Similitude et notions communes en E III 27

Questions et débats touchant à la nature et aux limites de la connaissance (gnoséologie et épistémologie) dans le cadre de la philosophie spinoziste.
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Messagepar Miam » 20 janv. 2005, 14:29

Dans mes citations, la similitude précède la connaissance? Ce n'est pas un peu nier l'évidence et Spinoza lui-même que de nier l'aspect imaginaire de la similitude? Alors qu'il est patent qu'elle est immédiatement à l'origine des images communes mais non des notions? Alors que la significcation des mots exige une ressemblance entre deux idées sur base de leur seule simultanéité habituelle (II 18 et 40s) ? Je répète que c'est un non-sens. Si l'idée d'une similitude est vraie - ou s'il on veut si elle "précède la connaissance" entre guillemets parce que rien ne précède la connaissance - bref si elle est adéquate, elle ne saurait participer aux affects passifs. Ce qui est le cas ici. Je suis obligé de me répéter parce que tu ne réponds pas.

Enfin la troisième partie ne lie nulle part explicitement le semblable et le commun. Encore moins les notions communes. Cela c'est Bardamu qui le fait. Et en ne faisant que répéter sa thèse sans la défendre contre l'évidence même, sans montrer où et par quel miracle le semblable s'identifie au commun, Bardamu ne fait pas avancer le Schmilblick d'un poil.

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Messagepar bardamu » 20 janv. 2005, 23:41

Miam a écrit :Dans mes citations, la similitude précède la connaissance? Ce n'est pas un peu nier l'évidence et Spinoza lui-même que de nier l'aspect imaginaire de la similitude? Alors qu'il est patent qu'elle est immédiatement à l'origine des images communes mais non des notions? Alors que la significcation des mots exige une ressemblance entre deux idées sur base de leur seule simultanéité habituelle (II 18 et 40s) ? Je répète que c'est un non-sens. Si l'idée d'une similitude est vraie - ou s'il on veut si elle "précède la connaissance" entre guillemets parce que rien ne précède la connaissance - bref si elle est adéquate, elle ne saurait participer aux affects passifs. Ce qui est le cas ici. Je suis obligé de me répéter parce que tu ne réponds pas.

Enfin la troisième partie ne lie nulle part explicitement le semblable et le commun. Encore moins les notions communes. Cela c'est Bardamu qui le fait. Et en ne faisant que répéter sa thèse sans la défendre contre l'évidence même, sans montrer où et par quel miracle le semblable s'identifie au commun, Bardamu ne fait pas avancer le Schmilblick d'un poil.

J'ai parlé de 2 similitudes.
La tienne où tout passe par l'imaginaire et l'autre qui fonde l'imitation entre choses réellement semblables.
N'est-ce pas ce qu'explique E3P27 qui parle expressément de la nature des choses ? Tu dis qu'il est patent qu'il ne s'agit que d'images alors que cette proposition parle on ne peut plus clairement de nature des choses.
Ne penses-tu pas qu'il puisse y avoir plusieurs formes de similitudes ?
N'y aurait-il pas deux formes de similitudes : similitude d'imagination, similitude de raison, seule la science intuitive étant dans les essences singulières, dans la distinction pure ?

Je ne vois pas comment on pourrait avoir un continuum de choses (infinité de choses), sans qu'il y ait des proximités qu'on appelle similitudes. Lorsque tu tapes sur ton clavier, tu agis comme moi qui tape sur mon clavier, ce n'est pas le fruit de mon imagination. Tu peux dire qu'au niveau des essences individuelles ce que tu fais n'a rien à voir avec ce que je fais, mais nous participons à l'essence d'une chose qui s'appelle "les-tapoteurs-de-clavier" par laquelle nous sommes similaires.
Il faut bien que les choses se lient d'une manière ou d'une autre, ou alors on reste dans le chaos. Et on se lie par ce qu'on a de commun d'où émergent les notions communes.
Par quoi se lient les choses chez toi ? Il n'y a pas de lien vrai ? Seulement imagination, fausseté ?

P.S. : pour moi il n'y a pas de schmilblick, pas de problème, le commun et le similaire ont une relation évidente. Donc, je peux difficilement faire avancer ton problème.
Similaire n.m. (lat. similis, semblable) : De même nature.
Commun adj. (lat. communis) : se dit d'une chose qui appartient à tous ou à laquelle chacun peut participer.
A deux choses de même nature appartient une chose commune ou une chose commune fonde une similarité.

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Messagepar Miam » 21 janv. 2005, 14:11

Très cher Bardamu,

Bien sûr la similitude se fonde sur une notion commune au sens où : puisqu’il faut quelque chose de commun avec le corps extérieur pour pouvoir seulement le percevoir, il en faut aussi a fortiori pour percevoir une similitude de ce corps. Mais ce « commun » nous est livré par la perception de ce corps, non par la perception de sa similitude avec le mien. La perception de similitude d’un corps se fonde sur le commun, comme toute perception. Mais en tant qu’elle est perception de similitude d’un corps et pas simplement perception d’un corps, elle ne résulte pas de cette notion commune.

Lisons le passage qui nous intéresse le plus dans la démonstration de III 27.

« Si donc la nature d’un corps extérieur est semblable à notre corps »

De deux choses l’une : soit la chose est semblable à notre corps, soit « nous la jugeons semblable » (III 22 scolie anticipant III 27). Toutefois III 27d ne parle pas d’une « chose » semblable mais d’une « nature semblable ». Si l’on veut rester fidèle au texte, il faut donc à la fois :
- que nous jugions la chose semblable, autrement dit que nous affirmions ou représentions comme présente cette similitude comme le rappelle la référence à II 17 en tête de démonstration ;
- que la nature de cette chose soit effectivement semblable

Equation impossible à résoudre si on ne distingue pas essence et nature. Que serait un rapport de mouvement ou un degré de puissance semblable à un autre ? Ou, suivant l’essence de l’homme, une Raison, un Désir ou une Vertu semblable à un autre ? Deleuze parle de « similitude de composition » de rapports. Mais on ne trouve nulle part cette expression chez Spinoza. Et si l’on peut comprendre intuitivement sa signification, il est beaucoup moins aisé de l’imaginer. Il est difficile de penser le rapport de mouvement comme une image, d’autant que le mouvement spinozien est continu et n’accepte a priori ni divisibilité, ni nombre, ni même par suite de figure, avant d’être appréhendé par l’imagination. Or il n’y a de similitude qu’imaginable. Aussi, en fonction de l ‘aspect pendulaire des compositions de rapports, je pense que l’expression « résonance de composition de rapport » serait plus approprié, sachant que c’est de cette résonance que résultent les idées des propriétés et non l’inverse. Par contre, si on se rappelle que chez Descartes les idées claires et distinctes contiennent, comme le dit Pascal, « en gros la figure et le mouvement » et que Spinoza critique l’assimilation de l’idée et de l’image chez Descartes. Si on se rappelle en outre que Spinoza voit dans ces idées de simples effets, c’est-à-dire des images (temps, nombre, mouvement cartésien) qui sont utiles à l’entendement et dont les idées sont adéquates pour autant qu’on les rapporte à leur causes, à savoir les notions communes et autres idées adéquates. Si on se rappelle tout cela comme je l’ai montré plus haut, le problème se résout. La nature du corps extérieur imaginé est effectivement semblable à mon Corps puisque l’idée même de similitude se fonde sur ces auxiliaires de l’imagination qui composent la nature de ce corps extérieur. Mais il n’en reste pas moins que c’est nous qui imaginons la similitude de ce corps extérieur (comme « chose », non comme « nature ») et de notre Corps.

Comment sinon expliquer la suite de la démonstration qui, fort curieusement, semble mélanger les affections et les affects ?

« l’idée du corps extérieur que nous imaginons enveloppera une affection de notre Corps semblable à l’affection du corps extérieur »

Il s’agit bien ici d’ « affections » et non pas d’ « affects ». L’idée du corps extérieur enveloppe non pas les natures de mon Corps et du corps extérieur comme en II 16, mais les « affections semblables » de ces deux. L’ensemble idée-affection (le conatus est sous-entendu) est un affect. Mais ici l’idée que je me fait du corps extérieur semblable n’est pas même l’idée de l’affection de mon corps. Il l’enveloppe seulement. Cela veut dire que l’affect demeure indéterminé. Quoi d’étonnant puisqu’il dépend de la similitude que j’imagine. Il en va de même avec le corps extérieur : mon idée de ce corps n’enveloppe pas sa nature mais son affection semblable à la mienne. Elle n’enveloppe pas la similitude de sa nature avec la mienne, mais la similitude de son affection avec mon affection : la similitude d’une image avec une autre image. Bien sûr, comme toute image est composée de ces idées cartésiennes auxiliaires (les natures simples cartésiennes et la géométrie analytique) qui définissent la nature du corps, ces natures sont également semblables en quelque chose.

Si j’imagine qu’un nuage m’est semblable parce qu’il est rond et possède deux trous comme mes deux yeux, c’est que ce corps a été affecté de sorte à figurer un visage. Et si j’ai l’idée de cette similitude, je dois avoir une affection semblable dans mon Corps, à savoir l’image de mon visage. Et ainsi mon idée enveloppera ces deux. On ne parle plus de « nature semblable » mais d’affection ou image semblable : ce qui témoigne bien de l’aspect imaginaire de la nature. Si l’on passe cependant de l’un à l’autre, c’est que je n’imagine qu’une affection du nuage semblable à la mienne : sa forme humaine et non toute la nature du nuage aux trois dimensions restituées, fût-elle, elle aussi, imaginable et traduite en idées cartésiennes. En ce sens, lorsque nous « imaginons une chose semblable à nous », nous prenons pour sa nature ce qui n’est qu’une affection. Mais certes une affection semblable suppose une similitude de nature.

Précisons. Pourquoi mon idée ne peut-elle envelopper une nature semblable à la mienne si, comme il est dit plus haut, cette nature est effectivement semblable à la mienne ? Parce que ce n’est pas le corps lui-même qui est l’objet de mon idée, mais la similitude de ce corps. Or la similitude entre deux natures, comme toutes les similitudes, est une similitude entre des images. Si j’ai l’idée d’une similitude, je dois avoir été affecté par cette similitude. Par suite mon idée est celle d’une image d’une similitude entre images : d’une image d’images (d’où : une idée, deux images). Ma connaissance est encore plus indirecte que lorsque je ne considère pas la similitude. Il en résulte qu’il s’agit d’une idée qui enveloppe une affection et non une nature.

Si l’on se rappelle qu’ « envelopper » désigne une relation causale, il faudra dire que l’affection de mon Corps et l’affection du corps extérieur, c’est à dire leurs images, sont causes de mon idée du corps extérieur semblable. C’est bien le cas puisque mon idée est celle d’une similitude entre deux images. Si on ne considère plus cette similitude, les natures du corps et de mon Corps, comme selon II 16, en seront les causes.

Enfin : « et conséquemment, si nous imaginons quelqu’un de semblable à nous affecté de quelque affect, cette imagination exprimera une affection de notre Corps »

Remarques : 1° Le fait de lire « quelqu’un semblable à nous » ne change absolument rien à la démonstration.. On passe de la « chose » à « quelqu’un » pour retrouver la « chose » en fin de démonstration.
2° Le fait de lire « quelqu’un de semblable à nous » nous met cependant devant l’alternative suivante :
- soit il ne suffit pas en général d’être « quelqu’un » pour être « semblable à nous ». Et alors Macherey a tort : les « semblables à nous » ne sont pas des quelqu’uns. Mais il faudrait alors être « plus semblable à nous que quelqu’un » pour être semblable à nous. Ce qui paraît absurde sauf si :
- le « semblable à nous » est énoncé sur la base hypothétique (et arbitraire) d’un quelqu’un. Quelqu’un qui serait donc déjà semblable à nous du fait d’être un homme aurait alors une similitude supplémentaire. Mais dans ce cas également, le « semblable à nous » possède une signification générale qui ne correspond pas à celle de « quelqu’un ». Et par suite Macherey à de nouveau tort.

Que veut dire « cette imagination exprimera une affection semblable de notre Corps » (haec imaginatio affectionem nostri Corporis ...similem exprimet) ? Seulement ceci, que l’idée imaginaire de l’affect du corps extérieur (l’idée des yeux tristes du nuage) est constituée (selon le couple canonique exprimere-constituere) par l’affection semblable de mon Corps. En effet, l’imagination de la similitude résulte directement du fait que j’ai un visage et que j’ai été affecté de telle sorte que j’ai l’idée de mon visage. Sans cette affection (ou toute autre de mon Corps) il n’y aurait jamais de similitude avec rien. A partir de cette affection, je peux trouver une image ressemblante, et non l’inverse. C’est donc bien l’affection de mon Corps qui constitue la similitude. Mais similitude à quoi ? A l’affect du corps extérieur.

On a alors :
1° Mon affection est exprimée par l’idée de l’affect d’un corps semblable (et elle la constitue).
2° Mon affection est semblable à l’affect imaginé de ce corps.

Que signifie une « affection semblable à un affect ». Cela paraît bizarre. Une affection ou image peut être semblable à une autre image. Mais un affect est bien plus qu’une image… sauf bien sûr si il est imaginé. C’est qu’il ne s’agit pas de l’affect réel du corps extérieur mais de l’affect imaginé. Il ne s’agit pas de la formation ou de la dilution du nuage mais de sa seule ressemblance avec un visage triste (par exemple). L’affect du nuage est imaginé. C’est en réalité une image. C’est l’imagination du conatus du nuage qui peut avoir effectivement un tout autre conatus : « nous imaginons qu’une chose semblable à nous…éprouve quelque affect ». Car seule une image peut ressembler à une autre image ou un affect à un autre affect (ou une idée à une autre idée lorsqu’il s’agit d’idées de l’imagination voir II 40s2).

Que veut dire enfin : « cette imagination » - i.e. mon idée d’un affect d’un corps imaginairement semblable – « exprimera » une affection de mon corps semblable à cet affect ? Cela veut dire que cette imagination affectera l’affection de mon corps (on l’a dit : c’est une image d’image) comme le mode, affection de la Substance, exprime cette Substance. L’imagination de l’affect du corps extérieur affectera l’image de mon Corps semblablement à l’affect imaginé (i.e. le visage triste du nuage). J’aurai donc l’idée de mon visage triste. Cette idée « exprimera » l’image de mon visage semblablement au corps extérieur. (Inversement, comme on l’a vu, l’image de mon visage constitue l’idée de similitude). Enfin, si l’affection est assez forte (car il s’agit également de rapports de force entre puissances comme on le voit plus loin) et son idée non exclue par une autre, je serai affecté de tristesse.

Je vais en rester là. Je voulais simplement montrer que ma lecture permet l’analyse de cette démonstration fort complexe de III 27. Dans le même ordre d'idée, tu pourrais me convaincre en articulant ta conception avec le texte spinozien. Seulement cela me paraît difficile pour la bonne rason qu'on ne trouve à ma connaissance aucune relation simple et explicite, et encore moins d'identité, entre le "semblable" et le "commun" dans les textes spinoziens.

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Messagepar Miam » 21 janv. 2005, 14:16

Très cher Bardamu,

Bien sûr la similitude se fonde sur une notion commune au sens où : puisqu’il faut quelque chose de commun avec le corps extérieur pour pouvoir seulement le percevoir, il en faut aussi a fortiori pour percevoir une similitude de ce corps. Mais ce « commun » nous est livré par la perception de ce corps, non par la perception de sa similitude avec le mien. La perception de similitude d’un corps se fonde sur le commun, comme toute perception. Mais en tant qu’elle est perception de similitude d’un corps et pas simplement perception d’un corps, elle ne résulte pas de cette notion commune.

Lisons le passage qui nous intéresse le plus dans la démonstration de III 27.

« Si donc la nature d’un corps extérieur est semblable à notre corps »

De deux choses l’une : soit la chose est semblable à notre corps, soit « nous la jugeons semblable » (III 22 scolie anticipant III 27). Toutefois III 27d ne parle pas d’une « chose » semblable mais d’une « nature semblable ». Si l’on veut rester fidèle au texte, il faut donc à la fois :
- que nous jugions la chose semblable, autrement dit que nous affirmions ou représentions comme présente cette similitude comme le rappelle la référence à II 17 en tête de démonstration ;
- que la nature de cette chose soit effectivement semblable

Equation impossible à résoudre si on ne distingue pas essence et nature. Que serait un rapport de mouvement ou un degré de puissance semblable à un autre ? Ou, suivant l’essence de l’homme, une Raison, un Désir ou une Vertu semblable à un autre ? Deleuze parle de « similitude de composition » de rapports. Mais on ne trouve nulle part cette expression chez Spinoza. Et si l’on peut comprendre intuitivement sa signification, il est beaucoup moins aisé de l’imaginer. Il est difficile de penser le rapport de mouvement comme une image, d’autant que le mouvement spinozien est continu et n’accepte a priori ni divisibilité, ni nombre, ni même par suite de figure, avant d’être appréhendé par l’imagination. Or il n’y a de similitude qu’imaginable. Aussi, en fonction de l ‘aspect pendulaire des compositions de rapports, je pense que l’expression « résonance de composition de rapport » serait plus approprié, sachant que c’est de cette résonance que résultent les idées des propriétés et non l’inverse. Par contre, si on se rappelle que chez Descartes les idées claires et distinctes contiennent, comme le dit Pascal, « en gros la figure et le mouvement » et que Spinoza critique l’assimilation de l’idée et de l’image chez Descartes. Si on se rappelle en outre que Spinoza voit dans ces idées de simples effets, c’est-à-dire des images (temps, nombre, mouvement cartésien) qui sont utiles à l’entendement et dont les idées sont adéquates pour autant qu’on les rapporte à leur causes, à savoir les notions communes et autres idées adéquates. Si on se rappelle tout cela comme je l’ai montré plus haut, le problème se résout. La nature du corps extérieur imaginé est effectivement semblable à mon Corps puisque l’idée même de similitude se fonde sur ces auxiliaires de l’imagination qui composent la nature de ce corps extérieur. Mais il n’en reste pas moins que c’est nous qui imaginons la similitude de ce corps extérieur (comme « chose », non comme « nature ») et de notre Corps.

Comment sinon expliquer la suite de la démonstration qui, fort curieusement, semble mélanger les affections et les affects ?

« l’idée du corps extérieur que nous imaginons enveloppera une affection de notre Corps semblable à l’affection du corps extérieur »

Il s’agit bien ici d’ « affections » et non pas d’ « affects ». L’idée du corps extérieur enveloppe non pas les natures de mon Corps et du corps extérieur comme en II 16, mais les « affections semblables » de ces deux. L’ensemble idée-affection (le conatus est sous-entendu) est un affect. Mais ici l’idée que je me fait du corps extérieur semblable n’est pas même l’idée de l’affection de mon corps. Il l’enveloppe seulement. Cela veut dire que l’affect demeure indéterminé. Quoi d’étonnant puisqu’il dépend de la similitude que j’imagine. Il en va de même avec le corps extérieur : mon idée de ce corps n’enveloppe pas sa nature mais son affection semblable à la mienne. Elle n’enveloppe pas la similitude de sa nature avec la mienne, mais la similitude de son affection avec mon affection : la similitude d’une image avec une autre image. Bien sûr, comme toute image est composée de ces idées cartésiennes auxiliaires (les natures simples cartésiennes et la géométrie analytique) qui définissent la nature du corps, ces natures sont également semblables en quelque chose.

Si j’imagine qu’un nuage m’est semblable parce qu’il est rond et possède deux trous comme mes deux yeux, c’est que ce corps a été affecté de sorte à figurer un visage. Et si j’ai l’idée de cette similitude, je dois avoir une affection semblable dans mon Corps, à savoir l’image de mon visage. Et ainsi mon idée enveloppera ces deux. On ne parle plus de « nature semblable » mais d’affection ou image semblable : ce qui témoigne bien de l’aspect imaginaire de la nature. Si l’on passe cependant de l’un à l’autre, c’est que je n’imagine qu’une affection du nuage semblable à la mienne : sa forme humaine et non toute la nature du nuage aux trois dimensions restituées, fût-elle, elle aussi, imaginable et traduite en idées cartésiennes. En ce sens, lorsque nous « imaginons une chose semblable à nous », nous prenons pour sa nature ce qui n’est qu’une affection. Mais certes une affection semblable suppose une similitude de nature.

Précisons. Pourquoi mon idée ne peut-elle envelopper une nature semblable à la mienne si, comme il est dit plus haut, cette nature est effectivement semblable à la mienne ? Parce que ce n’est pas le corps lui-même qui est l’objet de mon idée, mais la similitude de ce corps. Or la similitude entre deux natures, comme toutes les similitudes, est une similitude entre des images. Si j’ai l’idée d’une similitude, je dois avoir été affecté par cette similitude. Par suite mon idée est celle d’une image d’une similitude entre images : d’une image d’images (d’où : une idée, deux images). Ma connaissance est encore plus indirecte que lorsque je ne considère pas la similitude. Il en résulte qu’il s’agit d’une idée qui enveloppe une affection et non une nature.

Si l’on se rappelle qu’ « envelopper » désigne une relation causale, il faudra dire que l’affection de mon Corps et l’affection du corps extérieur, c’est à dire leurs images, sont causes de mon idée du corps extérieur semblable. C’est bien le cas puisque mon idée est celle d’une similitude entre deux images. Si on ne considère plus cette similitude, les natures du corps et de mon Corps, comme selon II 16, en seront les causes.

Enfin : « et conséquemment, si nous imaginons quelqu’un de semblable à nous affecté de quelque affect, cette imagination exprimera une affection de notre Corps »

Remarques : 1° Le fait de lire « quelqu’un semblable à nous » ne change absolument rien à la démonstration.. On passe de la « chose » à « quelqu’un » pour retrouver la « chose » en fin de démonstration.
2° Le fait de lire « quelqu’un de semblable à nous » nous met cependant devant l’alternative suivante :
- soit il ne suffit pas en général d’être « quelqu’un » pour être « semblable à nous ». Et alors Macherey a tort : les « semblables à nous » ne sont pas des quelqu’uns. Mais il faudrait alors être « plus semblable à nous que quelqu’un » pour être semblable à nous. Ce qui paraît absurde sauf si :
- le « semblable à nous » est énoncé sur la base hypothétique (et arbitraire) d’un quelqu’un. Quelqu’un qui serait donc déjà semblable à nous du fait d’être un homme aurait alors une similitude supplémentaire. Mais dans ce cas également, le « semblable à nous » possède une signification générale qui ne correspond pas à celle de « quelqu’un ». Et par suite Macherey à de nouveau tort.

Que veut dire « cette imagination exprimera une affection semblable de notre Corps » (haec imaginatio affectionem nostri Corporis ...similem exprimet) ? Seulement ceci, que l’idée imaginaire de l’affect du corps extérieur (l’idée des yeux tristes du nuage) est constituée (selon le couple canonique exprimere-constituere) par l’affection semblable de mon Corps. En effet, l’imagination de la similitude résulte directement du fait que j’ai un visage et que j’ai été affecté de telle sorte que j’ai l’idée de mon visage. Sans cette affection (ou toute autre de mon Corps) il n’y aurait jamais de similitude avec rien. A partir de cette affection, je peux trouver une image ressemblante, et non l’inverse. C’est donc bien l’affection de mon Corps qui constitue la similitude. Mais similitude à quoi ? A l’affect du corps extérieur.

On a alors :
1° Mon affection est exprimée par l’idée de l’affect d’un corps semblable (et elle la constitue).
2° Mon affection est semblable à l’affect imaginé de ce corps.

Que signifie une « affection semblable à un affect ». Cela paraît bizarre. Une affection ou image peut être semblable à une autre image. Mais un affect est bien plus qu’une image… sauf bien sûr si il est imaginé. C’est qu’il ne s’agit pas de l’affect réel du corps extérieur mais de l’affect imaginé. Il ne s’agit pas de la formation ou de la dilution du nuage mais de sa seule ressemblance avec un visage triste (par exemple). L’affect du nuage est imaginé. C’est en réalité une image. C’est l’imagination du conatus du nuage qui peut avoir effectivement un tout autre conatus : « nous imaginons qu’une chose semblable à nous…éprouve quelque affect ». Car seule une image peut ressembler à une autre image ou un affect à un autre affect (ou une idée à une autre idée lorsqu’il s’agit d’idées de l’imagination voir II 40s2).

Que veut dire enfin : « cette imagination » - i.e. mon idée d’un affect d’un corps imaginairement semblable – « exprimera » une affection de mon corps semblable à cet affect ? Cela veut dire que cette imagination affectera l’affection de mon corps (on l’a dit : c’est une image d’image) comme le mode, affection de la Substance, exprime cette Substance. L’imagination de l’affect du corps extérieur affectera l’image de mon Corps semblablement à l’affect imaginé (i.e. le visage triste du nuage). J’aurai donc l’idée de mon visage triste. Cette idée « exprimera » l’image de mon visage semblablement au corps extérieur. (Inversement, comme on l’a vu, l’image de mon visage constitue l’idée de similitude). Enfin, si l’affection est assez forte (car il s’agit également de rapports de force entre puissances comme on le voit plus loin) et son idée non exclue par une autre, je serai affecté de tristesse.

Tu écris : "A deux choses de même nature appartient une chose commune ou une chose commune fonde une similarité." Ah bon ? Je pensais que deux choses d'une même nature devait nécessairement être une même chose. Ne confonds-tu pas semblable et identique ?

Je vais en rester là. Je voulais simplement montrer que ma lecture permet l’analyse de cette démonstration fort complexe de III 27. Dans le même ordre d'idée, tu pourrais me convaincre en articulant ta conception avec le texte spinozien. Seulement cela me paraît difficile pour la bonne rason qu'on ne trouve à ma connaissance aucune relation simple et explicite, et encore moins d'identité, entre le "semblable" et le "commun" dans les textes spinoziens.

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Messagepar bardamu » 21 janv. 2005, 22:43

Miam a écrit :(...) Et si l’on peut comprendre intuitivement sa signification, il est beaucoup moins aisé de l’imaginer. Il est difficile de penser le rapport de mouvement comme une image, d’autant que le mouvement spinozien est continu et n’accepte a priori ni divisibilité, ni nombre, ni même par suite de figure, avant d’être appréhendé par l’imagination. Or il n’y a de similitude qu’imaginable.

Pourquoi ? Pourquoi n'y aurait-il de similitude qu'imaginable ?
C'est justement de similitude réelle dont je parle, pas de similitude imaginable. Le chien Rex et le chien Mabrouk ont une similitude réelle ou alors il ne faut plus utiliser de nom commun et se contenter de parler de Rex et Mabrouk.
Miam a écrit :« l’idée du corps extérieur que nous imaginons enveloppera une affection de notre Corps semblable à l’affection du corps extérieur »
Il s’agit bien ici d’ « affections » et non pas d’ « affects ». L’idée du corps extérieur enveloppe non pas les natures de mon Corps et du corps extérieur comme en II 16, mais les « affections semblables » de ces deux. L’ensemble idée-affection (le conatus est sous-entendu) est un affect.

En quoi l'ensemble idée-affection est-il un affect ?
Miam a écrit : Il en va de même avec le corps extérieur : mon idée de ce corps n’enveloppe pas sa nature mais son affection semblable à la mienne. Elle n’enveloppe pas la similitude de sa nature avec la mienne, mais la similitude de son affection avec mon affection : la similitude d’une image avec une autre image.

Non, non.
Les images sont des affections du corps (...) dont les idées enveloppent la nature de notre corps et en même temps la nature présente d'un corps extérieur.
L'idée de ce corps, l'idée de l'impression première, physique, enveloppe bel et bien sa nature et pas son affection. Ensuite, il s'agit de savoir en quoi cette nature enveloppée dans le contact nous est connue.
Miam a écrit : Bien sûr, comme toute image est composée de ces idées cartésiennes auxiliaires (les natures simples cartésiennes et la géométrie analytique) qui définissent la nature du corps, ces natures sont également semblables en quelque chose.
Si j’imagine qu’un nuage m’est semblable parce qu’il est rond et possède deux trous comme mes deux yeux, c’est que ce corps a été affecté de sorte à figurer un visage. Et si j’ai l’idée de cette similitude, je dois avoir une affection semblable dans mon Corps, à savoir l’image de mon visage. Et ainsi mon idée enveloppera ces deux. On ne parle plus de « nature semblable » mais d’affection ou image semblable : ce qui témoigne bien de l’aspect imaginaire de la nature. Si l’on passe cependant de l’un à l’autre, c’est que je n’imagine qu’une affection du nuage semblable à la mienne : sa forme humaine et non toute la nature du nuage aux trois dimensions restituées, fût-elle, elle aussi, imaginable et traduite en idées cartésiennes. En ce sens, lorsque nous « imaginons une chose semblable à nous », nous prenons pour sa nature ce qui n’est qu’une affection. Mais certes une affection semblable suppose une similitude de nature.

Tu sembles identifier "image" à "image forgée".
Mais E2P17 Scolie :
"(...) nous appellerons images des choses les affections du corps humain dont les idées nous représentent les choses extérieures comme nous étant présentes (...) Et ici, pour commencer d'indiquer ce qu'est l'erreur, je voudrais faire observer que les imaginations de l'Ame considérées en elles-mêmes ne contiennent aucune erreur ; autrement dit, que l'Ame n'est pas dans l'erreur parce qu'elle imagine ; mais elle est dans l'erreur, en tant qu'elle est considérée comme privée d'une idée qui exclut l'existence de ces choses qu'elle imagine comme lui étant présente."

En d'autres termes, l'image d'une chose réellement présente est vraie. L'image d'une chose qui n'est pas réellement présente contient de la fausseté.
Dans le cas de ton nuage, on n'imagine nullement une affection mais l'impression que fait le nuage sur nous est appelé "image". Il vaut d'ailleurs mieux sortir de la métaphore visuel et passer à celle du toucher pour saisir ce qu'est une "image".
Miam a écrit :Précisons. Pourquoi mon idée ne peut-elle envelopper une nature semblable à la mienne si, comme il est dit plus haut, cette nature est effectivement semblable à la mienne ? Parce que ce n’est pas le corps lui-même qui est l’objet de mon idée, mais la similitude de ce corps.

L'objet de l'idée me semble l'affection de mon corps pour ce qui concerne le contact, puis l'idée d'un affect du corps extérieur dont la nature est enveloppé par la première idée.
Miam a écrit : Or la similitude entre deux natures, comme toutes les similitudes, est une similitude entre des images.

Justement non. La Raison montre qu'il y a des similitudes qui ne sont pas des similitudes d'images mais des similitudes vraies. Bis repetita : proximité des choses dans un continuum de choses.
Miam a écrit :Enfin : « et conséquemment, si nous imaginons quelqu’un de semblable à nous affecté de quelque affect, cette imagination exprimera une affection de notre Corps »

Que veut dire « cette imagination exprimera une affection semblable de notre Corps » (haec imaginatio affectionem nostri Corporis ...similem exprimet) ? Seulement ceci, que l’idée imaginaire de l’affect du corps extérieur (l’idée des yeux tristes du nuage) est constituée (selon le couple canonique exprimere-constituere) par l’affection semblable de mon Corps. En effet, l’imagination de la similitude résulte directement du fait que j’ai un visage et que j’ai été affecté de telle sorte que j’ai l’idée de mon visage. Sans cette affection (ou toute autre de mon Corps) il n’y aurait jamais de similitude avec rien. A partir de cette affection, je peux trouver une image ressemblante, et non l’inverse. C’est donc bien l’affection de mon Corps qui constitue la similitude. Mais similitude à quoi ? A l’affect du corps extérieur.

On a alors :
1° Mon affection est exprimée par l’idée de l’affect d’un corps semblable (et elle la constitue).
2° Mon affection est semblable à l’affect imaginé de ce corps.

Que signifie une « affection semblable à un affect ». Cela paraît bizarre. Une affection ou image peut être semblable à une autre image. Mais un affect est bien plus qu’une image… sauf bien sûr si il est imaginé. C’est qu’il ne s’agit pas de l’affect réel du corps extérieur mais de l’affect imaginé. Il ne s’agit pas de la formation ou de la dilution du nuage mais de sa seule ressemblance avec un visage triste (par exemple). L’affect du nuage est imaginé. C’est en réalité une image. C’est l’imagination du conatus du nuage qui peut avoir effectivement un tout autre conatus : « nous imaginons qu’une chose semblable à nous…éprouve quelque affect ». Car seule une image peut ressembler à une autre image ou un affect à un autre affect (ou une idée à une autre idée lorsqu’il s’agit d’idées de l’imagination voir II 40s2).

Que veut dire enfin : « cette imagination » - i.e. mon idée d’un affect d’un corps imaginairement semblable – « exprimera » une affection de mon corps semblable à cet affect ? Cela veut dire que cette imagination affectera l’affection de mon corps (on l’a dit : c’est une image d’image) comme le mode, affection de la Substance, exprime cette Substance. L’imagination de l’affect du corps extérieur affectera l’image de mon Corps semblablement à l’affect imaginé (i.e. le visage triste du nuage). J’aurai donc l’idée de mon visage triste. Cette idée « exprimera » l’image de mon visage semblablement au corps extérieur. (Inversement, comme on l’a vu, l’image de mon visage constitue l’idée de similitude). Enfin, si l’affection est assez forte (car il s’agit également de rapports de force entre puissances comme on le voit plus loin) et son idée non exclue par une autre, je serai affecté de tristesse.

Je trouve tout ceci excessivement compliqué.
Je dirais plus simplement : le mouvement d'un corps A qui se transmet à un corps B, provoque le même affect en A qu'en B si A et B sont similaires, sont de nature proche.
C'est l'imitation. Ton exemple du nuage est ici mal adapté en cela qu'il faut forcer le trait pour penser la similitude entre lui et nous. Regarde l'exemple donné dans la définition de l'émulation : si quelqu'un se brûle, je retire ma main.
Miam a écrit :Tu écris : "A deux choses de même nature appartient une chose commune ou une chose commune fonde une similarité." Ah bon ? Je pensais que deux choses d'une même nature devait nécessairement être une même chose. Ne confonds-tu pas semblable et identique ?

Ben non... Si il y a 2 choses, c'est qu'il n'y en n'a pas qu'une...
Et ta remarque confirme l'impression que j'ai, comme quoi tu n'admets de nature que singulière. Ce dont je parle, c'est justement des natures générales qui s'expriment dans les notions communes et à partir desquelles une dialectique du semblable est possible. Sinon, on est dans les essences singulières et là, rien n'est semblable à rien ( "Différence et répétition" de Deleuze est un sommet sur le sujet ). Il y a des essences singulières et une pensée de ces singularités (Science intuitive) et des notions communes et une pensée de ces communautés (Raison), Cf E5P36 scolie.
L'imitation selon E3P27 me semble simplement l'expression affective d'une communauté de nature : mouvements de foules.
Miam a écrit :Seulement cela me paraît difficile pour la bonne rason qu'on ne trouve à ma connaissance aucune relation simple et explicite, et encore moins d'identité, entre le "semblable" et le "commun" dans les textes spinoziens.

Mon explication a l'avantage de tenir en 3 lignes que je répète :
le mouvement d'un corps A qui se transmet à un corps B, provoque le même affect en A qu'en B si A et B sont similaires, sont de nature proche.
Modifié en dernier par bardamu le 23 janv. 2005, 13:15, modifié 1 fois.

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Messagepar Miam » 22 janv. 2005, 15:16

Cher Bardamu :

Quand je dis : "Il en va de même avec le corps extérieur : mon idée de ce corps n’enveloppe pas sa nature mais son affection semblable à la mienne.", il s'agit de III 27 et non de II 16. Je voulais dire, "lorsque je considère la similitude entre deux corps mon idée de ce corps n'enveloppe pas sa nature mais son affection" et c'est bien ce qu'on lit dans la démonstration de III 27.

"Pourquoi ? Pourquoi n'y aurait-il de similitude qu'imaginable ? " Parce qu'il n'y a similitude qu'entre des images, que ces similitudes soient réelles ou non. Montres-moi dans l'Ethique une similitude qui ne soit pas entre des images ou affections, des affects ou des idées de l'imagination (une occurence dans la constitution des mots).

"En quoi l'ensemble idée-affection est-il un affect ?" Il l'est si on sous-entend le conatus, ce qui me semble évident ici puisqu'on parle d'affects.

"Et ta remarque confirme l'impression que j'ai, comme quoi tu n'admets de nature que singulière." Pas du tout. Seulement ici il s'agit d'une chose de nature semblable. Si la chose était de même nature générale que la mienne, cette chose devrait être un homme. Or, malgré le passage par "aliquem", il est toujours question de choses en général. Je n'ai rien contre l'idée de nature générale si cette notion générale est tirée des notions communes et non d'une image commune. La quatrième partie montre bien que ma nature n'est autre que la nature humaine en ce que l'une constitue l'autre, non en ce que la nature humaine rassemblerait comme une image commune l'ensemble des hommes.

Passer de la vision au toucher ne change rien. Ce qui importe, c'est la différence entre l'imagination, qui est considération des effets, et la constitution de la notion commune qui définit par la cause. Dans cette mesure je considère l'épistémologie spinozienne plus "physiquement" que toi.

Ton explication ne s'appuie jamais sur les textes. Ce n'est rien qu'une lecture subjective si on l'étaie pas en répondant aux difficultés du texte.
D'autre part si le semblable était identique à la notion commune, la quatrième partie n'a plus lieu d'être.

On ne trouve nulle notion commune dans la troisième partie de l’Ethique, bien qu’on y rencontre déjà des hommes semblables. Il faut attendre le milieu de la quatrième partie pour retrouver ces notions avec celles de « commun aux hommes » et de « communauté » où l’on reconnaît les « notions communes à tous les hommes » de II 38c.

Dans III 27 il s’agit de similitude et de transfert affectif en général
En III 29, il y s’agit d’hommes. Comme il y a des « notions communes à tous les hommes », il y a fatalement d’autant plus d’occasion de considérer les similitudes entre les hommes. Mais de la considération de ces similitudes entre les hommes, il résulte l’image commune et notion générale de l’homme dont II 40s montre les causes, et non « la nature humaine, en tant qu’elle est définie par la Raison » de la quatrième partie. Il en résulte bien sûr aussi le transfert affectif selon III 27 d’où suivent l’Ambition, Humanité, la Louange et le Blâme, dans la mesure où l’on a, par hypothèse, considéré ici ce transfert parmi les seuls hommes. C’est une première socialisation, si l’on veut, mais encore totalement imaginaire et passive parce que fondée sur la seule similitude. Rien n’indique que les animaux n’aient pas cette même forme de socialité (hormis le nécessaire changement du terme « Humanité »). Il faut attendre III 53 pour rencontrer l’actif : la puissance active de l’Ame. Quand l’Ame s’imagine elle-même et imagine sa puissance d’agir, elle est joyeuse. Mais ce n’est pas même une joie active (référence à III 11 scolie), et la Louange de III 35s ne vient qu’alimenter ce narcissisme de l’Ame. S’il y a une « nature humaine » à ce niveau, ce ne peut être qu’une idée de l’imagination : une « nature semblable » à l’instar de III 27. Ce n’est pas la vraie nature de l’homme définie par la Raison.

A l’inverse, dans la quatrième partie, on retrouve les notions communes là où on passe de l’utilité propre à l’utilité commune des/aux hommes

Déjà IV 34 scolie se réfère à III 18 et celui-ci au postulat II p5, afin de montrer le besoin des choses extérieures pour conserver notre être. Or II p5 présente ce besoin sous la forme de la digestion ou (ce qui revient au même) de la production. L’utile propre est déjà fondée sur la Raison et les notions communes. Toutefois ce n’est qu’avec le passage à l’utilité commune aux hommes en III 35 que l’on retrouve le commun, la communauté et par conséquent les notions communes.

C’est ce que montre la différence entre d’une part le scolie de IV 18 où l’énoncé : « l’ homme est utile à l’homme » sonne comme une profession de foi et, d’autre part, cette proposition IV 35 : « Les hommes conviennent en nature dans la mesure où les hommes vivent sous la conduite de la Raison ». De cette restriction par la Raison, il en résulte que l’« homme », ici, n’est pas une « image commune » correspondant à l’ensemble des hommes, mais qu’il est défini génétiquement par la Vertu et la Raison, par lesquels il est actif et accomplit sa nature, c’est-à-dire sa puissance. Certes on retourne à la formulation de IV 18 dans le corollaire 2 et le scolie ; mais sans contradiction car : la nature humaine est définie par la Raison (dém – se réfère à II 40S2 par III 26 !) et les « hommes qui vivent sous la conduite de la Raison font nécessairement ce qui est nécessairement bon pour la nature humaine » (se réfère à II 41 !), car ils accomplissent pleinement leur nature d’homme, leur puissance, par la Raison. Défini génétiquement, l’homme est lui-même la puissance constitutive de la nature humaine. Et conséquemment, celle-ci cesse d’être une image commune pour devenir une idée adéquate de l’homme découlant des notions communes à tous les hommes. Le nombre d’occurrences de « commun » dans la quatrième partie en témoigne.
Il résulte de ces deux que :
1° L’homme est doté d’une forme d’existence communautaire active dans la mesure où il vit sous la conduite de la Raison (IV 35).
2° La part de l’homme qui ne vit pas selon la conduite de la Raison n’est toutefois pas privée de toute socialité imaginaire au sens de III 29. Mais elle est privée du « commun » aux hommes qui est cette nature humaine proprement constituées par les notions communes à tous les hommes dans leurs dimensions à la fois affective, physique et productive.

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Messagepar Miam » 22 janv. 2005, 18:47

:) Du reste, Bardamu, quand je parle de "lecture subjective", il ne faut pas le prendre mal. C'est l'impresion que tu donnes parce que tu ne t'appuies pas sur l'analyse des textes. Peut-être s'agit-il d'un manque de temps. Il n'en reste pas moins que je me demande comment tu analyses la démonstration de III 27, l'articulation de la troisième partie et le passage à la quatrième partie en ce qu'elle revient à la notion de "commun". J'explique un minimum ma lecture à travers les textes. Toi non. Aussi ta lecture semble totalement subjective. Si tu décrivais ton analyse de III 27 et ta conception de la dynamique affective des troisièmes et quatrièmes parties, ta lecture ne paraîtrait plus subjective et l'on pourrait alors, peut-être considérer précisément nos divergences. Car si tu es d'accord avec moi quant à l'aspect constitutif de la connaissance comme dans "la vérité du Spinozisme" qui commence avec Popper, je ne comprend plus ta perspective. Celle-ci semble faire de Spinoza un représentationniste ou du moins un "métaphysicien", pour lequel une matière chaotique et confuse est éclairée par des règles épistémiques (les natures simples). C'est un peu le cas chez Popper. Alors il y a effectivement un chaos et puis le cosmos : c'est la canonique image de Dieu soufflant l'esprit dans une matière inerte comme chez Saint-Thomas. Seulement chez Spinoza il n'y a ni chaos ni cosmos. Le monde, c'est-à-dire la matière, est ce qu'il est, et n'a pas besoin de règles épistémiques pour émerger du chaos. C'est cette matière elle-même, en tant que dynamique et autoconstitutive qui produit ces règles. Donc ni chaos ni cosmos... à moins de partager la perspetive d'un Popper... Mais certes cet acosmisme de Spinoza sera un scandale pour beaucoup...
Enfin mon aveu de matérialisme (philosophique s'entend et non moral, bien au contraire!) fera peut-être rappliquer Henrique pour défendre son déisme, histoire de le faire sortir de sa planque... :wink:

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Messagepar bardamu » 22 janv. 2005, 19:23

Miam a écrit :Je voulais dire, "lorsque je considère la similitude entre deux corps mon idée de ce corps n'enveloppe pas sa nature mais son affection" et c'est bien ce qu'on lit dans la démonstration de III 27.

Je ne lis pas ça dans III 27.
Il ne s'agit pas de considérer la similitude entre deux corps, il s'agit de partir de l'hypothèse : 2 corps similaires.
Si donc la nature du corps extérieur est semblable à la nature de notre corps, = Soit 2 corps semblables A et B...
Miam a écrit :"Pourquoi ? Pourquoi n'y aurait-il de similitude qu'imaginable ? " Parce qu'il n'y a similitude qu'entre des images, que ces similitudes soient réelles ou non. Montres-moi dans l'Ethique une similitude qui ne soit pas entre des images ou affections, des affects ou des idées de l'imagination (une occurence dans la constitution des mots).

E1D2 : Une chose est dite finie en son genre quand elle peut être bornée par une autre chose de même nature
E2P13 Lemme 3 Axiome 2 définition : Lorsqu'un certain nombre de corps de même grandeur ou de grandeur différente sont ainsi pressés qu'ils s'appuient les uns sur les autres, ou lorsque, se mouvant d'ailleurs avec des degrés semblables ou divers de rapidité, ils se communiquent leurs mouvements suivant des rapports déterminés, nous disons qu'entre de tels corps il y a union réciproque, et qu'ils constituent dans leur ensemble un seul corps, un individu, qui, par cette union même,
se distingue de tous les autres.
E2P18 scolie : Et de là nous pouvons concevoir avec clarté pourquoi l'âme passe instantanément de la pensée d'une certaine chose à celle d'une autre qui n'a aucune ressemblance avec la première
E3P16 dém. : Ce qu'il y a de semblable entre la chose et l'objet dont il s'agit, l'âme l'a aperçu dans cet objet même (par hypothèse) sous l'impression de la joie ou de la tristesse.
E3P27 dém. : Si donc la nature du corps extérieur est semblable à la nature de notre corps...
E3P27 scholie : c'est l'émulation, laquelle n'est donc que le désir d'une chose produit en nous, parce que nous nous représentons nos semblables animés du même désir. (et autres occurences de "nos semblables")
E3P33 : Quand nous aimons une chose qui nous est semblable,

etc...

Je ne suis pas sur que pour toi "une autre chose de même nature" signifie "semblable".
Les "degrés semblables de vitesse" concernant les corps, me semblent important en relation avec une similitude de nature.
Il y a, rationnellement, de véritables similitudes qui déterminent ce qu'on appelle "nos semblables", les choses de "même nature" et autres relations de proximité.
Miam a écrit :"En quoi l'ensemble idée-affection est-il un affect ?" Il l'est si on sous-entend le conatus, ce qui me semble évident ici puisqu'on parle d'affects.

Même avec le conatus sous-entendu, je ne vois pas trop ce que tu veux dire...
Miam a écrit :"Et ta remarque confirme l'impression que j'ai, comme quoi tu n'admets de nature que singulière." Pas du tout. Seulement ici il s'agit d'une chose de nature semblable. Si la chose était de même nature générale que la mienne, cette chose devrait être un homme. Or, malgré le passage par "aliquem", il est toujours question de choses en général. Je n'ai rien contre l'idée de nature générale si cette notion générale est tirée des notions communes et non d'une image commune. La quatrième partie montre bien que ma nature n'est autre que la nature humaine en ce que l'une constitue l'autre, non en ce que la nature humaine rassemblerait comme une image commune l'ensemble des hommes.

Certes les natures générales en tant que concept sont tirées des notions communes et elles correspondent à des similitudes, à des points communs.
Mais pour moi, la similitude se dit selon tel ou tel point et non pas selon une sorte d'essence générique. Une chose peut être de nature semblable à nous sans être un homme : tous les corps matériels sont de nature semblable du point de vue matériel.
Notre semblable l'est selon divers ordres, selon divers mode d'existence : matériel, chimique, animal, prédateur etc... Nous sommes similaires aux requins en tant que nous mangeons de la viande.
Et "Tout affect d'un individu quelconque diffère de l'affect d'un autre individu autant que l'essence du premier diffère de celle du second."
Miam a écrit :Passer de la vision au toucher ne change rien. Ce qui importe, c'est la différence entre l'imagination, qui est considération des effets, et la constitution de la notion commune qui définit par la cause. Dans cette mesure je considère l'épistémologie spinozienne plus "physiquement" que toi.

Mais, à moins que je ne t'ai mal compris, tu mets l'imagination, une relation de connaissance effective, comme cause de la notion de similitude, alors que je mets un fait "physique", une relation essentielle au continuum des choses, comme cause.
La similitude existe non seulement par l'imagination mais aussi par la Raison et la Science Intuitive parce qu'elle existe en vérité.
Miam a écrit :Ton explication ne s'appuie jamais sur les textes. Ce n'est rien qu'une lecture subjective si on l'étaie pas en répondant aux difficultés du texte.

Je m'appuies sur les idées. Spinoza n'était pas assez soucieux du langage pour qu'on puisse se permettre d'en rester aux mots, ces simples auxiliaires de l'imagination.
Selon moi, la cohérence conceptuelle éclaire bien mieux les choses qu'une recherche lexicographique sur le nombre d'occurence du mot "semblable". Et le continuum des choses, la notion de Substance infiniment modifiée, implique des proximités essentielles, des similitudes. Ceci est renforcé par son ontologie de l'individu, son mode de constitution. Une fois ces idées vraies établies, il ne s'agit que de discussions sur le vocabulaire ou le style de Spinoza, sa préférence pour tel ou tel mot.
Miam a écrit :D'autre part si le semblable était identique à la notion commune, la quatrième partie n'a plus lieu d'être.

Le semblable n'est pas plus identique à la notion commune que le différent n'est identique à l'essence singulière. Le semblable est la condition pour une détermination du commun, comme le différent est la condition pour une détermination du singulier.
Miam a écrit :On ne trouve nulle notion commune dans la troisième partie de l’Ethique, bien qu’on y rencontre déjà des hommes semblables. Il faut attendre le milieu de la quatrième partie pour retrouver ces notions avec celles de « commun aux hommes » et de « communauté » où l’on reconnaît les « notions communes à tous les hommes » de II 38c.

Toute la troisième partie n'est-elle pas une déclinaison de notions communes aux hommes ?
Etonnement, Amour, Mépris, Chatouillement, Emulation, Cruauté... ne sont-elles pas des notions communes ?

Préface Partie 3 : Les affects donc de la haine, de la colère, de l'envie, etc., considérées en elles-mêmes, suivent de la même nécessité et de la même vertu de la Nature que les autres choses singulières ; en conséquence, elles reconnaissent certaines causes, par où elles sont clairement connues, et ont certaines propriétés aussi dignes de connaissance que les propriétés d'une autre chose quelconque, dont la sule considération nous donne du plaisir. Je traiterai donc de la nature des affects et de leurs forces, du pouvoir du Mental sur elles, suivant la même méthode que dans les parties précédentes de Dieu et du Mental, et je considérerai les actions et les appétits humains comme s'il était question de lignes, de surfaces et de solides.

E5P37 scolie : (...)combien vaut la connaissance des choses singulières que j'ai appelée intuitive ou connaissance du 3e genre et combien elle l'emporte sur la connaissance par les notions communes que j'ai dit être celle du 2e genre. Bien que j'aie montré en général dans la 1ère Partie que etc.

Toute l'Ethique est sous le régime des notions communes et c'est par l'expérience individuelle seulement qu'on entre dans la connaissance du 3e genre.

Miam a écrit :C’est une première socialisation, si l’on veut, mais encore totalement imaginaire et passive parce que fondée sur la seule similitude. Rien n’indique que les animaux n’aient pas cette même forme de socialité (hormis le nécessaire changement du terme « Humanité »).

Tout indique en effet que les animaux ont aussi cette forme de socialisation, l'imitation.
Miam a écrit :(...)Et conséquemment, celle-ci cesse d’être une image commune pour devenir une idée adéquate de l’homme découlant des notions communes à tous les hommes. Le nombre d’occurrences de « commun » dans la quatrième partie en témoigne.
Il résulte de ces deux que :
1° L’homme est doté d’une forme d’existence communautaire active dans la mesure où il vit sous la conduite de la Raison (IV 35).
2° La part de l’homme qui ne vit pas selon la conduite de la Raison n’est toutefois pas privée de toute socialité imaginaire au sens de III 29. Mais elle est privée du « commun » aux hommes qui est cette nature humaine proprement constituées par les notions communes à tous les hommes dans leurs dimensions à la fois affective, physique et productive.

A+

Je crois que je commence à comprendre ce que tu veux dire.
Selon moi, tu identifies trop fortement "imaginaire" à "passif", d'où le refus d'y relier les notions communes.
Il y a pourtant une socialité active introduite par III 27 bien que chaque individu soit passif dans son imitation de l'autre. Le commun est déjà dans l'imaginaire, la notion commune n'est que son activation dans l'âme raisonnable.
Si les êtres déraisonables étaient privés du commun, il n'y aurait ni troupeau de mouton, ni vol d'étourneaux, ni ban de sardines, ni bandes de supporters... Il n'y aurait pas non plus de cristallisation, de polymérisation, de gravitation et tout autre constitutions de groupes dûes à des similitudes de nature, de réactivité.

La Raison demande qu'on se reconnaisse comme membre d'une communauté pour faire de cet affect passif un mouvement actif. Ce qui n'était qu'instinct de troupeau devient action sociale pour le semblable.
L'éthique n'est ainsi pas l'affirmation de soi au mépris de l'autre mais l'affirmation de soi comme n'étant pas un Empire dans un Empire, comme étant membre de diverses sociétés de semblables, du club de bridge local au cosmos des êtres énergétiques.

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Messagepar bardamu » 22 janv. 2005, 19:42

Miam a écrit ::Celle-ci semble faire de Spinoza un représentationniste ou du moins un "métaphysicien", pour lequel une matière chaotique et confuse est éclairée par des règles épistémiques (les natures simples). C'est un peu le cas chez Popper. Alors il y a effectivement un chaos et puis le cosmos : c'est la canonique image de Dieu soufflant l'esprit dans une matière inerte comme chez Saint-Thomas. Seulement chez Spinoza il n'y a ni chaos ni cosmos. Le monde, c'est-à-dire la matière, est ce qu'il est, et n'a pas besoin de règles épistémiques pour émerger du chaos. C'est cette matière elle-même, en tant que dynamique et autoconstitutive qui produit ces règles. Donc ni chaos ni cosmos... à moins de partager la perspetive d'un Popper... Mais certes cet acosmisme de Spinoza sera un scandale pour beaucoup...
Enfin mon aveu de matérialisme (philosophique s'entend et non moral, bien au contraire!) fera peut-être rappliquer Henrique pour défendre son déisme, histoire de le faire sortir de sa planque... :wink:

Je vois bien ta problématique alors je précise ma position.
Il s'agit d'établir les relations entre l'Un et le Multiple, entre le semblable et le divers, entre le chaos et le cosmos. Je considère qu'il s'agit de 2 pôles d'expression d'un être qui n'est ni l'un ni l'autre.
Donc, quand on tend trop vers le différent et le chaos, je pense que ça ne marche pas. Quand on tend trop vers le semblable et le cosmos, ça ne marche pas non plus.
Tu dis "acosmique" mais c'est nier l'existence d'un cosmos évident.
Je préfère dire qu'il y a un chaos-cosmos qui n'est ni l'un ni l'autre mais conduit à l'une et l'autre représentation. Ce chaos-cosmos agit dans le 1er genre de connaissance où on trouve donc les 2 pôles, il y a le 2nd genre de connaissance qui permet d'appréhender au mieux le pôle "cosmos" par les notions communes, et le 3e genre de connaissance qui permet d'appréhender au mieux le pôle "chaos" par la connaissance du singulier.
Il n'y a alors rien à rejeter dans les connaissances abstraites, les maths, les représentations artisitiques, les fictions, rien à rejeter chez les religions, St Thomas ou autre, dès lors qu'on est en mesure de positionner leur savoir par rapport à un être univoque qui s'affirme aussi en eux.
Une nouvelle référence à Deleuze (et Guattari) : dans "Qu'est-ce que la philosophie ?" ils parlent de chaosmos et le terme me plait bien.

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Messagepar Miam » 23 janv. 2005, 12:24

Bon. Laissons tomber l'acosmisme, ce n'est pas le sujet et on eut y revenir plus tard.

Pour répondre à une de tes questions que j’ai oubliée hier, Bardamu : pourquoi la composition de rapports de mouvement est-elle inimaginable ? Parce que les notions communes sont constituées infinitairement et que l’infini est inimaginable. On peut certes comparer un infini plus grand et un plus petit comme dans la lettre XII. Seulement dans le cas des notions communes il ne s’agit pas de comparaison de grandeur qui suppose des auxiliaires de l’imagination mais bien de « similitude » entre ces deux infinis. Et cette similitude est inimaginable parce que chaque « pendule » est infiniment composé. Donc, selon moi, il ne s’agit pas d’une similitude et l’expression de Deleuze est maladroite. Bien sûr tu peux nier la constitution infinitaire de l’idée. Mais alors où se trouve l’infini dans l’épistémologie spinozienne ? L’infini serait confiné dans la nature naturante face à un monde fini, et cela n’est plus du Spinoza, mais une pensée de la transcendance. C’est pourtant toi qui a introduit les fractales. Et je suppose que ce n’est pas seulement par analogie avec la constitution infinitaire de la nature naturante. Imagines alors mon étonnement de te voir exclure l’infini épistémologique ! Je répète que je ne conteste pas le rôle de l’imagination et de la similitude dans la constitution des convenances vers les affects actifs. Mais ce rôle n’est pas immédiat et n’apparaît clairement qu’après la proposition 34 de la quatrième partie et, partant, la constitution politique de la communauté.


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