ni vol d'étourneaux, ni ban de sardines, ni bandes de supporters... Il n'y aurait pas non plus de cristallisation, de polymérisation, de gravitation et tout autre constitutions de groupes dûes à des similitudes de nature, de réactivité. »

Ca, c’est confondre l’appréhension cognitive des notions communes avec leur présence que recèle toute perception.

Fin première partie. Je répondrai à ton message suivant, s’il y a lieu, dans mon prochain message.

Bien à toi
Miam

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Messagepar bardamu » 23 janv. 2005, 20:02

Miam a écrit :
« Il ne s'agit pas de considérer la similitude entre deux corps, il s'agit de partir de l'hypothèse : 2 corps similaires.
Si donc la nature du corps extérieur est semblable à la nature de notre corps, = Soit 2 corps semblables A et B... »

Mais tu ne peux par faire sans III 16, ni III 17 (« Par cela seul que nous imaginons quelque trait de ressemblance etc… ») ni surtout sans le scolie de III 22 : « mais aussi pour une chose à l’égard de laquelle nous n’avons eu d’affect d’aucune sorte, pourvu que nous la jugions semblables à nous (comme je le ferai voir plus bas) », qui anticipe III 27. Bis repetita etc…

Si, si, je peux.
J'estime justement que III 27 définit une autre forme de rapport : l'imitation.
Il y a donc pour moi, une coupure entre la transmission d'affect parce qu'on imagine que la chose est ceci ou cela et une transmission où l'affect d'une chose qui est similaire se transmet "mécaniquement".
Miam a écrit :Tous tes exemples de similarité concernent des images… sauf les deux premières qui ne concernent pas la similarité. Qui a dit que le terme de « genre » doit s’entendre comme une notion générale issue d’une image commune chez Spinoza ?
Et dans a définition après l’axiome 2 de la deuxième partie il s’agit d’ « eadem » = « le même » et non de similarité (« similis »)

Je craignais en effet, que "la même nature" et le similaire n'ait pas de lien dans ton esprit. Je trouve ça excessivement étrange, et je ne peux rien dire de plus à ce sujet. Si tu ne vois pas de similarité dans ce qui est "de même nature", c'est vraiment dans la perception de base du langage ou du monde que nous divergeons.
Tu vois des images, je vois des réalités rationnelles. Je crois que je n'insisterais pas plus.
Miam a écrit :Bardamu écrit : « Certes les natures générales en tant que concept sont tirées des notions communes et elles correspondent à des similitudes, à des points communs. »
Justement non. La notion commune ne correspond pas à une similitude entre objets, mais à une composition de rapports entre objets. Il n’ a pas de « point commun » dans la notion commune comme il peut y en avoir dans une similitude ou image commune. Un point commun est une partie finie et la notion commune est constituée infinitairement. Selon moi la notion commune considère un « espace commun », si l’on veut bien considérer que l’étendue, chez Spinoza, est indivisible, continu et infini.

Appelle ça espace commun plutôt que point commun si tu veux, voire un volume commun ou un "espace des phases" (ça serait moins géométrique) mais il faut bien que les choses aient quelque chose en commun pour se composer. C'est la base d'une composition. Une composition de rapport ne peut se faire sans similitude, sans proximité réelle.
Miam a écrit :« Mais pour moi, la similitude se dit selon tel ou tel point et non pas selon une sorte d'essence générique. »

Alors, selon ta phrase précédente, la notion commune n’est pas « d’ essence générique » ? Mais comment bon Dieu les notions communes correspondent à des similitudes ?

J'essaie une dernière fois : tu as 2 choses proches dans l'infinité des choses, et donc on les appelle "similaires" ou "semblable" ou "presque pareilles", et du simple fait de cette proximité, elles déterminent une notion commune, celle à quoi correspond leur proximité.
Comment dire que 2 choses sont proches si il n'y a pas quelque chose qui les lie ? Ce qui les rapproche, ce qui les lie, ça détermine une notion commune.
Tu as ta main gauche et ta main droite, du simple fait que tu les reconnaissent comme proches, tu détermines un facteur de proximité qui est la notion commune aux deux. La notion commune a tes 2 mains pourra être appelée "organes-à-5-doigts-au-bout-de-mes-bras". Tes mains sont réellement des organes à 5 doigts au bout de tes bras, elles ont réellement ça en commun, et tu le sais (j'espère) par ton imagination, par ta raison et par la science intuitive. Ce n'est pas qu'une image d'avoir 2 mains et de les reconnaitre comme telles, ça permet de se servir d'ouvre-boites.
Miam a écrit : « Tous les corps matériels sont de nature semblable du point de vue matériel »
Tous les corps matériels sont semblables dans la mesure où on imagine une similarité par association d’images ou simultanéité signitive.

Tous les corps matériels se ressemblent par leur matérialité.
Semblable = qui se ressemble, on est d'accord sur cette définition ?
Miam a écrit :« Toute la troisième partie n'est-elle pas une déclinaison de notions communes aux hommes ?
Etonnement, Amour, Mépris, Chatouillement, Emulation, Cruauté... ne sont-elles pas des notions communes ? »

Sûrement pas, .

Alors que sont toutes ces définitions données par Spinoza ? Des abstractions ? Des images qu'il se fait ? Tu leurs reconnais quel genre de vérité ?
Miam a écrit :« Si les êtres déraisonables étaient privés du commun, il n'y aurait ni troupeau de mouton, ni vol d'étourneaux, ni ban de sardines, ni bandes de supporters... Il n'y aurait pas non plus de cristallisation, de polymérisation, de gravitation et tout autre constitutions de groupes dûes à des similitudes de nature, de réactivité. »

Ca, c’est confondre l’appréhension cognitive des notions communes avec leur présence que recèle toute perception.

Pas compris... et je ne vois pas le rapport avec ce que j'ai dit.
Je ne parle pas de perception mais de la réalité des cristaux, troupeaux et bancs de sardines. C'est quoi, pour toi, un banc de sardines ?

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Messagepar Miam » 25 janv. 2005, 16:06

Bardamu écrit :

« E2P17 (j'avais écrit E3 plus haut, j'ai corrigé) et E2P18 indiquent que l'image enveloppe la nature du corps extérieur aussi bien que la nôtre.
Si l'infini n'est pas une image, les images enveloppent des choses constituées infinitairement (en supposant que par constitution infinitaire tu entends "plein", infiniment composé) »

La nature d’une chose n’est pas constituée infinitairement. C’est une série finie d’idées claires et distinctes comme la définition est une série finie de mots La nature d’une chose n’est pas un rapport infiniment composé de mouvement mais l’idée claire et distincte qui découle d’une notion commune qui elle, est constituée infinitairement.
L’ « enveloppement » ne nécessite nulle constitution infinitaire mais seulement une relation causale. L’enveloppement permet de concevoir une relation de causalité entre les natures de mon Corps et du corps d’une part et mon affection d’autre part. Mais il ne dit rien de l’origine infinitaire de ces natures ni même de la causalité. Sinon quelle serait la différence entre « envelopper » et « exprimer » ? Et pourquoi devrait-on passer par la Raison et les notions communes si l’enveloppement imaginaire appréhendait immédiatement ce qu’il y a d’infini dans l’essence ?

Bardamu écrit :

« La notion commune est un rapport de composition fini (ou infini, ça dépend de ce à quoi elle se rapporte) entre choses infiniment composées. »

La notion commune n’est pas « un rapport de composition », ni même son idée, mais l’idée d’une composition de rapports eux-mêmes infiniment composés. Si une chose est infiniment composée c’est par son essence et son essence est un rapport de mouvement. Comment l’idée de la composition de deux rapports infiniment composés pourrait-elle être l’idée d’une composition finie ? Comme je l’ai déjà dit, il me semble que tu exclut l’infini des notions communes.

Bardamu écrit :

« Comme je l'ai déjà dit, la similitude se dit à partir d'un trait, d'un point particulier : tel pendule est similaire à tel pendule selon leur orientation nord-sud. Ils sont, globalement, sans entrer dans le détail de la moindre de leur partie, orientés de la même manière.
Similaire = identiques selon tel caractère particulier.
Tous les pendules sont pendus, ils sont similaires selon le caractère de la pendaison »

Comme l’appréhension d’une similitude n’a rien à voir avec l’essence de la chose mais seulement avec sa nature, je ne vois pas pourquoi il faut reprendre l’exemple des pendules. Celui-ci illustre l’essence comme rapport infiniment composé de mouvement et non la nature comme composition finie d’idées claires et distinctes. Par ailleurs dans cet exemple, il ne s’agit pas de la similarité entre tous les pendules. Cette similarité découle du choix de l’exemple lui-même où l’on suppose chaque chose comme un pendule pour expliquer la notion commune. Mais évidemment je ne conçois pas des pendules lorsque je conçois les choses. Je n’imagine pas des pendules, mais des images et des formes diverses, à moins d’être un obsessionnel des pendules un peu fou. Enfin l’orientation des pendules n’entre pas en ligne de compte dans cet exemple et encore moins le fait qu’ils soient pendus, mais bien leur seule composition infinie en rapports de mouvement. C’est pour cela, et pour cela seul qu’on a pris cet exemple.

Bardamu écrit :

« Dans les fractales, tu as des rapports de similarité entre tel et tel motif, et c'est même obligé du fait d'une génération par un facteur simple.
Sur la première figure ici , tu as 3 cubes similaires par leur nombre de faces (ce sont des cubes...), par leur taille, par leur horizontalité etc. du simple fait qu'ils sont créés par un générateur simple. »

Donc la fractale serait pour toi la nature naturante et chaque « motif » un mode ? Mais je ne vois pas les choses ainsi. Pour moi c’est chaque essence de mode qui est une fractale.

Je conclu :

Il y a des notions communes à tous les hommes (III 38). Les hommes sont de même nature, la « nature humaine » qui est précisément définie dans la quatrième partie. Des notions communes entre les hommes, il résulte donc une identité de nature.

1° Je dis bien une identité nature et non d’essence.

Car ces notions communes sont des idées de composition de rapports infiniment composés (cette expression ne nécessite plus la similitude deleuzienne) et non des idées de rapports (de mouvement). Les idées de rapports de mouvement sont des idées d’essences, non de composition entre ces essences. Et si tous les hommes étaient de même essence, il n’y aurait qu’un homme : un même rapport de mouvement qui définit bien l’essence d’une chose singulière et non sa nature ou quelque nature générale.

Par contre les hommes sont de même nature : par exemple « la nature de l’homme en tant qu’elle est définie par la Raison » (IV 35s), qui est également la nature de l’homme individuel. La nature est alors une « notion générale…tirée (ex) des notions communes » (II 40s). Mais la notion commune n’est pas elle-même une notion générale parce qu’elle n’a rien a voir avec l’imagination que nécessite, sous la forme d’auxiliaire de l’imagination utile à l’entendement (j’insiste), l’idée de nature.
Suivons les références de la définition de la nature de l’homme comme Raison en III 35. On voit qu’elle résulte du fait qu’ils « vivent sous la conduite de la Raison » lorsqu’ils sont actifs. Or (référence à la définition III D2), nous sommes actifs quand « il suit de notre nature quelque chose qui peut par elle seule se connaître clairement et distinctement », à savoir les affects actifs. Vivre sous la conduite de la Raison, en effet, c’est suivre les lois de l’ « utile propre » (proprium utile) (III 24d) Et si l’on lit III 59s (deux occurrences d’ « utile »), et IV 67d, on voit – ce qui paraît évident – que se conduire selon la Raison, ou selon l’utile propre, ou encore selon ce qui nous permet d’être actif et d’accroître notre puissance conative (quod idem est), nécessite la connaissance claire et distincte des affects. Or l’idée claire et distincte d’un affect est derechef adéquate parce qu’il s’agit d’une idée d’idée qui comprend le conatus. Vivre selon la Raison, c’est donc bien vivre selon la nature humaine, car c’est avoir une idée claire et distincte des affects et que la définition de la nature humaine est elle-même composée d’idées claires et distinctes à la manière cartésienne. C’est pourquoi il s’agit dans la quatrième partie de la nature et non de l’essence de l’homme. Mais parler de « natures similaires », c’est appréhender la chose par les auxiliaires de l’imagination immédiatement et sans passer par les notions communes. Deux natures semblables n’ont pas même nécessairement quelque chose en commun puisque la similarité résulte de l’association imaginaire. Plus la chose à de « commun » avec moi, plus je suis susceptible d’y appréhender des similitudes par association (cas des hommes en III 29). Mais cela ne veut pas dire que lorsque j’appréhende une similitude, j’appréhende une notion commune. Car …

2° Je dis bien une identité de nature et non une nature semblable.

Avoir l’idée d’une nature similaire, c’est concevoir une nature par ses seuls effets mécaniques sur moi, c’est-à-dire immédiatement au moyen des auxiliaires de l’imagination (temps, nombre, figure). Ce n’est pas connaître par la cause en ce qu’elle recèle l’infinie puissance de la Substance. Au contraire, l’identité de la nature humaine se fonde sur le « commun » et l’ « utile » de la quatrième partie, tous deux absents de la troisième. Avoir l’idée d’une même nature, c’est faire découler cette nature d’une « convenance » qui ne doit rien à l’imagination (comme une notion générale tirée d’une image commune) mais aux seules notions communes, ou – ce qui revient au même – des idées claires et distinctes des affects qui nous permette,t de vivre selon le commandement de la Raison, puisque la conception d’une notion commune suppose un affect actif.

Réponse à ton dernier message (j’en ai un de retard)

A « Mais tu ne peux par faire sans III 16, ni III 17 (« Par cela seul que nous imaginons quelque trait de ressemblance etc… ») ni surtout sans le scolie de III 22 : « mais aussi pour une chose à l’égard de laquelle nous n’avons eu d’affect d’aucune sorte, pourvu que nous la jugions semblables à nous (comme je le ferai voir plus bas) », qui anticipe III 27. » Bardamu me répond :

« Si, si, je peux.
J'estime justement que III 27 définit une autre forme de rapport : l'imitation. »

Certainement pas avec le scolie de III 22 qui anticipe III 27.

Bardamu écrit :

« Il y a donc pour moi, une coupure entre la transmission d'affect parce qu'on imagine que la chose est ceci ou cela et une transmission où l'affect d'une chose qui est similaire se transmet "mécaniquement". »

Peux-tu préciser cette différence entre les deux « transmissions » ? J’avoue ne pas comprendre.

Bardamu écrit :

« Je craignais en effet, que "la même nature" et le similaire n'ait pas de lien dans ton esprit. Je trouve ça excessivement étrange, et je ne peux rien dire de plus à ce sujet. Si tu ne vois pas de similarité dans ce qui est "de même nature", c'est vraiment dans la perception de base du langage ou du monde que nous divergeons. »

Non. C’est plutôt notre conception de Spinoza qui est divergente. Car si « eadem » veut dire « le même » et « similis » « semblable », je n’y peut rien. De ma conception du monde il résulte qu’il faut respecter les textes. J’explique du reste plus haut cette différence entre la similarité et l’identité. Je n’arrête pas de l’expliquer…

Bardamu écrit :

« J'essaie une dernière fois : tu as 2 choses proches dans l'infinité des choses, et donc on les appelle "similaires" ou "semblable" ou "presque pareilles", et du simple fait de cette proximité, elles déterminent une notion commune, celle à quoi correspond leur proximité. »

Du simple fait de la proximité entre ma main et de mon bureau, ma main ressemble à mon bureau ? J’avoue que je ne comprend pas. Que veut dire « proche dans l’infinité des choses » ? Cela paraît contradictoire…

Bardamu écrit :

« Appelle ça espace commun plutôt que point commun si tu veux »

C’est pas si je veux. C’est établi par les propositions 29 à 32 de la quatrième partie, où l’on voit bien que le commun est un espace de convenance adéquate sur lequel vient éventuellement se greffer quelque affect passif résultant d’éléments « contraires ». La connaissance en acte est celle d’un espace commun constitué infinitairement et elle conduit à la notion d’infini que recèle « l’idée de Dieu » en tant qu’il est exprimé et constitué par l’étendue et la pensée tous deux infinis, continus et indivisibles du point de vue de l’entendement (et non de l’imagination).

Bardamu écrit :

« Alors que sont toutes ces définitions données par Spinoza ? Des abstractions ? Des images qu'il se fait ? Tu leurs reconnais quel genre de vérité ? »

Tu confonds de nouveau le sujet de l’énoncé et le sujet de l’énonciation. Spinoza lui-même a les idées claires et distinctes des affects parce qu’il part rationnellement des notions communes. Mais le « nous », pris dans la dynamique affective de la troisième partie pas du tout. Pas avant la quatrième partie qui insiste sur la nécessité d’avoir des idées claires et distinctes des affects pour vivre selon la Raison. Est-ce que Hegel est resté inconscient de lui-même lorsqu’il a écrit les premières pages de la « Phénoménologie de l’esprit » parce qu’il ne s’agit pas encore dans ces pages de conscience de soi ?

Bardamu a écrit :

« Miam a écrit:

« Si les êtres déraisonables étaient privés du commun, il n'y aurait ni troupeau de mouton, ni vol d'étourneaux, ni ban de sardines, ni bandes de supporters... Il n'y aurait pas non plus de cristallisation, de polymérisation, de gravitation et tout autre constitutions de groupes dûes à des similitudes de nature, de réactivité. »

Ca, c’est confondre l’appréhension cognitive des notions communes avec leur présence que recèle toute perception.

Pas compris... et je ne vois pas le rapport avec ce que j'ai dit.
Je ne parle pas de perception mais de la réalité des cristaux, troupeaux et bancs de sardines. C'est quoi, pour toi, un banc de sardines ? »

Qu'est-ce que tu veux dire par "c'est quoi un banc de sardine"? Ce n'est pas moi qui parle de sardines. Ce que je voulais dire par "Ca, c’est confondre l’appréhension cognitive des notions communes avec leur présence que recèle toute perception.", c'est simplement ceci : que pour toute perception, y compris de similitude, il doit y avoir quelque chose de commun entre mon Corps et le corps extérieur. Ca, c'est la présence du "commun". Mais l'appréhention cognitive de la notion commune est tout autre chose. C'est la connaissance de ce commun. Voilà c'est tout.

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Messagepar Miam » 25 janv. 2005, 16:50

Excuses-moi pour les sardines, je ne voyais plus très bien qui avait écrit quoi. Le problème, c’est qu’il s’agit ici du « semblable à nous » d’une part. D’autre part, si je me fait une idée de la sardine selon leur ressemblance, il s’agit d’une image commune dont on tire une notion générale. Si je me fait de la sardine l’idée de ce qui est commun non aux images mais aux natures des sardines, il s’agit d’une notion commune de ce qui convient aux sardines selon IV 29-32. Ce qui est fort différent.

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Messagepar Miam » 25 janv. 2005, 19:46

Enfin Bardamu je commence à comprendre précisément où ça coince. Dans la proposition et la démonstration de III 27, des affects « semblables » sont pour toi des affects « identiques ». Pour moi non. Des affects semblables sont des affects qui ont la même affection et partant la même idée de cette affection. Mais ils n’ont pas nécessairement le même conatus. Celui-ci dépend de la durée, autrement dit de l’existence de l’individu. Si je considère une chose semblable à moi (considérer = imaginer chez Spinoza), j’imiterai cette chose et donc l’idée et l’image de son affect, mais pas nécessairement son conatus. En fait je ne sait rien du conatus réel du corps extérieur. Sa puissance varie en fonction de ce que j’imagine. Je peux imiter ce corps et le prendre au second degré de sorte à n’être que peu affecté. La puissance de mon affect semblable dépend de mon seul conatus. Cet affect sera donc seulement « semblable ». Si le corps extérieur semble triste je serai triste, mais selon la similarité que j’imagine avec ce corps extérieur, c’est-à-dire selon mon conatus, et non celui du corps extérieur, dont je ne sais rien. Il s’agira donc du « même » affect au sens où l’affect du corps considéré et du mien sera soit tristesse, soit joie, etc… Mais il ne s’agira de la même tristesse ni de la même joie et, en ce second sens, il ne s’agira pas du « même » affect. Il ne faut pas oublier l’aspect potentiel des affects. C’est du reste ce qui seul importe dans la conquête de la Raison. C'est pour cette raison que dans la démonstration notre idée n'enveloppe que l'affection du corps extérieur (ce que tu semble oublier). C'est pourquoi également notre idée "exprime" l'affect du corps extérieur. Il en résulte que nous ne pouvons avoir que des idées claires et distinctes des affects : il n’est pas possible de considérer a priori leur aspect potentiel qui dépend de chacun. Celui-ci ne peut être qu’ « éprouvé » avant d’être connu, et seul leur épreuve et leur transformation en affect actif peut conduire aux règles générales qui permettent désormais d’y faire face (quatrième partie de l’Ethique).

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Messagepar bardamu » 25 janv. 2005, 23:50

Miam a écrit :(...)
La nature d’une chose n’est pas constituée infinitairement. C’est une série finie d’idées claires et distinctes comme la définition est une série finie de mots La nature d’une chose n’est pas un rapport infiniment composé de mouvement mais l’idée claire et distincte qui découle d’une notion commune qui elle, est constituée infinitairement.
(...)
Comme l’appréhension d’une similitude n’a rien à voir avec l’essence de la chose mais seulement avec sa nature, je ne vois pas pourquoi il faut reprendre l’exemple des pendules. Celui-ci illustre l’essence comme rapport infiniment composé de mouvement et non la nature comme composition finie d’idées claires et distinctes.

Je t'ai peut-être mal lu, mais ça m'a l'air nouveau cette distinction entre nature et essence. Où as-tu vu que la nature d'une chose était une série finie d'idées ?
A la limite, je trouverais ça plus adapté à l'essence qui semble liée aux définitions. Essence d'un triangle définit comme figure à 3 côtés.
A l'opposé, le mini traité de physique de E2P13 parle de la nature des corps : "Tous les corps sont ou en mouvement ou en repos." Cela me semble plus l'essai d'expression d'une réalité pleine et donc de sa composition infinie, qu'une simple idée claire.
Mais je suppose que ta problématique est de conserver une hétérogénéité totale des notions communes tout comme des essences mais en restant en accord avec III 27 et ses "natures semblables".
Mais je réitère la question : comment se lient les choses si elles sont totalement hétérogènes aussi bien en essence que par les notions communes ? Elles ne sont liées que par une nature imaginaire ?
Miam a écrit : Et pourquoi devrait-on passer par la Raison et les notions communes si l’enveloppement imaginaire appréhendait immédiatement ce qu’il y a d’infini dans l’essence ?

L'affection enveloppe les natures mais celles-ci s'expriment ou pas dans une connaissance adéquate. Dans la rencontre de A et B, les natures de A et B sont enveloppées. L'affection de A est vraie, l'imagination représentative de l'affection est vraie en tant qu'imagination, mais l'idée que pourrait se faire A de B à partir de cette affection contiendra de la fausseté parce que dans l'affection il n'y a pas que la nature de B qui soit enveloppée et c'est même surtout A qu'on retrouve.
Miam a écrit :Mais évidemment je ne conçois pas des pendules lorsque je conçois les choses. Je n’imagine pas des pendules, mais des images et des formes diverses, à moins d’être un obsessionnel des pendules un peu fou. Enfin l’orientation des pendules n’entre pas en ligne de compte dans cet exemple et encore moins le fait qu’ils soient pendus, mais bien leur seule composition infinie en rapports de mouvement. C’est pour cela, et pour cela seul qu’on a pris cet exemple.

L'essence même d'un pendule est d'être pendu...
L'essence d'une chose est d'avoir des modes d'être spécifiques, sinon elle n'est rien, et ces modes gagnent à être désignés.
On peut parler de "composition infinie en rapport de mouvement" mais ça ne définit aucune chose en particulier et cela ne parle donc de rien si ce n'est du principe le plus général. Or le particulier vaut mieux que le général.
Miam a écrit :Bardamu écrit :

« Dans les fractales, tu as des rapports de similarité entre tel et tel motif, et c'est même obligé du fait d'une génération par un facteur simple.
Sur la première figure ici , tu as 3 cubes similaires par leur nombre de faces (ce sont des cubes...), par leur taille, par leur horizontalité etc. du simple fait qu'ils sont créés par un générateur simple. »

Donc la fractale serait pour toi la nature naturante et chaque « motif » un mode ? Mais je ne vois pas les choses ainsi. Pour moi c’est chaque essence de mode qui est une fractale.

Dans mon exemple, il faudrait aller au bout de la fractalisation et chaque "cube" serait aussi fractal. Ce serait donc une branche fractale similaire à une autre branche du simple fait qu'elles ont la même cause. Ca se voit mieux au premier niveau de fractalisation, lorsqu'il n'y a que 3 cubes.
Miam a écrit : Des notions communes entre les hommes, il résulte donc une identité de nature.

1° Je dis bien une identité de nature et non d’essence.
(...)
2° Je dis bien une identité de nature et non une nature semblable.

IV35 où la nature de l'Humain se définit par rapport à la Raison est en effet dans l'idée de critère de similitude dont je parlais. Mais ce critère n'est pas dépendant de l'imaginaire sauf à croire que la Raison n'est pas un concept de Raison. C'est donc rationnellement que la nature de l'Humain est définie par une de ses puissances : raisonner.
Cette puissance n'est rien d'autre que l'expression de l'essence d'un sur-individu, l'Humain, comme ensemble de tous les modes de la Substance similaires par leur Raison. Et selon ce critère, on pourra peut-être mettre un jour des ordinateurs ou des extra-terrestres sous le terme d'Humain, de même qu'un banc de sardine forme un sur-individu selon un critère "sardinologique".

Pour employer ton langage et sans être persuadé que "nature" et "essence" dussent être si nettement distingués : l'identité de nature se fonde sur une similitude d'essence à l'origine du critère d'identité sauf à tomber dans des idées abstraites.
Pour employer mon langage, les essences (ou natures) générales, se fondent sur une notion commune exprimant des similitudes d'essence (ou nature) entre choses particulières.
Miam a écrit :Avoir l’idée d’une nature similaire, c’est concevoir une nature par ses seuls effets mécaniques sur moi, c’est-à-dire immédiatement au moyen des auxiliaires de l’imagination (temps, nombre, figure).

Le temps et le nombre (je suis plus réservé pour la figure) ne me semblent pas apparaîtrent immédiatement. Ils sont le résultat d'un découpage de la durée ou de la quantité par la pensée, d'une opération d'abstraction. Cf Lettre XII.
Mécaniquement, on ne reçoit que durées ("un certain temps") et quantités indénombrées.
Miam a écrit :(...)
A « Mais tu ne peux par faire sans III 16, ni III 17 (« Par cela seul que nous imaginons quelque trait de ressemblance etc… ») ni surtout sans le scolie de III 22 : « mais aussi pour une chose à l’égard de laquelle nous n’avons eu d’affect d’aucune sorte, pourvu que nous la jugions semblables à nous (comme je le ferai voir plus bas) », qui anticipe III 27. » Bardamu me répond :

« Si, si, je peux.
J'estime justement que III 27 définit une autre forme de rapport : l'imitation. »

Certainement pas avec le scolie de III 22 qui anticipe III 27.
Bardamu écrit :

« Il y a donc pour moi, une coupure entre la transmission d'affect parce qu'on imagine que la chose est ceci ou cela et une transmission où l'affect d'une chose qui est similaire se transmet "mécaniquement". »

Peux-tu préciser cette différence entre les deux « transmissions » ? J’avoue ne pas comprendre.

Le mouvement "mécaniste" d'imitation, je le retrouve dans III 32 scolie (réaction de l'enfant) et III 33.
Mais, comme je l'ai dit plus haut, il n'est pas exclusif d'une réaction similaire dûe au fait qu'on a imaginé que la chose était semblable plutôt qu'elle ne l'ait été naturellement.
La Commissération naitra aussi bien d'une rencontre réelle avec un semblable triste, que l'imagination d'une rencontre avec un semblable triste. C'est ce qu'il se passe avec les campagnes pour les victimes de catastrophes : une affection qui n'est pas une souffrance ici et maintenant (signe, croix rouge...) provoque l'image d'un être semblable souffrant et l'affect correspondant.
C'est beaucoup moins efficace chez les sardines qui pourtant réagissent spontanément au moindre affect de leur semblable. Les mouvements d'ensemble sont dûes à une similitude de nature médiatisée par l'imagination directe, le banc de sardine formant un seul sur-individu.
Et attention : quand je parle de similitude de nature, je ne parle pas de corps, de biologie ou autre. La similitude est d'acte, de comportement, de conatus. Une sardine qui ne vivrait pas en banc, ne serait pas semblable aux autres.
Miam a écrit :« J'essaie une dernière fois : tu as 2 choses proches dans l'infinité des choses, et donc on les appelle "similaires" ou "semblable" ou "presque pareilles", et du simple fait de cette proximité, elles déterminent une notion commune, celle à quoi correspond leur proximité. »

Du simple fait de la proximité entre ma main et de mon bureau, ma main ressemble à mon bureau ? J’avoue que je ne comprend pas. Que veut dire « proche dans l’infinité des choses » ? Cela paraît contradictoire…

Oui, ta main ressemble à ton bureau selon, par exemple, le critère de la position géographique (différence de temps de parcours pour un photon ou toute autre expérience réelle). Selon ce critère, la sonde Huygens qui est à des milliards de kilomètre, lui ressemble beaucoup moins. La notion commune sera quelque chose qu'on appellera "distance géométrique" ou en terme plus einsteinien, temps de parcours de la lumière dans le vide.

De manière plus générale, soit 2 choses A et B, il y une certaine distance conceptuelle entre elles sinon A = B. Plus la distance est faible, plus les choses sont proches et plus les notions communes qu'on en tire ont un sens spécifique.
Miam a écrit :« Alors que sont toutes ces définitions données par Spinoza ? Des abstractions ? Des images qu'il se fait ? Tu leurs reconnais quel genre de vérité ? »

Tu confonds de nouveau le sujet de l’énoncé et le sujet de l’énonciation. Spinoza lui-même a les idées claires et distinctes des affects parce qu’il part rationnellement des notions communes.

Si je comprends bien, pour toi les notions communes sont uniquement les expériences réelles connues par un homme en particulier. Et quand Spinoza parle de Chatouillement, il ne veut pas désigner une notion que tous les hommes ont en commun mais l'idée claire qu'il a tiré d'une notion que tous les hommes ont en commun.
Mais dans ce cas, à quoi nous sert d'avoir un terme désignant l'idée de Spinoza si elle n'est pas la notion qu'on peut retrouver en nous ?
Pourquoi distinguer le Chatouillement dont parle Spinoza de la notion commune de Chatouillement que nous pouvons tous connaitre ?
Il me semble que si Spinoza en parle c'est pour évoquer la notion commune et pas pour qu'on s'occupe d'une idée qu'il se serait faite à partir de perceptions personnelles.
Miam a écrit :Qu'est-ce que tu veux dire par "c'est quoi un banc de sardine"? Ce n'est pas moi qui parle de sardines.

C'est quoi un troupeau, c'est quoi un banc de sardine ? Est-ce une idée fausse ou bien n'y a-t-il pas union réelle de modes similaires de la Substance ?
Miam a écrit : Ce que je voulais dire par "Ca, c’est confondre l’appréhension cognitive des notions communes avec leur présence que recèle toute perception.", c'est simplement ceci : que pour toute perception, y compris de similitude, il doit y avoir quelque chose de commun entre mon Corps et le corps extérieur. Ca, c'est la présence du "commun". Mais l'appréhention cognitive de la notion commune est tout autre chose. C'est la connaissance de ce commun. Voilà c'est tout.

A +

Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi de ce commun dont tu affirmes la présence, tu ne déduis pas une similitude réelle en dehors de toute question d'appréhension cognitive supplémentaire.
Si les choses ont quelque chose de commun, c'est qu'elles se ressemblent par ce commun, non ?
Sinon, elles n'auraient rien de commun et ne se ressembleraient aucunement.

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Messagepar Miam » 27 janv. 2005, 12:01

Bardamu écrit :

« Je t'ai peut-être mal lu, mais ça m'a l'air nouveau cette distinction entre nature et essence. Où as-tu vu que la nature d'une chose était une série finie d'idées ?
A la limite, je trouverais ça plus adapté à l'essence qui semble liée aux définitions. Essence d'un triangle définit comme figure à 3 côtés.
A l'opposé, le mini traité de physique de E2P13 parle de la nature des corps : "Tous les corps sont ou en mouvement ou en repos." Cela me semble plus l'essai d'expression d'une réalité pleine et donc de sa composition infinie, qu'une simple idée claire. »

Non. Au contraire. Cela fait plus de six mois que je développe cette distinction entre nature et essence. Cela fait autant de temps que j’en use avec bonheur dans mes analyses. Je ne vais plus le répéter. J’ai montré l’apparentement des natures spinoziennes et cartésiennes. L’essence du corps est un rapport infiniment composé de mouvement. Sa nature contient l’idée de mouvement et partant les "natures conjointes" (in Regulae) que sont le nombre et le temps. C’est quand-même très différent !

Bardamu écrit :

« comment se lient les choses si elles sont totalement hétérogènes aussi bien en essence que par les notions communes ? »

Je l’ai déjà dit : par ce qu’elles ont de commun entre leurs natures. Mais ce commun n’est pas une « notion commune » tant que je n’ai pas l’idée de ce commun. J’en reste alors aux seules images communes, en associant des choses qui n’ont pas la nature commune correspondant à leur similitude (leur nature semblable).

Bardamu écrit :

« L'essence même d'un pendule est d'être pendu...
L'essence d'une chose est d'avoir des modes d'être spécifiques, sinon elle n'est rien, et ces modes gagnent à être désignés.
On peut parler de "composition infinie en rapport de mouvement" mais ça ne définit aucune chose en particulier et cela ne parle donc de rien si ce n'est du principe le plus général. Or le particulier vaut mieux que le général. »

C’est du Bardamu et ça n’a rien à voir avec ce qu’écrit Spinoza. D’ailleurs tous le reste non plus. Je n’y comprend rien. Il n’y a pas une assertion de Bardamu qui soit prouvée par les textes.

Lorsque Macherey assimile le « commun » de IV 29 – 32 au « semblable », il ne le relie pourtant pas au « semblable » de la troisième partie. Comme sans doute pour beaucoup d’autres, il s’agit seulement pour lui d’éviter la dynamique spécifique du « commun » dans les œuvres tardives de Spinoza. Je pensais jusqu’ici que ce dont il était question avec Bardamu, c’était ce lien entre le « semblable » et le commun et par suite, avec la notion commune. Mais voilà que soudainement Bardamu va encore plus loin. « Semblable » (similis) ne veut plus dire « commun » (communis) mais est assimilé à « le même » (idem) puisque, selon lui, deux affects semblables sont des affects identiques. La proposition III 27 nous apprendrait alors que si l’on considère une chose qui est la même que nous, nous aurons le même affect que cette chose. Mais qu’est-ce qu’une chose qui est la même que nous, sinon nous-mêmes ? Si Jean considère Jean, il aura le même affect que Jean. C’est une pure tautologie. Et Spinoza n’aurait jamais écrit cela. Mais peut-être le premier « similis » de la proposition n’a-t-il pas la même signification que le second ? Evidemment si. Il n’y a aucune raison pour que Spinoza n’expose pas clairement sa pensée en distinguant bien la signification des mots. Or « communis », « similis » et « idem » sont des termes différents employés avec précision dans des énoncés différents au sein d’une axiomatique. On ne saurait faire écrire n’importe quoi à Spinoza pour la bonne raison que c’est écrit. Donc aussi « nature » n’est pas identique à « essence » et l’on ne saurait définir ces deux selon notre conviction personnelle mais selon leur usage dans le TEXTE.

Au contraire il me semble que ma lecture, outre qu’elle respecte le texte, a été jusqu’ici déjà fortement étayée par sa productivité. Elle permet l’analyse de la démonstration et de l’articulation des troisième et quatrième parties. En veut-on encore un exemple ? L’analyse de la proposition 34 de la quatrième partie, sa démonstration et son scolie. C’est dans la démonstration de IV 34 que l’on rencontre le seul renvois à « similis » dans la quatrième partie. Le « similis » de la démonstration renvoie à III 16 et ne fait qu’illustrer l’énoncé de la proposition. Ce n’est pas cela qui nous intéresse directement. Par contre le scolie nous intéresse. Il discute de la seconde illustration de la démonstration qui répète III 32 : « Si nous imaginons que quelqu’un tire de la joie d’une chose qu ‘un seul peut posséder, nous nous efforcerons de faire qu’il n’en ait plus la possession ». Or III 32 se fonde précisément sur notre III 27 (il spécifie seulement III 27 aux hommes, puisque depuis III 29, il s’agit des hommes et non plus des choses) : « Par cela seul que nous imaginons que quelqu’un tire d’une chose de la joie (Prop. 27 avec son Coroll. 1) nous aimerons cette chose et désirerons en tirer de la joie » (III 32d). La situation de III 32 – ce que discute le scolie de IV 34 – est donc fondé sur le mimétisme de III 27. J’aimerai la même chose que mon semblable (ici on peut le dire dans tous les sens de ce terme) par le seul mimétisme. Or que nous dit le scolie de IV 34 ?

« il semble suivre de là d’abord que ces deux hommes se portent dommage l’un à l’autre parce qu’ils aiment le même objet (idem) et conséquemment s’accordent en nature ; et si cela est vrai, les Propositions 30 et 31 seraient fausses. Si cependant (…). Ces deux hommes ne sont pas sujets de peine l’un pour l’autre en tant qu’ils s’accordent en nature, c’est-à-dire aiment tous deux le même objet, mais en tant qu’ils diffèrent l’un de l’autre. (…) Ce qui les rend sujets de peine l’un pour l’autre, ce n’est aucune autre cause, comme je l’ai dit, que la différence de nature supposée entre eux. Nous supposons en effet que Pierre a l’idée d’une chose aimée, actuellement possédée par lui, et Paul, au contraire, celle d’une chose aimée actuellement perdue. Par là il arrive que l’un est affecté de Tristesse, l’autre de Joie, et que dans cette mesure ils sont contraires l’un à l’autre. »

Pour qui voudra bien lire tout cela attentivement, il apparaîtra que le problème se résume à ceci : les deux hommes aiment le MEME objet, mais ils n’ont que des affects SEMBLABLES. C’est-à-dire, il sera triste lorsque l’autre sera joyeux et vice versa, parce que, comme je l’ai montré avant hier je crois, dans la similitude d’affect, on ne tient pas compte du rythme ni de la puissance du conatus. Et comme le conatus, c’est l’existence ou la durée, malgré l’affect semblable, l’un sera triste LORSQUE l’autre sera joyeux et vice-versa.

Maintenant Bardamu : franchement j’en ai marre de m’expliquer et de me répéter. Ma lecture est cohérente, respectueuse des textes et productive. Cela me suffit. C’est surtout cette productivité pour l’analyse des textes qui me convainc car je pense avec Spinoza que l’adéquation d’une idée se confond avec sa productivité et non avec quelque « réalité » qui voile mal son caractère de simple conviction. Tu peux avoir une autre lecture. Peu importe. Bien qu’elle me paraisse confuse. Donc : passons à autre chose…

A++ donc...

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Messagepar bardamu » 27 janv. 2005, 23:21

Miam a écrit :Pour qui voudra bien lire tout cela attentivement, il apparaîtra que le problème se résume à ceci : les deux hommes aiment le MEME objet, mais ils n’ont que des affects SEMBLABLES. C’est-à-dire, il sera triste lorsque l’autre sera joyeux et vice versa, parce que, comme je l’ai montré avant hier je crois, dans la similitude d’affect, on ne tient pas compte du rythme ni de la puissance du conatus. Et comme le conatus, c’est l’existence ou la durée, malgré l’affect semblable, l’un sera triste LORSQUE l’autre sera joyeux et vice-versa.

Ne serait-ce pas tout simplement parce qu'ils ne s'accordent pas, parce que leurs natures diffèrent dans leur rapport à l'objet ? Si leurs natures s'accordaient, si donc ils étaient de même nature par rapport à l'objet, ils auraient les mêmes affect.
E4P34 scolie : Il s'en faut donc de beaucoup qu'ils soient sujets de peine l'un pour l'autre en tant qu'ils aiment le même objet et s'accordent en nature. Ce qui les rend sujets de peine l'un pour l'autre, ce n'est aucune autre cause, comme je l'ai dit, que la différence de nature supposée entre eux.
Miam a écrit :Ma lecture est cohérente, respectueuse des textes et productive. Cela me suffit. C’est surtout cette productivité pour l’analyse des textes qui me convainc car je pense avec Spinoza que l’adéquation d’une idée se confond avec sa productivité et non avec quelque « réalité » qui voile mal son caractère de simple conviction. Tu peux avoir une autre lecture. Peu importe. Bien qu’elle me paraisse confuse. Donc : passons à autre chose…

A++ donc...

Peut-être que tu es cohérent avec la lettre mais certaines de tes distinctions me semblent un peu forcées et trop basées sur le vocabulaire. Mais la lettre est sans doute moins mon souci que le tien.

Idées claires et distinctes, idées adéquates, notions communes, vérités éternelles... cela reste pour moi une variation sur le thème de l'idée vraie.

La nature d'une chose ne me semble pas pouvoir être limitée à une définition ou à une idée claire, puisque la définition doit exprimer une nature, que l'existence fait partie de la nature de la Substance et que la nature des choses est condition de leur composition.

E1P7 : L'existence appartient à la nature de la substance.

E1P8 Scolie 2
1° La vraie définition d'une chose quelconque n'enveloppe ni n'exprime rien de plus que la nature de la chose définie. 2° Il suit de là qu'aucune définition n'enveloppe ni n'exprime un nombre déterminé d'individus, puisqu'elle n'exprime rien de plus que la nature de la chose définie. Par exemple, la définition du triangle n'exprime rien de plus que la simple nature du triangle ; elle n'exprime pas un certain nombre déterminé de triangles.

E4P18 scolie
Car si deux individus de même nature viennent à se joindre, ils composent par leur union un individu deux fois plus puissant que chacun d'eux en particulier : c'est pourquoi rien n'est plus utile à l'homme que l'homme lui-même.
Les hommes ne peuvent rien souhaiter de mieux, pour la conservation de leur être, que cet amour de tous en toutes choses, qui fait que toutes les âmes et tous les corps ne forment, pour ainsi dire, qu'une seule âme et un seul corps ; de telle façon que tous s'efforcent, autant qu'il est en eux, de conserver leur propre être et, en même temps, de chercher ce qui peut être utile à tous ; d'où il suit que les hommes que la raison gouverne, c'est-à-dire les hommes qui cherchent ce qui leur est utile, selon les conseils de la raison, ne désirent rien pour eux-mêmes qu'ils ne désirent également pour tous les autres, et sont, par conséquent, des hommes justes, probes et honnêtes.


Je ne crois pas qu'il y ait de coupure entre essence et nature, ni entre notions communes et similitudes. La similitude se dit selon un trait commun et quand on parle de "même" c'est toujours sous un trait particulier, jamais le même absolument. "Tous les corps sont étendus", tous les corps sont les mêmes en tant qu'étendus, un corps est similaire à tout autre en tant qu'ils sont étendus.
E2P39 dém. Soit A la propriété commune au corps humain et à certains corps extérieurs...

Je vois de la vérité dans le commun, une vérité qui mène à une vie en accord avec la nature de toute chose.
La distinction, je la fais seulement entre le particulier et le général, entre les essences singulières et les vérités générales que sont les notions communes.
E5P36 scolie :
De plus, puisque l'essence de notre Mental consiste dans la connaissance seule, dont Dieu est le principe et le fondement, nous percevons clairement par là comment et en quelle condition notre Mental suit de la nature divine quant à l'essence et quant à l'existence, et dépend continûment de Dieu. J'ai cru qu'il valait la peine de le noter ici pour montrer par cet exemple combien vaut la connaissance des choses singulières que j'ai appelée intuitive ou connaissance du troisième genre, et combien elle l'emporte sur la connaissance par les notions communes que j'ai dit être celle du deuxième genre.

Avec ton système, je ne saisis pas bien le statut des définitions d'affect donnés par Spinoza ou comment parvenir à faire des sciences expérimentales, à déterminer les lois de composition des corps, si la similitude n'est qu'effet dans l'esprit.

Mais je n'ai peut-être rien compris à ce que tu voulais dire, et il n'est sans doute pas nécessaire d'insister si tu es sûr de toi.


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