Faut-il parler le spinozien pour comprendre l'Ethique ?

Questions et débats touchant à la nature et aux limites de la connaissance (gnoséologie et épistémologie) dans le cadre de la philosophie spinoziste.
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Re: Faut-il parler le spinozien pour comprendre l'Ethique ?

Messagepar NaOh » 13 janv. 2016, 18:10

Je n'ai malheureusement pas le temps de répondre comme il se doit à votre intervention pertinente. Disons pour parler brièvement que la joie HUMAINE suppose la perception d'un bien.

Pour que l'HOMME se réjouisse d'appartenir à une nature nécessaire laquelle en tant que telle n'est ni bonne ni mauvaise, il faut qu' il se réjouisse d'autre chose que d'un bien au sens courant et habituel de ce terme. D'où le caractère difficile psychologiquement de la plus haute des joies selon Spinoza. Mais ce problème n'est pas sans solution je crois. Car si tout est nécessaire mon existence l'est aussi. Je peux me trouver heureux de penser à ceci.

Mon existence est par définition un bien pour moi et m'apercevoir qu' elle est nécessaire DONC éternelle peut être source de satisfaction. Mais ce n'est pas une satisfaction des plus commodes et faciles a obtenir. Je pense qu' elle suppose une sorte d'ascèse notamment eu égard aux joies que nous éprouvons à la possession de biens périssables.
Modifié en dernier par NaOh le 14 janv. 2016, 11:29, modifié 1 fois.

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Re: Faut-il parler le spinozien pour comprendre l'Ethique ?

Messagepar Vanleers » 14 janv. 2016, 11:01

A NaOh

Vous écrivez :

« Pour que l'HOMME se réjouisse d'appartenir à une nature nécessaire laquelle en tant que telle n'est ni bonne ni mauvaise, il faut qu'il se réjouisse d'autre chose que d'un bien au sens courant et habituel de ce terme. »

« appartenir à une nature nécessaire » : on peut préciser.
Le principe de la Substance unique conduit à considérer toute chose comme un mode de la Substance, une manière d’être, ou, mieux encore, une manière de l’Être soit, en langage spinozien, une manière de Dieu. Autrement dit, Spinoza vide l’homme de sa substance, c’est pourquoi son éthique est radicale. Reconnaître son statut ontologique d’être modal et non substantiel est nécessaire pour entrer dans la joie de Dieu.
La Nature n’est peut-être ni bonne ni mauvaise mais, ce que révèle l’Ethique, elle est en joie. Je dirai donc que lorsqu’un homme se réjouit d’être, c’est Dieu, non en tant qu’il est infini mais en tant qu’il s’explique par cet homme, qui se réjouit de sa perfection.
L’ascèse dont vous parlez à la fin de votre post, je la vois comme un consentement à notre statut d’êtres modaux. C’est la raison qui le comprend et cela n’a rien de triste mais, au contraire, de joyeux et de libérateur.

Bien à vous

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Re: Faut-il parler le spinozien pour comprendre l'Ethique ?

Messagepar NaOh » 14 janv. 2016, 11:41

Vanleers,

Si l'on se réfère à l'introduction du Traité de la Réforme, l'ascèse dont je parlais n'est pas spécialement triste. Elle est peut être désabusée en revanche concernant ce qui nous procure du plaisir pour l'ordinaire. Il y a également une dimension de pari. Est-ce que le plaisir que nous avons à comprendre, est ce que ce plaisir intellectuel, est suffisamment fort pour que nous ne soyons plus uniquement orientés sur les joies de la chair, de la réputation et du confort matériel. Spinoza dit que oui, mais il témoigne aussi des difficultés qu'il traverse pour accéder à cette joie plus stable. Et je ne pense pas que cela soit uniquement un procédé rhétorique.

Bien à vous.

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Re: Faut-il parler le spinozien pour comprendre l'Ethique ?

Messagepar Vanleers » 15 janv. 2016, 09:46

A NaOh

Vous vous référez au prologue du TRE dans lequel Spinoza fait allusion à la crise qu’il a traversée, en termes parfois dramatiques, se comparant à « un malade souffrant d’une maladie mortelle ».
Mais la crise a été surmontée et les biens qui lui étaient apparus comme très décevants dans un premier temps ont trouvé ensuite leur juste place :

« […] surtout lorsque j’eus vu que l’acquisition de l’argent, ou la lubricité et la gloire, nuisent aussi longtemps qu’on les recherche pour elles-mêmes et non comme des moyens pour d’autres choses, tandis que si on les recherche comme des moyens, alors elles auront mesure, et nuiront très peu ; au contraire, elles contribueront beaucoup à la fin pour laquelle elles sont recherchées, comme nous le montrerons en son lieu ». (§ 11 – traduction Pautrat)

J’irais même jusqu’à dire que, dans un premier temps, Spinoza a été victime de son imagination. Il s’est posé des questions « à hauteur d’homme », c’est-à-dire à hauteur de son imagination, connaissance du premier genre « unique cause de fausseté » (E II 41). Mais il s’est repris, a recadré sa problématique et posé, cette fois les bonnes questions, ce qui a fait disparaître le côté dramatique de la situation.

Il lui est apparu alors que les « joies de la chair, de la réputation et du confort matériel » n’étaient pas un obstacle à l’accession à « une joie plus stable », au contraire.

Bien à vous

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Re: Faut-il parler le spinozien pour comprendre l'Ethique ?

Messagepar NaOh » 15 janv. 2016, 11:58

Vanleers,

J'avais pris soin de préciser que c'était si nous étions uniquement orientés sur ces sortes de joies,que l'accès à la joie qui réside dans la culture de l' intellect nous était barré. Et c'est chemin faisant,en réfléchissant sur le souverain bien et sur la vanité des biens humains, que Spinoza s'aperçoit que réfléchir procure de la joie. De façon immanente il fallait une expérience de la déception ou de l' insatisfaction pour sortir de l' intérêt exclusif pour ces biens. Mais il est bien entendu possible d'y revenir ensuite, une fois que nous avons compris ce en quoi consiste vraiment notre bien.

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Re: Faut-il parler le spinozien pour comprendre l'Ethique ?

Messagepar NaOh » 15 janv. 2016, 18:02

Vanleers,

Vous me direz si je me trompe, mais ce débat ressemble à un faux problème. Vous vous placez, pour reprendre et transposer une distinction célèbre en philosophie des sciences, dans le "contexte de la justification", moi je me place dans le "contexte de la découverte". Je ne sais pas si vous me comprenez (si la distinction en question vous dit quelque chose)...

Bien à vous.

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Re: Faut-il parler le spinozien pour comprendre l'Ethique ?

Messagepar Vanleers » 15 janv. 2016, 20:14

A NaOh

Vous évoquez une distinction qui a cours dans les sciences et je ne sais pas si elle s’applique à notre débat.
Quoi qu’il en soit, je vous propose de l’arrêter ici et de le reprendre sur un autre fil car nous ne sommes plus dans le sujet depuis un certain temps.
Je réfléchis au titre d’un nouveau fil. Peut-être « Comment Bento est-il devenu Spinoza ? », pour reprendre une expression de Pautrat dans sa présentation du TRE.

Bien à vous

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Re: Faut-il parler le spinozien pour comprendre l'Ethique ?

Messagepar NaOh » 15 janv. 2016, 21:20

Vanleers,

Oui faites donc. Ce serait peut être pour moi l'occasion d'éclaircir un point obscur du Traité (parmi d'autres): comment concrètement devient-on spinoziste?

Bien à vous.


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